GODF Loge : Fraternité Cauchoise Date : NC
Note de l'Auteur : Cette planche est la troisième d'une suite de trois Travaux : Le Silence, La Tolérance et La Fraternité.

La Fraternité

 
J’ai apprécié pendant et après la tenue, la chaleur, l’amitié, la joie sincère d’accueillir un nouveau maillon.

Je vous remercie encore d’avoir permis qu’avec vous, je puisse grandir encore et autrement. Ce sont les dernières phrases de mon compte rendu d’initiation du 9 septembre 2005.
Je ne pensais pas à cette époque, les reprendre pour les inclure dans une planche, mais cela s’est imposé naturellement puisque, je le sais un peu mieux aujourd’hui, si tous les hommes sont des frères, l’initiation sépare le franc maçon du profane. Ce sont nos différences d’identités confessionnelles, politiques, sociales qui nous unissent et construisent notre fraternelle richesse.
Gotthold Ephraïm Lessing reproche d’ailleurs avec véhémence et lucidité à ses frères dans « Dialogues pour des francs maçons » en 1780 de:
« N’admettre comme frère que des hommes qu’ils reconnaissent comme pairs hors du temple dans le monde profane »

Trop de « fraternelles » encore aujourd’hui répondent à cette critique ou se confond confraternité et fraternité, donnant un aspect réducteur à l’universalité maçonnique.
La fraternité, elle a vocation a être vraiment universelle, à englober l’humanité dans sa totalité (l’espèce humaine) et la fraternité proprement maçonnique, née de l’initiation a vocation à faire de tout être humain, initié en puissance un frère ou une soeur.
D’après le mot latin fraternitas, frater signifie frère, la fraternité est selon Antoine Furetière :
« L’intelligence, l’union entre deux frères deux amis, deux compagnies. Fraterniser signifie vivre en frères, s’aimer en frères, vivre en bonne intelligence »

On relève dans des manuscrits, ainsi que dans d’autres textes fondateurs, l’étroite association de l’usage de la langue et de la fraternité.
Je n’en retiendrais qu’une qui semble suffisamment explicite:
Dans le manuscrit Wilkinson de 1727 :
« La langue de bonne réputation est celle qui parle de la même façon derrière un frère et devant lui »

La « mauvaise réputation » de Brassens n’a pas normalement cours dans la franc maçonnerie même si parfois, c’est la franc maçonnerie tout entière qui en souffre.

Béranger, le chansonnier 1780-1857, à cheval sur le 18ème et 19ème siècle, écrivait à un correspondant :
« Quoique je sois complément étranger à la maçonnerie, je n’en applaudis pas moins Monsieur, à l’union pacifique que vous prêchez très bien: faire une propagande de fraternité, c’est servir à la fois la patrie et l’humanité »
Cette définition superbe de la franc maçonnerie et de la fraternité ne doit pas nous faire oublier les jugements très durs de Montesquieu envers les noirs, et le profit qu’en tirait Voltaire en tant qu’actionnaire du commerce triangulaire. Seuls Condorcet, Brissot, Saint Georges condamnent l’esclavage sans ambiguité.
Cela montre que dans certaines périodes de notre histoire, la fraternité universelle voulue par la franc maçonnerie n’a pas été d’un grand secours y compris les frères dénoncés, emprisonnés et morts en déportation pendant l’occupation, avec tous ceux qui, résistants, juifs, communistes, tziganes, homosexuels étaient tous frères devant la barbarie nazie.
Déportés, des frères reconstitueront des loges dans les camps de concentration, comme à Buchenwald, en Allemagne.

Peut on, aujourd’hui, imaginer dans les conditions inhumaines de détention, le chuchotement du texte de la chaîne d’union et son écho dans la situation vécue par nos frères.
« Cette chaîne nous unit en dehors de l’espace et du temps, le monde des apparences tient nos corps prisonniers dans ce temple où nos bras sont enlacés, mais nos esprits sont libres au-delà des murs, au-delà des frontières et au-delà des mers.
Minuit vient de sonner, frères visibles ou invisibles, présents par le corps ou par la pensée, nous veillerons ensemble sur le sommeil des hommes pour finir par:
Dans un monde où règne la matière, la force et le mensonge, faisons le serment de maintenir lumineuse et droite la flamme de l’amour unique et de l’esprit humain.
Quittons cette chaîne, mes frères et que nos coeurs restent unis »
Quelle devait être belle cette chaîne d’union, maintenant, malgré les souffrances, la pérennité de la fraternité qui devrait régner sur terre.

Comme le poème de Paul Fort :
« Alors, on pourrait faire une ronde autour du monde «
« Si tous les gars du monde voulaient se donner la main »

Ne sombrons pas évidemment dans un angélisme béat car comme l’écrivait Blaise Pascal « qui veut faire l’ange, fait la bête » on peut connaître des véritables amitiés hors de la maçonnerie.

Il n’en est pas moins vrai que la fraternité maçonnique n’est pas une fraternité imposée, mais une fraternité choisie, reposant sur le partage de valeurs communes et la croyance en un même idéal humaniste.
On ne peut traiter de la fraternité, sans évoquer en loge, ce rite de la chaîne d’union, par la signification de la main tenue, réunis sont les frères, c’est le symbole humain de la truelle, chaque main étant à la fois l’outil et la main qui le prolonge le ciment et le lien qui scelle et favorise l’union des pierres entre elles.

Le nouvel initié qui y prend sa place, peut saisir très concrètement la rupture avec l’égoïsme, l’individualisme de notre époque et devient maillon d’une chaîne éternelle. Cette chaîne d’union se prolonge en actes de solidarités entre frères et soulagement
des familles des initiés quand cela est un besoin.
Elle clôture les tenues, permet aux nouveaux initiés de comprendre , ressentir, d’apprendre la fraternité qui se prolonge en salle humide avec les agapes; mettre la table, faire la vaisselle, nous sommes aussi pour ça frères et égaux, pour finir par une provocation, ce qui est inhabituel chez moi, notre loge n’étant pas mixte, si nous sommes sauvés de la sororité, nous sommes bien obligés, hélas! De nous y coller!

J’ai dit Vénérable Maître

J\M\ T\

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