GLDF | Revue : Points de Vue Initiatiques | 4T/1977 |
Au sujet de cet article, un F a fait parvenir ce texte à l'Edifice. Ce qui attire mon attention dans ce tableau, c’est la direction de son doigt. Il nous indique le chemin à suivre (le chakra thyroïdien – la pomme d’Adam, qui avec un « Mem », devient « Madame »). Le Mem correspond à la treizième lame du tarot, soit, à la seconde mort, ou mort du Vieil Homme, qui ouvre la prise de conscience du Maître Intérieur. Ce qui a attiré mon attention dans le texte, c’est le mot « I-O-N-A » (Youd-Hè-Noun-Alpeh), à mettre en parallèle avec le « YONI », de l’hindouisme. Si l’on remplace le « Youd » par le « Aleph », on passe de Jean le Baptiste, à Jean l’Evangéliste. On retrouve le même symbolisme dans la Tradition hébraïque. L’Homme pré-adamique s’appelait « ISH » (Youd + Shin) ; la femme pré-adamique s’appelait « ISHA » (Youd + Shin + Alpeh). Elle fait le « Huit » des Templiers. (par l’Ouroboros). Shin est le trait d’union entre le Youd (colonne Jakin, descendante), et le Aleph (colonne Boaz, remontante). Ma question était donc : « comment permettre à notre conscience de passer de « ISH » à « ISHA » ? Par l’initiation ionienne, bien sûr, mais, qui délivre, aujourd’hui, en Occident, l’intégralité de cette Voie ? (perdue par les Occidentaux, selon René Guénon). Ce qui à mon avis est faux, puisque cette Voie est, par excellence, celle de Saint Jean : « Le Verbe s’est fait Chair, mais les hommes ne l’ont pas reconnu ». Nous allons le « reconnaître » grâce à la Parousie. Il me semble que la Maçonnerie authentique a son rôle à jouer dans cette « re-co-naissance », qui correspond à celle de la « re-naissance d’Hiram ». (Tant attendue). |
Saint Jean d’Eté Pour tenter
d'approcher la figure rayonnante de celui que tous les Francs-Maçons
traditionnels du monde honorent à cette époque — et cela après tant d'autres
plus éminents, plus qualifiés que moi — j'ai fait appel à la voie intime, la
plus proche du cœur, celle de l'art. J'ai tenté de voir
Jean le Baptiste à travers les peintures et les statues, les icônes et les
vitraux qui, dans le monde chrétien, ont été dédiés au Précurseur. Et puis
aussi à travers la tradition populaire, à travers la légende car l'une et
l'autre sont souvent porteuses de messages secrets, venus de la nuit des Temps,
et qui s'éclairent à la lueur de la science sacrée. Si quelquefois le
Baptiste est vêtu d'une robe de couleur rouge — le rappel de son martyre, lui
qui, né six mois avant Jésus au solstice d'été périt comme Jésus de la main des
hommes à 33 ans - le plus souvent tous les artistes l'ont représenté ceint
d'une peau de bête, de bélier, d'agneau ou de chameau. Or le Bélier est
symbolisé par la lettre Gamma et en hébreu chameau se dit « Ghimmel », image de
la lettre « G » que le compagnon apprend à discerner au coeur de l'étoile. Dans l'église
Saint-Jean de Latran à Rome on peut voir une splendide statue en argent massif,
entourée de sept cerfs, également en argent, images des sept dons de
l'Esprit-Saint du Baptême et préfiguration des sept Maîtres-maçons qui dans
une Loge de Saint-Jean sont requis pour accueillir l'initié. A Sainte-Marie aux
Fonts de Liège on voit le Précurseur baptiser le philosophe Craton dans une
cuve qui repose sur 12 bœufs, images à la foi des Prophètes et des Apôtres. Ici
nous avons, réunis par le symbolisme, l'Ancienne et la Nouvelle loi, l'ancien
et le nouveau monde. A Saint-Rémy de
Reims il existe un vitrail « unique » car le Précurseur et l'Evangéliste ne
font qu'une et même personne et au-dessus de la tête de ce Jean « unifié », de
ce Janus chrétien, flamboient deux tournesols, images des solstices, tournant
bien sûr en sens opposé. Quelle plus simple et quelle plus belle figuration de
ceux qui détiennent la clef des portes de la délivrance, opposés à Pierre dont
la clef ouvre la porte du salut. Car si les religions mènent au salut,
l'initiation, elle, a toujours et partout promis de conduire les élus sur le
chemin de la délivrance. L'union du Baptiste
et de l'Evangéliste n'est nulle part mieux figurée à cet égard que dans la
cathédrale d'Heracleion en Crête, où l'on voit deux Jean exactement semblables,
vêtus tous deux de la même peau de bête, mais le premier, le Baptiste tenant sa
tête sur un plateau tandis que le second, l'Evangéliste porte en sa main gauche
le Livre et en sa main droite le bâton du Baptiste. Sans le bâton du Précurseur
point de Livre et sans son sacrifice la voix aurait clamé en vain dans le désert. Et puis il y a
l'admirable tableau de Léonard, le sourire mystérieux du saint Jean de
Léonard. Dans « La Vierge aux rochers » le grand peintre initié marque bien la
priorité de Jean sur Jésus jusqu'au baptême et l'on y voit le Nazaréen recevoir
la bénédiction de Jean, en position de néophyte, un genou en terre. Dans « La
Vierge à la source » le même Jésus reçoit le baiser initiatique sur les lèvres.
Alors la colombe, l'esprit du démiurge — car Jean, ne l'oublions pas, est
l'homme du Démiurge ce qui l'a fait rejeter des cathares (« quod non fuit homo
carnalis, disaient-ils, parce qu'il ne fut pas homme de chair) et c'est ce qui
nous distingue radicalement de la philosophie cathare à laquelle trop souvent
avec quelque hâte et quelques inconsidérations on a voulu nous raccrocher —
alors, la colombe descend en Jésus. C'est le moment où le Christ cosmique, le
Verbe solaire prend possession de l'initié longuement préparé, et qui a reçu la
grande purification par l'eau. Dès lors le grand jeu est accompli, l'initié
consent à mourir pour incarner l'être sublime. Or la colombe est
lonah, l'éternel féminin céleste, IONAH où sont les lettres, capitales pour les
gnostiques, de I, O et A, dont le nombre est 81, manifestation de la Trinité.
Et Jean se rattache précisément en grec à la racine ion qui a donné son nom à
l'Ionie. Et puis, mieux encore : au nord-ouest de 'I'Ecosse, il existe une
petit île évangélisée par Colomban lui-même et qui est considérée comme le
berceau de la chrétienté nordique. Son nom est lona et les deux saints Jean y
possèdent depuis le Xe siècle chacun leur croix. Mais
approfondissons, si vous le voulez bien, le sens caché du Baptiste, lié aux
deux éléments de l'eau et du feu. Contrairement aux Esséniens dont pourtant il
était très proche — nous dirions aujourd'hui qu'il était dans la « mouvance »
de l'essénisme — Jean baptisait dans l'eau vive, cette eau dont on retrouve le
signe sous forme de traits ondulés dans toutes les sculptures mégalithiques.
Cette eau qui régénère et recrée l'être. Celui qui naît de l'eau devient « fils
de la Vierge » et donc frère du Christ et cohéritier du royaume de Dieu, comme
le soulignait René Guénon. Il est inutile d'insister sur l'importance de l'eau
qui émane des profondeurs de la Mère et à quel point les ablutions rituelles
ont compté et comptent dans toutes les initiations, tous les cultes
ésotériques. Le brahmane s'immerge trois fois par jour. A Delphes les pèlerins
se baignaient dans la fontaine Castalie. Pratiquement toutes les initiations
connaissent la présence de l'eau. Mais l'eau et le
feu sont intimement liés ; l'aigle, oiseau du feu, n'est-il pas né de l'eau
?... Et c'est pourquoi le Baptiste est aussi associé au feu. Il est « la
lumière ardente et brillante » qui annonce la « lumière intellectuelle pleine
d'amour » dont parlait Dante. Il est l'âme de ces feux du solstice que, suivant
la tradition millénaire, les Maçons de la Grande Loge de France allumeront ce
soir sur la colline de Presles. Les bûchers de la
Saint-Jean doivent être faits de sept essences sacrées (chêne, hêtre, pin,
frêne, bouleau, orme et tremble). Dans la tradition celtique, le bûcher était
entouré de neuf pierres qui recevaient le nom de cercle de feu. Jeunes gens et
jeunes filles devaient en faire trois fois neuf tours (le chiffre 27 qui parlera
à certains d'entre vous comme le chiffre 81 cité tout à l'heure) les jeunes
gens porteurs de torches et les jeunes filles tenant une baguette d'orpin à la
main. Et les garçons devaient balancer neuf fois les filles au-dessus du feu en
criant « An nao » selon un très vieux rite de fécondation de la terre. Les
tiges qui avaient été passées ainsi dans les flammes, les filles les
suspendaient aux poutres de leur maison, afin que, sans terre et sans eau,
elles puissent croître et fleurir. On retrouve aussi ces vestiges de l'antique
culte solaire et solsticial dans l'herbe de la Saint-Jean qui, dit-on, passée
par le feu, et posée sur la face, peut donner la clairvoyance, fortifier la
vue... Dans le Morbihan il n'y a pas si longtemps encore on amenait le bétail
autour des feux rituels afin de le préserver de la maladie et des loups. Faut-il ajouter que
dans le nom de Jean : Jehoh Hanan il y a Jehoh qui est le nom du soleil et il y
a Hanan qui signifie bienveillance, merci, miséricorde. Les deux saints Jean
entourent ainsi le Soleil de Justice et aux points de tangence ils se
confondent à lui éternellement. Mais il y a encore
autre chose. Au Solstice d'été, le soleil entre dans le signe du Cancer,
domicile de la Lune, luminaire de la colonne Boaz. Or la lune est la planète de
la Mémoire. N'est-il point étrange que le nom de Jean-Baptiste a permis à son
père de retrouver l'usage de la parole qu'il avait perdue ? Alors si nous
connaissons » Jean, saurons-nous, nous aussi, retrouver la parole que nous
avons perdue ?... Peut-être, mes Frères, devrions- nous méditer sur cet
enseignement, un peu méconnu, du Précurseur... Un autre
enseignement du Baptiste est très important pour nous. Le premier il a rompu
d'une certaine manière les secrets de la secte de Qumran en baptisant qui
venait à lui dans le désert — pourvu qu'il ait le cœur pur et une soif ardente.
Ce pas vers l'égalité — et l'eau n'est-elle pas aussi l'expression vivante du
niveau ? — était un acte d'amour... impardonnable. D'où la haine suscitée
contre Jean et la même haine plus tard contre Jésus qui élargira encore
l'égalité voulue pas le Baptiste et prophétisée par Esaïe lorsqu'il disait : «
Aplanissez les sentiers, toute colline et toute montagne seront abaissées ». Mais oublions, si
vous le voulez bien, tous ces enseignements, toutes ces richesses symboliques
de Jean le Baptiste, de Jean fait d'eau et de feu, de Jean qui est au début et
à la fin de toutes choses. Et nous qui nous proclamions jusqu'en 1440 « Frères
de Jean », nous qui appartenons encore et pour toujours à la Loge de
Saint-Jean, essayons pour conclure de comprendre, en notre temps et dans ce
lieu, la leçon éternelle du Baptiste. *
* * Souvenez-vous.
C'était la voix clamant dans le désert et c'était le coq qui devait éveiller
les hommes et leur promettre l'aube nouvelle, l'oiseau de Mercure-Hermès,
patron des alchimistes, le coq que nous retrouverons au sein du cabinet de
réflexion et qui représente aussi bien la fin de l'ceuvre au rouge que le côté
pénitentiel, sacrificiel de Jean. Or cette voix clamant dans le désert n'est-ce
pas celle de maints initiés qui tentent en vain d'éveiller les hommes, n'est-ce
pas celle des Maçons qui, de par le monde, s'épuiseront toujours, jusqu'à leur
dernier souffle, à leur apporter une part de la vérité qu'ils ont entr'aperçue,
de la Lumière qui, un jour de grâce, les a éclairés jusqu'au tréfonds de leur
âme ?... Quel exemple aussi
pour nous, mes Frères, que celui de l'humilité et de l'effacement du Baptiste,
qui ne travaille pas pour lui mais « pour celui qui doit venir »... N'est-ce
pas en effet toujours, à l'image de nos Frères du Temple — non nobis Domine,
non nobis... — non pour nous-même que nous travaillons, que nous œuvrons, mais
pour ceux qui demain prendront notre place ?... Pour que nos Frères de demain
soient plus forts, mieux armés, plus rayonnants que nous. Car notre oeuvre,
comme celle du Baptiste, n'est jamais terminée. Car l'initiation, à un certain
degré, est aussi collective et elle doit aboutir à la transformation spirituelle
de l'Humanité à l'image de la transfiguration sacrificielle du « Serpent vert »
qui, nous apprend notre Frère Goethe, se métamorphose en un amoncellement de
pierres précieuses... Car il est toujours
une heure, un jour où, sur le chemin rude de l'homme, le dépouillement doit
venir. Une fois le Verbe solaire descendu dans Jésus, Jean pouvait bien mourir.
Et nous-même devons-nous nous souvenir qu'il vient toujours après nous quelqu'un
qui nous devance, quelqu'un peut-être qui marchera dans le temps à pas
d'éternité... Faisons en sorte,
comme l'a dit le poète, que nos pas soient brûlants dans les traces de ses
pieds !... |
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