Obédience : NC Loge :  NC Date : NC


Les mystères d'Eleusis

Introduction
Les mystères les plus célèbres sont sans conteste ceux de Déméter à Éleusis, bourgade située en bordure de la mer dans la fertile plaine de Thria. Éleusis est l'un des lieux sacrés de la Grèce antique. Déjà centre d’un culte dédié à la déesse de l’agriculture dès la plus haute antiquité, Éleusis a acquis un rayonnement exceptionnel grâce aux cérémonies d’initiation qui s’y déroulaient chaque année et dont la finalité était d’assurer aux initiés le bonheur dans l’au-delà. Si les Mystères d’Éleusis étaient frappés du sceau du secret, on peut toutefois lever, au moins un peu, le voile sur les rites qui s’y déroulaient.

Consacrés à Déméter et sa fille Perséphone, ces mystères, d'origine préhellénique, étaient liés à la fertilité et à la fécondation de la terre. La déesse associée à la semence était Perséphone, enlevée par Hadès. Sa mère, Déméter, s'en plaignit à Zeus et menacera de détruire les récoltes s'il n'intervenait pas.

Les Mystères d'Éleusis, peut-être sous l'influence de l'orphisme, deviendront une religion de salut. Le mystère central était celui de la mort et de la résurrection, symbolisé par la décomposition de la graine dans la terre et sa réapparition sous la forme d'un être vivant qui s'élève vers la lumière.
Origine mythologique du culte

Selon la mythologie grecque, Perséphone, fille de Zeus et de Déméter, fut enlevée par Hadès pour être son épouse et la reine des Enfers. Les cultures cessèrent de croître dans les champs alors que Déméter parcourait le monde à la recherche de sa fille. Un jour, alors qu'elle errait sur les terres de Grèce sous les traits d'une vieille mendiante, elle entra dans la cité d'Éleusis et demanda l'hospitalité. Les citoyens l'accueillirent avec une grande générosité et, en reconnaissance, la déesse dévoila sa véritable identité et récompensa ses bienfaiteurs : elle leur dévoila ses mystères et la maîtrise de l'agriculture. Par la suite, Déméter retrouva sa fille mais elle ne put être entièrement libérée des Enfers, puisqu'elle avait mangé sept pépins d’une grenade (fruit associé au mariage) offerte par Hadès. Ceux qui mangent la nourriture des morts ne peuvent retourner chez les vivants. Zeus décréta toutefois que Perséphone passerait huit mois de l'année sur terre durant la saison des cultures avec sa mère et le reste de l'année, pendant l'hiver, en compagnie d'Hadès.

L'initiation aux Mystères
Les Petits Mystères se déroulent principalement sous la forme de rites de purification dans les eaux du fleuve. C’est au cours des Petits Mystères que débutait l’instruction des candidats à l’initiation. Ces derniers, à la fin des cérémonies, prenaient le nom de mystes, c’est-à-dire des « initiés ».
 
Les Grands Mystères duraient une dizaine de jours, d’après la durée de l’errance de Déméter à la recherche de sa fille. En septembre, on préparait « les éleusinies », cérémonies préliminaires qui se déroulaient à l’extérieur sous forme de pèlerinage qui imite la recherche de Perséphone par Déméter avec plusieurs étapes finissant au flambeau (partie exotérique).
Ils débutaient par le départ d’une procession de jeunes hommes, les éphèbes, se rendant d’Athènes jusqu’à Éleusis pour y chercher les hiéras, des reliques sacrées. Celles-ci étaient ensuite rapportées voilées jusqu’à Athènes, où elles étaient déposées dans le sanctuaire de l’Éleusinion, à la base de l’Acropole.

Les cérémonies se poursuivaient pour les mystes par un bain purificateur dans la mer, où était également plongé un porcelet qui était ensuite sacrifié. Une période de jeûne s’écoulait avant que la procession suive la statue d'Iacchos en direction d’Éleusis le long de la route sacrée. À Éleusis se déroulaient des célébrations de Déméter et Perséphone et des sacrifices en leur honneur.
Après avoir rompu le jeûne en consommant le kykéôn (nourriture à base de blé), le rite secret d’initiation avait lieu dans le télestérion. Les mystes vivaient symboliquement une mort symbolique et la résurrection grâce au savoir secret de Perséphone. Ils recevaient des révélations des initiés et accédaient au salut et à la vie après la mort (Partie ésotérique).
Les Mystères étaient ouverts à tous, riches comme pauvres, hommes libres comme esclaves, hommes comme femmes. La plupart des empereurs romains se sont d'ailleurs fait initier à ces Mystères.

Les Mystères d’Eleusis, d’un point de vue maçonnique
En préparant cette planche, je me suis demandé quels pouvaient être les liens entre ces mystères et la Franc-maçonnerie. Certains m'ont sauté aux yeux, d'autres me sont venus après plusieurs lectures.
On évoque la grenade dont le pépin "doux et sucré" scelle à jamais l'union et rend irréversible le cours des choses … Elle orne aujourd'hui nos colonnes maçonniques dès l'entrée du Temple. Dans notre rite, le serment est scellé par une autre boisson beaucoup moins douce et sucrée.
Les Mystères de Déméter appelaient à des Voyages en Trois étapes : d'Eleusis à Athènes où l'on transporte les objets sacrés (hiéra) qui portent un sens aux yeux des initiés ; d'Athènes jusqu'à la mer pour les purifier à l'eau marine ; enfin la procession des initiés retourne à Eleusis pour y rapporter les objets sacrés purifiés et guides des mystes.

Ces trois voyages étaient développés sur sept jours pour ouvrir la voie aux Initiations d'Eleusis. Ainsi, dans les brumes des mystères, on devine des Nombres. Perséphone passera un tiers de l'année au royaume des morts et deux tiers de l'année chez les vivants.
On sait que l'initié doit attendre un an entre les Petits mystères et les Grands mystères, puis cinq ans pour les suivants : 1 - 3 - 5 - 7. Et Neuf : Déméter "pendant neuf jours ne cessa de parcourir la terre" à la recherche de l'Espoir pour retrouver sa fille … Et Dix … Le 10° jour elle reçut la nouvelle du soleil qui lui avait révélé la vérité. Ce nombre nous renvoie au Tetraktys des Pythagoriciens pour lesquels 10 est le nombre complet.
A l'évidence, ici pas d'enseignement … Pas d'école, pas de dogme … L'Initiation appelle à l'Emotion … A force d'impressions qui forgent l'âme et portent à la réflexion, elle soulève d'enthousiasme l'initié. "Ceux qu'on initie ne doivent pas apprendre quelque chose, nous dit Aristote, mais éprouver des Emotions et être mis dans certaines dispositions". Le franc-maçon se trouve là en pays familier …

Les cérémonies comprenaient probablement des représentations sacrées de la quête terrestre de Déméter à la recherche de sa fille Perséphone. Les initiés eux-mêmes entraient alors dans la peau de Déméter, errant dans le Télestérion plongé dans l’obscurité. Lorsqu'il descend dans le lieu souterrain du temple, le candidat peut être identifié au grain de blé qui, mis en terre, pourrit en apparence avant que ne se produise la renaissance, ici sous forme de germination. Cette épreuve n'est pas sans rappeler le cabinet de réflexion. La fin de la quête de la déesse et la réapparition à la surface de Perséphone étaient signifiées par le retour de la lumière dans le temple et la présentation aux initiés d’un épi de blé. C'est le parallèle qui m'a certainement le plus frappé entre ce rite et le nôtre : je veux parler ici des voyages mais surtout de la fin du rite symbolisée par la révélation du mot de passe du Compagnon, Schibboleth. Pour le Franc-maçon, il est représenté par un épi de blé à côté d'un cours d'eau, allusion à un épisode relaté par la Bible au Livre des Juges (XII-5-6).

Cet épisode, interprété symboliquement, pourrait signifier qu'il ne suffit pas de connaître les mots maçonniques pour être des initiés véritables. Il s'agit d'en pénétrer le sens profond car celui qui ne connaît que les mots ne possède pas pour autant le secret maçonnique. La quête du Franc-maçon est de vivre sa spiritualité pour tendre vers le Principe, et donc, vers l'immortalité. Mais l'immortalité n'est pas seulement de vivre longtemps. Regardons encore au-delà des mots. Dans les Mystères d’Éleusis, la vie des initiés était vouée au travail dans le but d'atteindre l’immortalité de l’âme. Le rituel nous dit d'aller au-delà des mots, d'aller plus loin que le monde manifesté. Le Principe peut ici être comparer à la semence. Or la semence évolue. Il faut donc travailler sa spiritualité comme le paysan travaille la terre. L'homme se nourrit et nourrit le collectif. Le collectif se nourrit. Le Principe est 1.

Pour conclure,
En dévoilant aux hommes qui l'ont recueilli ses mystères et la maîtrise de l'agriculture, Demeter a réalisé un don d'amour extraordinaire. Elle a fait preuve d'un altruisme formidable qui renvoie aux valeurs prônées par la Franc-maçonnerie. Mes Frères, à l'instar de Demeter, nous faisons tous preuve, malgré nos différences sociales, idéologiques ou religieuses, d'un élan remarquable de bienveillance, d'un amour fraternel incommensurable les uns envers les autres. Nous abandonnons notre ego à son sort, nous le dépassons pour être fidèles à notre vie profonde, mouvante et nous devenons l’humain. C’est ce devenir en germe, ce devenir possible qui est éminemment respectable chez chacun d’entre nous, dans notre processus alchimique de vie vers une évolution infinie.
Pour finir, je citerai Alain Pozarnik dans son livre « De la porte des Hommes à la porte des Dieux », par ces mots qui nous renvoient à la place qui est la nôtre :

« Dans ce devenir inconnu, accessible à tous ceux qui ont franchi la porte des hommes et se dirigent vers la porte des dieux avec vigilance et présence à ce qui est dans le mouvement de l’univers, la vie trouve l’amour et dans ce cœur de lumière se manifeste l’éternité infinie du passé et de l’avenir.
La connaissance peut nous habiter et, dans la perspective de la création universelle, nous trouverons alors notre place en notre Être intime et infini. »
 
J'ai dit.
 
M\ G\ 

7611-1 L'EDIFICE  -  contact@ledifice.net \