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De la mort d’Hiram A la renaissance du Maître

La mort est une préoccupation majeure de notre vie. L’homme est façonné depuis la nuit des temps par la conscience, unique dans le monde animal, de sa déchéance inéluctable. Elle l’a amené à appréhender à la fois le cours inexorable du temps, le caractère temporaire de la vie physique et l’éternité de la dimension spirituelle.

La mort est un symbole puissant qui place en perspective la vie terrestre. Paradoxalement, la mort appelle la vie dont elle tire son existence. La vie telle que nous la vivons n’existe que parce qu’elle a une fin inéluctable. Pour nous maçons, la mort n’est pas le contraire ni la fin de la vie mais la fin de la naissance.

Lors de notre initiation, plongé dans le cabinet de réflexion, la mort est déjà là. Le crâne humain et le testament philosophique nous invitent à nous libérer de nos chaînes profanes, matérielles, intellectuelles qui décorent notre ego et nous voilent la lumière. A côté de ces symboles, nous retrouvons le coq annonciateur de la lumière qui nous rappelle que passer l’étape qu’on appelle la mort nous permettra sans doute de renaître à une vie nouvelle.

Dès notre initiation en franc-maçonnerie, nous savons que la mort est nécessaire à la renaissance, comme la fin d’un cycle et le commencement d’un autre.

De la vie à la mort vers une nouvelle vie : ce subtil chemin nous confronte d’une manière invraisemblable et effrayante au mystère de notre ignorance et de notre manque de conscience. Profane, nous ne savons qu’épeler. Initié, nous comprenons que la lumière est le chemin, qu’elle appelle la connaissance, et, au terme du chemin la prise de conscience.

Il existe une vie spirituelle supérieure à celle de notre enveloppe corporelle. La mort situe l’homme terrestre comme un élément dérisoire et passager dans un univers aux limites inconnues.

Le travail effectué sur la Pierre Brute est le reflet de celui que nous effectuons sur nous-mêmes. Sa taille est l’image de l’œuvre que nous effectuons pour bâtir pierre après pierre notre propre temple intérieur, guidé par le Grand Architecte de l’Univers. Ce travail, nous le partageons avec tous nos frères qui empruntent le même chemin de fraternité.

Visite l’intérieur de la Terre, en rectifiant, tu découvriras la Pierre Cachée…

Ce chemin doit nous mener à retrouver la Parole Perdue, véritable quête de notre recherche. Il doit nous mener au plus profond de nous, au cœur de la Pierre Brute.

La vie de l’homme est un combat entre son corps et son esprit, entre l’équerre et le compas. Le Maître est passé de la tyrannie du corps au règne de l’esprit mais la domination reste fragile, jamais acquise. C’est le sens de l’élévation de prendre conscience de cette bataille, de cette dualité antagoniste. On s’élève mais on peut aussi retomber, plus bas encore. Par bonheur, le maçon n’est pas au bout de son chemin. C’est aussi le sens des réponses aux questions posées à l’apprenti « Que venez-vous faire ici ? : vaincre mes passions, soumettre ma volonté à mes devoirs et faire de nouveaux progrès dans la maçonnerie ». et « Quels sont les devoirs d’un Franc-Maçon ? : Fuir le vice et pratiquer la vertu ».

Au début de la Cérémonie d’Elévation, le Compagnon entre à reculons dans la Chambre du Milieu, le dos tourné vers l’Orient, comme on entre dans une tombe. Le Compagnon est alors au summum de ce qu’il peut atteindre au plan matériel. Il maîtrise les 5 sens de la nature, les 5 ordres d’architectures, les 7 arts libéraux et connaît les sphères terrestres et célestes. Il est parvenu au Trône du Grand Architecte de l’Univers. Il est flamboyant comme l’étoile qui l’a guidé. Puis soudain, il recule, il chute. L’Etoile Flamboyante s’éloigne de lui. Il passe au travers de ce qu’il vient de construire et qu’il découvre sens dessus dessous. Il était en pleine lumière et il se fait maintenant aspirer par les ténèbres. Ce qui lui était connu lui devient soudainement étranger.

Hiram perd son corps par le coup de règle sur l’épaule droite, son âme par le coup de pince sur la nuque, et son esprit par le coup de maillet fatal sur le front. L’ignorance, le fanatisme et l’ambition sont à l’origine du comportement assassin des trois Compagnons. La mort d’Hiram est entière : corps, âme, esprit.

En enjambant la sépulture d’Hiram, le futur Maître avoue ne pas craindre la mort. Il enjambe le cercueil en faisant des pas en demi-cercle et en traçant un volume.

Neuf Maîtres tournent alors en cercle trois fois autour de la dépouille d’Hiram. Un espace temps sacré est ainsi créé qui rend possible et privilégié la communication avec le divin. Ils sacralisent Hiram alors qu’il est en train de se décomposer.

Ils repèrent une branche d’acacia, symbole végétal de l’immortalité. Cet arbre est aussi souvent associé au deuil, à la mort. Il est donc également un témoignage de renaissance, de renouvellement.

L’équerre est placée à l’occident, à la tête du cercueil, alors que le compas est à l’orient, marquant le passage du Compagnon devenant Maître de l’équerre au compas, de la terre au ciel, de la matière à l’esprit, de l’inconscient au conscient, de l’horizontalité à la verticalité. Le futur Maître se verticalise pour former un triangle à partir de la base formée des deux premiers degrés. L’équerre représente tout ce que connaît l’homme et qui est condamné à disparaître à terme. La connaissance de l’équerre permet au Compagnon qui chemine vers la recherche de sa propre vérité de s’assurer que son savoir est parfaitement ordonné, dans une stricte discipline. Sans cette organisation, le temple en construction serait voué à s’effondrer et la vérité jamais dévoilée. Le compas lui servira à définir exactement les dimensions de la pierre à tailler dans une recherche de perfection calquée sur l’œuvre du Grand Architecte. Le compas dessine un cercle parfait, qui ne commence et ne finit nulle part, comme le temps qui coule entre nos doigts. Le cercle est le symbole de l’omniscience de la présence divine. Avec un compas, on peut créer une équerre. L’inverse n’est pas vrai. Le compas symbolise la capacité créatrice de l’esprit et le génie de l’homme. L’esprit crée la matière et non l’inverse.

Mais si le Maître vient à perdre ses repères, s’il s’aventure au-delà de son savoir, en dehors de son chemin, alors il devient comme le compas qui perd sa pointe d’appui. Il ne peut plus rien tracer tel un outil stérile. Le Maître doit trouver l’ouverture du compas qui correspond à la sphère de ses connaissances afin d’appliquer les principes de géométrie enseignés au cours des voyages du Compagnon et, de son esprit, façonner la matière.

« La chair quitte les os ! ». Le Compagnon n’est plus une créature de ce monde. Il a accédé à un état particulier permettant la réalisation spirituelle et initiatique du Maître qu’il va devenir. La putréfaction est un symbole de renaissance de ce qui ne meurt ni ne disparaît jamais. Un être vivant, animal ou végétal, ne sert de terreau à la renaissance qu’après être entré en putréfaction. Il peut alors devenir une nouvelle source de vie, sous l’effet de la lumière. L’esprit renait de la matière… Le second surveillant constate cet état de putréfaction, préalable obligatoire à la renaissance du Maître.

« Tout se désunit ! » La désunion traduit la rupture, la dislocation. C’est bien la fin du Compagnon dont il ne reste plus que le squelette désarticulé.

Quand Hiram meurt, c’est la connaissance qui s’évanouit. Quand le Maître renait, c’est la connaissance qui jaillit, au travers des Cinq Points Parfaits de la Maîtrise. Quand le Vénérable Maître relève le Maître, les cinq contacts lui donnent le corps, l’esprit et l’âme. Entrer dans la maîtrise, c’est entrer dans le ternaire. C’est à ce moment que le Vénérable Maître communique au nouveau Maître le Mot Substitué. C’est de ce moment que renaît Hiram. Hiram se réincarne, il ne meurt jamais. Mais le Mot Substitué ne peut remplacer que très partiellement l’original.

Le Mot Substitué fait prendre conscience du caractère intransmissible des aspects de la divinité. Ce qui est intransmissible existe mais ne se transmet pas. On prend conscience de l’existence du Mystère.

Chaque maçon est un Hiram en devenir. Le Maître renait grâce aux qualités du défunt : le savoir, la tolérance et la générosité. Il doit sublimer ses a priori et ses archaïsmes plutôt que s’éreinter à vouloir éliminer ses défauts, c'est-à-dire utiliser leur énergie grâce à la connaissance et se transformer peu à peu.

Rassembler ce qui épars, c’est retrouver ce qui s’est perdu avec la mort d’Hiram, la vérité absolue que détient Dieu, que les maçons appellent la Parole Perdue.

Pourquoi crois-je en Dieu ?

La légende d’Hiram est au cœur de notre rite. La connaissance peut être assimilée à l’existence de Dieu. Chaque cycle de vie et de mort est une façon de se rapprocher de Dieu.

Pourquoi Hiram doit-il mourir ?

L’assassinat est primordial. S’il communique aux trois mauvais Compagnons les mots et signes, alors il n’est pas digne d’être maître car incapable de garder le secret même au péril de sa vie. Lâche, il lui serait impossible de diriger les maçons. Il garde donc le plus parfait silence et meurt avec dignité en harmonie avec sa qualité de maître. En tuant Hiram, le Compagnon donne une mort violente aux a priori et aux archaïsmes qu’il a en lui. L’ignorance, le fanatisme et l’ambition peuvent être tout autant des qualités que des défauts. Il peut être utile de ne pas savoir telle chose pour la découvrir peu à peu et l’ambition, correctement dosée, doit permettre à son porteur de progresser. C’est pourquoi ce sont les mêmes personnages qui tuent Hiram et qui relèvent le Maître, accomplissant une œuvre à la fois destructrice et créative. On navigue dans l’ambiguïté du Pavé Mosaïque.

La maîtrise implique l’entrée dans la voie du sacrifice. C’est aussi le sens de la mort d’Hiram. C’est la souffrance qui révèle ce qui doit être connu. Tout a un prix dans l’existence. Ce qui est fondamental coûte et il faut en payer le juste prix par la souffrance, la renonciation, l’abandon de quelque chose d’important.

Le Compagnon arrive dans la Chambre du Milieu sans tâche, auréolé de ses connaissances fraîchement acquises. Il devient un meurtrier car il est le Vénérable Maître ou les Surveillants qui tuent Hiram. Il est aussi Hiram dans lequel il se réincarne. Dans cette cérémonie, le futur Maître est partout dans la loge à travers tous les acteurs.

Dans la légende du meurtre d’Hiram, on retrouve des acteurs apparemment opposés mais en fait en étroite relation. Hiram n’existe à travers sa mort que grâce aux trois Compagnons aveuglés d’ambition. Hiram est la vertu, et les Compagnons sont le vice. Mais en fait, la vertu n’éclate au grand jour que parce qu’on porte atteinte à l’intégrité physique d’Hiram. La scène se déroule au sein même du Temple. Donc, le mal est à l’intérieur de nous même. Nous sommes à la fois le vice et la vertu, le bon et le méchant, le juste et l’inique. Quand on craint que notre ennemi soit derrière nous, on peut avoir une bien étrange surprise en se découvrant dans un miroir.

Au cours de la cérémonie, nous passons d’une atmosphère de deuil à l’entrée du Compagnon, à des sentiments de joie quand celui-ci devient Maître. Cette joie vient de la certitude de la croyance en un Dieu universel.

L’élévation est la dernière phase de l’initiation. Elle ouvre la porte à d’autres horizons, à la fois proches et lointains. Elle referme la porte de la symbolique mythique et ouvre en grand la porte de la symbolique spirituelle.

Le Maître doit mourir pour ressusciter. Le troisième degré montre que le but est la transmission. Elle va du savoir à la connaissance, celle qui engage chacun de nous et nous met en capacité d’atteindre la vraie maturité. Elle fait appel à notre intelligence du cœur.

Chacun de nous doit fuir le vice. Nous devons nous montrer instruits, tolérants et désintéressés. La maçonnerie enseigne aux hommes de s’aimer pour ce qu’ils sont, malgré ce qui les divise. Le nouveau Maître parvenu à la sagesse, la force et la beauté peut sillonner le monde de l’orient à l’occident et du midi au septentrion, afin de rassembler ce qui est épars.

J’ai dit Très Vénérable Maître,

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