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Loge: NC
12/2022


La Chambre du Milieu


L’instruction au grade de Maitre nous enseigne qu’a la question posée « Où travaillez-vous ? ».

Le Maitre Maçon répond « dans une Loge que l’on nomme Chambre du Milieu ». De plus, si l’on ajoute à cela le fait qu’au tout début de la cérémonie d’élévation le Vénérable Frères Expert dit au Très vénérable Maitre : « Encouragé par les témoignages de satisfaction qu’il a reçu de ses Maitres, il (le Compagnon) a conçu l’espoir, en récompense de son travail, d’être admis dans la Chambre du Milieu ».

On comprend donc facilement que cette Chambre du Milieu est le lieu de réunion, de travail et de réception du salaire pour les Maitres Maçon.
La question que l’on peut alors légitimement se poser est pourquoi a-t-on donné à ce lieu un tel nom ? Pourquoi l’appeler « Une chambre » et surtout pourquoi « du Milieu » ? De quel Milieu parle-t-on ? Est-ce un Milieu géographique ou un Milieu spirituel et symbolique ? C’est donc à ces questions que je vais tenter d’apporter des réponses.

Si l’on regarde dans le dictionnaire le mot « Chambre » on peut aisément comprendre son utilisation pour qualifier ce lieu. En effet, Chambre est issu du latin « camera » qui signifie voute ou pièce au plafond voutée et dont la définition est un lieu où se réunis une assemblée d’un corps ou d’un groupe (Chambre des Députés, Chambre des Lords en Angleterre…). Cette définition est en totale adéquation avec le rôle de cette pièce.
Mais pourquoi la qualifie t’on « du Milieu » ?

A première vue on pourrait penser à une notion géographique du milieu, être au milieu de, au centre, être entouré de. Cela pourrait très bien être une première explication car si l’on regarde le plan du Temple de Salomon. On s’aperçoit qu’il est composé de trois parties bien distinctes, aux fonctions bien spécifiques.

Nous avons en premier « le Parvis » également appelé Oulam. C’est le lieu de travail de la matière dédié aux Apprentis et aux Compagnons. Lieux où ils sont invités à dégrossir et à polir leur pierre brute, et ainsi à commencer à pratiquer l’enseignement du V.I.T.R.I.O.L. sur leur personne. Mais également le lieu où sont enseigné les 5 ordres architecturaux, le Trivium et le Quadrivium représentés par les 7 Arts libéraux. En sommes et toujours des Arts et des Sciences terrestres.

Ensuite, séparé symboliquement par un escalier en colimaçon comportant trois repos et divisé en trois parties : l’une de trois marches, l’autre de cinq et la dernière de sept (comme nous l’enseigne l’instruction de Maitre) nous avons cette fameuse Chambre du Milieu. Également appelé le Hékal du sumérien signifiant Palais. Pièce où donc les Maitres viennent non seulement recevoir leur salaire mais surtout les recommandations d’Hiram, l’Architecte de cet édifice pour les transmettre aux ouvriers qu’ils ont sous leur surveillance.

Cette deuxième partie du temple peut également être appelée le Saint, car le Respectable Maitre Hiram souhaite en faire à la fin des travaux le Sanctuaire du Temple, autrement dit le lieu consacré aux cérémonies du culte.

Par ailleurs l’observation du plan du Temple, nous indique que cette deuxième partie est le premier espace couvert, d’où comme nous l’avons vu précédemment l’appellation de Chambre (Camera - voute ou pièce au plafond voutée).

Et enfin, la troisième pièce, Le Saint des Saints, le Débir, lieu le plus sacré du temple car abritant le Divin. C’est d’ailleurs en ce lieu que, d’après le Livre de l’Exode, qu’était enfermé les Tables de la Lois donné directement par Dieu et où se trouvait en son centre une source. Cette pièce était accessible qu’une fois par an et uniquement au Grand Prêtre d’Israël pour la fête de Yom Kippour.

Nous le voyons bien, le Hékal se trouve donc au centre du Temple, l’explication géographique est possible mais s’en limiter dans notre ordre symbolique et spirituel serait je pense une erreur.

Alors, après avoir réfléchis sur La Chambre du Milieu au sein du Temple physique, je vais me pencher sur La Chambre du Milieu au centre de mon propre Temple spirituel intérieur.

En effet, la construction du Temple de Salomon est une allégorie de notre quête spirituelle que nous suivons lors de notre cheminement maçonnique. Cette quête se symbolise dans la construction d’un temple intérieur en trois parties à l’image du Temple physique certes mais surtout suivant la tripartition de l’Homme, à savoir Corps, Ame et Esprits.

Si dans cette construction intime chaque partition de l’Homme représente une partie du Temple et que la progression d’une Chambre à l’autre est une façon de symboliser l’accès vers un monde transcendantal (jusqu’à l’Esprits – Le Saint des Saints) alors La Chambre du Milieu symbolise l’Ame du Maçon.

Maçon qui est alors véritablement entre l’Equerre et le Compas, car après avoir travaillé sur la matière, le Corps, L’Ame devient le sujet principal du Maitre. Comme nous le dit le Rituel « Le Macon qui est parvenu à ce degrés de l’instruction s’occupe à tracer en lui les plans que devront suivent les ouvriers qui se trouvent sous sa surveillance ». Cela ne veut pas dire qu’il doit maitriser les autres ouvriers notamment ceux du Parvis mais plutôt se maitriser lui-même.

Il va travailler sur la planche à tracer, et élaborer le plan de son propre Temple intérieur. Il doit ainsi perfectionner en son centre, dans son athanor alchimique, sa Chambre du Milieu, cette Anima « Le souffle » en Latin, qui anime le corps de tout être vivants afin de passer d’un corps de matière a un corps de lumière qui flamboie.

La Chambre du Milieu est donc le four Alchimique intérieur du Macon dans lequel la transformation de son Ame doit s’opérer, si ce dernier s’efforce de travailler, de se questionner. Et qui sait peut-être il sera amené un jour à se tourner avec son Ame vers son Esprit et atteindre une spiritualité transcendantale ?

C’est à mon sens ce que nous montre la Cérémonie d’Elévation que vit le récipiendaire dans la chambre du milieu.

En effet, au tout début de la cérémonie le récipiendaire entre dans la Chambre du Milieu à reculons, il a devant lui symboliquement le lieu d’où il vient, le Parvis donc son passé mais aussi et surtout l’Etoile Flamboyante. Cette Etoile, cette source de Lumière, qui est encore et toujours devant lui tel un phare pour le guider à tendre vers elle.

Après une inspection de ses mains et de son tablier, pour s’assurer que le Compagnon a bien respecté ses devoirs et qu’ils demeurent toujours purs, le Récipiendaire est retourné. C’est à ce moment que l’Etoile disparait de sa vision, tout simplement parce qu’au niveau symbolique il l’a intériorisé, il l’a fait sienne. Ce retournement, n'est pas seulement physique mais symbolique, il se tourne en fait vers lui, vers son centre, vers son Ame, mais aussi vers son futur.

A partir de là il ne travaillera plus sur sa pierre brute mais sur sa lumière intérieure, son Ame. Après avoir subi le jugement des Hommes sur ces actions de Compagnon, il va maintenant subir une ordalie, un jugement de Dieu. Sur un plan symbolique cette ordalie n’a pas seulement pour but de le disculper du meurtre d’Hiram en vérifiant qu’il ne fait pas parti des scélérats, mais plutôt de juger son Ame.

Pour moi, il s’agit de vérifier si les sentiments de que représentent les trois félons (l’ignorance, l’égoïsme et l’ambition) et qui sont en chaque homme soient bien maitrisés par le récipiendaire qui se présente en Chambre du Milieu. Mais également de savoir s’il a la capacité de rester vigilant face leur possible retour et ainsi préserver sa Lumière, son Hiram intérieur.

On s’aperçoit en fait, que se joue une cérémonie dans laquelle le récipiendaire est le centre. Déjà d’un point de vue physique, il est au centre de la chambre du milieu sous le fil à plomb et au centre de l’attention. Mais surtout d’un point de vue symbolique, il est entre le Equerre et le Compas au centre de lui-même, au centre de son temple, de sa construction intérieure. On pourrait même dire qu’il est au centre de son centre.

Après avoir joué la scène du meurtre d’Hiram, que je prends comme un avertissement contre les vils sentiments contraires à la sagesse qui peuvent nous priver de notre Lumière et de notre rayonnement. Le récipiendaire va encore et toujours être le centre puisse ce que cette fois et contrairement aux autres cérémonies il reste immobile. Ce sont les neuf maitres (neuf comme le chiffre du nouveau cycle, du renouveau) qui voyagent autour de lui en trois tours, créant ainsi un centre de vie dans ce corps mort.

Même si le récipiendaire reste immobile, cela ne veut pas dire qu’il ne voyage pas en lui, dans son centre et qu’il est inactif. Tandis que les Maitres cherchent le corps de la Lumière, lui recherche la Lumière dans le centre de son corps. C’est à ce moment que se joue le mystère alchimique, révélant ainsi son Ame de Lumière, l’Hiram qui est en lui. En effet, alors que son corps se décompose (la chair quitte les os, tout se désunit), et qu’il est relevé par le Très Vénérable Maitre aidé des deux Vénérables Maitres Surveillant, comme pour lui montrer la nouvelle dimension dans laquelle il va désormais évoluer en tant que Maitre, s’opère en lui une palingénésie.

C’est-à-dire une régénération, un retour à la vie symbolique d’Hiram ou plutôt de sa Lumière et de son esprit de Sagesse. Cette palingénésie s’exprime véritablement quand le TVM le reconnait comme tel en s’écriant « Dieu soit loué, Le Maitre est retrouvé et il reparait aussi radieux que jamais ».

En effet, c’est son Etoile Flamboyante, sa lumière intérieure qui a rééclairé la Loge. Mais par la symbolique de cette palingénésie, il fait entrer la Lumière dans son Temple intérieur, en devenant son propre Hiram. Il est à l’image du Respectable Maitre, capable d’analyser avec sagesse dans son « anima » pour agit avec justice. D’ailleurs les deux dernières instructions du grade nous expliquent que s’il on perd un Frère on le retrouvera entre l’Equerre et le Compas, symbole de Sagesse et de Justice et qu’un bon Maçon ne doit jamais s’en écarter.

En somme, la Chambre du Milieu n’est pas simplement la pièce où les Maitres se réunissent, mais plutôt le centre de chaque Maçon. C’est-à-dire le centre de son Temple intérieur en construction, le lieu de l’Ame.

Son accès physique et symbolique ne constitue bien sûr pas une fin mais véritablement un nouveau départ. Il appartient maintenant au Maitre de se plonger en son sein et de questionner son Ame avec la Sagesse et la Lumière d’Hiram, pour établir le plan personnel de sa construction et de sa vie.

Car bien qu’il ne s’en rende pas compte cette Chambre du Milieu va jouer le rôle d’Athanor de son être de chair pour que son Ame rayonne et que se Sagesse triomphe. Bien sur une telle entreprise est longue et difficile mais le Maitre pourra toujours compter sur ses Frères et inversement. Car certes c’est une démarche personnelle mais elle se fait au travers d’un groupe pratiquant la Vertu.

J’ai dit.


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