GODF Loge : Fraternité Cauchoise Date : NC


De la Paresse au Travail

Mon aptitude à la paresse s’est révélée très jeune, à chaque « Jean Marie qu’est-ce que tu fais? » invariablement je répondais « Rien » « Rien? » « Rien! je ne fais rien! »

Ce rien n’est pas anodin, il coupe court à toute dynamique habituelle qui crée le dialogue, à contrario « Jean Marie, que fais tu là?, si je réponds « je perce un trou » le dialogue s’installe fatalement « tu fais quoi? » et là commence insidieusement le retour à la réalité comme des millions de citoyens: « Ben, je travaille! ».

Le mot est lâché, difficilement, péniblement, cela me coûte, bien sûr la provocation me guide, mais pas seulement, un illustre paresseux m’éclaire: Dieu, travailler six jours et depuis se reposer, glander, flemmarder, c’est génial!

Cela ne l’a pas empêché de chasser Adam de l’Eden, l’envoyer gagner son pain à la sueur de son front, avouant implicitement ainsi, qu’au Paradis, le plus gros du boulot, était de ne rien faire!

Faisons un bond dans le temps, après l’homo erectus l’homo habilis, le néanderthalien, l’homo sapiens « l’homo ça pionce », temps préféré le futur, mot préféré demain, un précurseur de Jules Renard qui définissait ainsi la paresse: « l’habitude prise de se reposer avant la fatigue ».

Mais revenons au travail, un brave militant de la CGT, Hyacinthe Dubreuil en 1937 soutenait « c’est le travail qui commande ou tout au moins qui devrait commander ».Il ajoutait: « Qu’un jour le travail soit organisé de telle sorte que personne ne songe plus à y compter ni son temps, ni sa peine ».

Alors, le travail, fatalité, dogme inventif pour convaincre le salariat?

Xénophon d’Athènes 400 ans avant Jésus Christ écrit: « Des gens condamnés à être assis tout le jour quelques-uns même à éprouver un feu continuel, ne peuvent manquer d’avoir le corps altéré et il est bien difficile que l’esprit ne s’en ressente! » 2409 ans avant France Télécom!

Platon, Hérodote, Cicéron, les philosophes anciens se disputaient sur l’origine des idées, mais ils tombaient d’accord s’il s’agissait d’abhorer le travail.

Bien sûr, les sociétés d’alors étaient composées de citoyens libres, les guerres approvisionnaient en esclaves, la préoccupation première était la défense et l’administration de la communauté.

Les grecs anciens, les romains étaient en quelque sorte « actionnaires » de leur société, actionnariat qui se perpétue aujourd’hui dans nos sociétés, grands groupes, multinationales, où les citoyens libres sont des salariés souvent taillables et corvéables

à merci, victimes de dérives, de restructurations, de délocalisations, de fermetures, la

communauté là est la communauté d’intérêts d’une poignée d’actionnaires pour faire grandir les profits.

Alors pessimisme engagé, paresse inavouée, crachat dans la soupe, les français seraient paresseux, les 35H les auraient rendus fainéants:, être payés à ne rien faire, voilà ce qui les intéressent, refrains repris par beaucoup de nos concitoyens.

Voyons un peu, la durée moyenne du travail de 35H en France est la plus basse, tandis qu’elle est de 38,6 pour l’Europe entière, 37 en Allemagne, 37,2 au Royaume Uni.

Cette moyenne ne prend en compte que les temps plein, en incluant le temps partiel nous arrivons à 36,3 en France; 36,2 en Italie; 35,1 au Danemark; 33,6 en Allemagne; 33,2 en Espagne; 31,7 en Grande Bretagne.

Pour l’ensemble des emplois, les valeurs indiquées donnent une idée plus exacte de la réalité.

Toujours selon l’OCDE la productivité horaire avec une base 100 pour les USA donne 103 pour la France, 101 pour l’Allemagne, 79 pour le Royaume-Uni, 72 pour le Japon, données 2003 et par rapport à l’union européenne c’est France 115, Allemagne103, Grande Bretagne 89.

Selon l’ANPE, il y a dans notre pays 230 000 offres d’emplois non pourvues, en face 2 700 000 privés d’emplois « officiels » en 2005, sans intégrer les chômeurs non comptabilisés et 1 200 000 Rmistes; reste donc 2 470 000 demandeurs d’emplois qui ne sont responsables ni de leur état, ni du fait qu’ils galèrent pour trouver du boulot.

De plus, un tiers des créations d’entreprises est le fait de chômeurs.

Pour en remettre une petite couche, ce sont les ménages les plus modestes qui consacrent la quasi-totalité de leurs revenus à la consommation contrairement aux personnes aisées qui consomment beaucoup moins forcément (je parle en proportion de leurs revenus) mais épargnent plus, cela étant la consommation totale des ménages représente 50 à 60% du PIB loin devant l’investissement d’entreprises.

Est-ce donc une hérésie de dire que tous nos maux viennent du travail?

Dois je ajouter à la provocation, cette mauvaise foi qui fait froncer les sourcils et hausser les épaules!

N’en déplaise à d’aucuns, mais la paresse est la mère des inventions et la mère des arts.

Prenons l’exemple d’Archimède qui bullait au propre comme au figuré dans sa baignoire, sa poussée verticale de bas en haut, n’a gêné personne jusqu’au moment de son application dans les chantiers navals.

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Autre homme célèbre, Cugnot, il était de notoriété publique qu’il détestait la marche à pied . N a -t -il pas inventé l’ ancêtre de nos véhicules?

Je garde le dernier pour la bonne bouche, ce brave Newton béatement endormi sous un pommier, découvre les lois de la gravitation universelle, le poids de la pomme, le choc de la sieste!

A comparer le travail est une drogue dure, ne dit on pas se tuer à la tâche, de même pour cette ineptie « le travail, c’est la santé » alors pourquoi y a-t-il une médecine du travail?

Que les gens qui ont envie de travailler travaillent, tout le monde peut se tromper mais je ne supporte pas le prosélytisme, sus donc aux apôtres de la pointeuse, aux missionnaires du boulot bien fait, aux acharnés du PIB.

On devrait les punir pour incitation à l’embauche et mise en danger d’autrui.

Notre déclaration universelle des Droits de l’Homme conforte ma conviction « nul ne sera tenu en esclavage ni en servitude » « nul ne sera soumis aux peines, traitements cruels, inhumains ou dégradants ». « Toute personne à droit au repos et aux loisirs »

En 1949, la Napoule fêtait la Saint Fainéant. Dans le discours inaugural, cette ode à la paresse d’une exquise saveur.

« Gloire à Saint Fainéant!

Voyez vous, on dit beaucoup de mal des feignants; L’église a fait de la paresse un pêché capital et votre curé vitupère du haut de sa chaire contre la fainéantise;

A l’école, notre prêtre laïc en fait le sujet de sa morale matinale.

Jusqu’à la « sagesse des nations » qui prétend que la paresse est la mère de tous les vices »

Et aujourd’hui la suprême injure est de crier: « Va donc! Eh feignant! »

Eh bien, mesdames et messieurs n’est pas fainéant qui veut!

La fainéantise; mais c’est tout un art!

Et, tous ceux, qui crient contre la fainéantise ne sont au fond que des esprits paresseux qui n’ont pas voulu se donner la peine d’aller au fond des choses.

La Fainéantise! Mais c’est la base de tous les progrès du genre humain!

Les fainéants? Mais c’est à eux que nous devons tout ce qui fait la joie de vivre.

Et sans cela, c’est tout le culte du beau qui nous échappe.

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Sans paresse, pas de loisirs, pas de fêtes, pas de cinéma, pas de théâtre, pas de peinture ni de musique »

Il n’est pas de besogne, si longue, ni si terrible qu’elle paraisse qu’un vrai fainéant ne soit capable d’entreprendre pour s’éviter seulement un quart d’heure de travail.

Si on voulait faire le calcul de tout le temps passé à inventer, fabriquer toutes les machines destinées à éviter du travail, à donner quelques instants de flemme, on devrait bien convenir que la paresse est la mère du travail!

Alors pourquoi cet acharnement, religieux, politique, moral, parler de paresse c’est évoquer une quantité de termes qui lui sont associés: oisiveté, fainéantise, apathie, parasitisme, inutilité, laisser aller, inertie, indolence, mollesse en fait tous ces qualificatifs pour traduire une attitude face à l’action.

Ce qui semble le plus intéressant n’est pas de s’interroger sur la paresse en elle-même, mais sur la manière particulière dont elle est intégrée au domaine social.

Elle est un défi à l’ordre établi, les comportements asociaux proviendraient « in fine » d’une seule et même cause: La paresse.

A ne pas confondre surtout avec le repos réparateur propice à la réflexion et à l’introspection loué en son temps par Thomas d’Aquin.

Il est totalement subversif de laisser faire à autrui le travail qui nous incomberait, cette vérité n’est ni plus ni moins ce que font les actionnaires des entreprises, de plus, le comble, si ça ne va pas, on ferme, nous privant de travail!

J’ai mal à la tête, je vais aller m’étendre et me reposer sur Confucius qui dans l’ordre du jour de Février et sous le contrôle de mon frère Didier a dit:

« Choisissez un travail que vous aimez et vous ne travaillerez pas de votre vie »

Ça, ça me va!

J’ai dit Vénérable Maître

J\M\ T\

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