La
marche du Maître au REAA
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Cette
planche débute par
l’exécution de cette marche, entre les colonnes, à partir de l’Occident.
Semé
corps animal on se relève corps spirituel. Le premier homme est
terrestre et
tiré du sol, le deuxième homme est du ciel (…) et comme nous avons
porté
l’image du terrestre, nous porterons aussi l’image du
céleste ». (Paul
- Corinthiens XV 50, 44, 47, 49)
Voyons
d’abord ce nous dit à ce sujet
le rituel du grade:
«
Comment voyagent les maîtres maçons ? De l'Occident à l'Orient et par
toute la
terre.
Dans
quel but ? Pour chercher ce qui a été perdu, rassembler ce qui est
épars et
répandre partout la lumière ».
Comme
tous les mythes, la légende
d’Hiram aborde, selon son sens caché, trois domaines :
- la
conduite censée de la vie,
c'est la démarche éthique,
- la
cause première de la vie,
c'est la question métaphysique,
- l'au-delà
de la vie, c'est la
quête spirituelle.
Le
Maître maçon se déplace à
partir d’un point précis, suit un parcours déjà tracé et aboutit
toujours au
même endroit, prédéterminé.
Ce
cheminement est l’une des
représentations symboliques de la méthode maçonnique par laquelle
l'initié maîtrise
sa nature, gouverne ses actes et au
final se surpasse pour léguer ce qu'il a reçu, ou bien découvert par
lui-même,
à ceux qui lui font suite.
***
La
marche est un des modes de
locomotion de l’espèce animale dont l'humanité est un des rameaux. Il y
en a
d’autres: la nage, la reptation, le saut, le vol, etc. .qui marquent la
progression dans l’espace-temps de la Conscience incarnée, passant de
l’eau, à
la terre puis à l’air, de l’horizontale à la verticale et finalement au
céleste.
Dans
un premier temps la marche fait
appel au nombre 2:
l’animal qui se déplace a toujours
un ou plusieurs membres reposant sur le sol, pour assurer sa stabilité,
tandis
qu'un ou plusieurs autres membres sont en mouvement, décollés du sol,
pour
assurer le déplacement.
Chez
l'homme, la motricité
résulte de l'action conjuguée du squelette, des articulations et des
muscles. La
marche implique, pour chaque membre inférieur, la mise en jeu et la
coordination de trois groupes musculaires, ceux de la hanche, de la
cuisse et
du mollet. Le
3 est présent dans la marche du Maître.
Chacun
de ces groupes musculaires
comprend un agoniste et un antagoniste. Ainsi le biceps crural plie la
cuisse
et le quadriceps l’étend : nous revenons au nombre 2.
Enfin,
dans la fixation du tronc,
porté en équilibre statique, d'un endroit à un autre, grâce à la
coordination
parfaite des deux membres inférieurs. – corrigée si nécessaire par
l'action
complémentaire des bras – apparaît le
nombre 1, l'Unité, précédant et terminant le
mouvement.
L’origine
étymologique du verbe
marcher est sujette à controverses. Les linguistes formulent deux
hypothèses principales:
- le
bas latin «marcare
», qui signifie fouler,
- l'ancien
allemand « markôn
», qui veut dire imprimer le pas,
Au
figuré, marcher signifie
tendre vers un but déterminé, ou une fin prévue, réaliser un progrès.
***
Ce
bref tour d'horizon technique,
nous permet d’évacuer les caractéristiques physiques de la marche et de
nous
consacrer à ses aspects symbolique, mythique, psychologique,
métaphysique et
spiritualiste.
Quelques
mots tout d'abord à
propos du pied : Celui-ci, symbolise l'âme, sa condition et
son destin.
On
connait le penchant à la
colère d’Achille, qui aboutit à la rupture de son tendon et à sa chute.
Œdipe
est estropié, son père,
Laïos, lui ayant attaché les membres inférieurs pour se protéger des
prédictions de l’oracle. Cette blessure montre l'affaiblissement de
l'âme et la
difformité mentale qui caractérisent les comportements d’Œdipe, tout au
long de
sa vie. Étymologiquement, Œdipe signifie
« pied enflé »
c'est-à-dire âme bouffie par la vanité. Enflure dont il ne guérit
qu'avec l'aide de Zeus-esprit c'est-à-dire en réalisant sa propre
spiritualisation.
Comme
les Esséniens, Jésus
pratiquait le lavement des pieds qui purifie l’âme.
On
pourrait multiplier à l’envi les
exemples ou le mythe établit un parallèle entre la marche de l'homme et
sa
conduite psychique…
Au
REAA la marche du Maître
rassemble les 3 pas de l'Apprenti, les 2 pas du Compagnon et enfin les
3 pas de
la maîtrise. Ces pas sont consubstantiels et ceci ne doit rien au
hasard :
- d'une
part ce déplacement sur un
mode progressif procède directement des racines opératives de notre
tradition,
- d'autre
part l'initiation forme
un tout indissociable.
NB : Au Rite
Ecossais Rectifié, une marche presque identique, avec franchissement du
tapis
de Loge, s’effectue dès le 1er Grade, la volonté
des fondateurs du
Régime ayant été de montrer à l’Apprenti, dès sa réception, la
quasi-totalité
des informations relatives à la Loge
symbolique, mais sans apporter d’explications superfétatoires .La
signification
de cette marche est assez différente de celle du REAA.
C'est
en toute logique que, nous
référant aux sources opératives de la Franc-Maçonnerie, nous établirons
un lien
avec l'art du Maître charpentier, chargé de l'élévation des structures
en bois,
en collaboration avec le Maître maçon et le Tailleur de pierres, tout
particulièrement lorsqu'il s'agissait de l'ossature des cathédrales, :
l’Apprenti,
qui ne maîtrisait ni son équilibre ni son pas, ne savait se déplacer
qu’en
ligne droite sur une poutre, le Compagnon, plus aguerri était apte à se
mouvoir
sur des pièces de charpente reliée entre elles, le Maître enfin, autant
architecte qu’œuvrier, était en capacité de franchir le vide, passant
ainsi
d'une poutre à l'autre, et de circuler sans contrainte dans l'ensemble
de la construction.
Les risques de chute étaient réels et celui-ci enjambait la mort très
souvent,
tout au long de sa vie professionnelle.
Pour
mémoire rappelons que Joseph, père
nourricier de Jésus, est décrit dans
les
Évangiles comme exerçant le métier de charpentier, c’est-à-dire qu’il était à la fois
artisan, exerçant
plusieurs activités dans le domaine de la construction :
tailleur de
pierre, forgeron et menuisier, traceur de plans, ainsi qu’érudit,
connaissant
les Ecritures. Cet état est désigné en grec ancien sous le nom de
« Tekton », à rapprocher du statut du Maître maçon
opératif.
***
Cette
image du charpentier
« de la Grande cognée » nous permet de passer de
l'opératif au
spéculatif…
Au
sortir du cabinet de
réflexion, les pas de l'Apprenti, comme ceux du Compagnon par la suite,
sont glissés,
au ras du sol, Il y a sans doute trois raisons majeures à cela:
- La
voie de l'individuation, comme
toute démarche visant à descendre au plus profond de la psyché, débute
par une
régression.
- En
recherche d'équilibre ils ne
peuvent s'aventurer hors la ligne droite, bien que le compagnon
s'enhardisse à
la transgresser le temps d'un écart, mais pour y revenir très vite,
- La
lumière qui éclaire leur
chemin est horizontale, filtrant sous les portes qui s’ouvrent
successivement
devant eux.
En
revanche, le maître passe de
la ligne droite, et de la ligne brisée en angle droit, à la ligne
courbe, du
pas glissé au pas chassé, de la règle et de l'équerre au compas.
Maîtrisant
ses mouvements, un
pied posé au sol et l'autre détaché, dans un large mouvement
circulaire, il
assure un déplacement coordonné, gouverné et conscient.
La
lumière pour lui vient d’en
haut comme d’en bas.
De
l'Equerre au Compas il quitte
le domaine du tangible pour entrer dans celui des idées, il va de la
matière à
l'esprit, de l'initiation artisanale à la réception spirituelle.
La
marche du 3ème
degré symbolique est par ailleurs une représentation de la condition
humaine
où :
-
l'Apprenti serait l'enfant,
-
le Compagnon, le jeune homme,
-
et le Maître, l’adulte, de l'autre
côté, sur l'autre versant du Midi de la Vie ou la Lumière est
verticale.
La
société contemporaine fait sans
doute beaucoup plus de place au Compagnon qu'au Maître, à la réussite
matérielle
qu'à l'accomplissement spirituel. L’Etoile Flamboyante a parfois,
hélas, pour l’œil
qui s’obstine à refuser de voir,
des allures de miroir aux alouettes. Parce que, dans le monde profane,
nous
sommes toujours poussés vers l'extérieur, vers l'action, plus enclins à
construire le temple du dehors qu’à
embellir
notre temple intérieur, il n’est pas facile de passer de l'Equerre au
Compas.
Revenons
quelques instants à la
régression psychologique déjà évoquée. Par elle, le Moi, en recherche
d’intériorité, s’efface devant le Soi de
l’Initié. Certes ce dernier
est perpétuellement poussé vers le dedans: il est mu de l'intérieur, il
est
attiré vers l'intérieur, mais parce que le Soi est à la fois le cercle
et le
centre du cercle, c'est tant aux pôles qu’à la périphérie que finit par
se
trouver le Maître qui cherche.
***
Pour
le Franc - maçon de REAA, il
faut que le père meure pour que le fils s'épanouisse. Sans doute cette
vision
de l'accomplissement commune à la démarche initiatique et à la
psychologie des
profondeurs nous vaut-elle depuis toujours la méfiance (et le mot est
faible..)
de la majorité des églises, pour lesquelles c’est à l’inverse le fils
qui doit
mourir pour mériter son père, accepter le martyr pour sauver sa foi.
Le
grand pas chassé, par lequel
le Maître enjambe sa propre mort, fait allusion aux plus grands
mystères,
hérités du Panthéon égyptien, de la Mythologie grecque et du Volume de
la Loi
sacrée.
Comme
toute cavité, le tombeau
est le symbole du subconscient. Œdipe, le mauvais compagnon qui tue
Laïos-
Hiram, son père de chair, tue en réalité le père archétype, le père de
tout
homme, celui qui donne sa direction et son sens évolutif à la vie
humaine.
Entraîné
par son acte dans la
chute au plus profond de lui-même, il puise dans celle-ci sa force
d'élévation,
jusqu'à faire figure de héros vainqueur.
Au
terme de son déplacement, le
Maître ne reste pas figé dans une attitude contemplative : Il
est sur une
impulsion, il est en mouvement, il est mouvement.
Sa
marche comporte 8 pas: 7 ans et +.
Succédant
aux 6 jours de la création et au shabbat, le
huitième jour est le
symbole de la résurrection, de la transfiguration : « Le maître
est retrouvé et il reparaît aussi radieux que
jamais ! ».
7
pour
l'Ancien
Testament,
8 pour
le Nouveau.
7
ans pour le changement et 8
pour l'éternité, la
survivance, l’immortalité.
Au
terme de ce huitième pas, la
marche du maître se conclut par le signe d'horreur : « Ah ! Seigneur
mon Dieu »,
annonce qui constitue la neuvième
et ultime étape, celle où se conclut le cycle.
9
est le nombre du ciel.
Sans
conteste, 3 était le chiffre
novateur des degrés précédents. Sa connaissance permettait au jeune
initié
d’accepter sa dualité et de trouver une
forme d’unité dans l’individuation.
Son
carré, le nombre 9 est
celui de l’Universalité. Il conduit
cette fois-ci le Maître à l’Unité Cosmique, c’est-à-dire au 1 par le 10.
Ainsi
que l’écrit Paul (Epitre
aux Corinthiens 1-XIII. 12) « Aujourd’hui
nous ne voyons rien à travers le miroir, mais plus tard nous verrons
au-delà »,
le Maître retrouve au terme de son déplacement le miroir qu'il avait
découvert derrière lui au moment de son initiation au grade d'apprenti.
Il lui
fait face et dans son reflet il voit les trois derniers pas de sa
marche, former un Z, la
dernière lettre de
notre alphabet, celle qui clôt le cycle, tel l'oméga des
Grecs.
Devant
le
rideau qui
sépare le Debir de l’Hekal ,
celui-ci est, au sens littéral,
« sidéré»,
c’est-à-dire confronté à une
présence qui se situe au-delà de sa capacité d’appréhension. Dans ces
conditions il n’y a rien de surprenant à ce que face à l’immensité de
l'Univers,
il éprouve à la fois frayeur et admiration, effroi et Amour.
Ou
bien l'Etre est en moi et nous
sommes, lui et moi, Dieu, ou bien l'Etre Principe est autre et lui et
moi, nous
lui devons l'être : La question implicitement posée par cette
alternative touche
aux Lois causales et tout semblant de réponse ne peut relever que de la
sphère
privée.
Le
Maître, qui vient à peine de
se reconstruire à l'aide des outils de l'initiation artisanale sait à
présent qu'il
a quitté la voie principale pour emprunter celle de la quête
spirituelle qui
n’est ouverte qu’aux méritants..
La
recherche inflexible de la Vérité
va désormais guider ses pas sur le chemin du Devoir et de la
Connaissance.
∞
∞ ∞
Les
hommes vivent à la surface
d'eux-mêmes. Ils savent que la mort est au bout de la route et qu’il
n'existe
aucun détour terrestre pour échapper à ce terme. Pour l'homme ordinaire
ce
chemin accompagne la course du soleil dans le ciel, d'Est en Ouest.
Pour
l'Initié, la démarche s'accomplit en sens inverse. De l'Occident à
l’Orient, le
Maître maçon se dirige de la mort vers la vie. Une vie supérieure qu'il
conquiert tout au long de son existence et qui est l'issue d'une
éternelle
recherche et de violents combats.
La
Vie, dans son essence même est
nécessairement Une et Multiple et nous, Maçons écossais, avons déjà
effectué
quelques pas dans l’Eternité. Sachons bien vivre et la mort physique ne
sera
pour nous qu’un simple accident de parcours, cruel certes pour ceux que
nous
laissons, mais très doux parce qu’ultime élévation initiatique pour
mieux vivre
encore.
Le
passage symbolique par le
tombeau, le creuset des alchimistes est indispensable : de la fusion
des
matières éparses, sortant d'un magma inextricable, naît l'Or que chacun
recèle
en son sein.
Si
le processus initiatique a
fonctionné avec succès, certes le Maître aspire toujours à se sauver
par
lui-même et à « répandre
partout la Lumière »,
mais il avance
désormais dépouillé de tous les métaux
qui formaient son Œdipe parasitaire.
Ainsi qu’il est écrit dans le Volume de la Loi
Sacrée, il est comme
Moïse «… un
homme très humble, l’homme le plus humble que la terre ait
porté »
(Nombres 12/3).
C'est
cette libération, cette
sortie des conditionnements divers qui emprisonnent le corps, le cœur
et
l'esprit que symbolise la longue marche du maître vers l’Orient Eternel.
« Je
suis né de la Lumière, je suis l’un de ses fils et je retourne vers
elle »
(Thomas - 23)
J\F\ R\ |