Obédience : NC Loge : NC Date : NC


Les Secrets de la Grande Pyramide

Soudain je la vois , au loin, très loin, au détour d’un virage. Fugitive apparition mais déjà une émotion palpable. Il faudra encore une trentaine de minutes de taxi avant que Khéops m’apparaissent dans sa démesure. La magie opère immédiatement. Bien-sûr j’ai vu des dizaines de photos, lu des tonnes de bouquins. Parfois on est déçu par un monument ou une œuvre que l’on voit enfin « en vrai ». Mais là, comme dans le cratère de Santorin, le théâtre antique d’Epidaure, Abou Simbel, Sainte Sophie ou  l’Alcazar , un petit frisson me parcoure. C’était il y a quelques mois et je ne savais pas encore que la Grande Pyramide serait le sujet d’aujourd’hui ou plutôt les secrets de celle-ci. Me voilà au pied d’une montagne de questions et si le sujet ravit la prof. d’Histoire et l’amoureuse de l’Egypte  que je suis, l’ampleur de la tâche m’effraie. Et une question me hante : que suis-je sensée trouver ?

Et puisqu’il faut bien commencer par quelque chose, je m’attaque au mot secret. Secret : information ou savoir qui se trouve soit caché, soit inaccessible. Allons voir…

Dernière des sept Merveilles du monde à subsister, la Grande Pyramide n'est plus qu'un tombeau vide... Mais a-t-elle vraiment livré tous ses secrets ? Savoir comment les pyramides ont été construites est une question qui a toujours intriguée et qui revient sans cesse faute de réponse définitive à ce jour. Comment des hommes qui ne connaissaient ni le fer ni la poulie sont-ils parvenus à modeler et hisser 2 300 000 blocs pesant plusieurs tonnes jusqu'à 146 m de hauteur? Combien de temps pour construire une pyramide, avec combien d'hommes?   Qui a construit les pyramides ? Quelle logique peut avoir incité ces bâtisseurs d'un autre âge technologique à avoir le souci du respect d'un pareil degré de précision? Et enfin et surtout, pourquoi construire un monument si gigantesque ?  

  I) Une conception parfaite

Edifiée durant la IVe dynastie (2631-2494 avant J.-C.), la Grande Pyramide est un véritable prodige d'architecture, notamment par sa masse et par l'incroyable précision de ses proportions. En premier lieu, la pyramide est presque exactement alignée sur le nord (3'6" de déviation).  . Sa base est un carré quasi parfait de 440 coudées soit 230,37 mètres de côté (avec un écart maximal de 4,4 cm). Une telle précision suppose de bonnes connaissances astronomiques et une maîtrise d'œuvre très rigoureuse des travaux par les architectes. Avec une hauteur originelle de plus de 146,59 mètres (280 coudées), elle dispose d'une pente de 51°12. Ces prouesses techniques furent accomplies sans poulie, sans roue et sans les outils de taille extrêmement précis.

II) Comment et par qui ?

            A) La construction

Dans la mesure où les constructeurs ne nous ont laissé aucun élément tangible des techniques de construction toutes les hypothèses, même les plus fantaisistes, ont été avancées.

Pour faire vite, trois thèses s’affrontent :

La Thèse des machines

§         Hérodote (Vème s av JC) fut le premier à donner son avis, il pensait que les blocs étaient hissés sur la pyramide grâce à des machines en bois (théorie "machiniste").

La thèse des rampes

Selon l’option des « rampes », la construction a été réalisée à l’aide de plans inclinés sur lesquels les blocs de pierre ont été tractés. Les principales propositions émises sont :
- la rampe unique ou frontale (perpendiculaire au monument) ;
- la rampe en spirale, enveloppante ou hélicoïdale ;
- la rampe zigzagante sur une face ;
- une configuration à rampes multiples.

Le procédé de la pierre reconstituée.

Les Egyptiens auraient appliqué le même procédé que celui de la fabrication des briques d'argile crue. Le calcaire, naturellement présent sur les lieux de construction, aurait été broyé puis mélangé à de l'eau du Nil, puis la pierre calcaire boueuse aurait été mélangée de nouveau avec une argile kaolinite ainsi qu'avec du natron (sel), qui aurait fait office de liant. Cette boue, placée dans des moules, aurait séché quelques heures pour former une pierre aussi solide qu'une pierre taillée. Une reconstitution expérimentale de ce procédé a été menée par Joseph Davidovits et son équipe ; elle a montré que la méthode semble efficace. Selon Davidovits, cette théorie permet de résoudre le problème du transport et de la levée des blocs : ceux-ci auraient en effet été moulés sur place les uns sur les autres.

Je ne m’étendrai pas sur les théories plus ou moins fumeuses qui pullulent depuis plusieurs décennies : certains ont résolu le problème de la construction des pyramides en disant qu'elles avaient été construite par des extra-terrestres ou des dieux. D'autres imaginent que les pierres ont été soulevées à l'aide de ballons dirigeables. Comme on ne retrouve pas les débris des rampes de construction, d'autres encore avancent que ces terrasses étaient formées de sel et qu'elles ont été dissoutes par les eaux du Nil.

B) Les bâtisseurs

Combien de temps pour construire une pyramide, avec combien d'hommes?
Cette question a toujours intrigué. Hérodote a parlé de trente ans avec 100 000 hommes en permanence pour construire la plus grande pyramide, celle de Chéops. Mais 100 000 hommes auraient représenté 10% de la population ce qui est inconcevable. Faute de documents, on en est réduit à faire des estimations en utilisant les techniques de l'époque. Les dernières recherches ont évalué que la construction de la pyramide de Chéops aurait pu être construite par 20 000 personnes pendant 20 ans. Cet effectif, relativement bas pour une telle entreprise, s'explique par une organisation très efficace du chantier.

Hérodote a parlé d'esclaves. Là encore, il s'est trompé. Il y a un peu plus d'une dizaine d'années, on a retrouvé le village des ouvriers qui construisirent les pyramides de Gizeh et un cimetière de plus de 600 tombes. L'analyse des squelettes des ouvriers et des fragments d'objets a permis de démontrer que des familles vivaient là il y a plus de trois mille ans dans un relatif confort avec des soins médicaux de qualité. Toutefois, l'état des vertèbres des ouvriers se distingue de celui des Nobles, il montre que le travail était très pénible et demandait de gros efforts. Tous les corps de métier étaient représentés et de nombreux ossements d'animaux témoignent d'une alimentation riche. Les prélèvements d'ADN montrent que ces ouvriers étaient tous Egyptiens et venaient de toute la vallée du Nil (on retrouve le même ADN avec les populations d'aujourd'hui). A partir de ces constatations, les historiens ont élaboré une nouvelle hypothèse : les constructeurs des pyramides étaient des ouvriers rémunérés, venus de toute la vallée du Nil pour participer à ce grand projet pharaonique. Au-delà du rite funéraire, la pyramide aurait donc été un formidable instrument de cohésion sociale. On a aussi découvert dans le cimetière des ouvriers des tombes en forme de pyramide, ce qui montre (contrairement à ce que l'on pensait) que dès l'Ancien Empire (et non à partir du Nouvel Empire) la possibilité d'une survie dans l'au-delà ne concernait pas seulement le pharaon mais toute la population..

III) Pourquoi ?

Des milliers de mètres cubes de pierres entassées les unes sur les autres, taillées avec une incroyable minutie, assemblées avec une adresse prodigieuse, hissées à des hauteurs incroyables par des moyens inexplicables, toute cette dépense d’énergie, d’intelligence et de science font que nombre de personnes ne peuvent se résoudre à penser que Khéops est seulement un tombeau pour un pharaon. L’égyptologue Mariette s’en étonnait : « A priori, il n’y a pas de raisons pour que la pyramide de Khéops ait eu une autre destination que les soixante et quelques autres pyramides qu’on trouve en Egypte. »

Pourtant, de tous les monuments semblables en apparence, le plus gigantesque draine vers lui la totalité des questions, des hypothèses et des recherches avec une idée maitresse : Khéops n’est pas un tombeau ou pas seulement un tombeau. Symbole de puissance ? Edifice astrologique ? Lieu sacré des prophéties ? Ecrin du savoir d’une civilisation disparue ? Les hypothèses sont légions.

Mais voyons d’abord ce que l’on trouve à l’intérieur.

La structure interne est unique par sa complexité. L’entrée se trouve sur la face nord, à 27,50 m du niveau du sol. Une fois franchie cette porte, on peut suivre trois « chemins » différents :

Ø      un chemin descendant qui aboutit à une chambre souterraine construite exactement dans l’axe central de la pyramide,

Ø      un chemin horizontal menant à la chambre dite « de la reine »,

Ø      un chemin ascendant qui permet d’accéder, par une monumentale galerie, à la chambre haute dite « Chambre du Roi ».

La Grande Galerie d’une hauteur de 8,50m et de 47m de long est faite de blocs parfaitement joints. Quand à la chambre royale construite en granit d’Assouan,, son plafond est constitué de neuf dalles monolithiques en granit pesant 400 tonnes avec au-dessus quatre chambres de décharges ayant pout but d’assurer la stabilité du monument. Dans la chambre du Roi, on trouve un sarcophage qui ne possède pas de couvercle. Enfin, l’édifice comporte deux couloirs dit de « ventilation », un au nord, l’autre au sud.

Revenons à notre question : pourquoi ?

Dans le Dictionnaire de la Franc-Maçonnerie, au terme Pyramide, on peut lire : « Les dimensions extérieures, les aménagements intérieurs, les proportions et l'orientation rigoureuse de la pyramide de Chéops sont en relation avec le Nombre d'Or, le mouvement des astres, et les dimensions de la terre.  Ceci confirme la thèse selon laquelle non seulement sa destination était bien en relation directe avec le cosmos mais qu'elle avait un caractère profondément ésotérique..."

Essayons d’y voir plus clair.

Ø      le nombre d’Or :

Je ne ferai qu’évoquer rapidement ce qui concerne les mathématiques et la géométrie. Non que cela soit inintéressant, mais mon goût pour les mathématiques et mes dispositions pour la matière étant faibles, je préfère survoler ce point plutôt que m’y enliser… Au point de vue géométrique, la pyramide de Khéops  attire l’attention car elle présente certaines qualités remarquables telles les deux  valeurs de   π et   φ   (le nombre d’or).  

Ø      les dimensions de la Terre :

Lorsque les savants de l’expédition de Bonaparte résolurent d’effectuer la triangulation de l’Egypte, la Grande Pyramide servit de point central qu’ils prirent pour origine des longitudes dans la région. Or, quel ne fut pas leur étonnement lorsqu’ils constatèrent que les diagonales prolongées de la pyramide renferment exactement le delta du Nil, que le méridien, c’est-à-dire la ligne nord-sud passant par le sommet divise le delta en deux secteurs rigoureusement égaux. De plus, de tous les méridiens du globe, celui de la pyramide est le méridien idéal, puisqu’il traverse le plus de continent et le moins de mer ; et si l’on calcule exactement l’étendue des terres que l’homme peut habiter, il se trouve que ce fameux méridien les partage en deux parties rigoureusement égales.

Ø            le mouvement des astres

La « corrélation d'Orion » est une théorie proposée par certains égyptologues (comme Selim Hassan) ou archéo-astronomes (comme Robert Bauval), selon laquelle il existerait une corrélation entre la position des pyramides d'Égypte et la position des étoiles. D'après cette théorie, les trois grandes pyramides du plateau de Gizeh seraient la représentation du baudrier d'Orion, à savoir Mintaka (δ Orionis), Alnilam (ε Orionis) et Alnitak (ζ Orionis). Le Nil matérialiserait la Voie Lactée et d'autres pyramides feraient partie de ce système. On peut constater que le conduit sud de la chambre du roi vise l'etoile alnitak de la constellation d'Orion tandis que le conduit nord de cette chambre vise l'étoile alpha draconis qui était l'étoile polaire de l'époque. Le conduit sud de la chambre de la Reine, quant à lui, vise l'étoile Sirius c'est à dire Isis alors que le conduit nord lui vise l'étoile bêta de la petite ourse. Ainsi les Egyptiens auraient reproduits sur Terre, l’image du cosmos, les  liant pour l’éternité.

Il nous faut maintenant aller  au-delà et pousser plus loin notre quête. Quel rôle Khéops a-t-elle pu jouer à une époque où le culte de la mort , la religion et les monuments érigés sont si intimement liés ? Quelle symbolique avait-elle aux yeux de ses bâtisseurs ?  La Grande Pyramide pourrait-elle être un monument initiatique ?

Les croyances funéraires égyptiennes sont multiples et parfois contradictoires selon les époques. L'idée d'une survie dans l'au-delà semble dater du néolithique. A l'ancien Empire apparaît une conception stellaire puis solaire selon laquelle l'âme du pharaon monte au ciel en escaladant les rayons pétrifiés du dieu Rê symbolisés par sa pyramide funéraire . Les Textes des Pyramides sont explicites : « Tu grimpes, tu escalades les rayons ; c’est toi le Rayon sur l’escalier du ciel ». Vénérant le Soleil, les Egyptiens pensaient donc que les morts rejoignaient l'astre après leur décès. Ils ont donc bâti pour leur roi un tombeau qui lui permettrait grâce à la géométrie ascensionnelle du monument et au terme de son voyage souterrain, de l’utiliser comme un véritable escalier afin de s’élancer vers le ciel, se frayer un passage vers les étoiles, vers les dieux, vers le nefer ou Perfection.
Ainsi l’escalier évoque cette rupture de niveau qui rend possible le passage du monde où nous sommes incarnés à cet univers que nous aspirons à retrouver. Gravir l’escalier, c’est vaincre la mort.

Que symbolise la pyramide ?

Ce monument sacré est d’abord l’image de la Montagne primordiale, première forme qui se dressa au-dessus du Noun (océan primordial) et d’où émergea la première manifestation de la vie. Alors, l’existence se substitua à la non-existence, l’Ordre au Chaos, la lumière aux ténèbres car sur cette éminence se leva un astre nouveau : le soleil. On peut alors voir la pyramide comme le monde minéral des origines, un symbole vivant tourné à la fois vers l’intérieur en tant que matrice originelle et vers les étoiles, le cosmos. Elle est un temple-montagne, siège du divin qui capte l’énergie divine afin que tout le royaume en bénéficie.

Dernière question : la Grande Pyramide a-t-elle pu être un temple initiatique ? L’idée est belle, tentante. Quel temple rêvé ! Et même si rien ne vient étayer concrètement cette thèse, on sait qu’au fil de l’histoire antique égyptienne, de nombreux temples initiatiques ont été édifiés : l’Osiréion à Abydos, Karnak pour ne citer que les plus célèbres. L’architecture interne très particulière de Khéops et qu’on ne retrouve dans nulle autre pyramide peut interpeller et on peut y voir un « chemin initiatique ».

Au pied de la Grande Pyramide, le Franc-Maçon ne peut que méditer  sur l’initiation qui nous met sur la voie d’un commencement menant à la Connaissance après une nouvelle naissance. La recherche de soi-même devient une quête et peut-être s’agit-il de plonger dans le Noun afin d’y retrouver les membres épars d’un Osiris qui porte notre propre nom. Chacun doit alors construire sa pyramide intérieure, se perdre dans les dédales des galeries profondes pour cheminer jusqu’à son étoile.

C\ M\


7241-2 L'EDIFICE  -  contact@ledifice.net \