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Loge: NC |
01/2022 |
L’Agape A l’approche
des fêtes de
Noël, le moment me semblait approprié pour vous faire part de mes
réflexions
sur le caractère symbolique de l’agape. A l’occasion
des festivités
pour la célébration de la nativité, l’agape où les agapes auxquelles
nous participerons
tous j’espère, seront encore plus que de coutume, un moment rempli de
convivialité, de spiritualité, de joies et de nourriture, le tout dans
une
ambiance mystique et merveilleuse. L’agape se
caractérise par
deux points essentiels qui sont : la pratique d’un rituel et la
spiritualité qui se rapporte à la nourriture. Tout d’abord, voyons qu’elles sont les
origines historiques de l’agape : AGAPE vient
du mot grec Agapè
et du verbe agapan qui signifient chérir au sens fraternel du terme et
non pas
aimer au sens érotique du terme. Le mot agape
semble
appartenir à la littérature chrétienne, car c’était le repas que
prenaient en
commun les chrétiens au premier siècle de notre ère, au cours duquel
ils
partageaient le pain et le vin, symbole de la communion et du partage
du corps
et du sang du Christ, comme cela figure sur l’évangile de l’apôtre Jean. Lorsqu’on
s’intéresse aux
rites anciens des différentes civilisations ou confréries initiatiques,
on
s’aperçoit que le repas représentait presque toujours un rituel,
marquant
parfois le premier degré d’une initiation, comme dans les sociétés
secrètes
Egyptiennes par exemple. De plus,
certains aliments et
boissons reviennent très souvent au cours de ces différentes pratiques
rituelles, comme le pain, le sel, le poisson, le vin et l’eau. Intéressons-nous maintenant à l’aspect
rituélique de l’agape chez nous Francs-Maçons : A la fin des
tenues, dans le rituel que nous pratiquons, le Vénérable Maître nous
convie à
partager une agape fraternelle et frugale dans la salle humide. La table du
banquet est
disposée à cet effet en U pour des raisons pratiques de disposition,
mais la forme
réelle devrait être en forme de fer à cheval. Le Vénérable
Maître occupe le
centre de la table à l’Orient, entouré de ses Officiers disposés comme
ils le
sont dans le temple. Les colonnes Sud et Nord constituées par les côtés
de la
table du banquet sont occupées respectivement par les compagnons avec à
l’extrémité le premier surveillant et par les apprentis avec à
l’extrémité le second
surveillant. Les frères
visiteurs sont
également invités à se joindre au banquet. Le banquet
s’ouvre alors dans
un profond silence et la prière d’ouverture faite par le V.M. identique
aux
bénédicités chrétiens ainsi que les différentes santés d’obligation
témoignent
du caractère sacré de l’agape. Les apprentis
de la loge se
font alors un devoir de servir tous les autres frères. C’est au
cours de l’agape qu’un
apprenti peut à l’initiative du V.M. prendre la parole. Parlons
maintenant de la nourriture qui est servie et
de ce qu’elle nous apporte tant sur le plan symbolique, que spirituel. (J’ai
également abordé dans un document annexe qui
peut intéresser certains frères et que je tiens à votre disposition
sous forme
de photocopies : l’aspect nutritif, diététique, les incidences sur
la
santé de la surconsommation de certains aliments, ou les carences qui
en
découlent, les aliments riches en substances anti-oxydantes qui
permettent de
prévenir l’apparition de certaines maladies métaboliques comme les
maladies
cardio-vasculaires et certains cancers, et contribuent également à un
vieillissement harmonieux Ce sont des thèmes que j’enseigne à mes
étudiants en classe de diététique et qui représentent un domaine qui me
passionne dans la vie profane. La
lecture de ce document lors de la tenue rallongerait quelque peu mes
propos, et
sortiraient du cadre symbolique et rituélique, c’est pour cela que l’ai
annexé
à mon travail). LE PAIN : Fait à base
de froment c’est
à dire de blé tendre, d’orge ou de seigle, il fut fort longtemps la
nourriture
de base des hommes. La culture des céréales qui s’y rapportent est
également à
l’origine de nombreux mythes. Dans
l’antiquité, la farine
de blé était appelée « moelle des hommes ». Les grecs et
les romains
répandaient du blé sur la tête des victimes qui allaient être immolées. L’épis de blé
était souvent
considéré comme une image symbolique, car comme l’âme, le grain de blé
avant de
pousser et voir le jour, séjourne dans les ténèbres. Le pain est
donc devenu le
symbole de la nourriture essentielle, mais également spirituelle. Il fut
l’objet du récit
biblique de la multiplication des pains par Jésus qui le bénit et le
rompit, et
tous les affamés en mangèrent et furent rassasiés. Ce récit sert
probablement de
symbolique et de parabole qui sous-entendent et confèrent au pain des
vertues
nourricières, mais également la potentialité nourricière que représente
la
foi. Initialement,
le pain
ressemblait plutôt à une galette épaisse et compacte plus ou moins
appétissante. Plus tard, les Grecs et les Romains qui avaient observé
qu’un
mécanisme naturel de fermentation se produisait et pouvait faire lever
la pâte,
rendant cette galette plus digeste et plus savoureuse, parvinrent à en
maîtriser la fabrication. Il
y a 2 millénaires, Rome comptait déjà 300
boulangeries tenues par des citoyens grecs. L’expansion Romaine a
permis
d’étendre sa consommation vers le nord de l’Europe, puis sur l’ensemble
du
continent. Dans la
France du Moyen-Age,
les premières boulangeries apparaissent tout d’abord au cœur des villes
et des
bourgs, alors que le pain était auparavant confectionné dans les fermes. En 1789, les
Français
consommaient 500 grammes de pain par jour. Nos modes de vie et notre
alimentation ayant changés depuis, la consommation quotidienne est
comprise
aujourd’hui entre 160 et 180 grammes par personne. LE SEL : C’est le
condiment essentiel
à l’alimentation et l’un des symboles de la nourriture spirituelle. Ainsi le
livre des nombres
nous parle du sel de l’Alliance, qui désigne une alliance que Dieu
lui-même ne
doit pas briser : c’est là une alliance éternelle par le sel
devant Dieu. On retrouve
également ce
symbolisme dans le livre du Lévitique qui évoque la propriété de
conservation
du sel : tu ne manqueras pas de mettre sur ton offrande à ton
Dieu, le sel
de l’Alliance. Le sel des
offrandes dont
nous parle le prophète Ezéchiel ou celui versé sur les eaux de la
source de
Jéricho, évoque alors le pouvoir purificateur du sel. Là où
jaillissaient
les eaux, Jéricho y jeta du sel et dit : J’assainis ces eaux et
d’elles ne
viendra plus la mort. Le sel jeté
par le vainqueur
sur un territoire pour le rendre stérile, tel que nous dit le Livre des
Juges,
est lui symbole de désolation et de destruction. Symbole que
l’on retrouve
également dans la punition infligée par Dieu à la femme de Lot, changée
en
colonne de sel, parce qu’elle avait enfreint la consigne donnée par les
anges,
de s’enfuir et de ne pas regarder en arrière. Il fut donc
longtemps
considéré comme une denrée précieuse indispensable à la vie. Il a servi
de
monnaie d’échange et participé à la rétribution des soldats romains
d’où
l’origine du mot « salaire ». En France, il fit l’objet d’un
impôt
« la gabelle ». L’EAU : Elle
représente le premier
élément qui est apparu sur la terre qui a permis l’installation ensuite
de
toutes les formes de vies. Dans la littérature biblique le thème de
l’eau
occupe naturellement une place de choix et les significations
symboliques sont
très nombreuses : Le déluge de
pluie incessante
qui frappa les habitants de la terre pendant 40 jours qui extermina
toute forme
de vie terrestre à l’exception de Noé, sa famille, et les animaux qu’il
embarqua sur son arche. L’Evangile de
St Jean
dit : qui boira de l’eau que je lui donnerai n’aura plus jamais
soif. L’ancien
testament relate
l’esprit de Dieu qui planait au dessus de la face des eaux. Moïse qui
traversa avec son
peuple la mer, alors que les eaux se soulevèrent. Le baptême,
l’immersion dans
les eaux du Jourdain par Jean Le Baptiste, l’eau bénite des bénitiers,
sont
autant de symboles du caractère sacré que l’on porte depuis tous temps
à l’eau. Lors de
l’initiation, au
cours du second voyage ou il est persévérant, le candidat maçon et
futur
apprenti, passant par le nord pour chercher la lumière, rencontre l’eau
sur son
parcours qui par la dissolution des choses impures, lave et purifie,
mais
recèle leurs influences funestes, et les principes de la putréfaction. Histoire de
l’eau et de la
santé : Outre sa
fonction vitale, qui
explique que la fontaine occupait la place centrale du village, les
hommes
connaissent depuis des millénaires les fonctions thérapeutiques de
l’eau. Déjà les
Egyptiens
utilisaient l’effet bienfaisant de certaines sources. Hippocrate, père
fondateur de la médecine au Vème siècle avant Jésus-Christ, prescrivait
des
bains chauds. C’est aux
Romains que l’on
doit l’invention des cures thermales, combinant douche au jet, bains de
vapeur,
bains de boues et ingestion d’eau captée à la source. Cette
thérapeutique n’a
pas pris une ride au cours des siècles et se pratique toujours. Brefs, les
thèmes sur l’eau
sont nombreux et ne pourront tous être abordés lors de mon exposé. LE VIN : Dans toutes
les traditions
anciennes, il est utilisé comme symbole de la connaissance et de
l’initiation,
et dans la plupart des religions à mystères de l’Antiquité, il a été
considéré
comme le breuvage de la vie et de l’immortalité. Nous verrons plus loin
que les
qualités qui sont conférés au vin par ces substances intrinsèques, ne
viennent
pas démentir ces légendes. Dans toutes
les religions, il
est également le symbole d’un accomplissement mystique car il est un
élément de
sacrifice, la vigne ayant depuis les temps les plus anciens, été
considérée
comme une plante messianique. Il en était
ainsi dans les
mystères de Mithra, et de Dyonisos dans la Rome Antique qui célébrait
deux
fêtes majeures liées au vin. L’ancien
testament nous
rappelle lui, que le cep de vigne provenant du paradis appartient à la
famille
des arbres de vérité. La plupart des livres qui le composent célèbrent
les bienfaits
du vin qui mêlé d’aromates et d’épices, permet d’oublier ses peines et
d’égayer
la vie. Tout repas en ce temps là comportait du vin. Les prêtres
chrétiens
utilisent le vin comme symbole du sang du Christ versé pour nous. A propos du
vin et de son histoire,
là encore, la recherche pourrait être longue et enrichissante. LE
POISSON : C’est le
symbole des eaux,
associé à la naissance ou à la restauration cyclique. Dans les plus
anciennes
traditions il a été associé au cycle vie-mort-renaissance ainsi qu’à la
dynamique de salut, et les interprétations nombreuses et diverses qui
s’y
rapportent expriment autant un symbolisme psychologique que
religieux : Ainsi des
philosophes tels
Gilbert Durand ou Carl Jung citent souvent le poisson comme symbole de
l’inconscient
individuel dans leurs travaux sur la psychologie des profondeurs. L’Iconographie
utilise
souvent le poisson comme emblème d’un dieu sauveur. Pour les
grecs, le dauphin
était le Dieu-clé du sanctuaire de Delphes. Aphrodite
pour les grecs et Vénus
pour les romains étaient souvent assimilées au poisson et au jour qui
leur
était dédié il était recommandé de manger du poisson. Les fouilles
archéologiques
des catacombes romaines et celles plus récentes du site de Saint
Sébastien en
Italie confirment que dès le premier siècle, le poisson symbolisait le
Christ. Le symbole
Christologique du
poisson vient sans doute de ce qu’il a été la seule nourriture que le
Christ
ait mangé devant ses apôtres après sa résurrection : Avez-vous
quelque
chose à manger ? demanda Jésus aux apôtres réunis. Ils lui
présentèrent un
morceau de poisson grillé qu’il mangea devant eux. Le poisson
serait devenu
ainsi symbole du repas eucharistique. Terminons
avec mon ressentit personnel à propos de la tenue d’une agape, tant
lors de la
continuité des travaux d’une loge, que lors d’une réunion familiale
quotidienne
ou occasionnelle : L’agape ou
banquet que je
pratique très souvent dans la vie profane de par mes fonctions
d’enseignant
dans une école hôtelière, à l’occasion des réunions ou des événements
familiaux
ou amicaux ou au cours de ma vie maçonnique, représente pour moi un
moment
privilégié et indispensable permettant de resserrer les liens qui
unissent
toutes les personnes qui se retrouvent autour de la table. Tout d’abord
l’agape
m’apparaît comme un moment de détente, d’échange de points de vue et de
dialogue à l’occasion d’une réunion ayant un caractère moins solennel
que la
cérémonie qui peut la précéder. L’ambiance
chaleureuse,
conviviale, fraternelle, la joie et l’amour qui caractérisent et
émanent en
général d’une agape permettent de rompre avec les tumultes continuels
qu’occasionne la vie. Le stress
négatif dont nous
sommes tous plus ou moins victime dans la vie profane se transforme en
stress
positif par la bonne humeur, les rires, la joie, le bonheur de se
retrouver et
l’amour fraternel qui caractérise l’agape. De plus les
aliments servis,
ou les plats qui composent le menu ainsi que les boissons et plus
particulièrement le vin qui accompagne les plats, contribuent également
à
intensifier le caractère symbolique et le sentiment de bonheur qui
découle de
l’agape. On dit
souvent que la bonne
nourriture et l’ambiance chaleureuse d’un banquet font parti des joies
que nous
procure la vie. En effet, la
joie, les rires,
la simple vue puis la consommation d’une nourriture appétissante et
bien
présentée provoquent chez l’être humain la sécrétion d’adrénaline et
d’endomorphines qui sont des hormones qui amplifient l’exaltation et le
bonheur
de se retrouver, nous conduisant peu à
peu dans un état d’ivresse (au sens non pas stricto-alcoolique du terme
bien
sur) et d’euphorie qui occasionnent des vibrations internes subtiles
qui
relaxent, restructurent et donnent la sensation d’un profond bien-être. Et je
terminerai mes propos
sur l’agape en exprimant un regret, qui, bien entendu est un sentiment
très
personnel n’engageant que moi, et qui concerne la coutume de se
retrouver
quotidiennement autour de la table dans le cadre familial : Autrefois,
les membres d’une
famille (père, mère, enfants, grands-parents) se réunissaient au moins
une fois
par jour autour de la table pour partager le repas qui était préparé
par la
mère. Chez les
personnes très
croyantes et pratiquantes, une prière était faite par le père ou le
chef de
famille pour demander à Dieu de protéger et bénir tous les membres de
la
famille et le repas qui allait être consommé. C’était un
moment privilégié
pour la famille de se réunir, de resserrer les liens, de communiquer,
et pour
le père de famille que l’on respectait d’éduquer ses enfants et de leur
promulguer des conseils. De nos jours,
les femmes
travaillent, souvent parce que c’est indispensable sur le plan
financier, les
enfants vont à l’école et déjeunent sur place, le père déjeune
également sur le
lieu de travail, si bien que ces moments de convivialité et de
retrouvailles
sont de moins en moins fréquents. Lorsqu’ils ont lieu, ils sont bien
souvent
perturbés par les images et le son d’une télévision qui captive toute
l’attention des individus. Les enfants se lèvent de table avant même la
fin du
repas pour rejoindre leurs camarades ou aller jouer derrière une
console de
jeux vidéo, lorsqu’ils ne sont pas arrivés après le repas ou repartis
avant. Les aliments
consommés
d’origine industrielle ont une valeur alimentaire et un goût moindre
sans
parler de l’origine plus ou moins douteuse et suspecte des matières
premières
qui les constituent (l’actualité et les médias ne manquent pas de nous
le
rappeler depuis quelques semaines ou quelques mois). L’attrait pour la
nourriture
et le plaisir de manger qui devrait en découler est moins important. Bref, il est
fait abstraction
de tout le rituel et le symbolisme que constitue le repas. Ne serait-ce
pas déjà un peu
la cause ou un facteur complémentaire de la rupture et de l’éclatement
du noyau
familial, de la perte de l’autorité parentale, du manque de civisme de
certains
enfants, de la banalisation des actes de violence qui secouent notre
société
actuellement ? Ce thème que
je viens
d’aborder en guise de conclusion de ce travail, est si riche et vaste
sur le
plan symbolique, qu’il mériterait beaucoup plus de réflexions et de
méditations. |
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