Obédience : NC | Loge : NC | Date : NC |
La règle C'est un fascicule edite par les oeuvriers de Guedelon qui m'a impose la regle comme sujet symbolique de compagnonne. Connaissez-vous Guedelon ? C'est un pari fou debute en 1997, construire avec les techniques d'époque un château fort moyenâgeux, ce n'est pas trop loin de Paris et le chantier avance bien ! Dans ce fascicule, ils évoquaient les mesures utilisées sur le chantier, la corde a 13 noeuds -chaque noeud etant separe d'une coudee-et la regle de mesures. Il etait precise que ces mesures -coudee, empan, palme, paume et pouce-, afin de rester identiques au fil des années du chantier, étaient celles du maitre d'oeuvre de l'ouvrage. L'evidence de ce travail, ne du lien intime entre la règle et le maitre qui dirige, est apparue la. Mais etait-ce vraiment la regle ? En avancant j'ai decouvert que l'instrument évoque dans le fascicule etait la jauge et non pas la regle, il n'empeche les liens entre ces 2 outils restent forts dans notre imaginaire maçonnique. Je commencerais par un certain nombre d'evocations spontanees, issues de ma vie profane. La première règle qui me vient a l'esprit est la regle scolaire en bois dur. Je dois dire que je n'ai jamais apprécie les règles en plastique et je reconnais un faible pour les regles metalliques. Ce bon vieux double decimetre qu'il soit de coupe carre ou triangulaire a ete un compagnon fidele de mes trousses. Cette regle scolaire permet de mesurer, mais comme tout instrument de mesure, celle-ci est intrinsequement imprecise ! Et cette imprecision de la mesure doit toujours rester a l'esprit, elle est humaine, liee tout autant a l'outil fabrique par une main humaine qu'a l'oeil qui lit l'outil de mesure. Hors mesurer permet de separer, et eriger des valeurs discontinues en limites me semble brutal, c'est pour moi un argument en faveur du continuum. Je separe cette regle de mesure, entaillee de marques multiples de la regle de trace geometrique, celle-la doit etre la plus rectiligne possible, il faut savoir la tenir fermement pour que le trait soit pur et droit, les entailles des regles de mesure ne permettent pas ce trace tendant a la perfection car elles arretent, freinent la mine, la font tressauter et trembler, empêchant et retenant le geste. Cette regle de trace est pour moi liee a la beaute du trace geometrique. Correctement maniée elle permet sa pleine expression, sa purete. Lorsque le trait est fin il devoile les étapes de construction, s'il est plus appuye il revele la figure. Mais surtout cette regle permet la trace d'un des elements de base, la droite, un idéal infini que nous tentons maladroitement de representer sur le papier blanc. Continuant ces evocations, la regle est aussi pour moi la regle du jeu, J'ai toujours beaucoup joue que ce soit a des jeux de plateau ou des jeux videos, des jeux de roles ou aux cartes -tarot en particulier, c'est une tradition familiale paternelle ou solitaires dans ma lignee feminine maternelle. Dans chaque cas une regle s'applique et le jeu est aussi de savoir l'utiliser et la contourner. D'une certaine maniere cette regle tacitement acceptee pourrait figurer les regles des relations humaines. Je dois dire que je suis toujours genee par ceux qui se jouent de la regle voire qui trichent. La regle evoque egalement pour moi la regle grammaticale. Je pense ici à l'allemand et au latin, que j'ai appris au collège puis au lycée. Il fut une epoque lointaine ou j'ai su jouer avec celles-ci et c'etait egalement un plaisir que d'avoir, a force de travail et d'exercices reussi à les apprendre, a les incorporer. Enfin nous pouvons parfois observer sur une representation de saint, une regle. Elle symbolise la règle religieuse de l'ordre auquel il est rattache : il en est ainsi de Saint Benoit ou Saint Francois. Ces regles de vie encadrent et guident, traçant un chemin spirituel de vie, et s'imposent a tous les freres de la communauté et de l'ordre. Revenons à notre chantier maconnique. Si la regle reste toujours presente dans notre temple, sur l'autel des serments, je me suis demandee ou, quand et comment elle se manifestait dans le rituel du second degre. Nous sommes entrees a l'ordre, tenant en main gauche nos outils d'apprenti, le ciseau et le maillet, et avant même de voyager, nous les avons pris en main droite et remplaces par la regle a 24 divisions, portee sur l'epaule gauche. La V\ M\ nous a rappele qu'elle symbolisait la journee de la franc-maconne dont toutes les heures doivent être employées. Ainsi portee et tenue de de la main gauche, la regle est presente lors des 4 premiers voyages, mais les outils portes en main droite varient. De la decouverte des sens lors du premier voyage ou elle accompagne les outils de l'apprentie, a celle de l'architecture lors du second voyage avec le compas, puis des arts liberaux avec le levier, elle est encore présente, avec l'équerre, lorsque les noms des inities sont devoiles lors du 4° voyage. Si le dernier voyage est effectue les mains libres, la regle et le levier restent presentes, au midi, sur la colonne Jakim. Et la V\ M\ eclaire son sens : « la règle qui symbolise la loi cosmique et morale ». Lors de nos voyages la regle est portee à gauche. Nous sommes majoritairement droitiers et donc agissons, travaillons avec la main droite qui est un peu notre premier outil. Cette main droite est donc assimilee a l'action, et la main gauche plus vécue comme passive, reflexive. Nous entrons avec les outils de l'apprenti en main gauche, mais des le 1° voyage ils passent en main droite, nous sommes donc en mesure de les utiliser, ils sont devenus actifs apres notre apprentissage. En revanche la regle restera tout du long en main gauche, n'est ce pas elle qui doit etre apprise, que la compagnonne tentera de maitriser lors de ses deplacements ? Ou est-ce l'outil qui guidera les autres outils utilises, actifs pour leur part ? Apres le premier voyage, marquant la transition de l'apprentie a la compagnonne par la coexistence d'outils de 2 niveaux différents, la règle representant ceux de la compagnonne, le second voyage rapproche regle et compas. Les 2 outils necessaires et suffisants a la realisation des traces d'architecture, des plans qui president, mais ces outils ne sont pas reunis dans la main active, leur utilisation n'est pas encore maitrisee, nous ne savons pas tracer les plans qui nécessitent leur utilisation conjointe meme si nous en percevons deja l'importance. Lorsque nous decouvrons les arts libéraux, c'est avec le levier, outil du mouvement et de l'action en main, mais la regle est la pour rappeler que la sagesse est necessaire dans le choix du point d'appui : agir ne suffit pas, il faut la aussi etre guide, ou l'on agit inconsiderement ! Et guides d'autres l'ont ete avant nous, d'autres ont ete eprouves lors de leurs voyages de recherche spirituelle comme le rappelle l'association de l'équerre a la regle lors du 4° voyage de decouverte des inities. Nous sommes invitees donc a agir, travailler librement comme nous le signifient nos mains libres du dernier voyage, mais l'association au midi du levier et de la regle nous appelle a ne pas oublier les regles, lois et connaissances avant d'agir. Notre injonction d'action est doublee d'un appel à approfondir, travailler notre connaissance des lois régissant le monde. Et la regle si presente lors de ces voyages, qui symbolise la loi cosmique et morale comme vient de nous l'expliquer la V\ M\ nous pousse à chercher l'universalité de cette loi. La règle nous avait indique que nous devions travailler en tous temps, maintenant elle nous indique que nous devons rechercher la loi sous-jacente en tous lieux. Et les echos des outils au travail se repandent hors du chantier. Revenant sur ce que cela eclaire de mon chemin, le premier echo qui se fait est le lien entre la regle et l’apprentissage. J'ai evoque les regles grammaticales, travaillees au point d'etre interiorisees, mais la compréhension des mécanismes, des lois de fonctionnement me semble indispensable à un apprentissage durable. Je fais le lien avec la Medecine, l'un de mes maitres, comme nous disons, incitait a ne pas se contenter de l’apprentissage de simples recettes par cœur, bien au contraire il incitait a travailler pour comprendre les mecanismes sous-jacents, apprehender les lois, ce travail plus exigeant, plus long se revelant rentable, car plus resiliant aux evolutions. En anesthésie, comme dans le reste de la médecine, et sans doute de nombreux autres metiers, Il y a des recettes, on peut s'en sortir avec celles-ci. Mais si l'on apprend non pas la recette mais les mecanismes sous-jacents, on devient capable de la recreer à chaque fois. Un peu comme le dicton chinois du pauvre auquel on enseigne la peche plutot que de lui donner un poisson… Le deuxieme echo concerne la jauge et les voyages, allant de chantier en chantier, le compagnon opératif utilisait des règles de mesure, des jauges differentes, chacune d'entre elles dependant du maitre d'oeuvre du chantier. Mais cette apparente diversite ne peut cacher l'unite sous-jacente, le trace semblable guidant le travail, semblable car s'appuyant sur les mêmes lois. J'y rattache le temps passe a Lumiere des Amers, a l'Orient de Brest. Le travail y était au rite français, mais nous nous retrouvions entre franc-maconnes engagees dans la meme démarche humaine et spirituelle. Le troisieme echo est celui de la regle et de la mesure. J'ai evoque la distinction que j'etablissais entre les règles permettant de mesurer et celles utilisees pour le trace geometrique. Mais il est bien precise que la compagnonne utilise une règle à 24 divisions marquant les heures de la journee. Je ne peux m'empecher que de penser que la règle qui est souvent le premier instrument de mesure scientifique que nous utilisons (avant le rapporteur, le thermomètre ou autres dynamomètres) est un instrument imprecis et qui me laisse insatisfaite quand il s'agit de mesurer le temps. Je ne peux m'empêcher de me dire que le cycle du temps qui passe est mieux represente par le cercle dont la division me semble aussi simple que les rosaces que je prenais plaisir à realiser, enfant. Tracer le temps n'est ce pas allé plus dans le sens d'un temps individuel, fuyant comme le temps qui passe sans revenir, marque plus que defini par un debut et une fin. Cela me semble moins integres que les cercles des cycles, du jour et de la nuit, des saisons de la terre comme des saisons de l'homme, cercles constituant notre chaine humaine. Le quatrieme echo est celui de l'esprit de la regle. La regle doit-elle etre respectee au pied de la lettre, au risque de devenir rigide et de casser fragilisee ? L'important n'est-il pas de s'impregner de l'esprit ? Nous commencons bien par rectifier la pierre, guides par l'equerre, avec nos outils d'apprenti, mais notre ideal n'est-il pas d'integrer les lois de construction de telle manière que celle-ci soit parfaite. C'est un ideal, mais je ne peux m'empecher de rever une compréhension telle des lois qui nous gouvernent qu'elles deviennent comme innees, je le representerais en disant que la règle passe en main droite. C'est pour moi impossible mais poser ou rever cet objectif facilite le travail, et la règle est la pour me diriger dans le droit chemin. Le cinquieme echo est la place de la regle dans notre temple. Chez nous elle est la 3° grande lumière de la Franc-maçonnerie, et je l'apprécie mieux en symbole de la loi cosmique et morale qu'en simple regle graduee. Nous discutons régulièrement a la maison, je ne peux m'empecher de penser que le volume de la loi sacre, s'il peut etre un element unificateur au plan religieux -ne serait-ce qu'en evocation de nos religions monotheistes du livre-présente une vision singulièrement masculine de la recherche spirituelle. En revanche travailler avec l'objectif de dégager de l'apparent chaos qui nous entoure, l'ordre, le reveler en mettant en evidence la regle. Reconnaitre dans cette regle aussi bien le trace du chemin, que la necessite et la possibilite d'une progression humaine morale et spirituelle, un chemin a suivre en tous temps et tous lieux, un travail de vie. J'ai dit. Bibliographie : Instruction au grade de compagnonne |
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