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A la Gloire du Grand Architecte de l’Univers
Ordo ab Chao – Deus meumque Jus
Sous la juridiction du Suprême Conseil pour la France
des Souverains Grands Inspecteurs Généraux
du 33ème et dernier degré du Rite Ecossais Ancien et Accepté

Fénelon, l’ami de Ramsay

Le sujet qu’il m’ait donné de traiter ce matin 1ère tenue de cette année 2014 de l’aire vulgaire est :

Fénelon, l’ami de Ramsay : Celui qui taille les colonnes ou qui élève un côté d'un bâtiment n'est qu'un maçon ; mais celui qui a pensé tout l'édifice et qui en a toutes les proportions dans sa tête est le seul architecte.

Cette affirmation contient plusieurs éléments, que je vous propose de traiter en quatre parties à savoir :

Fenelon et Raymsay
Le Quiétisme
Telemaque
Conclusion

Pour la partie historique, je vous propose la synthèse suivante de mes recherches.

FENELON

François de Salignac de La Mothe-Fénelon dit Fénelon, est né le 6 août 1651 au château de Fénelon à Sainte-Mondane dans le Périgord noir. Sa vie et son œuvre s’inscrivent à la fin du XVII siècle et au début du XVIII siècle, sous le règne de Louis XIV. Il fut reçu docteur en théologie à l'université de Cahors le 26 mars 1677 et ordonné prêtre à Sarlat, le 17 avril de la même année. Il fut nommé précepteur du duc de Bourgogne (âgé de sept ans, petit-fils de Louis XIV et son éventuel héritier).

Pour bien comprendre Fénelon il faut comprendre et connaître son temps. A la cour, Fénelon est témoin du faste, du luxe, et de la centralisation bureaucratique. Dans son diocèse, il voit la misère gagner les populations.

Toute sa vie, Fénelon cherche à ramener les hérétiques, convaincre les infidèles, perfectionner les fidèles. Dès le début de sa mission, l’abbé Fénelon est sensible à la prédication. Il est remarqué à cause de ses talents d’orateur et appelé à la Cour pour remplir les fonctions de directeur de conscience.

Le XVIIème siècle est un grand siècle mystique. Le mysticisme est la recherche de l’union avec le divin. Le pur amour, notion de base de la pensée mystique de Fénelon, se définit comme mort à soi-même : « c’est par l’anéantissement de mon être propre et borné que j’entrerai dans votre immensité divine ».

L’origine de cette évolution spirituelle se trouve dans la rencontre de l’abbé Fénelon avec Madame Guyon. Madame Guyon a été accusée de répandre la doctrine quiétiste en France et condamnée par le Pape. Mais nous reviendrons plus loin sur cette notion du « QUIETISME ».

Fénelon, rédigeait ses écrits au jour le jour, pour les besoins et selon l'inspiration du moment. Ces papiers épars, ont été pieusement recueillis et ont formé des corps d'ouvrages dont plusieurs sont des chefs-d'œuvre qui n’étaient pas destinés à être publiés mais étaient consacrés à l’éducation. Le Télémaque s'est réalisé ainsi, peu à peu, sans autre pensée que de plaire au jeune prince en l'instruisant.

Et c’est de cette façon que Fénelon, le précepteur, expose dans « Les Aventures de Télémaque (1) » sa conception du bon gouvernement, des devoirs et des responsabilités du Roi. La citation que le 3X PM a choisi pour mon travail de ce jour est tirée cette œuvre.

RAMSAY

Ramsay est né en 1686 à Ayr en Ecosse. Enfant, il est sans cesse déchiré entre une mère anglicane et un père calviniste. L’Angleterre du XVIème siècle a été déchirée par les querelles dynastiques et religieuses. Toute sa vie, il sera à la recherche d’un équilibre spirituel et d’une doctrine plus assurée de la vie.

C’est dans le contexte d’une Europe déchirée par les conflits politiques et religieux qu’en 1709 le chevalier de Ramsay qui maitrise parfaitement la langue française devient le disciple de Fénelon, et se convertit au catholicisme.

Il trouve auprès de Fénelon et de Madame Guyon des père et mère spirituels. À la mort de Fénelon en 1715, Ramsay rejoint Madame Guyon à Blois où la fondatrice du quiétisme français groupe un petit cénacle de disciples venus de toute l’Europe.

À Londres en 1728 Ramsay est initié franc-maçon à la HORN LODGE puis il est reçu membre de la Royal Society et à la Gentlemen Society.

En 1735, il se marie avec la fille de Davis NAIRNE fondateur de la 1ère loge anglaise en France à St Germain en Laye.

Ramsay a prononcé une première mouture de son discours à la tenue du 26 décembre 1736 à la loge St THOMAS à Paris qu’il renouvellera à la Cour de Lunéville. Il ajoute aux trois grades maçonniques traditionnels (apprenti, compagnon, maître), des grades chevaleresques supplémentaires. Il fonde une franc-maçonnerie spirituelle en remontant la maçonnerie aux croisés de Terre sainte et fait la distinction entre les Francs-Maçons opératifs (bâtisseurs de Cathédrales), et la Franc-Maçonnerie spéculative et spirituelle héritière des Templiers chassés de Terre Sainte.

Ramsay fut aussi l’ami d’ANDERSON et de DESAGULIERS, rédacteurs en 1723 des Constitutions de la Franc-Maçonnerie moderne.

Michel de Ramsay meurt à Saint Germain en Laye le 7 mai 1743.

En conclusion de cette partie historique, il est important de souligner que l’idée commune de Fénelon et Ramsay est d’associer les élites au gouvernement des états. Ce sont les premiers mondialistes (Ramsay voit dans le Franc-Maçon un citoyen du monde).

Maintenant revenons à cette notion du « QUIETISME » si importante dans les vies de Fénelon et Ramsay.

LE QUIETISME

Le quiétisme est une doctrine proposée par le théologien espagnol Molinos et condamné par l’église en 1687. Elle consiste à se mettre en état d’oraison (2) pour atteindre, en toute quiétude, et sans avoir à se soucier des rites ni des œuvres de charité, à une communion totale avec dieu.

On peut résumer le quiétisme de Fénelon, en l'extrayant de son livre des Maximes des saints, condamné par Innocent XII, de la manière suivante :

« 1. Il est dans cette vie un état de perfection dans lequel le désir de la récompense et la crainte des peines n'ont plus lieu ;

2. Il est des âmes tellement embrasées de l'amour de Dieu, et tellement résignées à la volonté de Dieu, que si, dans un état de tentation, elles venaient à croire que Dieu les a condamnées à la peine éternelle, elles feraient le sacrifice absolu de leur salut ». (3)

Cette approche impliquait le renoncement à la prière et à la pratique des sacrements. Fénelon fut séduit par cet amour de dieu, si dépouillé de toute attache terrestre, où l’adoration est épurée de recherche de récompenses ou de crainte de châtiments.

Cet état de quiétude parfaite réunit tous les actes de la religion : les pratiques de prières vocales sont supprimées, de même sont inutiles la confession, la mortification et toutes les bonnes œuvres (4).

Le quiétisme semble être une méthode ou un moyen d’approcher le Divin.

Mes F\ M\ S\, de tous temps, l'Homme a cherché à communiquer avec le Sacré, parfois dans l'attente d'une réponse à ses angoisses ou à ses incertitudes, souvent à la recherche de l'apaisement ou de la réparation (faute ou dette). Cette recherche a pris et prend encore les formes les plus diverses et pas seulement vocales (gestuel, chant, prière, extase, isolement, dépouillement, arts...etc.).

Finalement nous ne sommes pas très éloignés de notre propre démarche maçonnique. Néanmoins, la différence fondamentale me semble être pour nous, notre démarche initiatique sans laquelle nous ne serions pas sur le chemin jalonné par notre rituel du R\ E\ A\ A\ en 33 degrés.

Cette approche de la divinité peut conduire sans doute à un état de Plénitude qui ne requiert alors aucun complément puisqu’en principe elle les contient tous. Pour ma part j’ai peut-être connue un état de « pleine vie » il y a quelques années quand j’avais 45 ans quelque part à mi-chemin entre naissance et mort mais cela c’est une autre histoire.

TELEMAQUE

Je propose maintenant la visite du Livre XVII « Les Aventures de Télémaque ». Celui qui taille les colonnes ou qui élève un côté d'un bâtiment n'est qu'un maçon ; mais celui qui a pensé tout l'édifice et qui en a toutes les proportions dans sa tête est le seul architecte (page 313 du livre XVII).

Le maçon qui élève un côté d’un bâtiment n’a pas encore trouvé ce qui fait obstacle à la réception de la lumière. Il reste dans le « quoi » ou peut être le « comment ». Chacun doit combattre l’ombre en lui pour faire vivre et croitre la parcelle de lumière dont il est porteur C’est ainsi que notre rituel nous le rappelle lors de la réception au 4ème degré, le MdC met un flambeau allumé dans la main gauche du futur M\ S\. A cet instant, le candidat n’a pas encore perçu que la Vérité est la Lumière placée à la portée de tout homme qui veut ouvrir les yeux et qui veut regarder et le Devoir y conduit sûrement (p 36 du rituel). Mais celui qui a pensé tout l'édifice et qui en a toutes les proportions dans sa tête est le seul architecte et c’est peut-être en cela la vrai question du « pourquoi » et « pour quoi ».

Et d’un point de vue opératif de nos jours le meilleur exemple de la difficulté de bâtir un édifice en l’absence de plan, est certainement la construction de la « Sagrada Familia ». Comme vous le savez durant la guerre civile espagnole, la majeure partie de l’atelier de Gaudí fut incendiée. En raison de la destruction des ébauches, des maquettes, des modèles du temple et d’informations sur la manière de travailler tout à fait particulière de Gaudí, il ne restait aucun plan directeur indiquant comment terminer l’ouvrage. Aussi, quand en 1944, on reprit la construction de la Sagrada Família, il fallut définir dans un premier temps comment procéder pour la poursuite du chantier, tout en restant le plus fidèle possible aux idées de Gaudí.

Nous voulons et nous construisons, mais cet exemple nous démontre l’importance des plans aussi bien dans la réalisation dans le désordre mais aussi dans la transmission.

Déjà Vitruve (5) quant à lui énonçait à son époque :

« Jamais un bâtiment ne pourra être ordonné si toutes les parties ne sont pas les unes par rapport aux autres comme le sont celles du corps d’un homme bien formé ».

Mais pouvons-nous être l’architecte (6) sans être le maçon ? Certainement que non, avant de pouvoir tracer les plans nous devons balayer l’atelier et préparer l’encre qui nous permettra de pouvoir tracer les plans si un jour un vrai génie nous traverse. En notre qualité de M\ S\ nous sommes passés définitivement de l’équerre au compas. Notre rite en 33 degrés, nous démontre notre besoin de progression en notre qualité de cherchant. Il nous permet une maturation de la personne au rythme de sa vie, de la progression individuelle et collective. Par sa méthode de voilement dévoilement, nous passons alternativement de maçon à architecte

Mais prenons l’exemple de la musique, certains musiciens ou chanteurs peuvent jouer d’un instrument à « l’oreille » sans la maitrise de base du « solfège ». Mais comment transmettre, reproduire et faire jouer un morceau de musique avec harmonie sans partition.

Si je me permettais mes F\, je vous proposerais de laisser la porte de la salle du concert ouverte. Pourquoi ne pas accepter d’autres musiciens si notre mélodie les touche et s’ils sont capables de lire et de jouer la même partition que nous !

Et je ne résiste pas au plaisir de vous livrer un petit extrait toujours du livre XVII d’une conversation entre Télémaque et Mentor. Télémaque de retour de Salente, s’interroge de voir la campagne si bien cultivée et de trouver si peu de magnificence dans la ville qui était si brillante à son départ et Mentor lui explique l’art de gouverner :

« Les hommes qui gouvernent par le détail sont médiocres. Celui qui, dans un concert, ne chante que certaines choses, quoi qu’il les chante parfaitement, n’est qu’un chanteur ; celui qui conduit tout le concert, et qui en règle à la fois toutes les parties, est le seul maitre de musique ».

Nous avons conscience que ces travaux de base sont nos gammes que nous ne pouvons négliger et sont notre Devoir, rappelons-nous que le « devoir nous y conduit surement », qu’ils sont nécessaires, non seulement pour le bon fonctionnement du chantier, mais encore et surtout pour la compréhension intérieure de tous les aspects de glorification consciente de l’œuvre à accomplir.

Cette voie du Devoir nous conduira surement à la Vérité et à la Connaissance. C’est ce que nous appelons la Parole perdue.

Cette Connaissance nous permettra de poursuivre la construction du Temple en Harmonie avec les lois de la nature et par Amour de la conception suprême. Mais le seul vrai architecte est le G\ A\ D\ L\U car nulle chose ne peut se concevoir en dehors de lui et ceci me permet de déclarer « Que la volonté de Dieu soit faite ».

En conclusion : Mes F\ F\ M\ S\, j’ai essayé de vous faire voyager dans le monde de Fénelon et de Ramsay et peut-être comme moi de découvrir la doctrine du « Quiétisme ». Nous avons parcouru les aventures de Télémaque qui nous ont permis d’arriver à la conclusion que nous pouvons être maçons sans être architectes mais certainement pas architectes sans être maçons. Je vous ai également parlé de plan, de construction et de l’importance du temple dédié à l’éternel.

Néanmoins, une question subsiste, en notre qualité de M\ S\. Nous avons été admis parmi les Lévites et sommes devenus les fidèles gardiens du Saint des Saints mais finalement :

« Dans quel lieu sommes-nous ? »

J’ai dit.

J\ N\

Notes :
(1) Livre XVII des « Aventures de Télémaque » : véritable critique de la politique du Louis XIV et véritable manuel du bon gouvernement, des devoirs et des responsabilités du Roi.
(2) du latin oratio : L'oraison est une prière prolongée et silencieuse en présence de Dieu. L'être humain adhère à cette présence par l'acte d'une foi profonde. Faire oraison, c'et s'ouvrir humblement à l'action mystérieuse de l'Esprit de Dieu qui agit dans le cœur de l'homme.
(3) Vie de Fénelon, par M\ le cardinal de Bausset, t. 1er p. 268.
(4) Madame Guyon allait plus loin encore : elle croyait avoir trouvé une méthode sûre, « par laquelle on pouvait conduire les âmes les plus communes à cet état de perfection où un acte continuel et immuable de contemplation et d'amour, les dispensait pour toujours de tous les autres actes de religion, ainsi que des pratiques de piété les plus indispensables selon la doctrine de l'Eglise catholique ». (Ubi supra.)
(5) Vitruve (ingénieur et architecte romain du 1er siècle avant J-C).
(6) « Littré » : Architecte viendrait du grec AR K H I T EKTO N, mot qui peut se décomposer en ARKHO qui signifie commander et en TEKTON qui signifie artisan. L'architecte ce serait donc celui qui exerce en qualité de maître, l'art de bâtir, qui trace les plans et surveille l'exécution des constructions.

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