GODF Loge : NC 03/2005


L’Universalité de la Conscience Morale

est'elle une illusion ?

« Que l’avenir et la chose la plus lointaine soient la cause de ton aujourd’hui ! »
Nietzsche

INTRODUCTION

Deux réponses naissent de cette question. Pour un profane dénué de croyance donc de foi, la triste réalité des faits incite à une réponse positive, le sens et le goût du Bien et du Mal étant à priori sujets à de multiples interprétations.
Il en est tout autre pour un F\M\ , car son premier devoir est l’espérance, et ne pas œuvrer pour l’amélioration de l’humanité serait un déni de son engagement. La Foi d’un F\M\ ne se limite pas à une vérité révélée mais en un ensemble de possibles à réaliser.

La conscience psychologique est souvent évoquée comme une lumière, la conscience morale comme une voix : si la première nous « éclaire », la seconde nous « parle ». La conscience morale désigne en effet le sentiment intérieur d'une norme du bien et du mal qui nous dit comment apprécier la valeur des conduites humaines, qu'il s'agisse des nôtres ou de celles d'autrui.
Conscience morale imposée par la peur de la mort, et la crainte de ne pas accéder à un paradis pour le moins hypothétique. L’obligation morale « s’enracine dans le refus universel de la mort  et de la violence» (Marcel Conche), déviant la notion de sacré vers l’obligation de rites sacrificiels expiatoires et cathartiques.

Art, Amour, Philosophie ne seraient-ils tous que les joyeux palliatifs d’un « juge suprême » nous permettant d’oublier la patiente camarde ! 
La  morale  ne serait-elle  qu’une peur hypocritement maquillée en « vertu? »
L’humanité est la lente métamorphose d’un primate instinctif en humain conscient, mais encore victime de son  « humanimalité.» Le couple a évolué vers le groupe, puis le clan, la tribu, le pays, la communauté de pays. .…
L’homme tend vers l’unification, mais l’universalité exige des relations entre les êtres librement consenties dans le respect des différences. Je préfère quant à moi le terme de « pluriversalité, » échange et partage mutuel, dans le dessein de  «rassembler ce qui est épars », étape vers l’universalité espérée.

La morale est l’exigence de se conduire selon le respect ou le refus de certaines valeurs jugées absolues (le Bien et le Mal). . Est moral ce que je m’impose ou ce que je m’interdis par devoir , c’est-à-dire au nom d’une idée de l’humanité et des valeurs morales (le bien et le mal).

Elle énonce des impératifs (commandements et interdictions) qui obligent l’homme — si sa conscience morale les reconnaît légitimes. Cela fait alors le devoir, qui dicte ce qui doit être (valeur, norme, idéal) et qui se distingue de ce qui est (le fait, le donné, la réalité.) La morale nous dit ce qui doit être absolument. Y a-t-il une morale objective et absolue ? Mais peut-il y seulement y avoir des valeurs absolues ?
Un tel scepticisme quant au fondement absolu des valeurs morales conduit certes au relativisme, mais non forcément au nihilisme axiologique (tout se vaut, donc rien ne vaut). Car une valeur, toute relative qu’elle soit (au sujet, à son histoire, à sa culture, etc.), n’en demeure pas moins vécue, par ce même sujet, comme un absolu. En ce sens, toute valeur est paradoxalement un  absolu relatif (un absolu pour nous, et non pas en soi), un absolu subjectif, un absolu pratique, objet non de la raison mais de la volonté .

Une morale relative peut donc être désirée comme absolue et universelle : on peut œuvrer à son universalisation. Cependant toute morale n’est pas également universalisable : la morale humaniste des droits de l’homme, par exemple, est davantage universalisable qu’une morale collective ou tribale (limitant le devoir d’humanité à quelques uns).
CONSCIENCE MORALE

-INDIVIDUELLE
« Nous cherchons tous un maître sur lequel régner. » (Lacan)
La question demeure cependant de savoir quelle origine attribuer à la conscience morale. Car si pour Rousseau « les actes de la conscience ne sont pas des jugements, mais des sentiments », il n'en sera plus ainsi pour Kant, qui considérera au contraire la conscience morale comme l'expression de la raison pratique − et encore moins pour Bergson, qui verra en elle le produit d'un conditionnement social, ou pour Freud, qui la situera comme l'héritière directe du surmoi (Le Malaise dans la culture, VIII), instance pourtant en majeure partie inconsciente.
Vladimir Jankélévitch a souligné avec une force inégalée l’unicité de chaque conscience : Dans l’infini de l’espace et du temps, la personne est hapax (= mot qui n'apparaît qu'une seule fois dans un texte) et chacun de ses instants vécus est une vérité.
L’évolution vers le bien se doit d’être progressive, adaptée aux capacités du psychisme humain et à la lumière des progrès de la science.
Toute valeur, si elle n’est pas contrôlée par l’entendement, peut devenir objet d’adoration, être l’origine d’une norme pouvant dériver en dictature (du bien, du beau, du correct.)

Tant qu’un individu ne comprend pas ses tendances, il les subit.
P.Valery : « Inventer, ce n’est que se comprendre. » Mais bien se comprendre, c’est aussi accepter de ne pas tout comprendre.
S’il les comprend mais qu’il s’y soumet, nous sommes dans le domaine de la perversion.
N’oublions jamais que la méchanceté est l’indice d’une peur, d’une souffrance.

-COLLECTIVE.
 « Apprendre à vivre ensemble comme des frères, sinon nous allons mourir comme des idiots. »
Martin Luther King.

« Je » n’existe que par « Tu. » La personne que je suis est autant une démarche personnelle d’évolution que le résultat de la digestion des apports extérieurs des autres, l’échange et le partage sont les indispensables conditions de la survie de tout groupe vivant.
Les commandements moraux sont imposés à l’ individu par la vie sociale de telle sorte qu'il les assimile, les intègre jusqu'à avoir l'illusion de les trouver en soi.
Les morales collectives remplissent leur fonction, qui est d’unir les individus d’un même groupe humain par des croyances communes. Mais toute morale collective, parce que close sur elle-même, est toujours " contredite et désavouée "  ailleurs ! Ainsi, par exemple, se conformera-t-on ici à la morale catholique, et ailleurs à la morale musulmane. Et les hommes viennent à s’affronter au nom de leur morale collective propre, qu’ils ont en vénération intérieure "(Montaigne.) Or, qu’une morale collective puisse s’imposer en fait — par la force des pratiques —, ne prouve nullement qu’elle doive s’imposer en droit — par la reconnaissance de sa légitimité absolue — ou vécue en raison comme telle. Pour échapper à la relativité des morales collectives ou sociales, il faudrait que celles-ci s’ouvrent à l’universel. Il s’agit là du droit d’autrui et, finalement, de l’amour du prochain.

« Seul Dieu est athée ! » (Jean Mourgues.)
Toute morale est-elle nécessairement religieuse ? Un athée peut-il être moral ? Retournons plutôt la question : faire dépendre la moralité de la religion et donc du salut personnel, n’est-ce pas se plier à un impératif seulement hypothétique, c’est-à-dire non moral ? On le voit : suivre la morale par peur d’un châtiment ou dans l’espoir d’une récompense — fussent-ils divins —, c’est agir par prudence. C’est calculer son intérêt personnel, et non agir au nom de ce qui est dû à autrui. Nous dirons alors avec Kant que la moralité d’une action suppose qu’on l’accomplisse «  sans rien espérer pour cela ». Et la négation de la religion n’enlève en rien la valeur du devoir, qui se suffit à lui-même.
En matière de vertu, l’athée n’est donc pas moins bien placé que le croyant. Il a peut-être même l’avantage de ne pas risquer l’hétéronomie, c’est-à-dire l’obéissance, par crainte et/ou espoir, à une loi qu’il recevrait de l’extérieur. Bref, en tant que l’espoir n’est pas essentiel à la morale, celle-ci n’a semble-t’il « aucunement besoin de la religion. » L’Encyclopédie, à l’article « Fanatisme», remarquait d’ailleurs : «  Il faut quelque force pour pratiquer le bien sans motif, sans espoir et sans intérêt. »
L’athée et le religieux, en tant qu’ils seront vertueux, répondront identiquement à la question morale : " Que dois-je faire ? » — mon devoir. Mais leurs réponses à la question religieuse (" Que m’est-il permis d’espérer ? » ) divergeront. Seul le croyant répondra avec optimisme, c’est-à-dire en accord avec les désirs les plus profondément humains (n’être pas mortel, trouver le sens de l’existence, attendre une justice finale….) Lui seul pourra espérer avec confiance le triomphe ultime du bien, le règne de Dieu, le salut des âmes (Kant parle de " postulats de la raison pratique " ) : c’est précisément là sa foi. On songe cependant ici au mot provocateur de Nietzsche : " La foi donne la béatitude, donc elle ment… "et citer Miguel de Unamuńo : « Une foi qui ne doute pas est une foi morte ! »
Dostoïevski :  « Si Dieu n’existe pas, tout est permis ! », Mais si Dieu existe, tout a hélas été permis en son nom (meurtres-voir la Bible-, inquisition, Génocides -Amériques-, jihad, etc.…) et tout est interdit (refoulement du corps et du désir, inégalité des sexes, refus d’un présent agréable pour un lumineux et virtuel futur .
Méfiance envers ceux qui professent une indéfectible passion « thanatophilique » pour reprendre l’expression de Michel Onfray.
Forcé de se haïr, on propose ensuite à l’homme un autre à haïr ! Comment vivre avec sa névrose si ce n’est en « névrosant » le monde !
Pourquoi la volupté serait-elle une damnation ? Il faut non pas rêver sa vie mais vivre ses rêves !

Il faut déconstruire notre monde, l’affranchir de cette haine, le moi n’est pas haïssable, et le corps ne doit plus être un objet de punition, la terre une vallée de larmes, la vie une catastrophe.
Laisser s’exprimer Eros, désir et pulsion de vie nous libérant du toujours pareil. « Élan vers le pire » ironisait Cioran…..qui ne s’est pas suicidé pour autant !


On ne mesure bien l’obéissance qu’avec des interdits. Plus ils pullulent, plus les probabilités de perfection s’amenuisent, plus la culpabilité augmente. Islam signifie soumission à Dieu ! Déni de l’intelligence constructive et critique.
Nietzsche : « Ne dites pas que vous croyez à la nécessité de la religion, dites plutôt que vous croyez à la nécessité de la police ! » Une des premières fonctions de la religion n’est-elle pas de police, police des mœurs en particulier.

Civilisation et culture : la culture n’est pas l’opposé de la barbarie, elle a été et est encore une sauvagerie de grand style. L’Allemagne était le pays le plus cultivé du monde avant que de basculer dans le nazisme! La culture peut  inclure des oracles, la magie, la pédérastie(Grèce), des sacrifices humains, l’inquisition, des autodafés ou des fatwa. L’irrationnel étant soutenu par le déraisonnable et le fanatisme!
Une civilisation devrait se construire sur et par la raison, le partage, l’empathie, c’est à dire faculté de s'identifier à autrui, de ressentir les sensations de l’Autre.
Hélas le mal semble précéder le Bien, émanant de l’instinct et non de l’intuition (se référer aux « dix commandements.)
Le Bien apparaît comme une conséquence nécessaire car fédératrice, avant que d’être porteuse de désir de rédemption.
L’adage « Homo homini lupus » ( l’homme est un loup pour l’homme ) du poète romain Plaute (Ier s. av. J.-C.)  fut notamment repris par Hobbes, qui voit dans l’agressivité de l’homme l’effet de sa tendance naturelle à déployer sa puissance selon son désir.
C’est sous l’influence du judéo-christianisme que l’adage de Plaute prendra une connotation particulièrement morale : celle du péché originel (la faute d’Adam et Ève commise dans l’Éden), qui corrompt la nature même de l’homme. Au début de l’Ancien Testament, la Genèse proclame que « le fond du cœur de l’homme est mauvais » (VIII, 21.)

UNIVERSALITÉ.
« Chacun est l’ombre de tous. »
Paul Eluard

Universel=tourné vers un

Ce n’est pas au membre d’une communauté particulière que s’adresse la morale universelle, mais c’est à l’homme en tant que tel. Ici, la conscience morale s’ouvre à l’humain proprement dit La conscience morale n’est plus refoulée par le surmoi social , vecteur de la morale collective. Ici s’exprime le sentiment d’humanité. En temps de guerre par exemple, je peux refuser en tant que sujet moral de tirer sur l’homme de la tranchée adverse, bien que la morale sociale m’autorise et même me demande de le tuer en tant qu’ennemi (c’est mon devoir de soldat.) Une morale universelle devrait être une conscience de la valeur absolue de tout homme. Valeur absolue, c’est-à-dire dépassant tout autre (religieuse, politique, groupale…) et trouvant sa base en chacun : chaque homme porte la forme entière de l’humaine condition "(Marcel Conche, Le sens de la philosophie)

Remplacer l’amour du pouvoir (cratophilie) par le pouvoir de l’Amour.
Adjoindre l’équité à l’illusion que l’égalité(impossible) puisse régner par elle-même, le droit naturel devant soutenir le droit de justice, le droit civil. L’équité humanise le droit. Elle est, dit Aristote, « la justice tempérée par l’amour. »
Parce qu’elle complète et corrige le droit, la pratique équitable d’aujourd’hui est souvent la règle juridique de demain, l’Histoire l’a montré! L’équité est un appel aux plus nobles sentiments de l’homme, mais soyons prudents avant de lui reconnaître préséance sur la règle du droit. Y avoir recours sans raison grave reviendrait à détruire le droit lui-même et à abandonner le citoyen à l’arbitraire du pouvoir ou de juges plus ou moins indépendants, plus ou moins bien inspirés. Il faut comprendre la plainte du peuple français sous l’ancien régime : « Dieu nous garde de l’équité des parlements ! »

L’intelligence est-elle un facteur de développement de la conscience ? Elle est autant au service du Bien que du Mal. L’intelligence ne supprime pas la barbarie, elle la perfectionne !
Nouvelles barbaries : écologiques, économiques (super marché au Nicaragua, 500 morts à cause d’issues de secours laissées fermées lors d’un incendie, pour éviter les vols !)
Mais la conscience est certainement une humanisation de l’intelligence.

Imaginons alors une humanité parvenue à son adaptation matérielle idéale :
  - plus besoin de se défendre car plus de danger
  - plus besoin de réfléchir car les réponses ont été trouvées
  - plus besoin de travailler car les machines le font pour nous donc plus besoin d’intelligence créatrice ni de projection dans le futur puisque tout a été pensé et fait. L’homme condamné à une ataraxie béate et stérile.

J.Rostand ne déclare-t’il pas : « l’enfer c’est quand tout est parfait ! » et Pascal de nous mettre en garde:  « Trop de lumière obscurcit. »

ILLUSION
« Frères, que jamais le soleil ne se couche sur votre colère »,
Paul de Tarse, Epître aux Corinthiens

-CAUSES ?
Peu de gens s’aiment aujourd’hui. Vouloir vivre en extase dans un monde de cauchemar conduit à l’acédie, i.e au dégoût de soi-même. Nous assistons à une escalade dans le mépris de soi, les confessions télévisuelles des turpitudes de tout un chacun devenant un ersatz de compassion et de compréhension d’autrui, illusoire catharsis de notre inconscient.
Illusion que d’accroire que la mondialisation puisse donner naissance à un monde uni. La mondialisation est un processus d’exclusion, et partout l’on constate l’émergence d’une sous-classe d’hommes. L’unité que promet la mondialisation, elle ne la réalise pas car il lui manque la justice, le respect et la juste répartition des richesses. Il ne s’agit pas d’imaginer une  culture universelle, qui n’existe pas. Il s’agit de conserver suffisamment de distance critique pour dire que les SDF de tous les pays ont plus "la même culture" que le SDF et le PDG d’un même pays.
Derrière tout processus de civilisation  est tapie une barbarie qui prend les masques rassurants de son contraire.

Notre époque s’est donnée pour idéal non ce que des innovations fécondes pourraient produire, mais l’innovation elle-même.
Si l’information est une mise en forme, la communication se doit d’être une mise en commun.
La logique même d’une mondialisation ayant l’économie pour moteur appelle à l’homogénéisation de la culture, ainsi que du mode de vie. La mondialisation semble admettre la diversité culturelle aussi longtemps qu’elle est au service de la sous-culture dominante imposée à l’ensemble de la planète. Cette homogénéisation exacerbe les identités culturelles, ethniques et religieuses qui ne peuvent que fragmenter une universalité si désirée. Tout désir étant un manque !

Les prodigieux moyens d’informations sont une illusoire apparence de communication. L’informatique apporte une communication surgelée où le dialogue, s’il existe, est privé des réactions, des silences, des variations de rythmes qui font la richesse du dialogue, d’une vivante communication.
Les valeurs individuelles peuvent-elles devenir des normes ? L’individu découvre à travers les normes les valeurs que « sa » société produit, normes étant forcément contraignantes car collectives.
Une comparabilité des valeurs, au sens fort, exigerait que l’on puisse aller d’une culture à l’autre, et réciproquement sans difficulté ; le sens faible de la comparabilité étant un sens unique de l’échange.
Le terme conscience (en allemand das Gewissen) signifie étymologiquement « connaissance partagée. » La « Liberté de passer » doit s’exercer et s’imposer.
La condition première de toute communication est le respect ; Se respecter, c’est apprendre à respecter autrui et par là-même le considérer comme une partie de soi.

-REMÈDES : AFFIRMER SA COLÈRE ?

Une brève réflexion concernant l’Éthologie (Étude scientifique des comportements des espèces animales dans leur milieu naturel.
Pourquoi dénier aux animaux tout sens moral ? On a vu des animaux se dévouer pour sauver et protéger des membres de leur groupe ou même étrangers à ce groupe. N’y aurait-il pas chez les mammifères supérieurs, grands singes, bonobos, une proto-conscience morale, ces animaux ayant 98% de leurs gènes en commun avec l’homme ? 
C’est l’honneur de l’humanité de soutenir des valeurs, même quand elles ne sont pas encore inscrites dans les faits.

S’attaquer aux racines du mal et non à ses conséquences.
Le sens des valeurs ne passe pas par le sens du merveilleux. La foi ne confère aucune qualité morale, elle n’a pas de vertus curatives contre les perversions.
C'est relativement à la médiocrité des Hommes que se dessine la perfection des Héros.

Il est entretenu une confusion entre la spiritualité et la religion. On a laissé aux religions le monopole de la spiritualité, leurs hiérarques réduisant cette dernière à une orthodoxie sans concession.
Or l’esprit se doit d’être innovant, transgressant, « para-doxal. » C’est à la qualité de ses refus qu’on juge un homme.
Quand l’ordre est injustice, le désordre est déjà un commencement de justice.
Si nous sommes au fond, il est urgent de donner un coup de pied dans la vase et de remonter, de déconstruire pour recommencer, ou plutôt commencer enfin l’humanité.

Écoutons Théodore Monod : « Une utopie est un projet réalisable, qui n’a pas encore été réalisée. »
En 1945, une Europe ne se faisant plus la guerre était une utopie, et par un effort commun de compréhension mutuelle, il semble que l’avenir soit plus réjouissant, encore faut-il que cette union ne soit pas placée sous le règne du mercantilisme et d’une économie  dictatoriale faisant fi  des individus.

Il faut retrouver sa capacité de colère, confrontés que nous sommes devant ce nivellement culturel et cette bonne conscience télévisuelle où transpirent l’appât du gain et/ou le désir d’une sinistre gloire éphémère, nos concitoyens désirant être célèbres avant même que d’être connus !
Tout est spectacle. Les « serial killers »font des livres, on décapite en direct, sans parler d’une pornographie débridée, signe d’une mauvaise santé sexuelle : 45% d’un échantillon d’anglais mâles de moins de 50 ans ne sont que peu ou pas du tout intéressés par les choses du sexe. ( Chez nous, il va sans dire que tout va bien )!

Il est aussi vital de repenser l’éducation. Répétons-le, éduquer, c’est educere, c’est conduire un jeune hors de lui-même, mais c’est aussi educare, nourrir, prendre soin. Sortir le petit d’homme de tous les enfermements irrationnels et l’introduire dans le réseau de ses frères humains, dans le respect de tout ce qui vit.
Il existe à Genève une organisation internationale efficace, simple et populaire, fondée par le F\ Jacques Muhlethaler, appelée « L’école Instrument de Paix ». Cette association non gouvernementale forme des enseignants du monde entier à l’enseignement des Droits de l’Homme et à la Paix.
Que grâce aux apports de savoir et d’une réflexion libérée de tout dogme, partout sur notre terre chaque être puisse devenir en conscience ce qu’il choisit d’être.

CHARITÉ
« Je ne connais qu’un seul devoir et c’est celui d’aimer. »(A.Camus.)

La tolérance est une attitude très ambiguë. Tolérer sous-entend une condescendance bienveillante où perce un sentiment de supériorité,  de domination ; A défaut d’aimer son prochain, on le tolère !
Si l’intolérance est le mal absolu, la tolérance est un moindre mal, n’excluant même pas le mépris. Il n’y a pas besoin de fraternité pour tolérer ! La tolérance est une étape nécessaire mais insuffisante.

La charité au sens pur est ce qui doit animer l’homme futur.
« Si la charité n’est pas la justice, elle la veut ! » (Jankélévitch.)

Une morale universelle est sans doute impossible, mais j’ose croire en un fond commun de valeurs morales devant s’établir grâce aux progrès des moyens de communication. Il deviendra de plus en plus difficile de dire : « je ne savais pas ! »  Les exactions fanatiques, le scandale d’enfants affamés, la détresse de femmes soumises et tant d’autres manifestations du mal en l’homme ne pourront plus être dissimulées ou perverties en simulacre de culture.
C’est Elie Wiesel  nous disant :  « L’opposé de l’amour, ce n’est pas la haine, mais l’indifférence. »

Mais considérer l’homme comme une fin ne doit pas devenir une idolâtrie de l’homme, une idole étant toujours figée, pétrifiée. N’oublions pas Spinoza : « Caute », méfie-toi !
Ceux qui prétendent détenir la vérité sont ceux qui ne la recherchent plus ! Il n’est de plus beau voyage que d’errer et de découvrir.

CONCLUSION

L’intensification des rapports entre les cultures, entre les nations, entraîne la nécessité d’un noyau commun sur lequel tous seraient d’accord. Les religions ont autrefois tenté cette harmonisation en prétendant convertir l’humanité entière à la même foi. En sont résultées les odieuses guerres de religion. Il semble que cette harmonisation pourrait être obtenue sur l’essentiel grâce à la lucidité apportée par les progrès de la science qui de nos jours propose une définition de la personne humaine et des êtres vivants en général aboutissant à la nécessité du respect envers le vivant.
Darwin appela de ses vœux la réalisation de « l’une des dernières acquisitions morales », c’est à dire « la sympathie étendue au-dehors des bornes de l’humanité. »

Avec l’émergence de la biologie, de l’économie, puis de la psychologie, de la sociologie et de la linguistique, avec l’extension de la grille épistémologique à toutes les disciplines, un nouvel esprit scientifique est né pour lequel l’homme est à la fois « ce qu’il faut penser et ce qu’il y a à savoir », et qui fait craquer toutes les spécialités closes au profit de cette synthèse.

L’humanité est encore bien jeune, elle n’a que  quelques centaines de milliers d’années et vit sa période de puberté, et c’est ce qui me donne espoir.
Nos sociétés basées sur la violence et la compétition ne seront pas éternelles, du moins j’ose l’espérer.
Se demander si l’on réussira est déjà une faiblesse. Fais ce que doit……….

L’homme est une évolution inachevée, qui ne le sera peut-être jamais. Il est dépositaire d’une richesse unique : son imagination, son pouvoir de création avec le droit à l’erreur qu’il sous-tend.
Défendre le goût contre le « bon goût », insipide camaïeu sans contrastes. « Le goût, nec plus ultra de l’intelligence » déclarait Lautréamont.
La création se nourrit de ce que le bon goût condamne.
Je dirais volontiers à la suite de F.Mitterand : « Le respect pour les créateurs est le baromètre des libertés. »
Si l’homme a besoin de sacré, qu’il sacralise ce qui est respectable, ce qui est aimable.

« Aime ton lointain comme toi-même ! »

J’ai dit

J\ N\.
 
Bibliographie :    
Petit traité des grandes vertus, A.Comte-Sponville.
Les bas-fonds de l’imaginaire, D.Beresniak.
Petite philosophie à l’usage des non-philosophes, A.Jacquard.
Traité d’athéologie, M.Onfray.
Encyclopédie Universalis.

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