Obédience : NC | Loge : NC | Date : NC |
Sur le chemin de l’acacia Je ne pensais pas le connaître si tôt. Je l’ai rencontré pour la première fois vers l’âge de 6 ans dans mes montagnes bigourdanes. Lâchant la main de mon grand-père pour éviter une fourmilière, mon pied a glissé. J’ai voulu me rattraper à une de ses branches. Ma main gauche porte encore les stigmates de ses redoutables épines. Bien sûr je l’ai détesté, insulté…jusqu’au jour où, ayant quelque peu grandi, mon grand-père a tenté de m’apprendre combien cet arbre nous était précieux, paysans pauvres que nous étions : son feuillage était un excellent fourrage pour les petits animaux (chèvres et lapins), ses épines, une fois séchées, étaient des allume-feux très efficaces et son bois, malgré ses crépitements, alimentait régulièrement notre cheminée. Par ailleurs les barrières de protection du jardin étaient quasiment infranchissables grâce à ses épines très pointues. Beaucoup plus tard…dans le désert du Néguev, où les parcelles de gazon sont rares, quel bonheur d’apercevoir des acacias et trouver un peu d’ombre ! Encore un peu plus tard… j’étais convoquée pour mon passage sous le bandeau au n° 6 d’une rue. Etait bien visible sur le mur le n° 4 (un bar), un peu plus loin le n° 8 (un entrepôt d’autobus) Mais pas de n° 6 ! Et entre les deux une petite maison portant sur son fronton l’inscription « villa les acacias ». Ah ! c’est sans doute là…forcément, entre le 4 et le 8. N’était-ce pas déjà un doigt pointé vers la direction à suivre ? J’ai sonné…puis attendu…attendu encore. Enfin quelqu’un a bien voulu m’ouvrir. Je m’attendais à trouver un jardin intérieur verdoyant. J’étais prête à prendre garde à de redoutables épines. Mais non, un couloir sombre, sinistre même, ne correspondant pas du tout à l’inscription du mur extérieur. La suite, vous la connaissez tous. Pause On trouve dans le Talmud la première allusion à la mort d’Hiram, où il est dit que Salomon le fait tuer une fois le Temple achevé afin qu’il ne puisse pas en construire un autre pour une divinité païenne. Hiram a-t-il jamais existé ? Dans toute société initiatique, la prise de conscience d’une nouvelle vie se fait par la mort symbolique suivie d’une résurrection à une vie nouvelle. Pourquoi la Franc-Maçonnerie a-t-elle pris l’acacia comme symbole ? Tout arbre est soumis à des cycles de vie et de mort. Il est le symbole de la vie dynamique. L’acacia est un arbre imputrescible. Ne serait-il pas considéré comme un symbole d’immortalité, d’incorruptibilité et du secret maçonnique ? Ses racines s’enfoncent très profondément dans le sous-sol pour y puiser de l’eau, ce qui lui permet de vivre dans des milieux très arides. Son écorce a le pouvoir de reconstituer sa matière lorsqu’elle est blessée. De la même manière nous devons plonger au plus profond de nous-mêmes et des sources d’un questionnement qui nous amène à prendre peu à peu conscience de ce que nous sommes, à nous faire entreprendre une recherche dans les profondeurs de notre intériorité pour notre propre essence. Cet acacia, pont entre la matière et l’esprit, liaison entre l’Homme et le divin, est le canal qui doit nous permettre de passer de la matière dont nous sommes faits à la lumière vers laquelle on tend. L’acacia a aussi la particularité de manquer d’une substance chimique, l’« alcaloïde », qui repousse les nuisibles. Aussi il a embauché les fourmis, qui se nourrissent de son nectar en échange de leur protection contre d’autres insectes et même contre d’autres plantes. Se pose alors la question : Ne serions-nous pas les modestes fourmis de l’histoire ? S’impose alors une morale : Quand on travaille ensemble, tout le monde en profite. L’acacia apparaît en Franc-Maçonnerie avec le 3ème degré et la mise en place du mythe d’Hiram : après avoir tué et enterré Hiram, les trois mauvais compagnons pensent cacher sa sépulture en y plantant une branche d’acacia. L’acacia devant accompagner le « sage » dans son dernier voyage. Tout comme pour le Christ dont la couronne était - parait-il - tressée en épines d’acacia. L’acacia a donc été choisi comme étant un symbole idéal pour la maîtrise : maitrise du travail, de la recherche, et surtout maitrise de soi. Mais au lieu de cacher la sépulture, la branche d’acacia éveille l’attention des maîtres partis à la recherche d’Hiram, et devient ainsi un signe de ralliement. Comme l’acacia planté sur le tertre, le maçon doit devenir un repère visible, utile à la conscience en voie d’évolution. Et en « déterrant » Hiram, les maîtres maçons déterrent leur ignorance. Ils sortent Hiram des ténèbres et le conduisent vers la Lumière en le faisant renaitre. Tout comme le maître maçon doit descendre dans son tombeau, dans son creuset initiatique. Il doit agir avec fermeté et rigueur pour que la charpente de son Temple intérieur soit aussi solide et dure que le bois d’acacia. Il ne doit pas se laisser abattre par les piqûres des épines qui sont autant d’épreuves dans une vie. Et pourquoi enjamber le cercueil ? Cela prouverait-il simplement l’innocence du nouveau maître, le dos tourné au cadavre d’Hiram, face à l’Est, face au soleil et à la renaissance de la Lumière ? Aurait-il seulement enjambé le cadavre de sa vision ordinaire du monde et de lui-même, et les trois coups reçus ne seraient-ils pas la représentation de sa mort physique, psychique et spirituelle ? L’Etre Intérieur qui refuse de mourir sous les coups de butoir de l’égo ? Devenir Maître n’est pas un titre. C’est « aller plus loin ». La maîtrise nous pousse vers d’autres horizons, à rechercher au-delà de ce qui nous est transmis. Une autre possibilité d’Etre Soi, de voir Autrement Autre Chose. « La Connaissance repose à l’ombre de l’acacia » dit le 1er Surveillant. C’est pourquoi, avant de se mettre à l’ombre, il faut se pencher sur son symbolisme. Connaître n’est pas savoir. Savoir c’est apprendre de l’autre. La connaissance est accessible à chacun, pourvu qu’il ait la volonté de se débarrasser de ses métaux. Connaître l’acacia c’est accepter de se connaître à travers l’autre, c’est progresser dans la compréhension de l’humain. Chacun, en toute liberté de conscience peut interpréter, extrapoler, rêver ou bien entendu, douter. La Franc-Maçonnerie laisse à chacun de ses adeptes la libre compréhension et la libre appréciation de leur insertion dans ce monde. Mais chaque Maçon ne doit pas oublier que cette continuité dans le temps est lente, longue, faite par étapes, à pas patiemment comptés, étapes patiemment préparées. La fonction du Maître s’exprime discrètement, sans que personne s’en aperçoive. Il sait avec humilité parler et se taire, agir et s’effacer, voir et pardonner, donner et recevoir. Il n’a aucune image de lui-même à montrer ni à protéger, et l’absence d’esprit de conquête élimine tous les conflits. Il n’a pas besoin de s’ériger en sage et n’a pas besoin d’exploits pour participer activement. Il doit connaître l’efficacité des petites choses réalisées avec rigueur, patience et amour. Les pratiquer pour sa construction intérieure c’est les faire retentir sur l’extérieur. Cela demande une capacité d’absorption puis une faculté d’analyse pour comprendre et isoler ce que, en médecine ou en informatique, on appelle « un virus » et de plus, y ajouter une impulsion supplémentaire à celle reçue initialement. Cette énergie accrue pourrait peut-être traduire le « aussi radieux que jamais » Arrivée au terme de ce travail où j’ai dû beaucoup élaguer ma plante, je suis consciente de tout ce qu’il y aurait encore à dire et de biens d’autres pistes à explorer. Depuis mon entrée en Franc-Maçonnerie j’ai tenté de revêtir le plus honnêtement possible mon tablier. La magie de l’initiation a-t-elle opéré ? Un peu... J’espère. Je ne suis pas encore devenue le peintre et son tableau, l’écrivain et son roman. Je ne serai jamais une grande artiste, car mon travail reste très besogneux. Mais les choses me semblent moins floues. Et puis, il y a toujours cette petite Lumière sur le plateau du Vénérable. Elle est la source de toutes les autres Lumières de la Loge. Et, lorsqu’à chaque Tenue nous éclairons le Temple, nous éclairons notre Etre Intérieur. Alors, comme il est écrit dans le Cabinet de Réflexion : « persévérons » dans nos efforts car le chantier doit continuer. Mais restons « vigilants »…car les meurtriers courent toujours… J’ai dit. L\ L\ |
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