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L’acacia m’est connu

Le symbolisme végétal est présent dans de nombreuses mythologies et religions. Nous connaissons l'épi de blé des mystères d'Eleusis, le rameau d'olivier cité dans la Bible, les trois rameaux de la fête juive des cabanes, le gui des Celtes, le jonc des compagnons, le buis du dimanche des rameaux etc.

L'acacia méconnu

L'Acacia, seul végétal de la symbolique maçonnique bleue, a été introduit dans les rituels en même temps que le mythe de l'Architecte, probablement vers 1730.

Fernand Chapuis, en donne la définition suivante : « Arbre dont l'attribut mystérieux n'est connu que des Maîtres ». Il propose également une étude étymologique du mot « acacia » : la racine grecque « akantha » (épine) aurait donné deux dérivés « l'acacia » et « l'acanthe ». Le terme « acacia » pourrait aussi provenir de la racine « kakos » (le mal) précédée d'un privatif « a », il signifierait alors « l'innocence », « l'ingénuité ». En fait, on ne sait rien de l'origine du mot.

Pour cerner le symbolisme de l'acacia, je suivrai la tradition kabbaliste et comme le fleuve de l'Eden qui se partage en quatre, je distinguerai quatre pistes de recherches : littérale, allusive, interprétative et caché…

Le sens littéral

C'est le sens immédiat du symbole, celui donné par les mots qui se confond avec l'aspect scientifique.

L'acacia auquel fait allusion la légende maçonnique, est un arbre de taille moyenne, de la famille des Légumineuses. Il pousse partout en zone semi-aride. Il était tellement courant, de l'Egypte ancienne à la Syrie, que les habitants de ces régions l'utilisaient comme fourrage vert. Les racines d'acacia, démesurées, s'enfoncent très profondément dans le sous-sol pour y puiser de l'eau, ce qui permet à l'arbre de vivre dans les milieux secs. Le feuillage clairsemé et vernissé permet à l'arbre de recevoir le maximum de lumière. Les feuilles tombent en cas de sécheresse prolongée.

L'acacia ne meurt pas pour autant : la photosynthèse se poursuit grâce à la chlorophylle présente dans les tiges et les épines. En période de reproduction une profusion de fleurs jaunes, odorantes, disposées en grappes, attire les abeilles par milliers et permet à l'arbre de se reproduire abondamment. Les fruits en forme de gousses, riches en tanins et en pigments, étaient utilisés dans les temps anciens pour le tannage des peaux et la fabrication de teintures rouges.

Retenons que l'acacia a permis à divers écosystèmes de se mettre en place et à l'homme de se sédentariser : c'est un arbre pionnier. Il est également capable de communiquer, de s'associer, et de se défendre. Symboliquement, par ses qualités, l'acacia représente bien le Maître Maçon.

Le sens allusif

Comme arbre, l'acacia exprime la symbolique de tous les arbres : la verticalité de l'homme et l'union du ciel et de la terre. Arbre d'une vigoureuse vitalité, l'acacia affirme aussi la puissance expansive de la Vie : les Anciens en ont fait un symbole phallique, manifestant l'énergie d'un dieu créateur. C'est ainsi que les chercheurs expliquent la présence de graines d'acacia dans les chambres funéraires des pharaons.

Le bois d'acacia, très riche en tanins, dur, hydrophobe, imputrescible, résiste aux parasites et aux rongeurs. Dans l'antiquité, les Egyptiens l'utilisaient pour fabriquer des secrétaires à papyrus, des malles et des coffres à momies. L'acacia est lié, à la fois, à la vie et à la mort et, très tôt, on lui a associé des idées de transformation, de métamorphose et d'immortalité. Sur le plan symbolique, on voit apparaître, ici, le sens duel de l'acacia.

L'aspect et les qualités de l'acacia produisent des concepts qui, progressivement, deviennent des symboles. En maçonnerie, l'acacia est étroitement lié au mythe d'Hiram, « Cette branche verdoyante, au sein de la mort, est l'emblème du zèle ardent que le maçon doit avoir pour la vérité et pour la justice au milieu des hommes corrompus qui trahissent l'une et l'autre ».

L'acacia, tout en apparaissant comme l'emblème qui permet aux Maîtres Maçons de s'identifier, est porteur d'un message moral que tous doivent mettre en pratique dans leur vie profane, et la branche d'acacia correspond au passage du témoin, comme dans une course de relais ou dans le transport de la flamme olympique, de Hiram au nouveau maître.

Le sens interprétatif

C'est le sens qui nous est transmis par la tradition. Il résulte d'un questionnement ancien, basé sur le bon sens.

A la fin du 19ième siècle, divers auteurs ont affirmé que l'acacia était un arbre sacré. Jules Boucher cite Tiele qui, dans son « Histoire comparée des anciennes religions » indique que des prêtres de l'Egypte ancienne, dans certaines processions, portaient une arche sainte d'où sortait un acacia et sur les flancs de laquelle on pouvait lire : « Osiris s'élance ». Ragon, à propos de l'acacia, écrit qu'il était révéré chez les Arabes anciens, et que, parfois même, il était objet de culte et idolâtré.

L'acacia est effectivement un arbre sacré. Les preuves résultent d'un fait significatif ou s'expriment, en négatif, à partir d'un raisonnement par élimination. Elles font penser à ces empreintes de pied, laissées dans l'argile par des Australopithèques, il y a plusieurs millions d'années, que les chercheurs continuent d'interroger et de commenter.

Il est certain que dans le Proche-Orient biblique, moins aride qu'aujourd'hui, les acacias sont partout. Ils sont les arbres refuges par excellence et sont les témoins de Dieu lorsqu'il parle à Moïse et lui remet les « Tables de la Loi ».

C'est avec du bois d'acacia que l'initié Betsalel construit l’« Arche d'Alliance ». La Bible cite encore l'utilisation du bois d'acacia pour la fabrication des poteaux, des panneaux et du mobilier intérieur de la « Tente du rendez-vous ». Il en sera de même, plus tard, pour le mobilier du Temple de Jérusalem.

Le bois d'acacia est dur, résistant, imputrescible, mais cela ne suffit pas à expliquer ce choix. Pour les Juifs orthodoxes, actuellement encore, l'acacia reste le témoin de l'alliance de Dieu avec leur peuple, d'où le nom d’« Arche du Témoignage » donné aussi à l’« Arche d'Alliance ».

Plusieurs auteurs maçonniques du 19ème affirment que la croix du Christ a été faite avec du bois d'acacia. Sans justification, le fait est cependant crédible. En 1968, près de Jérusalem, des urnes funéraires en pierre calcaire furent mises à jour. L'une d'elles portait, gravé, le nom de « Johanam » ; elle contenait les ossements d'un homme, d'une trentaine d'années, de 1,70 m, environ, dont le calcanéum était traversé par un long clou sur lequel des fragments d'acacia étaient encore collés.

D'autres auteurs encore, toujours sans preuves, assurent que la couronne portée par le Christ, lors de la Passion, avait été tressée avec des épines d'acacia. A la réflexion, le fait est vraisemblable. Ronces, chardons et autres plantes épineuses sont nombreuses dans la Palestine de l'époque, comme le vocabulaire hébreu l'atteste, mais seul l'acacia possède des épines suffisamment longues pour être assemblées.

Chez les Bambaras, l'acacia est le symbole du génie créateur de la Terre « Mousso Koroni ». Celle-ci, après ses épousailles avec « Pemba » (« Les Choses »), fils de « Matigi » (« L'Esprit de Dieu ») engendre toutes les espèces vivantes, et notamment l'acacia. Les femmes enceintes lui font des libations et vont y accrocher leur placenta après la parturition. Ils attribuent aussi à l'acacia l'origine du rhombe. Utilisé dans les rituels initiatiques, le rhombe d'acacia produit des grondements assimilés aux voix des ancêtres exprimant un savoir divin.

En Inde, l'acacia, à cause de sa grande vitalité, est un symbole d'immortalité. La louche sacrificielle attribuée à Brahma est en bois d'acacia. Celui-ci sert aussi à fabriquer « l'Arani » des prêtres védiques : un bâton de figuier est tourné rapidement dans la cavité d'un disque d'acacia, la friction produit le feu sacré qui serviront au sacrifice.

Quand on examine l'ensemble des interprétations données à l'acacia, on constate que celui-ci fait le lien entre l'inanimé et le vivant, entre la terre et l'homme, entre l'humain et le divin. L'acacia accompagne également l'Initié dans sa transformation, et le non-dit qui transparaît en fait le porteur du secret de l'initiation.

Le sens caché

Inexprimable, il a été oublié et ne sera jamais qu'une intime conviction. Pour la Kabbale, il est une vibration divine que l'homme tente de retrouver et de capter dans l'extase. Pour l'initié, c'est un secret qu'il s'évertue à découvrir par une quête personnelle. Dans cette spéculation, j'ai choisi de vous faire part de deux pistes principales : les couleurs et la Bible, celles des nombres et des tarots demandant une connaissance approfondie de leurs particularités.

La piste des couleurs

Les couleurs qui expriment des sensations, des pensées, des sentiments, des intuitions. L'analyse des couleurs auxquelles fait référence l'acacia, aide à comprendre les messages reçus par notre inconscient, et ceci, sur plusieurs niveaux de sens.

Il y a d'abord le vert, celui de la molécule de chlorophylle, apparue juste après la vie. De l'assimilation chlorophyllienne naîtront plus de cent cinquante substances utilisées par l'ensemble des êtres vivants. Sans la chlorophylle, la vie n'aurait pu se développer et se diversifier sur terre.

Le vert, depuis l'antiquité, est la couleur du hasard, du destin, quand se décide la chance ou la malchance, la fortune ou l'infortune : les tapis de jeu sont verts. Le vert est aussi la couleur de l'espoir, l'espoir d'une survie, et très vite les chrétiens en ont fait le thème du renouveau : sur les vitraux de Chartres Le vert vient d'un terme arabe signifiant et # 61618 ; ascension et # 61618 ; et il est la couleur de l'Islam, le Prophète lui-même est surnommé et # 61618 ; le Verdoyant et # 61618. Le Graal est vert, marquant la quête de quelque chose de magique, de divin, qui échappe à l'homme.

L'alchimie est également présente. Canseliet, disciple de Fulcanelli, écrivait récemment : « au cours de l'élaboration philosophale, la couleur verte annonce l'indéfectible union, la pleine concorde des deux principes primitivement opposés, à savoir le Mercure et le Soufre, en même temps que la vertu végétative qu'ils acquièrent alors ». Le vert referme le flux de la vie et marque un passage, il nous sépare de la réalité ordinaire pour nous permettre d'atteindre un objectif transcendé.

La piste biblique

Dans l'Ancien Testament, l'acacia est, à deux reprises, le témoin du dévoiement du peuple d'Israël. D'abord, dans le désert du Sinaï, au moment de l'adoration du Veau d'Or, puis lorsque les Hébreux se livrent à la débauche avec les filles de Moab, lors du culte de Baal Péor. Dans chaque cas, les Hébreux sont devant un choix important pour leur survie : opter pour le mal en restant avec les filles de Moab ou s'engager dans le bien avec la conquête de la Terre Promise.

L'Arche d'Alliance décrite dans la Bible était en bois d'acacia, mais recouverte d'or à l'intérieur et à l'extérieur. Plusieurs explications ont été avancées pour expliquer cette structure mais l'interprétation la plus courante y voit la soumission de la loi morale à l'usage qui en est fait. Celle-ci dépend du libre choix que l'individu effectue en son âme et conscience. L'acacia apparaît comme le symbole de la bipolarité que chacun doit constamment résoudre pour vivre, dualité que l'on retrouve dans tout l'Univers. C'est ce secret que l'or cache, tout en le valorisant.

En Hébreu, la richesse symbolique d'un mot est mise en évidence par son décodage. Chaque lettre est un graphe en elle-même et possède une représentation allégorique, concrète ou abstraite. Associées dans un mot, les lettres peuvent générer d'autres concepts. C'est le cas pour l'acacia…

Conclusion

La symbolique du rameau d'acacia dépasse de beaucoup le choix de la légende et sa mise en forme à la fin du dix-huitième siècle. Il ne suffit pas de dire avec Wirth que l'acacia est le symbole d'une vie indestructible dont les « mystères ont été dévoilés ». Les exégètes juifs vont plus loin et considèrent que l'acacia n'est utile que lorsqu'il est abattu : il peut alors contenir les Tables de la Loi et devenir le fondement d'Israël et non sa ruine.

Le Nouveau Testament évoque la même idée en précisant que, pour le Christ, « le bois est coupé » alors que chez les Romains la crucifixion s'effectuait directement sur l'arbre. En saisissant le rameau d'acacia, le Franc-Maçon devient l'Architecte, s'engage sur un nouveau chemin et jure de faire siennes les qualités attribuées au maître d'œuvre du Temple de Jérusalem.

Plantagenet déclare que « connaître l'acacia équivaut à dire que l'on n'ignore rien du drame symbolique vécu… ». Il faut donner au terme acacia un sens fort, celui qu'il a dans la Bible, où connaître une femme, c'est avoir avec elle des rapports sexuels.

Connaître l'acacia, c'est accepter de se connaître à travers l'autre, c'est progresser dans la compréhension de l'humain, par étapes, chacune d'elles étant de plus en plus exigeante sur le plan moral au fur et à mesure que l'on avance.

J\ C\ D\


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