Obédience : NC Loge : NC Date : NC
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L'Acacia m’est connu

« T\R\M\ (Dignitaires, T\R\M\ qui éclairez l’Or\) , et vous toutes et tous mes SS\ et mes FF\ VV\MM\, en vos grades et qualités, et plus particulièrement toi, ma S\ V\M\ Delphine, au long de ton parcours initiatique, tes FF\ et tes SS\ t’ont d’abord reconnu la qualité de Franc-Maçon, tu as ensuite vu l’Etoile Flamboyante, désormais parvenue au grade de Maître, « l’Acacia t’est connu » … 

Avant d’essayer d’analyser le sens  de cette réplique tirée du tuilage au 3ème degré, interrogeons-nous. Pourquoi, parmi tous les arbres sacrés qu’ont adoptés les civilisations au cours de l’histoire - le saule des Chaldéens, le lotus des Egyptiens, le myrte des Grecs ou le chêne des druides – pourquoi donc l’acacia s’est-il imposé à la Franc-Maçonnerie ? Ce choix revêt d’ailleurs une importance capitale car ce symbole s’identifie à la Maîtrise voire à toutes les maîtrises : maîtrise du travail, maîtrise de la recherche, maîtrise du savoir et sans doute l’essentielle maîtrise de soi.

Par rapport aux autres arbres qui ont une certaine place, ou une certaine importance, à un moment donné de l’histoire, l’acacia bénéficie d’une certaine continuité, d’une présence permanente à travers les âges. Dans la Chine ancienne, l’acacia est l’arbre du nord et de l’hiver, en Inde, la louche sacrificielle attribuée à Brahmâ est faite à base d’acacia. Depuis la plus haute antiquité, l’acacia est un symbole solaire car ses fleurs rappellent le lotus qui s’ouvre  aux rayons du soleil levant et qui se ferment lorsque le soleil disparaît à l’horizon. Par voie de conséquence, il est donc l’incarnation de  la vie éternelle qu’explique également son bois dur et presque imputrescible. C’est ainsi qu’il était considéré chez les anciens Egyptiens qui s’en servaient pour les embaumements. Lorsqu’il  est représenté avec des fleurs fanées, c’est pour signifier la Mort et la Renaissance. Ses épines sont les cornes de la lune croissante. Pour les Chrétiens, outre l’immortalité, il représente aussi la morale chrétienne. Selon une ancienne légende, la couronne d’épines était faite d’acacia dans le double objectif blasphématoire de se moquer du bois sacré avec lequel fut construite l’Arche d’Alliance et de rabaisser Jésus. L’acacia est la fleur de l’initiation et de l’innocence, l’emblème de Nith que les anciens Grecs associaient à Athéna. Pour les Hébreux, le Shitta est le bois sacré du Tabernacle. A ce titre, il est symbole de l’immortalité mais peut aussi être associé au deuil.

Au-delà de la forme spécifique de sa feuille qui ressemble à la position des FF\ et des SS\ en Loge, le long des colonnes et dont les Trav.Trav\ sont gouvernés par le V\M\, comment et pourquoi l’acacia s’est-il imposé comme symbole maçonnique ? A l’examen de l’histoire de la F\M\, il apparaît que c’est à l’époque de l’établissement des Obédiences et de la fixation des règles spéculatives qu’apparaît l’acacia en Europe. On peut supposer qu’il apparut avec  le  grade de Maître autour de 1730 car, antérieurement il n’existait  que deux grades, ceux d’Apprenti et de Compagnon. Il semble cependant certain que l’on parlait primitivement du « cassia » - vulgairement appelé acacia de Farnèse (variété de mimosa) ou « casse ». Ainsi, dans la Maçonnerie disséquée de Samuel Prichart datant de 1730, on peut lire cet échange :

-         Quel est le nom d’un Maître maçon ?
-         Cassia est mon nom, et je viens d’une Loge juste et parfaite.

Notons par ailleurs qu’au début de la Maçonnerie spéculative, les Loges s’intitulent : « Lieu très éclairé, asile de la vertu où règnent la paix, l’innocence et l’égalité », innocence que les Grecs signifiaient par akakia. L’acacia trouve donc tout naturellement sa place en F\M\ à un point tel, même, que pour William Hutchinson (1732-1814), le nom « Acaciens » servait à désigner les Francs-Maçons.

Dans notre rituel maçonnique, une branche d’acacia est placée sur le drap du récipiendaire pour nous rappeler celle qui fut plantée sur la tombe d’Hiram. En effet, dans la légende hiramite, l’assassin va ficher en terre une branche d’acacia à l’endroit où il a enseveli le corps du Maître Architecte afin de dissimuler le lieu de la sépulture. Notons que, sans le savoir, par ce geste, il facilite déjà les recherches à venir. L’acacia devient alors objet transitionnel car, plus tard, lorsque l’un des Maîtres partis en quête d’Hiram, tombant de fatigue, va s’accrocher à cette branche, il ignorera lui aussi que c’est par cette branche que les recherches vont aboutir. Dans cette légende, l’acacia passe de la main d’un coupable à la main d’un innocent. Entre les deux, il accompagne Hiram dans son dernier voyage. Avec quel sens ?

Le rameau planté en terre comme point de repère, devient signe de ralliement, signe de reconnaissance des Maîtres et peut traduire la perpétuation de la tradition maçonnique. Ayant pris racine, il montre, que la vie prend sa source dans la mort. Inévitablement, la cérémonie rituelle de réception à la Maîtrise devait faire intervenir un symbole végétal pour signifier la mort, la transformation puis la régénération du Maître, l’aidant ainsi à triompher des ténèbres et à l’emporter sur la mort. L’acacia, en raison de ses feuilles persistantes, représente ainsi la vie éternelle, celle qui se perpétue toujours à travers les cycles de pourrissement, transformation, régénération. Sa qualité d’épineux n’est pas anodine non plus. Il pique, il fait couler le sang du haut vers le bas, du ciel vers la terre qui l’absorbe et s’en nourrit. Or, faire couler le sang constitue un acte essentiel, garant de l’établissement et de la continuité de la vie. Des sacrifices anciens au don personnel de son sang lors de certaines cérémonies secrètes, rien n’a changé quant à la valeur fondamentale relevant de cet échange « terre-ciel ». Sous cet aspect, l’acacia symbolise aussi la transition entre le travail accompli sur un plan et le travail à faire sur un autre plan, celui de la connaissance métaphysique. Si l’on veut pousser un peu plus loin le parallèle et se rappeler que l’Arche d’Alliance était d’acacia, osons parler du passage de ce plan de vie matériel et corporel à un plan de vie spirituelle allant jusqu’à suggérer l’immortalité de l’âme.

D’une manière plus consensuelle, on peut considérer en tout cas qu’il y a une analogie certaine entre chaque nouveau Maître et le rameau de l’acacia. Lors de l’élévation, le récipiendaire prend racine et le rameau doit devenir de plus en plus solide afin que chacun devienne une représentation de l’axe du monde, un arbre de vie et de connaissance. Est-ce à ce titre que le Maître, tuilé rituellement, répond « L’Acacia m’est connu »  à l’interrogation « Etes-vous Maître ? »

Au 1er Degré symbolique, lorsqu’il est questionné sur sa qualité maçonnique, l’App\ répond : « mes SS\ et mes FF\ me reconnaissent comme tel ». Il ne prend aucune responsabilité : ce n’est pas lui qui  se déclare maç\, il est juste reconnu par d’autres.

Dans une deuxième réponse, alors parvenu au grade de Comp\, il réplique : « j’ai vu l’Etoile Flamboyante », le Comp\ Maç\ est toujours passif mais, cette fois-ci, il se place en tant que chercheur, comme un voyageur qui trouverait son chemin en scrutant les étoiles. Le Comp\, en déclarant qu’il a vu l’Etoile Flamboyante, indique qu’il est en train de frayer son chemin à travers les ténèbres afin d’aboutir à la lumière. Mais il n’est toujours pas maître de son voyage. Il doit suivre un guide qui lui indique la direction à suivre. Il ne peut voyager s’il n’a pas vu l’Etoile.

Dans une troisième réponse, « l’Acacia m’est connu », le Maître Maç\ se place en tant que connaisseur. Il déclare connaître l’Acacia. Uni au symbole, il a la force de prendre en main son propre destin, sa propre vie. Déjà le Comp\ assurait son état mais on peut considérer que le Maître, lui, fait preuve dans sa réponse d’une très grande confiance en lui-même. Est-il pour autant arrivé au bout du chemin ? Non. Mais cette fois-ci, il possède suffisamment d’éléments pour pouvoir décider seul de la direction à prendre. L’Acacia sera pour lui plus qu’une Etoile qui montre le chemin. Grâce à l’Acacia, il trouvera l’endroit où gît Maître Hiram, même s’il n’y a aucun chemin qui y mène puisque cet endroit est enfoui dans la terre. Grâce à l’Acacia, il sera capable de « déterrer » du fond des abîmes, de l’obscurité totale, Maître Hiram, c’est-à-dire la connaissance, et de lui redonner la vie.

En choisissant un symbole fort comme l’acacia, la Franc-Maçonnerie tache de faire prendre conscience à ses membres qu’ils se trouvent en possession d’un matériau sacré. La formule « l’Acacia m’est connu » ne signifie pas seulement que celui qui le dit est devenu Maître. Cette affirmation va bien au-delà du degré maçonnique. En prononçant ces mots, le Maître maçon se relie, par l’intermédiaire de ce symbole, à des milliers d’années d’histoire à travers le monde. En outre, par le choix de l’acacia, la maçonnerie vise à relier le Maître maçon d’aujourd’hui à l’histoire biblique, d’une part, et à la légende maçonnique d’autre part. Comme l’acacia qui fait le lien entre la matière et l’esprit, voire l’homme et le divin, le Maître maçon possesseur d’acacia est ainsi relié à l’Univers. Se plaçant sous le signe de l’acacia imputrescible, le nouveau Maître souligne le caractère incorruptible de son engagement et de sa recherche. Par l’épreuve de la mort, il a vaincu la mort ; connaissant le secret de la vie, il a pris conscience du sens de l’éternité mais attention, le Maître maçon ne doit pas se laisser arrêter, atteindre ou blesser par les piqûres d’épines de l’arbre qui correspondent à la continuité des épreuves traversées.

Prudence encore. Afin de se distinguer de ses FF\ et SS\ App\ et Comp\, le Maître donne d’emblée une preuve de ses connaissances plus étendues en affirmant que l’Acacia lui est connu. En effet, seuls les Maîtres en connaissent le symbolisme et, par conséquent, sont initiés à la légende d’Hiram.

Sans doute que celui qui donnera correctement cette réponse se fera-t-il reconnaître Maître Franc-Maçon, du moins au point de vue formel mais cela ne signifie pas que celui qui s’est justifié de la sorte soit effectivement un Maître de l’Art Royal.

Or, au point de vue moral, n’est-ce pas cela qui importe avant tout ? Il ne suffit pas qu’un Maître possède les signes, mots et attouchements et les autres moyens de se faire reconnaître. Il faut que son esprit, que ses actes le fassent apparaître comme un Maître aux yeux des Apprentis, des Compagnons et des autres Maîtres. C’est grâce à ses connaissances et à son activité maçonnique qu’il peut espérer gagner leur estime, leur amour fraternel. Il doit se donner en exemple à tous par la haute notion qu’il a du devoir afin que tous puissent dire de lui : « En vérité, voici un Maître. »

Je conclurai ce travail en évoquant une mystérieuse particularité de l’acacia. Contrairement aux autres arbres, les acacias manquent d’une substance chimique appelée ‘alcaloïde’ qui permet d’éloigner les indésirables nuisant à la croissance de la plante. C’est pourquoi, pour repousser les envahisseurs qui se régalent de ses feuilles et de ses branches, les acacias ont embauchés des fourmis. Les fourmis profitent d’un abri et se nourrissent du nectar que sécrète l’arbre pour elles en échange de leur protection contre d’autres plantes, d’autres insectes, des petits mammifères voire les girafes. 

Une question se pose alors. Nous affirmons que l’acacia nous est connu mais finalement, ne serions-nous pas tout simplement les modestes fourmis de l’histoire ? Autre morale à tirer de cette symbiose entre fourmis et acacia : Quand on travaille ensemble, tout le monde en profite ! »

J’ai dit T\R\M\

T
\ L\
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