Obédience : NC | Loge : VITA NOVA | 06/10/2013 |
GADLU et liberté de conscience « Ce qui se conçoit avec difficulté s’énonce confusément et les mots pour le dire arrivent laborieusement ». C’est par ce pastiche antonyme de la citation de Nicolas BOILEAU issue de « l’Art Poétique » que je commencerai mes propos sur cette partie bien particulière de l’art royal qu’est la conciliation du concept de G\ A\ D\ L\ U\ avec celui de liberté de conscience, tant la frontière entre la représentation d’un principe créateur et celle de l’aliénation des consciences peut être parfois ténue. En effet, dans l’article 1er de sa déclaration de principe, notre obédience proclame : « La Grande Loge de France travaille à la gloire du G\ A\ D\ L\ U\ ». Dans les explications qui sont fournies avec celle-ci, elle affirme ne pas exiger de ses membres de croyance en DIEU et sa volonté révélée comme le font d’autres obédiences, mais qu’il s’agit d’un principe créateur. V\ M\, nous sommes là face à une spécificité bien Maçonnique : j’ai nommé l’exception culturelle, je devrais même dire l’exception cultuelle. En effet, la F\ M\ d’inspiration Anglo-saxonne, y compris celle de R\ E\ A\ A\, proclame à travers le monde que le G\ A\ D\ L\ U\, c’est DIEU ; elle oblige ainsi ses membres à être croyant en un Dieu Révélé. Cette singularité se retrouve en France, y compris parmi les Obédiences amies, membres de notre Confédération. D’autres Obédiences Maçonniques ont carrément abandonné statutairement, par défiance ou par confort, le concept de G\ A\ D\ L\ U\, au nom de la liberté absolue de conscience. Enfin la nôtre, Adogmatique et de R\ E\ A\ A\ qui travaille à la gloire du G\ A\ D\ L\ U\, principe créateur, et se proclame en même temps être un chantre de la liberté de conscience pour chacun de ses membres. C’est ainsi qu’apparait clairement ce qui semble être un paradoxe : « Comment concilier la liberté de conscience avec un principe créateur que nous glorifions et auquel nous faisons référence de manière permanente ? » Ou, en clair, comment concilier le vocable et le concept de G\ A\ D\ L\ U\ avec les athées, les agnostiques, les croyants, voire les panthéistes qui se côtoient dans nos loges symboliques respectives ? Si nous nous penchons sur les textes fondateurs de la Franc-Maçonnerie, et à commencer par le premier d’entre eux, les constitutions d’ANDERSON de 1723, celles-ci précisent en leur article 1er : « Concernant DIEU et la religion, un maçon est obligé par sa tenure d’obéir à la loi morale et, s’il comprend bien l’art, il ne sera jamais un athée stupide ni un libertin irréligieux ». ANDERSON déclarait lui-même en 1723 « qu’il est considéré maintenant comme plus expédient de les soumettre seulement à cette religion que tous les hommes acceptent, laissant à chacun son opinion particulière, et qui consiste à être des hommes bons et loyaux ou hommes d'honneur et de probité, quelles que soient les dénominations ou croyances qui puissent les distinguer ; ainsi, la Maçonnerie devient le centre d'union et le moyen de nouer une véritable amitié parmi des personnes qui eussent dû demeurer perpétuellement éloignées ». En outre, le mot irréligieux peut être mis en opposition à la double étymologie du mot religieux, « RELIGIO », signifiant ce qui relie, d’une part, mais aussi à « RELEGERE » qui signifie recueillir / relire d’autre part ; non seulement la religion est ce qui relie, mais c’est aussi ce que l’on recueille et ce que l’on relit : Les textes fondateurs, les mythes, les légendes, bref, les traditions assumées avec respect. La Franc-Maçonnerie étant un syncrétisme de ceux-ci, elle peut être assimilée à une religion au sens étymologique, dans la mesure où elle nous relie à travers nos mythes, nos légendes nos textes fondateurs, nos recueils et nos relectures de ceux-ci. En revanche, l’affirmation qui consiste à dire qu’un maçon ne sera jamais un athée stupide semble apparemment inconcilier l’athéisme avec le concept de Grand Architecte de l’Univers, en tant que principe créateur. Certains Francs-Maçons, comme José BERTHOMEUF ou Bruno PHELEBON GRIOLET nous renvoient à la traduction de « STUPID ATHEIST » dans leurs contributions à la Revue « Points de Vue Initiatiques » : il convient, selon eux, de comprendre STUPID dans le sens de « Frappé de stupeur », c'est-à-dire sans capacité de raisonnement ni de jugement. Ainsi, le franc-maçon peut être athée mais son athéisme doit être issu de son raisonnement. Dès lors, cette lecture d’ANDERSON nous met en symbiose avec notre concept de GADLU qui respecte pour chacun la liberté de penser face à son symbolisme et à ses propres convictions. C’est en 1875, avec le convent de LAUSANNE et dans les termes arrêtés par tous les suprêmes conseils de R\ E\ A\ A\ que « La Franc- Maçonnerie proclame, comme elle l’a proclamé dès son origine l’existence d’un principe créateur sous le vocable de G\ A\ D\ L\ U\ » Le récipiendaire profane est ainsi prévenu, avant même son Initiation, que le R\ E\ A\ A\, est la véritable colonne vertébrale de notre obédience, qui comprend 33 degrés d’élévation spirituelle comme la colonne vertébrale humaine possède 33 vertèbres, et que le principe créateur désigné sous le vocable G\ A\ D\ L\ U\ en est la moelle épinière. Notre frère LITTRE considérait dans son dictionnaire que le mot architecte provient du grec ARKHITEKTON, mot qui se décompose en ARKHO, commander, et TEKTON, l’artisan. L’architecte est donc l’artisan en chef, celui qui trace les plans et contrôle l’exécution de la construction. L’allégorie de la construction, dont nous sommes familiers, nous rappelle en permanence que nous sommes les ouvriers construisant à la fois notre temple intérieur et le temple de l’humanité. En ce qui concerne notre temple intérieur, nous pouvons aisément nous rassurer en concevant que nous sommes à la fois les architectes ET les ouvriers de nous-mêmes ; néanmoins, nous avons besoin, pour nous construire, des principes édictés par le R\ E\ A\ A\ et tâchons ainsi d’édifier nos êtres avec Sagesse, Force et Beauté, symboles de perfection, tout en rassemblant nos idées, en ordre, dans le chaos de nos pensées. N’est-ce pas un principe recteur qui extirpe l’ordre du chaos ? Or, ce principe n’est pas inspiré par les dogmes mais au contraire, la construction de notre temple intérieur s’opère à partir de l’élévation de notre conscience libérée de tout dogme. C’est ce principe qui nous guide dans notre combat permanent contre nos bas instincts, notre chaos affectif, notre ego non maitrisé. La méthode symbolique, pierre angulaire de notre construction intérieure, va dans ce sens. En effet, elle ne nous livre pas une signification absolue de nos symboles mais elle nous octroie une signification commune minimum que nous appelons allégorie, et laisse à chacun la faculté de trouver un sens propre aux symboles, le sens anagogique, qu’il recherche avec ordre et circonspection à l’égard de toute pensée dogmatique. En ce qui concerne le temple de l’humanité, si nous sommes responsables en tant qu’ouvrier de la bonne exécution de sa construction, l’humanité est elle-même tellement vaste que son périmètre est incommensurable et que notre vision sur celle-ci est obligatoirement parcellaire. Parcellaire est notre compréhension de la création, parcellaire est notre acception métaphysique de celle-ci. Pour les Francs-Maçons du R\ E\ A\ A\ l’ordre ne peut être le simple fruit du hasard, l’expression d’un non-sens, du chaos et de l’absurdité. Mais, en tant que frère de la Grande Loge de France, l’ordre n’est pas non plus l’expression d’une vérité intangible, d’une conception unique et absolue de l’antihasard ou d’un truisme existentiel. Pour nous, Francs-Maçons de la G\ L\ D\ F\, le G\ A\ D\ L\ U\, principe créateur, n’est finalement au plan métaphysique qu’un plus petit dénominateur commun que nous partageons, mais il agit sur nous comme un égrégore au regard de la création, c'est-à-dire un état de conscience collectif fort et subtil dans lequel nos consciences restent individualisées ; c’est l’entité spirituelle du principe dont l’interprétation reste entièrement libre selon les conceptions de chacun. Notre frère VOLTAIRE disait : « l’univers m’embarrasse et je ne peux songer que cette horloge existe et n’ait pas d’horloger… » Aussi, à ce stade de notre réflexion, je vous propose de nous interroger sur la Foi ; Si la liberté de conscience, revendiquée statutairement par la G\ L\ D\ F\, exclut toute idée de croyance obligée ou de crédulité primaire, exclut-elle pour autant la notion de foi ? Certainement pas en ce qui concerne notre foi en la liberté absolue de conscience ! De plus, lorsque nous considérons que le G\ A\ D\ L\ U\ est le fondement et l’inspiration de notre état d’initié, nous ne pouvons nier notre foi commune et partagée dans ce principe créateur. Cette foi n’est pas une croyance au sens que j’évoquais auparavant mais plutôt une communion, un lien qui nous unit et nous relie (toujours l’étymologie du mot religion). Cette Foi est l’expression de notre fidélité en l’idéal de perfection, en nos aspirations sacrées : le beau, le bon, le bien, soutenus par les principes de force, sagesse et beauté. « La fidélité, écrit André COMTE SPONVILLE, est ce qui reste de la foi quand on l’a perdue ». Le franc-maçon non croyant peut renoncer à un DIEU par décision ou l’agnostique le faire par hésitation, parce qu’ils considèrent Dieu comme socialement défunt. En effet, les dogmes liés aux religions sont des obstacles à l’universalité revendiquée par la Franc-maçonnerie, puisque l’explication métaphysique religieuse est unique et ne supporte aucune autre hypothèse. En revanche, le Franc-maçon ne renonce absolument pas, et revendique même, les valeurs universelles, morales, culturelles et spirituelles contenues dans les préceptes religieux. La foi des F\ M\ de R\ E\ A\ A\ dans le concept de G\ A\ D\ L\ U\ n’est ni plus ni moins que l’expression de leur fidélité dans leurs valeurs communes. Le volume de la loi sacrée est recouvert par l’équerre et le compas. L’équerre symbole de la matière, de la rigueur et de la règle maçonnique, est associée au compas, symbole de l’esprit, de l’intelligence, et de la juste appréciation des actions entreprises. Cette association permet d’extraire du livre symbole de la tradition les valeurs morales universelles et incontestables qu’il contient et qui sont communes à la plupart des religions. C’est un appel à son analyse ésotérique. En revanche, l’association de l’équerre et du compas recouvrant le livre permet d’y enfermer la tentation dogmatique dont les religions sont forcément détentrices puisque bailleresses d’une explication métaphysique universelle. L’union des 3 éléments (équerre, compas et volume de la loi sacrée) symbolise le triptyque fondamental de la franc-maçonnerie que nous appelons les trois grandes lumières de la franc-maçonnerie et qui constituent à elles trois réunies l’entité absolue, la connaissance parfaite à l’instar du delta lumineux, la lumière archétypale symbole du G\ A\ D\ L\ U\. Ainsi, notre foi dans le principe créateur ne doit pas être comprise comme une croyance mais comme le disait Oswald WIRTH : « Comme la reconnaissance du symbole le plus important de la franc-maçonnerie, qui permet de la comprendre et de construire, chacun pour soi, le sanctuaire des considérations personnelles ». Le terme de cette planche n’est que l’orée de ma réflexion que je souhaiterais enrichie de vos observations bienveillantes. C’est à travers mon parcours maçonnique ; émaillé de multiples lectures, d’analyse de nos rituels et de pratique de la méthode symbolique que je suis aujourd’hui convaincu de la compatibilité totale entre le concept de G\ A\ D\ L\ U\ et la liberté de conscience. Je pense que, contrairement à toute définition anthropomorphique ou théologique, le G\ A\ D\ L\ U\ éclaire la voie initiatique c'est-à-dire une recherche Adogmatique d’élévation de la conscience. En travaillant à la gloire du G\ A\ D\ L\ U\, le franc-maçon de R\ E\ A\ A\ affirme la valeur absolue et intemporelle de l’esprit et de la liberté, ce qui garantit un humanisme cohérent et véritable à la maçonnerie écossaise dont le but est l’avènement d’une humanité meilleure et plus éclairée. Le « Connais-toi toi même » si cher aux adeptes du Socratisme, ne révèle pas toujours au franc-maçon écossais l’univers et les dieux. En revanche, le faire sous l’égide et à la gloire du G\ A\ D\ L\ U\ lui garantit le sens de sa démarche. Symbole des plus indéterminé parmi tous nos symboles, le G\ A\ D\ L\ U\ est le vecteur qui oriente le sens de notre recherche. Peu importe, finalement, ce que chacun y voit dans son interprétation anagogique, ce qui compte dans ce symbole, c’est la fonction qu’il occupe dans notre projet d’émancipation progressive et pacifique de l’humanité. Cette fonction, la quête du sens, est la direction qu’il donne à nos pensées. Sans ce symbole, les autres symboles n’auraient pas de sens puisque la recherche axée sur ceux-ci n’aurait elle-même pas de sens. Nous avons l’habitude d’affirmer que notre Franc maçonnerie de R\ E\ A\ A\ est de nature déiste et non théiste. Notre T\ C\ F\ C\ S\, co-auteur du dictionnaire du questionnement philosophique, définit le déisme comme « une conception philosophique de l’idée de DIEU qui n’admet sa réalité qu’en tant que principe fondateur et organisateur de l’univers dépouillé tout caractère anthropomorphique et aussi souvent de tout lien providentiel et moral avec l’homme, ce qui le distingue du théisme ». Ainsi, la vérité ne s’impose pas au franc-maçon de R\ E\ A\ A\ par une révélation transcendante mais est l’objet de sa recherche permanente qu’il entreprend et poursuit inlassablement, avec l’aide du G\ A\ D\ L\ U\, en toute liberté de conscience par son travail symbolique dans les arcanes silencieux de son coeur. J’ai dit. D\ L\ |
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