GLDF Loge : NC 2009

N’y a-t-il pas opposition entre
l’exigence de liberté
et le concept d’ordre maçonnique ? 

La Liberté est, après la vie, le bien le plus précieux que nous ayons, mais, que recouvre cette notion ? Ce n’est certainement pas la possibilité de faire n’importe quoi ; nous vivons dans une  société qui nous impose-afin que chacun soit justement libre- de respecter des règles précises, des lois. Déjà nous voyons que Liberté et Ordre ne sont pas opposés, bien au contraire, l’Ordre permet à chacun d’exercer sa Liberté. Kant l’exprimait en disant

« Le droit est un ensemble de conditions qui permettent à chacun de s’accorder à la liberté des autres »

Même la célèbre abbaye de Thélème au fronton de laquelle Rabelais avait écrit : « fais ce que voudras » était régie par la plus sévère des règles ; les jeunes gens,  « bien nés et bien éduqués » qui y vivaient étaient libres car responsables :ils avaient choisi de vivre en respectant strictement des principes acceptés.

En renonçant à une forme de liberté anarchique, nous nous donnons les moyens, à condition que les règles soient justes, de gagner une forme de liberté supérieure qui consiste à épanouir son humanité en vivant en harmonie avec les autres. Nous ne sommes plus donc dans le contexte d’une forme de liberté correspondant à ce qui, selon certains auteurs, fait que « nous sommes agis » ( la biologie, l’éducation, les passions les émotions..) mais dans un contexte d’exercice de notre Raison ; Spinoza nous le dit dans l’Ethique :

« l’homme libre est celui qui vit sous le seul commandement de la Raison »

Notre Liberté est sous le contrôle de notre Raison et elle a  comme conséquence notre Responsabilité ; Sartre nous le précise quand il définit l’existentialisme  «  comme un humanisme totalement libre et totalement responsable. »

Libre, je suis donc responsable et cela me donne encore plus de devoirs ; ce que confirme V.Hugo lorsqu’il déclare : 

« Tout ce qui augmente la Liberté augmente la Responsabilité »

Si notre liberté d’agir est nécessairement  « encadrée » afin d’éviter ce que De Gaulle appelait « la chienlit » par contre, notre liberté de penser reste, comme l’affirme Luc Ferry, absolue sinon « elle n’est rien » ajoute-t-il.

L’exigence de liberté absolue du FM  est une exigence de liberté de conscience, donc du refus du dogme quelle que soit son origine, le FM n’accepte pas de limite à sa recherche puisqu’il est par définition «  libre et de bonnes moeurs »

J’ai frappé librement à la porte du Temple, personne ne m’y a contraint, ce faisant j’en ai accepté les Règles en prêtant serment ; il s’agit d’un engagement formel de ma part et je ne puis, dans ma recherche de Vérité-sous peine d’être parjure- que respecter l’Ordre où je suis entré.

La FM est un ordre initiatique traditionnel ( article 1 de la constitution de la GLDF) avec des règles, une Règle devrait-on dire, qui a été fixée et transmise de génération en génération jusqu’à nous. Cette Règle, je suis libre de l’accepter et donc de m’y conformer, ce que René Guénon traduit en disant :

« je suis libre de dire parce que j’accepte la Règle ; si je ne peux rien m’interdire, je ne suis plus libre »

 Dans cette démarche, que la Règle facilite tout en créant des Devoirs qui, à leur tour,( Kant : « je découvre que je suis libre en me découvrant soumis à la contrainte du Devoir. ») vont augmenter la Liberté, l’initié est sur un chemin qu’il va parcourir le plus longtemps possible, sans ignorer qu’il est infini, en progressant dans sa propre découverte, mais par la médiation des autres. Cette démarche, pour être efficace, ne peut être que structurée de manière stricte. Le but est l’amélioration de l’individu (sans perdre l’espoir de l’amélioration du monde) qui passe par une libération intégrale ; d’où cette volonté de liberté absolue de la part du cherchant qui exige que rien ne puisse entraver sa marche en avant car il sait que le chemin ne se termine jamais. La démarche maçonnique est exactement faite pour cela. La structure de l’Ordre, sa Règle permettent à l’initié que je suis d’avancer plus vite en évitant certains obstacles, en me libérant de certaines contingences visant à me retarder, et aussi et surtout de laisser s’exprimer et se développer cette part de Spiritualité que je possédais au fond de moi et par la même d’ajouter une troisième dimension au monde où j’évolue limité à deux jusqu’alors.

En FM, on évolue dans un espace-temps bien défini : le Temple et de midi à minuit ; cette évolution est guidée par un moyen à l’efficacité phénoménale, fruit également d’une longue Tradition : le Rituel qui va me permettre, pendant la Tenue, de passer d’un état « ordinaire » à un état de conscience supérieur, me permettant ainsi de pouvoir accéder à l’élévation spirituelle, à la Transcendance ce qui reste mon objectif premier. Cette recherche de la Lumière ou encore de la Vérité n’a pas de limites, elle représente ma Liberté absolue. Les contraintes que je vais rencontrer sur ce chemin et dont je vais m’affranchir ne feront que rendre cette Liberté encore plus grande.

Le Rituel est une invitation, en donnant les moyens de le faire, «  à se tourner vers soi, à regarder en soi » selon le TR passé GM A. Porzarnik. Il parle de « métanoïa » qui est, selon le Père Dautais « le mouvement par lequel l’homme s’ouvre à plus grand que lui-même en lui-même » et donc se réoriente, passant du profane au sacré depuis l’initiation. Le rituel d’ouverture des travaux va me permettre, pour peu que j’en sois acteur, que je le vive, et non que j’en sois un simple spectateur, d’accéder à moi-même, de libérer ma part de spiritualité pour pouvoir m’élever et ainsi me mettre sur « mon chemin intérieur ».

Cette action va se dérouler en plusieurs étapes bien marquées, immuables et fruit d’une tradition ou le hasard est exclu, qui vont, progressivement, nous permettre de passer du monde profane au monde sacré.

Nous avons abandonné nos métaux à la porte du Temple, nous libérant par là-même de nos passions, nos agitations intérieures. Le VM nous invite à prendre place donc à nous préparer à accéder à une élévation spirituelle. Puis la loge est mise à couvert, se protégeant et nous protégeant justement de tout ce qui serait susceptible d’entraver l’accession à l’élévation spirituelle.

Une énergie initiée par le VM, relayée par les deux FF Surveillants, est diffusée et circule, rythmée par les coups de maillets, dans la loge autour d’un triangle orienté à l’Orient, vers la Lumière. Le rituel nous donne la direction vers laquelle nous devons nous mettre en chemin en signifiant par notre attitude extérieure que nous sommes intérieurement prêts : nous sommes « debout, à l’ordre, face à l’orient », nous pouvons entrer « dans les voies qui nous sont tracées ».

Etant debout, je suis, symboliquement, orienté de bas en haut ; le signe d’ordre montre que j’ai fait taire toute agitation intérieure ; le rituel d’ouverture des travaux, si j’en suis acteur, va me guider vers le Haut. Chaque Tenue, selon A.Pozarnik devient alors « une petite marche plus haut vers la Spiritualité »

Les ordres donnés, les attitudes figées,  loin d’être des carcans, sont autant de facteurs de libération puisque je suis conduit vers l’essentiel, débarrassé du superflu, rendu entièrement disponible.

Il faut bien dire, et je le sais, que le chemin sur lequel je me suis mis le jour de mon initiation est long et semé de difficultés, infini même, mais il est mon espoir. Je sais également et selon l’expression de Paul Ricoeur que « l’homme n’est pas en un lieu mais sur un chemin avec ses errances, ses avancées, ses reculs, chaque individu progresse à son rythme » c’est pour cela que je ne saurais accepter aucune forme d’entrave à mon cheminement. J’exige d’être absolument libre, ce que la FM, si je suis éveillé, m’offre incontestablement ; j’apprends à découvrir mes limites, ce qui me permettra de les dépasser et je ne dois obéir qu’au seul engagement que j’ai pris vis à vis de moi-même qui est de travailler à mon perfectionnement dans le respect de la démarche que j’ai librement choisie.

Initiation et chemin initiatique font, puisqu’incommunicables,  partie du Secret maçonnique mais respectent absolument la liberté de conscience de chacun ; de deux FF ayant la Foi, l’un se trouvera conforté dans celle-ci, perçue autrement et l’autre au contraire sera dans une phase de doute important. En FM, Ordre immuable et Liberté, loin d’être opposés sont, au contraire, nécessaires l’un à l’autre : la Liberté confère plus de Devoirs qui, bien remplis, augmentent la Liberté.

Cette démarche initiatique, librement  choisie je le répète, me conduit, dans le respect de l’Ordre maçonnique, à me rassembler ( unir dans un même élan le physique, l’affect et l’intellect) et me diriger vers la Lumière et la Vérité.

Voila un travail dont je sais qu’il n’aura pas de fin, mais je sais aussi que, selon un proverbe arabe, «  si je veux labourer droit, je dois accrocher ma charrue à une étoile »

J’ai dit Vénérable Maître.

R\ B\


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