Obédience : NC Loge : J. T. Desaguliers - Orient de Boulogne 21/04/2005


Compagnonnage et F
\M\

Nous savons tous ou croyons savoir aujourd’hui qui sont les Compagnons et d’où ils viennent. Il est néanmoins intéressant ici d’en retracer l’histoire.
Ils étaient bâtisseurs certes et leur histoire reste attachée en Europe à l’extraordinaire foisonnement des constructions de la fin du Roman, mais surtout à la réalisation des édifices Gothiques.
La F\M\ elle, ne désigne que des hommes et des femmes de la pensée. En quoi peut-on dire qu’il y-a filiation ou héritage et est-ce du Compagnonnage vers la F\M\ ou vice-versa ?

En tout premier lieu il y a convergence dans les mots Compagnon et F\M\ qui sont tous les deux
des constructeurs issus du francique ce qui est une exception dans notre langue aux racines latines et grecques.
Le nom commun maçon désigne l’ouvrier qui réalise une construction et l’adjectif franc désigne celui qui n’est plus asservi au paiement d’un droit ou d’une imposition, ce qui qualifie le maçon.
Ainsi en son sens premier et à la manière dont se définit une « ville franche » le F\M\ est un ouvrier libre et autonome.
Cette particularité a été reconnue par le pape NICOLAS II (1277) et entérinée par BENOIT XII (1334).
Il résulte de cette source étymologique que furent distingués des Compagnons affranchis de certaines contraintes et qui avaient un statut privilégié du fait de leur connaissances, savoir-faire et des chantiers dont ils avaient la charge.
Bien évidemment, notre activité, nos buts sont aujourd’hui différents. Mais nous sommes toujours des F\M\. Avec il est vrai un statut et une signification qui ont évolué.
C’est cela que nous allons tenter de discerner à présent.

Ce sont deux Ordres initiatiques, l’un paraissant comme opératif, l’autre comme spéculatif. Nous nous y attarderons plus loin.
Ainsi revenons aux origines du compagnonnage pour mieux en connaître et l’existence et l’esprit.

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C’est en 1082 que Guillaume Bâtard de Normandie et Roi d’Angleterre, sur les conseils de Hugues - Abbé de Cluny, fit le premier essai de Compagnonnage en France et en Angleterre lorsqu’il lança les constructions de St Etienne de Caen, de la Basilique de Hasting et la première cathédrale romane de Bayeux, en même temps qu’étaient crées une école de coupe de la pierre et de sculpture au Mont Saint Michel.
Pourtant, ce n’est qu’en 1098, lorsque Robert de Molesne a fondé l’abbaye de Citraux que Saint Bernard donna le départ d’une forme de Compagnonnage : « les Confréries ».
 
Il fit adopter à ses moines bâtisseurs les sept vertus antiques des Arts libéraux : « Grammaire, Rhétorique, Arithmétique, Dialectique, Astronomie, Géométrie et Musique ».
Et c’est à Fontenay, dans une des 70 communautés que totalisent les 164 abbayes, que les efforts de synthèse concernant l’Art Royal (architecture ogivale) se développeront avant la seconde croisade de 1146.
Se créera alors un ordre nommé le « Saint Devoir de Dieu », lequel comprenait des ouvriers rompus aux rudes travaux du génie militaire, des pontonniers, carriers, charpentiers et tailleurs de pierres. Ces ouvriers étaient instruits et initiés à Fontenay à la connaissance des lois de la géométrie plane que le grec Euclide livra jadis à la postérité.
Les moines de Citeaux utilisèrent et perfectionnèrent les graphiques de géométrie pratique pour élaborer les épures de pénétration des volumes. La « Science du trait » était née. Science graphique, affranchie de toutes notions arithmétiques ou mathématiques.

La pérennité du Compagnonnage n’a pu s’exercer que par le sortilège qu’a toujours exercé et qu’exerce encore aujourd’hui le Trait, cet art qui permet au compagnon de s’initier au tracé des volumes dans l’espace. Le Trait étant le symbole de la rectitude et de l’équilibre.

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Aujourd’hui on remet au nouvel initié F\M\ son livret d’Apprenti quelques temps après son initiation. Il y a là quelques similitudes avec les Maçons opératifs qu’étaient les Compagnons partant pour les Croisades.
Un parchemin était alors remis à l’ouvrier sous les voûtes en construction des premières cathédrales ou sur le labyrinthe de Salomon. Ce livret était signé de son sang.
Or le rituel symbolique existe toujours : à la St Joseph pour les charpentiers, à l’Ascension pour les tailleurs de pierres, à Noël pour les menuisiers.
Les nouveaux Compagnons reçus signent encore ce parchemin de leur sang, qu’il soit appelé Carré, Affaire, ou Cheval.
Cet acte rappelle ainsi à chacun son engagement et sa filiation à la Chevalerie et ce jusqu’à la mort du titulaire.
Plié en 48 plis afin qu’il tiennent dans la paume de la main, il sera le talisman d’une extraordinaire Tradition jusqu’au dernier jour. Là, il sera brûlé et les cendres dispersées sur la sépulture de son propriétaire.
Dans certaines « Cayennes et Coteries », pour un Compagnon fort réputé pour savoir-faire, mais également pour son sens du devoir et ses qualités morales, ce documents sera brûlé sur une jarre de vin et les cendres mélangées au nectar. Tous les nouveaux Aspirants, les nouveaux Compagnons et les Compagnons Finis boirons ce breuvage afin de s’imprégner des qualités profondes du Compagnon Passé.
De façon similaire, ne faisons-nous pas entrer en notre Chaîne d’union le dernier Apprenti initié quand un F\ passe à l’Orient éternel ?
Symboliquement ne dirigeons-nous pas l’esprit de ce F\ installé dans le vide laissé par le F\ que nous avons perdu, dans l’espoir que les qualités du disparu soient régénérés dans ce nouveau maillon afin qu’il enrichisse et renforce la Chaîne ?

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Reprenons notre parcours historique.
Des Confréries sous Saint Louis (1214/1240), au Compagnonnage actuel, c’est seulement sous Philippe IV - Le Bel que le Compagnonnage prend son essor. Ceci étant dû à la scission des rites qui se produit en 1307.

En effet, le Rite de Salomon s’il demeure celui des Compagnons du Devoir de Liberté (Gavots), il devient le Rite de Maître Jacques pour les Compagnons du Devoir (Dévoirants) et le Rite de Soubise pour les Tailleurs de pierres du Saint Devoir de Dieu (Bon Drilles du Tour de France) et aussi pour les dits Honnêtes Compagnons.
On dit que la scission légendaire eut lieu pendant l’édification des tours de la cathédrale d’Orléans et serait la cause qu’elles ne furent jamais achevées. Plus raisonnablement, il est presque sûr que se fut par manque de capitaux.

Plus avant encore dans le temps, la légende veut également que l’origine du Compagnonnage remonte à la construction du Temple de Salomon.
Le nombre d’ouvriers y était si considérable que pour éviter les fraudeurs au moment du paiement des salaires, Salomon ou son architecte, aurait donné un mot de passe à chacune des catégories pour qu’elles puissent se faire reconnaître et perçoivent le montant de son salaire en rapport avec son degré et ses qualités.

Notons que de toute évidence les légendes n’apportent rien de très précis sur les origines du Compagnonnage. Les hypothèses de l’histoire nous renseignent mieux sur le sujet.
L’une d’elle veut que le Compagnonnage ait pour origine les Confréries condamnées par les conciles et l’autorité publique ;surtout à partir du XII ème siècle. Cette thèse semble être digne de quelques fondements.
Néanmoins nous ne possédons aucune données sur l’organisation du Compagnonnage du XII ème au XV ème siècles.

Il est possible que les premières formes de Compagnonnage aient vu le jour entre le début du XII ème et la fin du XIII ème siècles parmi les artisans et corps de métiers alors nombreux autour des grandes églises gothiques.
Mais peut-on déjà réellement parler de F\M\ ?

Il semble que une ou plusieurs des associations anciennes ont eu des caractères voisins de ceux du Compagnonnage, surtout à leur début, et qui – peut être à l’origine – n’ont formé avec lui qu’une seule et même association.
C’est ainsi que se définit la F\M\.
C’est pourquoi on peut dater la première Loge Maç\ au moment de la construction de la cathédrale de Strasbourg, en 1276.

L’abbé Grandidier écrit à ce sujet : « Notre société de F\M\ n’est qu’une imitation ancienne et utile société de vrais maçons établie autrefois en Allemagne et dont le lieu principal fut Strasbourg ». Par ailleurs, nous savons qu’une Assemblée Générale se réunit à Ratisbonne le 25 avril 1459 où le Règlement Général de la F\M\ fut voté.

Pourtant le fait qu’on ne trouve en France aucune trace de la F\M\ du XII au XV ème siècles, ne prouve pas qu’elle n’a pas existé. En tant que Société secrète, elle a pu se dispenser de laisser des archives et des vestiges.

Dans cet ordre d’idée d’un glissement naturel du Compagnonnage à la F\M\, une autre hypothèse  explique sa transformation d’opérative en spéculative, laquelle serait due à la décadence du Haut Clergé qui, à compter des XV ème et XV ème siècles, trop riche et trop puissant se serait corrompu. Il en serait résulté un désenchantement moral et spirituel et le surgissement d’un nouvel état d’esprit.

Il faut observer parallèlement :
- que l’édification des grandes églises gothiques est alors quasi achevée, ce qui ne manque pas de supprimer le travail, les Confraternités de Saint Jean trouvant de moins en moins de chantiers.

- que la guerre de religion depuis le schisme Luthérien désorganise les anciennes corporations constructives qui menacent de disparaître, n’ayant plus guère de raison d’être. Ainsi les Confraternités Maç\ s’étaient partout dissoutes à l’exception de la Grande Bretagne et de l’Irlande où règne et se maintient un esprit favorable à la survivance et au respect des anciennes traditions.

De la sorte, les Corporations de Maç\ libres vont devenir rapidement des Corporations de Maç\ acceptés, ces dernières étant très vite beaucoup plus nombreuses.
C’est dans ce contexte que prît naissance la Maç\ dite moderne en en ce début de XIII ème siècle.
Coupée de ses racines et de son objet, dès lors la Maç\ opérative devient majoritairement purement philosophique et donc spéculative.

L’Art Royal – dit Ogival – se mettra donc à construire ces immenses cathédrales que sont les êtres humains en oeuvrant à leur perfectionnement moral et spirituel.
La F\M\ moderne n’a pas oublié certaines des qualités morales en usage chez les Maç\ de métier et qui sont : le courage, l’opiniâtreté, l’amour du métier, la vertu de la fidélité à un mode de vie et la fraternité entre les compagnons du même devoir – en étendant toutefois cette fraternité à toute l’humanité.
Dans les Loges, la pensée participe au progrès de l’humanité et les véritables secrets des Maç\ opératifs vont se révéler au cherchants pour devenir leur force d’évolution et le ciment de la construction de leur temple intérieur.
Recommencer chaque jour chaque division de la Règle, nous ré-initie tous. Le Maç\ sait que le travail de demain est fait du travail d’hier et qu’il a fallu faire hier le travail en fonction du travail de demain.

Certains Maç\ sont allés au-delà du Compagnonnage pour trouver l’origine de la F\M\ et certaines légendes et écrits ADAM aurait été initié par le « PERE ETERNEL » et reçu Maçon selon les Rites de l’Orient du Paradis.
C’est une manière de dire que la FM a toujours existé, sinon en acte, du moins en puissance de devenir car elle correspond à un besoin primordial de l’esprit humain.
Elle est née, elle s’est transmise parfois dans le bonheur et parfois dans la douleur. Elle vivra toujours, initiant pour demain et demain en réponse à hier.

J’ai dit, V\M\
Alain BOUCHET - Orateur
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Pour le tracé de cette Planche, m’ont aidé :  
- Oswald Wirth
- Lucien Carny
- Raoul Vergez
- mon T\C\F\ Cla\ Bra\ avec la complicité du T\C\F\ J\-P\ Thé\ - tous deux de la R\L\ L’AURORE.

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