Obédience : NC Loge : NC 10/2012

La lettre « G »

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Où « Pour en finir avec les idées reçues… »

C’est là un exercice difficile que le V\ M\ ma demandé de traiter et j’avoue que j’en avais sous-estimé la difficulté. Car il en est des symboles comme des hommes.

Il y en a qui se laissent facilement apprivoiser parce qu’ils sont amicaux et qu’ils font partie de notre environnement pratiquement quotidien. D’autres sont plus rebelles à notre compréhension, ils nous demandent parfois de nombreuses années pour les apprivoiser.

Enfin, il en est qui gardent leurs mystères, et les auteurs qui tentent de les expliquer soit se trompent, soit se répètent, où, plus souvent maintenant ont recours au copié/collé. Vous me direz qu’un symbole ne s’explique pas. Il parle à notre conscience ou même à notre subconscient, bien plus qu’à notre intelligence. Et pourtant, ce « G » inclus dans l’Etoile flamboyante lui, ne parle pas. Il se contente d’être là, et de faire partie de notre horizon familier.

N’étant qu’un modeste maçon, je vais essayer avec votre aide, de tenter la conceptualisation de ce symbole, beaucoup plus énigmatique qu’il n’y parait au premier abord...

Le rituel n’est pas très bavard et surtout il risque de nous entraîner, si nous ni prenons garde sur des fausses pistes.

Car en effet, il conseille au C\ nouvellement promus de contempler l’Etoile flamboyante, avec en son centre la lettre « G ». Cette lettre étant le grand symbole du C\, est-il écrit, elle peut être interprétée traditionnellement comme étant une référence au Grand Architecte(1). Pourquoi pas ? Le problème, c’est que deux lignes plus loin, on nous indique que c’est l’Etoile elle-même, qui est une référence au Grand architecte.

Etoile, qui, à l’instar de celle des rois mages oriente le Compagnon dans sa démarche vers l’Idéal Initiatique. « Elle brille constamment devant nos yeux et, c’est vers elle que nous devons nous diriger sans cesse ».

En outre, il est écrit que ce Pentagramme signe de reconnaissance de la confrérie Pythagoricienne, symbole d’Amour et d’Harmonie, était en outre, le symbole des guildes de Maçons opératifs.

Très bien, on pourra reparler avec profit de l’Etoile dans un autre travail, qui pour le coup est un symbole très fort. Mais le titre de ce travail est restrictif, ce n’est pas l’Etoile, dont il est question, mais bien de la lettre « G », et rien d’autre.

Or, on nous explique très doctement et dans de très nombreux articles réputés savants, que la lettre ‘G’doit évoquer pour nous les concepts suivants que sont : Géométrie/Génération/Gravitation/Génie, où même Gnose.

Concepts d‘ailleurs en général parfaitement inconnu au grade de C\, tout simplement parce que à ce grade, nous sommes encore dans l’opératif et que les C\ apprennent à construire le Temple, grâce à leur ardeur au travail, et avec les outils qui leur ont été confiés, lors de l’initiation au 2ème degré.

Le problème est, qu’il faut relire attentivement le rituel pour séparer le subtil de l’épais, et qu’il faut retenir ce qui est écrit en toutes lettres, page 50 du rituel de C\, à savoir que :

Les pointes de l’E\ font allusion d’une part au nombre 5 qui est bien sûr le nombre du Compagnon. Et que l’on attribue généralement aux 5 pointes de l’Etoile flamboyante, et j’ajoute, mais cela semble aller de soi, et non pas à la lettre « G », les concepts précédemment cités. (Géométrie, gravitation génération, génie, gnose.)

Et ceci tellement vrai que, dans les anciens rituels, les pointes de l’Etoile ont une toute autre signification que celle communément admise. Puisque l’on y trouve, aussi bien les cinq ordres d’architecture, comme il est écrit, par exemple, dans le manuscrit se 1804. Ailleurs, dans d’autres rituels, ce sont les cinq sens qui sont évoqués par les cinq pointes de l’Etoile. Tout cela pour dire que, si, il peut y avoir des rapports particuliers entre la lettre G et l’Etoile, rapports que l’on pourra d’ailleurs découvrir ultérieurement, il n’y en a aucun, mais alors aucun, entre les pointes de celle-ci et la 7° lettre de l’alphabet.

Il n’est donc nullement question comme le font certains qui n’ont pas lu, où mal lu, le rituel d’associer la lettre « G », aux cinq propositions dites « punctiformes », et nous voici revenus à la case départ.

Je suis d’ailleurs conforté dans cette démarche par Jules Boucher, auteur d’un livre qui, on le sait, fait référence en matière de symbolisme, depuis de nombreuses décennies. Jules Boucher donc, a écrit en toute humilité que « ce n’est qu’en 1737 qu’apparurent en Maçonnerie, l’Etoile Flamboyante et la lettre « G », et que ‘Si les initiés ont voulu transmettre un secret, il faut avouer qu’il est bien caché ».

Plus loin, on peut lire toujours sous la même plume : « Les rituels modernes donnent 5 signification à la lettre « G » (Gravitation, Gnose, Génie, Géométrie, Génération) Ces énumérations, nous paraissent bien creuses ! »

Et pour faire bonne mesure, je me permet de citer Yves Saint Gall, dans son dictionnaire du REAA qui écrit page 41 : « Notre seule certitude, est que nous ne connaissons pas la raison exacte, pour laquelle nos prédécesseurs avaient choisi cette lettre plutôt qu’une autre… »

Alors, qu’elle est donc la signification de la lettre « G » ?

D’abord, en a-t-elle une ? La question mérite d’être posée. Qu’elle est son antériorité ? En particulier, est-ce une réminiscence d’un grade compagnonnique ? J’ai pris pour mienne, la note de Jules Boucher, qui indique, comme je l’ai dit plus haut, qu’elle est apparue tardivement en Maçonnerie, et ceci en 1737.

Notons au passage, avant d’aller plus loin, qu’elle n’a pas été toujours associée à l’étoile, comme le montre la gravure que vous trouverez à la fin de ce texte. Elle se situe parfois au centre d’un triangle, où bien comme vous le verrez, incluse dans une équerre. Elle est parfois même au centre d’un frontispice et dans ce cas particulier, c’est alors l’Etoile qui se trouve au centre de la lettre !

Certains se sont échinés à trouver une explication personnelle, quant à la signification de la lettre « G », sous le fallacieux prétexte que sa morphologie a évolué avec le temps et on tombe parfois sur des explications véritablement abracadabrantesques ! En feuilletant et en refeuilletant attentivement des ouvrages M\ réputés savants, voire très savants, nous tombons toujours sur une foultitude d’explications qui pour certaines, sont pour le moins « exotiques ».

Même le grand Oswald Wirth, va s’empêtrer dans une explication « alchimique » sous prétexte qu’il y a une analogie morphologique entre la lettre « G » et le symbole alchimique du sel.(Un cercle barré d’un trait horizontal).

Pour d’autres, elle aurait été substituée à l’Iod Hébraïque. Pour d’autres encore, elle évoque le gamma majuscule grec, sous prétexte que là aussi, la morphologie du G a évolué avec le temps. On trouve aussi le Graal, et même le mot hébreu Ghimel, qui soit dit en passant, est peut-être le plus plausible. En vérité, la liste est interminable !

La palme en revient à un certain Nagrodski, in « Le Secret de la lettre G » qui prétendra,tenez vous bien, que cette lettre n’est qu’un signe, représentent le nœud, destiné à montrer du doigt le tracé géométrique de la section dorée. Comprenne qui pourra…

POUR TERMINER.

Je dirai, après y avoir beaucoup réfléchi, que le seul mot que doit pour nous évoquer la lettre « G » est bien « Géométrie ». Pourquoi ?

Parce que d’une part, c’est en effet le mot dont se réclament les constructeurs gothiques. Et qu’aussi, « Géométrie », fait partie des 7 arts libéraux qui sont enseignés aux compagnons. Géométrie, aussi, parce qu’elle évoque le Sublime Architecte de l’Univers, ce qui correspond d’ailleurs à l’écriture du rituel, mais tout aussi bien, l’Art Royal, l’Art de bâtir.

De se bâtir soi même, parce que nous avons à construire notre Temple intérieur.

Mais aussi, grâce à la Géométrie, de bâtir le Temple Universel en y insérant notre pierre, que nous aurons auparavant judicieusement polie.

 Souvenez vous de cet enseignement Pythagoricien : « Nul ne peut entrer dans ce Temple s’il n’est pas géomètre ».
 
Ce concept de « Géométrie ». On trouve cela aussi dans le Régius (1390) qui est, entre parenthèse, plus un guide du Compagnonnage, qu’un opuscule maçonnique, au sens où nous l’entendons actuellement, puisqu’il s’adressait à des constructeurs, des « Maîtres en Arts », pour qui la Géométrie représentait l’ensemble des connaissances de l’époque. Elle servait donc à désigner la Maçonnerie opérative.

Ceux, que l’on appelait des « Massons » étaient en vérité, des architectes, au sens noble du terme, on dirait maintenant pour faire chic, des « engineers », des concepteurs, comme en témoigne « de Architectura » de Vitruve où les carnets de Villard de Honnecourt. Finalement, c’est ce nom de « Massons » qui a longtemps égaré les chercheurs.

A noter que l’on ne parle nulle part, dans ces textes, ni de la Lettre « G », ni d’ailleurs de l’Etoile. Plus surprenant, on n’en trouve nulle mention non plus dans le rituel de 1804, qui est le rituel de base du Rite Ecossais.

Et finalement, j’ai été conforté dans cette acceptation de la lettre « G », en consultant par hasard, quelques pages de l’ouvrage d’un certain William Hutchinson, qui a écrit un gros ouvrage sur la Maçonnerie, à la lecture un peu insipide c’est vrai, intitulé « Spirit of Masonry » publié à Londres en 1776.

Dans cet ouvrage, il indique clairement que « G » ne peut être l’initiale de Dieu en raison de sa non universalité, ce qui élimine définitivement God, mais qu’au contraire cette lettre évoque le nom de Géométrie qui est l’ancien nom de l’Architecture, ce qui indirectement nous ramène bien entendu au Grand Architecte de l’Univers. Pour le coup, il y a là bien entendu, une cohérence.

Voilà ce qu’écrivit Hutchinson à propos de la lettre G : « Cette lettre indique la Géométrie, qui est la science par laquelle tous les travaux sont calculés et formés. Pour les Francs maçons, elle contient la détermination, la définition et la preuve de l’Ordre, de la Beauté et de la Sagesse… »

Cela nous conforte dans ce que l’on peut lire dans le Régius, dans le chapitre « l’art de la géométrie selon Euclide » :

Les clercs assemblés.
Aux prières des seigneurs, ils inventèrent la Géométrie
Et lui donnèrent le nom de Maçonnerie
En vue d’en faire le métier le plus honnête de tous.

Et pour enfoncer le clou encore un peu plus, je dirais, avec humilité, que, cette lettre G, évocatrice de Géométrie, trouve parfaitement sa place au centre du pentacle. Pentacle évocateur de la confrérie Pythagoricienne, dont les adeptes on le sait étaient tous géomètres.

Je pense, quant à moi, que raisonnablement, on peut s’en arrêter là, quand à la définition de cette énigmatique lettre « G ». Tout au moins au degré de compagnon. Car en effet, bien sûr, la quête n’est pas finie, puisque l’on verra réapparaître ultérieurement un « G », mais cette fois, avec une toute autre signification, dans des degrés ultérieurs.

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Vénérable Maître, j’ai dit.

P\ D\

Note :
1. Rituel du C…page49.

Bibliographie :
J.P.Bayard : Symbolisme Maçonnique traditionnel.
J.Boucher : La Symbolique Maçonnique.
Bedsaide : La lettre « G ».
Yves Saint Gall : Dictionnaire du rite Ecossais et accepté.
Oswald Wirth : « La franc maçonnerie rendue intelligible à se adaptes » : Le livre du compagnon.
Jacques Trecassis : l’Etoile flamboyante...
William Hutchinson : « Spirit of Masonry ».

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