L’Etoile
Flamboyante
Catéchisme ou
instruction pour le grade d'Adepte ou apprenti Philosophe sublime
& inconnu.
D. 1
|
Quelle est la première étude
d'un Philosophe ?
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R.
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C'est la recherche des opérations de la
nature.
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D. 2
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Quel est le terme de la nature ?
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R.
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Dieu, comme il en est le principe.
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D. 3
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D'où proviennent toutes les choses ?
|
R.
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De la seule & unique nature.
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D. 4
|
En combien de régions la nature est
elle divisée ?
|
R.
|
En quatre principales.
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D. 5
|
Quelles sont-elles ?
|
R.
|
Le sec, l'humide, le chaud, le froid, qui sont les
quatre qualités élémentaires,
d'où toutes choses dérivent.
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D. 6
|
En quoi se change la nature ?
|
R.
|
En mâle & femelle.
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D. 7
|
A quoi est elle comparée ?
|
R.
|
Au mercure.
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D. 8
|
Quelle idée me donnerez-vous de la
nature ?
|
R.
|
Elle n'est point visible, quoiqu'elle agisse
visiblement, car ce n'est qu'un esprit volatil, qui fait son office
dans les corps, & qui est animé par l'esprit
universel, que nous connaissons en maçonnerie vulgaire, sous
le respectable emblème de l'Etoile flamboyante.
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D. 9
|
Que représente-t-elle positivement ?
|
R.
|
Le souffle divin, le feu central &
universel, qui vivifie tout ce qui existe.
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D. 10
|
Quelles qualités doivent avoir les
scrutateurs de la nature ?
|
R.
|
Ils doivent être tels que la nature
elle-même, c'est à dire, vrais, simples, patients
& constants ; ce sont les caractères essentiels, qui
distinguent les bons Maçons, & lorsque l'on inspire
déjà ces sentiments aux candidats dans les
premières initiations, on les prépare d'avance
à l'acquit des qualités nécessaires
pour la classe philosophique.
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D. 11
|
Quelle attention doivent ils avoir ensuite ?
|
R.
|
Les Philosophes doivent considérer
exactement si ce qu'ils se proposent est selon la nature, s'il est
possible & faisable ; car s'ils veulent faire quelque chose
comme la nature, ils doivent la suivre en tout point.
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D. 12
|
Quelle route faudrait-il tenir pour
opérer quelque chose de plus excellent que la nature ne l'a
fait ?
|
R.
|
On doit regarder en quoi & par quoi elle
s'améliore ; & on trouvera que c'est toujours avec
son semblable : par exemple, si l'on veut étendre la vertu
intrinsèque de quelque métal plus outre que la
nature, il faut alors saisir la nature métallique elle
même, & savoir distinguer le mâle &
la femelle en ladite nature.
|
D. 13
|
Où contient-elle ses semences ?
|
R.
|
Dans les quatre éléments.
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D. 14
|
Avec quoi le Philosophe peut-il produire quelque
chose ?
|
R.
|
Avec le germe de ladite chose, qui en est
l'élixir, ou la quintessence beaucoup meilleure, &
plus utile à l’artiste que la nature
même ; ainsi, d'abord que le Philosophe aura obtenu cette
semence ou ce germe, la nature pour le seconder sera prête
à faire son devoir.
|
D. 15
|
Qu’est ce que le germe ou la semence de
chaque chose ?
|
R.
|
C'est la plus accomplie & la plus parfaite
décoction & digestion de la chose même, ou
plutôt c'est le baume du soufre, qui est la même
chose que l'humide radical dans les métaux.
|
D. 16
|
Qui engendre cette semence ou ce germe ?
|
R.
|
Les quatre éléments, par la
volonté de l'Etre suprême, & l'imagination
de la nature.
|
D. 17
|
Comment opèrent les quatre
éléments ?
|
R.
|
Par un mouvement infatigable, & continu,
chacun d'eux selon sa qualité, jetant leur semence au centre
de la terre, où elle est recuite &
digérée, ensuite repoussée au dehors
par les lois du mouvement.
|
D. 18
|
Qu'entendent les Philosophes par le centre de la
terre ?
|
R.
|
Un certain lieu vide qu'ils conçoivent,
& où rien ne peut reposer.
|
D. 19
|
Où les quatre
éléments jettent-ils & reposent-ils donc
leurs qualités ou semences ?
|
R.
|
Dans l’ex-centre, ou la marge &
circonférence du centre, qui, après qu'il en a
pris une due portion, rejette le surplus au dehors, d'où se
forment les excréments, les scories, les feux &
même les pierres de la nature, de cette pierre brute,
emblème du premier état maçonnique.
|
D. 20
|
Expliquez-moi cette doctrine par un exemple ?
|
R.
|
Soit donnée une table bien unie,
& sur icelle, en son milieu, dûment assis &
posé un vase quelconque, rempli d'eau ; que dans son contour
on place ensuite plusieurs choses de diverses couleurs, entre autres
qu'il y ait particulièrement du sel, en observant que
chacune de ces choses soient bien divisées & mises
séparément, puis après que l'on verse
l'eau au milieu, on la verra couler de çà
& de là : ce petit ruisseau venant à
rencontrer la couleur rouge, prendra la teinte rouge ; l'autre passant
par le sel, contractera de la salaison ; car il est certain que l'eau
ne change point les lieux, mais la diversité des lieux
change la nature de l'eau ; de même la semence,
jetée par les quatre éléments au
centre de la terre, contracte différentes modifications ;
parce qu'elle passe par différents lieux, rameaux, canaux,
ou conduits ; en sorte que chaque chose naît selon la
diversité des lieux, & la semence de la chose
parvenant à tel endroit, on rencontrerait la terre &
l'eau pure, il en résultera une chose pure, ainsi du
contraire.
|
D. 21
|
Comment & en quelle façon les
éléments engendrent-ils cette semence ?
|
R.
|
Pour bien comprendre cette doctrine, il faut noter
que deux éléments sont graves & pesants,
& les deux autres légers, deux secs & deux
humides, toutefois l'un extrêmement sec l'autre
extrêmement humide, & en outre sont masculin
& féminin : or, chacun d'eux est très
prompt à produire choses semblables à soi en sa
sphère : ces quatre éléments ne
reposent jamais, mais ils agissent continuellement l'un & l'
autre, & chacun pousse de soi & par soi ce qu'il a de
plus subtil ; ils ont leur rendez-vous général au
centre, & dans ce centre même de l'Archée,
ce serviteur de la nature, où venant à y
mêler leurs semences, ils les agitent & les jettent
ensuite au-dehors. On pourra voir ce procédé de
la nature, & le connaître beaucoup plus distinctement
dans les grades sublimes qui suivent celui-ci.
|
D. 22
|
Quelle est la vraie & première
matière des métaux ?
|
R.
|
La première matière
proprement dite est de double essence, ou double par elle
même ; néanmoins l'une sans le concours de l'autre
ne crée point un métal ; la première
& la principale est une humidité de l'air,
mêlée avec un air chaud, en forme d' une eau
grasse, adhérente à chaque chose, pour pure ou
impure qu'elle soit.
|
D. 23
|
Comment les philosophes ont-ils nommé
cette humidité ?
|
R.
|
Mercure.
|
D. 24
|
Par qui est-il gouverné ?
|
R.
|
Par les rayons du Soleil & de la Lune.
|
D. 25
|
Quelle est la seconde matière ?
|
R.
|
C'est la chaleur de la terre, c'est à
dire, une chaleur sèche que les Philosophes appellent soufre.
|
D. 26
|
Tout le corps de la matière se
convertit-il en semence ?
|
R.
|
Non, mais seulement la huit centième
partie qui repose au centre du même corps, ainsi que l'on
peut voir dans l'exemple d'un grain de froment.
|
D. 27
|
De quoi sert le corps de la matière
relativement à la semence ?
|
R.
|
Pour la préserver de toute excessive
chaleur, froideur, humidité ou sécheresse,
& généralement toute
intempérie nuisible, contre lesquelles la matière
lui sert d'enveloppe.
|
D. 28
|
L'artiste qui prétendrait
réduire tout le corps de la matière en semence,
en supposant qu'il pût y réussir, y trouverait-il
en effet quelque avantage ?
|
R.
|
Aucun, au contraire son travail alors deviendrait
absolument inutile, parce que l'on ne peut rien faire de bien,
sitôt que l'on s'écarte du
procédé de la nature.
|
D. 29
|
Que faut-il donc qu'il fasse ?
|
R.
|
Il faut qu'il dégage la
matière de toutes ses impuretés : car il n'y a
point de métal, si pur qu'il soit, qu'il n'ait ses
impuretés, l'un toutefois plus ou mois que l'autre.
|
D. 30
|
Comment figurons-nous dans la
maçonnerie la nécessité absolue
& préparatoire de cette dépuration ou
purification ?
|
R.
|
Lors de la première initiation du
candidat au grade d'apprenti, quand on le dépouille de tous
métaux & minéraux, & que d'une
façon décente on lui ôte une partie de
ses vêtements, ce qui est analogue aux
superfluités, surfaces ou scories, dont il faut
dépouiller la matière pour trouver la semence.
|
D. 31
|
A quoi le Philosophe doit-il faire le plus
d'attention ?
|
R.
|
Au point de la nature, & ce point, il ne
doit pas le chercher dans les métaux vulgaires, parce
qu'étant déjà sortis des mains de la
formatrice, il n'est plus en eux.
|
D. 32
|
Quelle en est la raison précise ?
|
R.
|
C'est parce que les métaux du vulgaire,
principalement l'or, sont absolument morts, au lieu que les
nôtres au contraire sont absolument vifs, & ont
esprit.
|
D. 33
|
Quelle est la vie des métaux ?
|
R.
|
Elle n'est autre chose que le feu, lorsqu'ils sont
encore couchés dans leurs mines.
|
D. 34
|
Quelle est leur mort ?
|
R.
|
Leur mort & leur vie est un même
principe, puisqu'ils meurent également par le feu, mais un
feu de fusion.
|
D. 35
|
De quelle façon les métaux
sont-ils engendrés dans les entrailles de la terre ?
|
R.
|
Après que les quatre
éléments ont produit leur force ou leur vertu
dans le centre de la terre, & qu'ils y ont
déposé leur semence ; l'archée de la
nature, en les distillant, les sublime à la superficie par
la chaleur & l'action d'un mouvement perpétuel.
|
D. 36
|
Le vent, en se distillant par les pores de la
terre, en quoi se résout-il ?
|
R.
|
Il se résout en eau de laquelle
naissent toutes choses, & ce n'est plus alors qu'une vapeur
humide, de laquelle vapeur se forme ensuite le principe
principié de chaque chose, & qui sert de
première matière aux Philosophes.
|
D. 37
|
Quel est donc ce principe principié,
servant de première matière aux enfants de la
science dans l’œuvre philosophique ?
|
R.
|
Ce sera cette même matière,
laquelle aussitôt qu'elle est conçue, ne peut
absolument plus changer de forme.
|
D. 38
|
Saturne, Jupiter, Vénus, le Soleil, la
Lune, &c. ont-ils chacun des semences différentes ?
|
R.
|
Ils ont tous une même semence ; mais le
lieu de leur naissance a été la cause de cette
différence, encore bien que la nature ait bien
plutôt achevé son œuvre en la
procréation de l'argent qu'en celle de l'or, ainsi des
autres.
|
D. 39
|
Comment se forme l'or dans les entrailles de la
terre ?
|
R.
|
Quand cette vapeur que nous avons dit, est
sublimée au centre de la terre, & qu'elle passe par
des lieux chauds & purs, & où une certaine
graisse de soufre adhère aux parois, alors cette vapeur que
les Philosophes ont appelé leur mercure, s'accommode
& se joint à cette graisse, qu'elle sublime
après avec soi ; & de ce mélange
résulte une certaine onctuosité, qui laissant ce
nom de vapeur, prend alors celui de graisse, & venant puis
après à se sublimer en d'autres lieux, qui ont
été nettoyés par la vapeur
précédente, & auxquels la terre est plus
subtile, pure & humide, elle remplit les pores de la terre, se
joint à elle, & c'est alors ce qui produit l'or.
|
D. 40
|
Comment s'engendre Saturne.
|
R.
|
Quand cette onctuosité ou graisse
parvient à des lieux totalement impurs & froids.
|
D. 41
|
Comment cette définition se
trouve-t-elle au noviciat ?
|
R.
|
Par l'explication du mot Profane qui
supplée au nom de Saturne, mais que nous appliquons
effectivement à tout ce qui réside en un lieu
impur & froid, ce qui est marqué par
l'allégorie du monde, du siècle & de ses
imperfections.
|
D. 42
|
Comment désignons-nous
l'œuvre & l'or ?
|
R.
|
Par l'image d'un chef-d’œuvre
d'architecture, dont au détail nous peignons la magnificence
toute éclatante d'or & de métaux
précieux.
|
D. 43
|
Comment s'engendre Vénus ?
|
R.
|
Elle s'engendre alors que la terre est pure, mais
mêlée de soufre impur.
|
D. 44
|
Quel pouvoir a cette vapeur au centre de la terre ?
|
R.
|
De subtiliser toujours par son continuel
progrès, tout ce qui est cru & impur, attirant
successivement avec soi ce qui est pur.
|
D. 45
|
Quelle est la semence de la première
matière de toutes choses ?
|
R.
|
La première matière des
choses, c'est-à-dire, la matière des principes
principiants, naît par la nature sans le secours d'aucune
semence, c'est-à-dire, que la nature reçoit la
matière des éléments, de laquelle elle
engendre ensuite la semence.
|
D. 46
|
Quelle est donc absolument parlant la semence des
choses ?
|
R.
|
La semence en un corps n'est autre qu'un air
congelé, ou une vapeur humide, laquelle, si elle n'est
résoute par une vapeur chaude, devient tout à
fait inutile.
|
D. 47
|
Comment la génération de la
semence se renferme-t-elle dans le règne
métallique ?
|
R.
|
Par l'artifice de l'archée, les quatre
éléments en la première
génération de la nature, distillent au centre de
la terre une vapeur d'eau pondéreuse, qui est la semence des
métaux, & s'appelle mercure, non à cause
de son essence, mais à cause de sa fluidité
& facile adhérence à chaque chose.
|
D. 48
|
Pourquoi cette vapeur est-elle comparée
au Soufre ?
|
R.
|
A cause de sa chaleur interne.
|
D. 49
|
Que devient la semence après la
congélation ?
|
R.
|
Elle devient l'humide radical de la
matière.
|
D. 50
|
De quel mercure doit-on entendre que les
métaux sont composés ?
|
R.
|
Cela s'entend absolument du mercure des
Philosophes, & aucunement du mercure commun ou vulgaire, qui ne
peut être une semence, ayant lui-même en soi la
semence comme les autres métaux.
|
D. 51
|
Que faut-il donc prendre
précisément pour le sujet de notre
matière ?
|
R.
|
On doit prendre la semence seule ou grain fixe,
& non pas le corps entier, qui est distingué en
mâle vif, c'est-à-dire, soufre ;
& femelle vive, c'est-à-dire, mercure.
|
D. 52
|
Quelle opération faut-il faire ensuite ?
|
R.
|
On doit les conjoindre ensemble, afin qu'ils
puissent former un germe, d'où ensuite ils arrivent
à procréer un fruit de leur nature.
|
D. 53
|
Qu'entend donc de faire l'artiste dans cette
opération ?
|
R.
|
L'artiste n'entend faire autre chose, sinon de
séparer ce qui est subtil de ce qui est épais.
|
D. 54
|
A quoi se réduit
conséquemment toute la combinaison philosophique ?
|
R.
|
Elle se réduit à faire d'un
deux & de deux un, & rien de plus.
|
D. 55
|
Y a-t-il dans la maçonnerie quelque
analogie qui indique cette opération ?
|
R.
|
Elle est suffisamment sensible à tout
esprit qui voudra réfléchir, en
s'arrêtant au nombre mystérieux de trois, sur
lequel roule essentiellement toute la science maçonnique.
|
D. 56
|
Où se trouve la semence & la
vie des métaux & minéraux.
|
R.
|
La semence des minéraux est proprement
l'eau qui se trouve au centre & au cœur du
minéral.
|
D. 57
|
Comment la nature opère-t-elle par le
secours de l'art ?
|
R.
|
Toute semence, quelle qu'elle soit, est de nulle
valeur, si par l'art ou par la nature elle n'est mise en une matrice
convenable, où elle reçoit sa vie en faisant
pourrir le germe, & causant la congélation du point
pur ou grain fixe.
|
D. 58
|
Comment la semence est-elle ensuite nourrie
& conservée ?
|
R.
|
Par la chaleur de son corps.
|
D. 59
|
Que fait donc l'artiste dans le règne
minéral ?
|
R.
|
Il achève ce que la nature ne peut
finir, à cause de la crudité de l'air, qui par sa
violence a rempli les pores de chaque corps, non dans les entrailles de
la terre, mais dans sa superficie.
|
D. 60
|
Quelle correspondance ont les métaux
entre eux ?
|
R.
|
Pour bien entendre cette correspondance, il faut
considérer la position des planètes, &
faire attention que Saturne est le plus haut de tous, auquel
succède Jupiter, puis Mars, le Soleil, Vénus,
Mercure, & enfin la Lune. Il faut observer que les vertus des
planètes ne montent pas, mais qu'elles descendent, &
l'expérience nous apprend que Mars se convertit facilement
en Vénus, & non pas Vénus en Mars, comme
étant plus basse d'une sphère : ainsi Jupiter se
transmue aisément en Mercure ; parce que Jupiter est plus
haut que Mercure, celui-là est le second après le
firmament, celui-ci est le second au-dessus de la Terre, &
Saturne le plus haut ; la Lune la plus basse : le Soleil se
mêle avec tous, mais il n'est jamais
amélioré par les inférieurs. On voit
clairement qu'il y a une grande correspondance entre Saturne &
la Lune, au milieu desquels est le Soleil ; mais à tous ces
changements, le Philosophe doit tâcher d'administrer du
Soleil.
|
D. 61
|
Quand les Philosophes parlent de l'or ou de
l'argent, d'où ils extraient leur matière,
entendent-ils parler de l'or ou de l'argent vulgaires ?
|
R.
|
Non : parce que l'or & l'argent
vulgaires sont morts, tandis que ceux des Philosophes sont pleins de
vie.
|
D. 62
|
Quel est l'objet de la recherche des
Maçons ?
|
R.
|
C'est la connaissance de l'art de perfectionner ce
que la nature a laissé imparfait dans le genre humain,
& d'arriver au trésor de la vraie morale.
|
D. 63
|
Quel est l'objet de la recherche des Philosophes ?
|
R.
|
C'est la connaissance de l'art de perfectionner ce
que la nature a laissé imparfait dans le genre
minéral, & d'arriver au trésor de la
pierre philosophale.
|
D. 64
|
Qu'est-ce que cette pierre ?
|
R.
|
La pierre philosophale n'est autre chose que
l'humide radical des éléments, parfaitement
purifiés & amenés à une
souveraine fixité, ce qui fait qu'elle opère de
si grandes choses pour la santé, la vie, résidant
uniquement dans l'humide radical.
|
D. 65
|
En quoi consiste le secret de faire cet admirable
œuvre ?
|
R.
|
Ce secret consiste à savoir tirer de
puissance en acte le chaud inné, ou le feu de nature
renfermé dans le centre de l'humide radical.
|
D. 66
|
Quelles sont les précautions qu'il faut
prendre pour ne pas manquer l'œuvre ?
|
R.
|
Il faut avoir grand soin d'ôter les
excréments à la matière, & ne
songer qu'à avoir le noyau, ou le centre qui renferme toute
la vertu du mixte.
|
D. 67
|
Pourquoi cette médecine
guérit-elle toutes sortes de maux ?
|
R.
|
Cette médecine a la vertu de
guérir toutes sortes de maux, non pas à raison de
ses différentes qualités, mais en tant seulement
qu'elle fortifie puissamment la chaleur naturelle, laquelle elle excite
doucement, au lieu que les autres remèdes l'irritent par un
mouvement trop violent.
|
D. 68
|
Comment me prouverez-vous la
vérité de l'art à l'égard
de la teinture ?
|
R.
|
Cette vérité est
fondée premièrement sur ce que la poudre physique
étant faite de la même matière, dont
sont formés les métaux, à savoir,
l'argent vif ; elle a la faculté de se
mêler avec eux dans la fusion, une nature embrassant
aisément une autre nature, qui lui est semblable ;
secondement, sur ce que les métaux imparfaits
n'étant tels, que parce que leur argent vif est cru, la
poudre physique, qui est un argent vif mûr & cuit,
& proprement un pur feu, leur peut aisément
communiquer la maturité, & les transmuer en sa
nature, après avoir fait attraction de leur humide
cru ; c'est-à-dire, de leur argent vif, qui est la
seule substance qui se transmue, le reste n'étant que des
scories & des excréments, qui sont
rejetés dans la projection.
|
D. 69
|
Quelle route doit suivre le Philosophe pour
parvenir à la connaissance & à
l'exécution de l'œuvre physique ?
|
R.
|
La même route que le grand Architecte de
l'univers employa à la création du monde, en
observant comment le chaos fut débrouillé.
|
D. 70
|
Quelle était la matière du
chaos ?
|
R.
|
Ce ne pouvait être autre chose qu'une
vapeur humide, parce qu'il n'y a que l'eau entre les substances
créées, qui se terminent par un terme
étranger, & qui soit un véritable sujet
pour recevoir les formes.
|
D. 71
|
Donnez-moi un exemple de ce que vous venez de dire
?
|
R.
|
Cet exemple peut se prendre des productions
particulières des mixtes, dont les semences commencent
toujours par se résoudre en une certaine humeur, qui est le
chaos particulier, duquel ensuite se tire comme par irradiation toute
la forme de la plante. D'ailleurs, il faut observer que
l'écriture ne fait mention en aucun endroit, que de l'eau
pour sujet matériel, sur lequel l'esprit de Dieu
était porté, & la lumière pour
forme universelle.
|
D. 72
|
Quel avantage le Philosophe peut-il tirer de cette
réflexion, & que doit-il particulièrement
remarquer dans la manière dont l'Etre suprême
créa le monde?
|
R.
|
D'abord, il observera la matière dont
le monde a été créé, il
verra que de cette masse confuse, le souverain Artiste
commença par faire l'extraction de la lumière,
qui dans le même instant, dissipa les
ténèbres qui couvraient la surface de la terre,
pour servir de forme universelle à la matière. Il
concevra ensuite facilement que dans la
génération de tous les mixtes, il se fait une
espèce d'irradiation, & une séparation de
la lumière d'avec les ténèbres, en
quoi la nature est perpétuellement imitatrice de son
créateur. Le Philosophe comprendra pareillement comme par
l'action de cette lumière se fit l'étendue, ou
autrement le firmament séparateur des eaux d'avec les
eaux : le ciel fut ensuite orné de corps lumineux ;
mais les choses supérieures étant trop
éloignées des inférieures, il fut
besoin de créer la lune, comme flambeau
intermédiaire entre le haut & le bas, laquelle
après avoir reçu les influences
célestes, les communique à la terre ; le
Créateur rassemblant ensuite les eaux, fit
apparaître le sec.
|
D. 73
|
Combien y a-t-il de Cieux ?
|
R.
|
Il n'y en a proprement qu'un ; à
savoir, le firmament séparateur des eaux d'avec les
eaux ; cependant, on en admet trois. Le premier, qui est
depuis le dessus des nues, où les eaux
raréfiées s'arrêtent, &
retombent jusqu'aux étoiles fixes, & dans cet espace
sont les planètes & les étoiles errantes.
Le second, qui est le lieu même des étoiles fixes.
Le troisième, qui est le lieu des eaux sur
célestes.
|
D. 74
|
Pourquoi la raréfaction des eaux se
termine-t-elle au premier ciel ; & ne monte-t-elle pas
au-delà ?
|
R.
|
Parce que la nature des choses
raréfiée est de s'élever toujours en
haut, & parce que Dieu, dans ses lois éternelles, a
assigné à chaque chose sa propre
sphère.
|
D. 75
|
Pourquoi chaque corps céleste
tourne-t-il invariablement comme autour d'un axe sans
décliner ?
|
R.
|
Cela ne vient que du premier mouvement qui lui a
été imprimé, de même qu'une
masse pesante mise en balan, & attachée à
un simple fil, tournerait toujours également, si le
mouvement était toujours égal.
|
D. 76
|
Pourquoi les eaux supérieures ne
mouillent-elles point ?
|
R.
|
A cause de leur extrême
raréfaction ; c'est ainsi qu'un savant chimiste peut tirer
plus d'avantage de la science de la raréfaction, que de
toute autre ?
|
D. 77
|
De quelle matière est
composé le firmament, ou l'étendue ?
|
R.
|
Le firmament est proprement l'air, dont la nature
est beaucoup plus convenable à la lumière que
l'eau.
|
D. 78
|
Après avoir
séparé les eaux du sec & de la terre, que
fit le Créateur pour donner lieu aux
générations ?
|
R.
|
Il créa une lumière
particulière destinée à cet office,
laquelle il plaça dans le feu central, &
tempéra ce feu par l'humidité de l'eau &
la froideur de la terre, afin de réprimer son action,
& que sa chaleur fût plus convenable au dessein de
son auteur.
|
D. 79
|
Quelle est l'action de ce feu central ?
|
R.
|
Il agit continuellement sur la matière
humide qui lui est la plus voisine, dont il fait élever une
vapeur, qui est le mercure de la nature, & de la
première matière des trois règnes.
|
D. 80
|
Comment se forme ensuite le soufre de la nature ?
|
R.
|
Par la double action ou plutôt
réaction de ce feu central, sur la vapeur mercurielle.
|
D. 81
|
Comment se fait le sel marin ?
|
R.
|
Il se forme par l'action de ce même feu
sur l'humidité aqueuse ; lorsque l'humidité
aérienne qui y est renfermée, vient à
s'exhaler.
|
D. 82
|
Que doit faire un Philosophe vraiment sage,
lorsqu'une fois il a bien compris le fondement & l'ordre
qu'observa le grand Architecte de l'univers, pour la construction de
tout ce qui existe dans la nature.
|
R.
|
Il doit être, autant qu'il se peut, un
copiste fidèle de son Créateur ; dans son
œuvre physique, il doit faire son chaos tel qu'il
fût effectivement ; séparer la lumière
des ténèbres ; former son firmament
séparateur des eaux d'avec les eaux, & accomplir
enfin parfaitement, en suivant la marche indiquée, tout
l'ouvrage de la création.
|
D. 83
|
Avec quoi fait-on cette grande & sublime
opération ?
|
R.
|
Avec un seul corpuscule ou petit corps, qui ne
contient, pour ainsi dire, que fèces, saletés,
abominations, duquel on extrait une certaine humidité
ténébreuse & mercurielle, qui comprend en
soi tout ce qui est nécessaire au Philosophe, parce qu'il ne
cherche en effet que le vrai mercure.
|
D. 84
|
De quel mercure doit-il donc se servir pour
l'œuvre ?
|
R.
|
D'un mercure qui ne se trouve point tel sur la
terre, mais qui est extrait des corps, & nullement du mercure
vulgaire, comme il a été dit.
|
D. 85
|
Pourquoi ce dernier n'est-il pas le plus propre
à notre œuvre ?
|
R.
|
Parce que le sage artiste doit faire attention que
le mercure vulgaire ne contient pas en soi la quantité
suffisante de soufre, & que par conséquent il doit
travailler sur un corps créé par la nature, dans
lequel elle-même aura joint ensemble le soufre & le
mercure, lesquels l'artiste doit séparer.
|
D. 86
|
Que doit-il faire ensuite ?
|
R.
|
Les purifier & les rejoindre derechef.
|
D. 87
|
Comment appelez-vous ce corps-là ?
|
R.
|
Pierre brute, ou chaos, ou illiaste, ou
hylé.
|
D. 88
|
Est-ce la même pierre brute dont le
symbole caractérise nos premiers grades ?
|
R.
|
Oui, c'est la même que les
Maçons travaillent à dégrossir,
& dont ils cherchent à ôter les
superfluités ; cette pierre brute est, pour ainsi dire, une
portion de ce premier chaos, ou masse confuse connue, mais
méprisée d'un chacun.
|
D. 89
|
Puisque vous me dites que le mercure est la seule
chose que le Philosophe doit connaître, pour ne s'y pas
méprendre, donnez-m'en une description
circonstanciée.
|
R.
|
Notre mercure, eu égard à sa
nature, est double, fixe & Volatil ; eu égard
à son mouvement, il est double aussi, puisqu'il a un
mouvement d'ascension, & un de descension : par celui de
descension, c'est l'influence des plantes, par laquelle il
réveille le feu de la nature assoupi, & c'est son
premier office avant sa congélation : par le mouvement
d'ascension, il s'élève pour se purifier,
& comme c'est après sa congélation, il
est considéré alors comme l'humide radical des
choses, lequel sous des viles scories ne laisse pas de conserver la
noblesse de sa première origine.
|
D. 90
|
Combien compte-t-on d'humide dans chaque
composé ?
|
R.
|
Il y en a trois :
1°. l'élémentaire, qui n'est proprement
que le vase des autres éléments ;
2°. la radicale, qui est proprement l'huile, ou le baume dans
lequel réside toute la vertu du sujet ;
3°. l'alimentaire, c'est le véritable dissolvant de
la nature, excitant le feu interne, assoupi, causant par son
humidité la corruption & la noirceur, &
entretenant, & alimentant le sujet.
|
D. 91
|
Combien les Philosophes ont-ils de sortes de
mercure ?
|
R.
|
Le mercure des Philosophes se peut
considérer sous quatre égards :
Au premier, on l'appelle le mercure des corps, c'est
précisément la semence cachée.
Au second, le mercure de la nature ; c'est le bain ou le vase des
Philosophes, autrement dit l'humide radical.
Au troisième, le mercure des Philosophes, parce qu'il se
trouve dans leur boutique & dans leur minière ;
c'est la sphère de Saturne ; c'est leur Diane ; c'est le
vrai sel des métaux, après lequel, lorsqu'on l'a
acquis, commence seulement le véritable œuvre
philosophique.
Au quatrième égard, on l'appelle le mercure
commun, non pas celui du vulgaire, mais celui qui est proprement le
véritable air des Philosophes, la véritable
moyenne substance de l'eau, le vrai feu secret &
caché, nommé le feu commun, à cause
qu'il est commun à toutes les minières, qu'en lui
consiste la substance des métaux, & que c'est de lui
qu'ils tirent leur quantité & qualité.
|
D. 92
|
Pourquoi les Maçons ont-ils les nombres
impairs, & nommément le septénaire en
vénération ?
|
R.
|
Parce que la nature, qui se plaît dans
ses propres nombres, est satisfaite du nombre mystérieux de sept,
surtout dans les choses subalternes, ou qui dépendent du
globe lunaire ; la lune nous faisant voir sensiblement un nombre infini
d'altérations & de vicissitudes dans ce nombre
septénaire.
|
D. 93
|
Combien d'opérations y a-t-il dans
votre œuvre ?
|
R.
|
Il n'y en a qu'une seule, qui se réduit
à la sublimation, qui n'est autre chose, selon Geber,
que l'élévation de la chose sèche, par
le moyen du feu, avec adhérence à son propre vase.
|
D. 94
|
Quelle précaution doit-on prendre en
lisant les Philosophes hermétiques ?
|
R.
|
Il faut surtout avoir grand soin de ne pas prendre
ce qu'ils disent à ce sujet au pied de la lettre, &
suivant le son des mots : car la lettre tue, & l'esprit vivifie.
|
D. 95
|
Quel livre doit-on lire pour parvenir à
la connaissance de notre science ?
|
R.
|
Entre les anciens, il faut lire
particulièrement tous les ouvrages d'Hermès,
ensuite un certain livre, intitulé : le Passage de la mer
Rouge, & un autre appelé l'abord de la Terre
promise. Parmi les anciens, il faut lire surtout Paracelse, &
entre autres son Sentier Chymique ou Manuel de Paracelse, qui contient
tous les mystères de la physique démonstrative
& de la plus secrète cabale. Ce livre manuscrit,
précieux & original, ne se trouve que dans la
bibliothèque du Vatican ; mais Sendivogius a eu le bonheur
d'en tirer une copie, qui a servi à éclairer
quelqu'un des sages de notre ordre.
2°. Il faut lire Raymond Lulle, & surtout son Vade
mecum, son dialogue appelé, Lignum Vitoe, son testament
& son codicille ; mais on sera en garde contre ces deux
derniers ouvrages, parce qu’ainsi que ceux de Geber, ils sont
remplis de fausses recettes, de fictions inutiles, &
d’erreurs sans nombres, ainsi que les ouvrages d'Arnauld de
Villeneuve ; leur but en cela, ayant
été, suivant toute apparence, de
déguiser davantage la vérité aux
ignorants.
3° Le Turba Philosophorum, qui n'est qu'un ramas d'anciens
auteurs, contient une partie assez bonne, quoiqu'il y ait beaucoup de
choses sans valeur.
4° Entre les auteurs du moyen-âge, on doit estimer
Zacharie, Trevisan, Roger Bacon, & un certain anonyme, dont le
livre a pour titre des Philosophes. Parmi les auteurs modernes, on doit
faire cas de Jean Fabre, François de nation, & de
Despagnet, ou l'auteur de la Physique restituée,
quoiqu'à dire vrai, il ait mêlé dans
son livre quelques faux préceptes, & des sentiments
erronés.
|
D. 96
|
Quand un Philosophe peut-il risquer d'entreprendre
l'œuvre ?
|
R.
|
Lorsqu'il saura par théorie tirer d'un
corps dissout par le moyen d'un esprit crud, un esprit digeste, lequel
il faudra derechef rejoindre à l'huile vitale.
|
D. 97
|
Expliquez-moi cette théorie plus
clairement ?
|
R.
|
Pour rendre la chose plus sensible, en voici le
procédé : ce sera lorsque le Philosophe saura,
par le moyen d'un menstrue végétable uni au
minéral, dissoudre un troisième menstrue
essentiel, avec lesquels réunis il faut laver la terre,
& l'exalter ensuite en quintessence céleste, pour en
composer leur foudre sulfureux, lequel, dans un instant,
pénètre les corps, & détruit
leurs excréments.
|
D. 98
|
Comment donnons-nous dans nos
éléments maçonniques, les rudiments de
cette quintessence céleste ?
|
R.
|
Par le symbole de l'Etoile flamboyante, que nous
disons feu central & vivificateur.
|
D. 99
|
Ceux qui prétendent se servir d'or
vulgaire pour la semence, & du mercure vulgaire pour le
dissolvant, ou pour la terre, dans laquelle il doit être
semé, ont-ils une parfaite connaissance de la nature ?
|
R.
|
Non vraiment, parce que ni l'un ni l'autre n'ont
en eux l'agent externe : l'or, pour en avoir
été dépouillé par la
décoction, & le mercure pour n'en avoir jamais eu.
|
D. 100
|
En cherchant cette semence aurifique ailleurs que
dans l'or même, ne risque-t-on pas de produire une
espèce de monstre, puisqu'il paraît que l'on
s'écarte de la nature ?
|
R.
|
Il est sans aucun doute, que dans l'or est
contenue la semence aurifique, & même plus
parfaitement qu'en aucun autre corps : mais cela ne nous oblige pas
à nous servir de l'or vulgaire, car cette semence se trouve
pareillement en chacun des autres métaux ;
& ce n'est autre chose, que ce grain fixe, que la nature a
introduit en la première congélation du mercure,
tous les métaux ayant une même origine, &
une matière commune, ainsi que le connaîtront
parfaitement au grade suivant ceux qui se rendront dignes de le
recevoir par leur application & une étude assidue.
|
D. 101
|
Que s'ensuit-il de cette doctrine ?
|
R.
|
Elle nous enseigne que, quoique la semence soit
plus parfaite dans l'or, toutefois elle se peut extraire bien plus
aisément d'un autre corps que de l'or
même : la raison en est que les autres corps sont
bien plus ouverts, c'est-à-dire, moins
digérés & leur humidité moins
terminée.
|
D. 102
|
Donnez-moi un exemple pris dans la nature ?
|
R.
|
L'or vulgaire ressemble à un fruit
lequel parvenu à une parfaite maturité a
été séparé de
l'arbre : & quoiqu'il y ait en lui une semence
très parfaite & très digeste,
néanmoins si quelqu'un, pour le multiplier, le mettait en
terre, il faudrait beaucoup de temps, de peine, de soins, pour le
conduire jusqu'à la
végétation : mais si au lieu de cela, on
prenait une greffe ou une racine du même arbre, &
qu'on la mit en terre, on la verrait en peu de temps, & sans
peine, végéter & rapporter beaucoup de
fruits.
|
D. 103
|
Est-il nécessaire à un
amateur de cette science de connaître la formation des
métaux dans les entrailles de la terre, pour parvenir
à former son œuvre ?
|
R.
|
Cette connaissance est tellement
nécessaire, que si avant toute autre étude, on ne
s'y appliquait pas, & l'on ne cherchait pas à imiter
la nature en tout point, jamais on ne pourrait arriver à
rien faire de bon.
|
D. 104
|
Comment la nature forme-t-elle donc les
métaux dans les entrailles de la terre, & de quoi
les compose-t-elle ?
|
R.
|
La nature les compose tous de soufre & de
mercure, & les forme par leur double vapeur.
|
D. 105
|
Qu'entendez-vous par cette double vapeur,
& comment par cette double vapeur les métaux
peuvent-ils être formés ?
|
R.
|
Pour bien entendre cette réponse, il
faut savoir d'abord que la vapeur mercurielle unie à la
vapeur sulfureuse, en un lieu caverneux où se trouve une eau
salée qui leur sert de matrice ; il se forme
premièrement le vitriol de nature : secondement, de
ce vitriol de nature, par la commotion des
éléments, s'élève une
nouvelle vapeur, qui n'est ni mercurielle, ni sulfureuse, mais qui
tient des deux natures, laquelle arrivant en des lieux ou
adhère la graisse du soufre, s'unit avec elle, & de
leur union se forme une substance glutineuse, ou masse informe, sur
laquelle la vapeur répandue en ces lieux caverneux, agissant
par le moyen du soufre qu'elle contient en elle, il en
résulte des métaux parfaits, si le lieu &
la vapeur sont purs ; & imparfaits, si au contraire le
lieu & la vapeur sont impurs ; ils sont dits
imparfaits, ou non parfaits, pour n'avoir pas reçu leur
entière perfection par la coction.
|
D. 106
|
Que contient en soi cette vapeur ?
|
R.
|
Elle contient un esprit de lumière
& de feu de la nature des corps célestes, lequel
doit être proprement considéré comme la
forme de l'univers.
|
D. 107
|
Que représente cette vapeur ?
|
R.
|
Cette vapeur ainsi imprégnée
de l'esprit universel, qui n'est autre que la véritable
Etoile flamboyante, représente assez bien le premier chaos,
dans lequel se trouvait renfermé tout ce qui
était nécessaire à la
création, c'est à-dire, la matière
& la forme universelle.
|
D. 108
|
Ne peut-on pas non plus employer l'argent vif
vulgaire dans ce procédé ?
|
R.
|
Non, parce que, comme il a
déjà été dit, l'argent vif
vulgaire n'a pas avec lui l'agent externe.
|
D. 109
|
Comment cela est-il désigné
en Maçonnerie ?
|
R.
|
Par le mot de vulgaire ou profane ; en nommant tel
tout sujet qui n'est pas propre à l'œuvre
maçonnique. C'est dans ce sens qu'il convient d'entendre le
couplet : Vous qui du vulgaire stupide, &c. Il est
appelé stupide, parce qu'il n'a pas vie en soi.
|
D. 110
|
D'où provient que l'argent vif vulgaire
n'a pas avec lui son argent externe ?
|
R.
|
De ce que lors de
l'élévation de la double vapeur, la commotion est
si grande & si subtile, qu'elle fait évaporer
l'esprit ou l'agent, à peu près comme il arrive
dans la fusion des métaux : de sorte que la seule partie
mercurielle reste privée de son mâle ou agent
sulfureux, ce qui fait qu'elle ne peut jamais être
transmuée en or par la nature.
|
D. 111
|
Combien de sortes d'or distinguent les Philosophes
?
|
R.
|
Trois sortes : l'or astral, l'or
élémentaire, & l'or vulgaire.
|
D. 112
|
Qu'est-ce que l'or astral ?
|
R.
|
L'or astral a son centre dans le Soleil, qui le
communique par ses rayons, en même temps que sa
lumière, à tous les êtres qui lui sont
inférieurs : c'est une substance ignée, &
qui reçoit une continuelle émanation des
corpuscules solaires qui pénètrent tout ce qui
est sensitif, végétatif &
minéral.
|
D. 113
|
Est-ce dans ce sens qu'il faut
considérer le Soleil peint au tableau des premiers grades de
l'ordre ?
|
R.
|
Sans difficulté : toutes les autres
interprétations sont des voiles pour déguiser au
candidat les vérités philosophiques qu'il ne doit
point apercevoir du premier coup d'œil, & sur
lesquelles il faut que son esprit & ses méditations
s'exercent.
|
D. 114
|
Qu'entendez-vous par or
élémentaire ?
|
R.
|
C'est la plus pure & la plus fixe portion
des éléments & de toutes les substances
qui en sont composées ; de sorte que tous les
êtres sublunaires des trois genres contiennent dans leur
centre un précieux grain de cet or
élémentaire.
|
D. 115
|
Comment est-il figuré chez nos
Frères les Maçons ?
|
R.
|
Ainsi que le soleil au tableau indique l'or
astral, la lune signifie son règne sur tous les corps
sublunaires qui lui sont subjacents, contenant en leur centre le grain
fixe de l'or élémentaire.
|
D. 116
|
Expliquez-moi l'or vulgaire ?
|
R.
|
C'est le plus beau métal que nous
voyons, & que la nature puisse produire, aussi parfait en soi
qu'inaltérable.
|
D. 117
|
Où trouve-t-on sa
désignation aux symboles de l'Art royal ?
|
R.
|
Dans les trois médailles, &c.
le triangle, le compas & tous autres bijoux ou instruments
représentatifs, comme d’or pur.
|
D. 118
|
De quelle espèce d'or est la pierre des
Philosophes ?
|
R.
|
Elle est de la seconde espèce, comme
étant la plus pure portion de tous les
éléments métalliques après
sa purification, & alors il est appelé or vif
philosophique.
|
D. 119
|
Que signifie le nombre quatre adopté
dans le grand écossisme de Saint-André d'Ecosse,
le complément des progressions maçonniques ?
|
R.
|
Outre le parfait équilibre, &
la parfaite égalité des quatre
éléments dans la pierre physique, il signifie
quatre choses qu'il faut faire nécessairement pour
l'accomplissement de l'œuvre, qui sont, composition,
altération, mixtion & union, lesquelles une fois
faites dans les règles de l'art, donneront le fils
légitime du soleil, & produiront le
phénix toujours renaissant de ses cendres.
|
D. 120
|
Qu'est-ce que c'est proprement que l'or vif des
Philosophes ?
|
R.
|
Ce n'est autre chose que le feu du mercure, ou
cette vertu ignée, renfermée dans l'humide
radical, à qui il a déjà
communiqué la fixité & la nature du
soufre, d'où il est émané : le soufre
des Philosophes ne laissant pas aussi d'être
appelé mercure, à cause que toute sa substance
est mercurielle.
|
D. 121
|
Quel autre nom les Philosophes donnent-ils
à leur or vif ?
|
R.
|
Ils l'appellent aussi leur soufre vif, ou leur
vrai feu, & il se trouve renfermé en tout corps,
& nul corps ne peut subsister sans lui.
|
D. 122
|
Où faut-il chercher notre or vif, ou
notre soufre vif, & notre vrai feu ?
|
R.
|
Dans la maison du mercure.
|
D. 123
|
De quoi ce feu vit-il ?
|
R.
|
De l'air.
|
D. 124
|
Donnez-moi une comparaison du pouvoir de ce feu ?
|
R.
|
Pour exprimer cette attraction du feu interne, on
ne peut pas donner une meilleure comparaison que celle de la foudre,
qui n'est d'abord qu'une exhalaison sèche &
terrestre, unie à une vapeur humide, mais qui à
force de s'exalter, venant à prendre la nature
ignée, agit sur l'humide qui lui est inhérent,
qu'elle attire à soi, & transmue en sa nature,
après quoi elle se précipite avec
rapidité vers la terre, où elle est
attirée par une nature fixe semblable à la sienne.
|
D. 125
|
Que doit faire le Philosophe après
qu'il aura extrait son mercure ?
|
R.
|
Il doit l'amener ou réduire de
puissance en acte.
|
D. 126
|
La nature ne peut-elle pas le faire
d'elle-même ?
|
R.
|
Non, parce qu'après une
première sublimation elle s'arrête ; & de
la matière ainsi disposée s'engendrent les
métaux.
|
D. 127
|
Qu'entendent les Philosophes par leur or &
par leur argent ?
|
R.
|
Les Philosophes donnent le nom d'or à
leur soufre, & celui d'argent à leur mercure.
|
D. 128
|
D'où les tirent-ils ?
|
R.
|
Je vous ai déjà dit qu'ils
les tirent d'un corps homogène où ils se trouvent
avec abondance, & d'où ils les savent extraire l'un
& l'autre, par un moyen admirable, & tout à
fait philosophique.
|
D. 129
|
Dès que cette opération sera
dûment faite, que doit-on faire ensuite ?
|
R.
|
On doit faire son amalgame philosophique avec une
très grande industrie, lequel pourtant ne se peut
exécuter qu'après la sublimation du mercure,
& sa due préparation.
|
D. 130
|
Dans quel temps unissez-vous votre
matière avec l'or vif ?
|
R.
|
Ce n'est que dans le temps qu'on
l'amalgame : c'est-à-dire, par le moyen de cette
amalgame, on introduit en lui le soufre, pour ne faire ensemble qu'une
seule substance, & par l'addition de ce soufre, l'ouvrage est
abrégé, & la teinture
augmentée.
|
D. 131
|
Que contient le centre de l'humide radical ?
|
R.
|
Il contient & cache le soufre, qui est
couvert d'une écorce dure.
|
D. 132
|
Que faut-il faire pour l'appliquer au grand
œuvre ?
|
R.
|
Il faut le tirer de ses prisons avec beaucoup
d'art, & par la voie de la putréfaction.
|
D. 133
|
La nature a-t-elle dans les mines un menstrue
convenable, propre à dissoudre, & à
délivrer ce soufre ?
|
R.
|
Non, à cause qu'il n'a pas un mouvement
local ; car si elle pouvait derechef dissoudre, putréfier
& purifier le corps métallique, elle nous donnerait
elle-même la pierre physique, c'est-à-dire, un
soufre exalté & multiplié en vertu.
|
D. 134
|
Comment m'expliqueriez-vous, par un exemple, cette
doctrine ?
|
R.
|
C'est encore par la comparaison d'un fruit ou d'un
grain, qui est derechef mis dans une terre convenable pour y pourrir,
& ensuite pour multiplier ; or, le Philosophe qui
connaît le bon grain, le tire de son centre, le jette dans la
terre qui lui est propre, après l'avoir bien
fumée & préparée, &
là il se subtilise tellement, que sa vertu prolifique
s'étend & se multiplie à l'infini.
|
D. 135
|
En quoi consiste donc tout le secret pour la
semence ?
|
R.
|
A bien connaître la terre qui lui est
propre.
|
D. 136
|
Qu'entendez-vous par la semence dans
l'œuvre des Philosophes ?
|
R.
|
J'entends le chaud inné, ou l'esprit
spécifique renfermé dans l'humide radical, ou la
moyenne substance de l'argent vif, qui est proprement le sperme des
métaux, lequel renferme en soi sa semence.
|
D. 137
|
Comment délivrez-vous le soufre de ses
prisons ?
|
R.
|
Par la putréfaction.
|
D. 138
|
Quelle est la terre des minéraux ?
|
R.
|
C'est leur propre menstrue.
|
D. 139
|
Quel soin doit avoir le Philosophe pour en tirer
le parti qu'il désire ?
|
R.
|
Il faut qu'il ait un grand soin de la purger de
ses vapeurs fétides, & soufre impurs,
après quoi on y jette la semence.
|
D. 140
|
Quel indice peut avoir l'artiste qu'il soit sur le
bon chemin au commencement de son œuvre ?
|
R.
|
Quand il verra qu'au temps de la dissolution, le
dissolvant, & la chose dissoute demeurent ensemble sous une
même forme & matière.
|
D. 141
|
Combien de solutions y a-t-il dans
l'œuvre philosophique ?
|
R.
|
Il y en a trois ; nombre par cette raison
mystérieux & respectable aux Maçons. La
première est celle du corps cru &
métallique, par laquelle il est réduit dans ses
principes de soufre & d'argent vif ; la seconde, celle du corps
physique ; & la troisième, celle de la terre
minérale.
|
D. 142
|
Comment par la première solution
peut-on réduire un corps métallique en mercure,
& puis en soufre ?
|
R.
|
Par le feu occulte artificiel, ou l'Etoile
flamboyante.
|
D. 143
|
Comment se fait cette opération ?
|
R.
|
En tirant d'abord du sujet le mercure, ou la
vapeur des éléments, & après
l'avoir purifiée, s'en servir à sortir le soufre
de ses enveloppes, par la voie de la corruption, dont le signe est la
noirceur.
|
D. 144
|
Comment se fait la seconde solution ?
|
R.
|
Quand le corps physique se résout avec
les deux substances susdites, & acquiert la nature
céleste.
|
D. 145
|
Quel nom donnent les Philosophes à la
matière dans ce temps ?
|
R.
|
Ils l'appellent leur chaos physique, &
pour lors, c'est la vraie première matière, qui
n'est proprement dite telle, qu'après la jonction du
mâle, qui est le soufre, & de la femelle, qui est le
mercure, & non pas auparavant.
|
D. 146
|
A quoi se rapporte la troisième
solution ?
|
R.
|
Elle est l'humectation de la terre
minérale, & elle à un entier rapport
à la multiplication.
|
D. 147
|
Est-ce dans ce sens qu'il faut entendre la
multiplication usitée dans les nombres
maçonniques ?
|
R.
|
Oui, nommément celle du nombre trois,
pour le conduire à son cube, par les progressions connues de
3, 9, 27, 81.
|
D. 148
|
De quel feu doit-on se servir dans notre
œuvre ?
|
R.
|
Du feu dont se sert la nature.
|
D. 149
|
Quel pouvoir a ce feu ?
|
R.
|
Il dissout toutes choses dans le monde, parce
qu'il est le principe de toute dissolution & corruption.
|
D. 150
|
Pourquoi l'appelle-t-on aussi mercure ?
|
R.
|
Parce qu'il est de nature aérienne,
& une nature très subtile participant toutefois du
soufre, d'où il a tiré quelque souillure.
|
D. 151
|
Où est caché ce feu ?
|
R.
|
Il est caché dans le sujet de l'art.
|
D. 152
|
Qui est-ce qui peut connaître &
former ce feu ?
|
R.
|
Le Sage sait construire & purifier ce feu.
|
D. 153
|
Quel pouvoir & qualité ce feu
a-t-il en soi ?
|
R.
|
Il est très sec & dans un
continuel mouvement, & ne demande qu'à corrompre
& à tirer les choses de puissance en acte ; c'est
lui enfin qui, rencontrant dans les mines des lieux solides, circule en
forme de vapeur sur la matière, & la dissout.
|
D. 154
|
Comment connaîtrait-on plus facilement
ce feu ?
|
R.
|
Par les excréments sulfureux,
où il est renfermé, & par l'habillement
salin, dont il est revêtu.
|
D. 155
|
Que faut-il à ce feu pour qu'il puisse
mieux s'insinuer dans le genre féminin ?
|
R.
|
A cause de son extrême
siccité il a besoin d'être humecté.
|
D. 156
|
Combien y a-t-il de feux philosophiques ?
|
R.
|
Il y en a de trois sortes, qui sont le naturel,
l'inaturel, & le contre nature.
|
D. 157
|
Expliquez-moi ces trois sortes de feux ?
|
R.
|
Le feu naturel est le feu masculin, ou le
principal agent ; l'inaturel est le féminin, ou le
dissolvant de nature, nourrissant & prenant la forme de
fumée blanche, lequel s'évanouit
aisément, quand il est sous cette forme, si on n'y prend
bien garde, & il est presque incompréhensible,
quoique par la sublimation philosophique, il devienne corporel
& resplendissant ; le feu contre nature est celui qui corrompt
le composé, & a le pouvoir de délier ce
que la nature avait fortement lié.
|
D. 158
|
Où se trouve notre matière ?
|
R.
|
Elle se trouve partout, mais il la faut chercher
spécialement dans la nature métallique,
où elle se trouve plus facilement qu'ailleurs.
|
D. 159
|
Laquelle doit-on préférer
à toutes les autres ?
|
R.
|
On doit préférer la plus
mûre, la plus propre & la plus facile ; mais
il faut prendre garde surtout que l'essence métallique y
soit non seulement en puissance, mais aussi en acte, & qu'il y
ait une splendeur métallique.
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D. 160
|
Tout est-il renfermé dans ce sujet ?
|
R.
|
Oui, mais il faut pourtant secourir la nature,
afin que l'ouvrage soit mieux & plutôt fait,
& cela par les moyens que l'on connaît dans les
autres grades.
|
D. 161
|
Ce sujet est-il d'un grand prix ?
|
R.
|
Il est vil & n'a d'abord aucune
élégance en soi, & si quelques-uns disent
qu'il est vendable, ils ont égard à
l'espèce, mais au fond il ne se vend point, parce qu'il
n'est utile que pour notre œuvre.
|
D. 162
|
Que contient notre matière ?
|
R.
|
Elle contient le sel, le soufre & le
mercure.
|
D. 163
|
Quelle est l'opération qu'on doit
apprendre à faire ?
|
R.
|
Il faut savoir extraire le sel, soufre &
mercure l'un après l'autre.
|
D. 164
|
Comment cela se fait-il ?
|
R.
|
Par la seule & complète
sublimation.
|
D. 165
|
Qu'extrait-on d'abord ?
|
R.
|
On tire d'abord le mercure en forme de
fumée blanche.
|
D. 166
|
Que vient-il après ?
|
R.
|
L'eau ignée, ou le soufre.
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D. 167
|
Que faut-il faire ensuite ?
|
R.
|
Il faut le dissoudre avec le sel
purifié, volatilisant d'abord le fixe, & puis fixant
le volatil en terre précieuse, laquelle est le
véritable vase des Philosophes & de toute perfection.
|
D. 168
|
Ne pourriez-vous pas mettre tout à coup
sous les yeux, & réunir comme en un seul point, les
principes, les formes, les vérités & les
caractères essentiels de la science des Philosophes, ainsi
que du procédé méthodique de
l'œuvre ?
|
R.
|
Un morceau lyrique, composé par un
ancien savant Philosophe, qui joignait à la
solidité de la science, le talent agréable de
badiner avec les Muses, peut remplir à tous
égards ce que vous me demandez : aucune science
n'étant effectivement étrangère aux
enfants de la Science ; cette ode, quoiqu'en langue italienne,
la plus propre à peindre des idées sublimes,
trouve ici sa place.
|
|
Ode
L'Etoile Flamboyante
Le ténébreux chaos,
Etait sorti du rien ; masse difforme;
Au premier son de la lèvre toute puissante,
Il semblait avoir été accouché par le
désordre,
Plutôt que Forgeron cela eût
été d'un dieu;
Tant il était sans formes;
En lui toutes choses étaient inactives,
Et sans Esprit discriminatoire,
Chaque élément en lui enfermé
était confus.
-----
Mais qui pourrait redire,
Comment se formèrent le Ciel, la Terre, la Mer,
(si légers en eux-mêmes et vastes en masse)
Qui peut dévoiler comment la Lune et le Soleil,
Eurent la lumière et le mouvement là haut ?
L'état et la forme ici bas, autant que cela paraît
:
Qui donc ne comprendrait jamais,
Comment chaque chose eut un nom,
Eut l'Esprit la quantité la Loi et la mesure,
De cette masse désordonnée et impure.
-----
O du divin Hermès,
Les fils émules, à qui l'art paternel,
Fait que la nature apparaisse sans aucun voile,
Vous seuls, vous seuls savez comment la main éternelle.
Fabriqua la Terre et le Ciel,
Hors du chaos indistinct,
Votre grande œuvre,
Se montre clairement, dont dieu,
De la même manière dont est produit,
L'élixir physique, a composé le tout.
-----
Mais je ne voudrais décrire,
Avec si faible plume une comparaison si vaste,
Moi, fils non encore expert de l'Art,
Quand bien même je bégaye.
Se découvre à mes yeux vos cartes,
Quand bien même m'est connu le souffle providentiel,
Quand bien même ne m'est pas cachée,
L'admirable composition
Par laquelle, vous de force, avez extrait,
La pureté des éléments en acte.
-----
Quand bien même de moi l'on comprenne,
Que votre Mercure inconnu,
N'est autre qu'un vif Esprit universel inné,
Qui du Soleil descend,
En vapeur aérienne toujours agitée,
Pour remplir de la Terre le centre vide,
Qui d'ici après ressort,
Entre soufres impurs et croît,
De volatil à fixe et a pris forme,
De l'humide radical, sans formes.
-----
Quand bien même je sais, que sans,
Sceller de verre le vase ovale,
Ne s'arrête jamais en lui l'illustre vapeur,
Que, si la prompte assistance,
N'a pas l'œil de lynx, la main industrieuse,
Le candide enfant meurt à sa naissance,
Que ses premières humeurs,
Ne nourrissent plus ensuite,
Ainsi l'homme, qui dans l'utérus se repaît,
De sang impur, et puis dans ses langes de lait.
-----
Quand bien même je fais tant,
Et qu'aujourd'hui aussi j'essaye,
Sortir avec vous je n'ose,
Car même les erreurs des autres,
Me mettent en doute,
Mais, si les enviables soins,
Dans votre piété n'ont pas lieu d'être,
Vous enlevez à l'esprit le cœur du doute,
Si je montre distinctement,
Votre Magistère,
Dans mes feuilles ; faites désormais,
Que seulement se lise en réponse : œuvre qui se
fait.
-----
Combien se trompent les hommes ignares,
De la science hermétique,
Qui, au son de la parole,
Appliquent seulement d'avares consentir,
Donc les noms vulgaires,
D'argent vif et or s'apprêtent au travail,
Et avec l'or commun à feu lent,
Croient arrêter le fugitif argent.
-----
Mais si aux occultes les sens ouvrent l'esprit,
Ils voient bien manifestement,
Qu'il manque et à celui ci et à celui
là,
Ce feu universel qui est esprit agissant,
Esprit qui en violente,
Flammes d'ample fournaise,
Abandonne fugace.
Tout métal, qui sans mouvement vif,
Hors de sa mine est corps immobile,
Hermès ajoute du mercure, ajoute de l'or,
Mercure humide et chaud,
Au feu encore plus ferme,
Or, qui est tout feu, et toute vie.
La différence infinie,
Ne soit pas que maintenant se manifeste,
Celui des vulgaires, pour celui-ci,
Ces corps morts sont privés d'esprit,
Ceux ci, esprits corporels et toujours vivants.
Ô notre grand mercure, en toi s'assemble,
Argent et or extrait,
De la puissance en acte,
Mercure tout Sol (eil), Sol (eil) tout Lune,
Trois substances en une :
Une qui en trois se répand.
Ô grande merveille,
Mercure, soufre, et sel, vous m'apprenez,
Qu'en trois substances vous n'en faites qu'une seule,
Mais où est donc ce mercure auréolé,
Qui, dissout en soufre et sel,
Radical humide,
Des métaux deviennent semence animée :
Ah comme il est emprisonné dans une prison si dure,
Que même la nature ne peut le retirer de la prison alpestre,
Si le Grand Art n'ouvre pas les voies.
-----
L'art donc qui fait Ministre avisé,
De nature industrieuse,
Avec flamme vaporeuse,
Purge le sentier, et à la prison porte,
Non sans autre escorte,
Non sans le moyen le meilleur,
D'une chaleur continue,
Se secoure la nature ; pour qu'elle puisse après,
Dénouer à notre mercure ses ceps.
-----
Si, si ce mercure seul vous devez chercher,
Ames non doctes,
Qu'en lui seul vous pouvez trouver ce qui,
Défie les esprits doctes,
En lui déjà sont réduits,
En puissance prochaine,
Et la Lune et le Soleil ; qui sans,
Or, et argent du vulgaire, unis ensemble,
Sont le vrai germe de l'Or.
-----
Aussi, de chaque germe inutile on voit,
S'il est non corrompu et intègre,
Il ne gâte pas, et il devient noir,
Avant de générer de la corruption,
Une telle nature prévoit,
Dans ses œuvres vivaces,
Et nous, qui sommes ses partisans,
Si nous ne voulons pas, à la fin, produire des avortements,
Nous devons d'abord noircir, plutôt que blanchir.
-----
O vous qui, de fabriquer de l'Or par l'art,
N'êtes jamais fatigués d'extraire,
Du charbon continu les flammes incessantes,
Et de tant et tant de manières,
Vous arrêtez parfois vos mélanges, ou les diluez,
Et parfois tous dilués, et parfois congelés en
partie :
Ensuite, à part, un peu plus loin,
Des papillons enfumés,
et nuit et jour.
Vous veiller à ces feux sots alentours.
-----
De ces fatigues malsaines désormais arrêtez,
Ni plus d'aveugle espoir,
La pensée crédule avec la fumée
s'endolorit(?)
Vos œuvres sont d'inutiles sueurs :
Qui dans la chambre sordide,
Vous marquent seulement sur le visage des heures fatiguées.
A quelle flamme vous obstinez vous ?
Pour l'hermétique pierre les sages n'usent,
Ni de charbon violent, ni de fagots allumés.
-----
Avec le feu, qui sous terre fait du bien à tout,
La Nature, l'art travaille,
Car seul l'art doit imiter la nature :
Le feu qui vaporeux n'est pas léger,
Qui nourrit et ne dévore pas,
Qui est naturel, et l'artifice le trouve,
Aride, et fait qu'il pleuve,
Humide, et parfois desséché, eau qui stagne,
Eau qui lave les corps et ne mouille pas la main.
-----
Avec un tel feu travaille l'art partisan,
De l'infaillible nature,
Que là où l'une manque l'autre supplée,
La nature commence, l'art termine,
Car seulement l'art dépure,
Ce que la nature n'a pas été capable de purger,
L'art est toujours sagace,
Simple est la nature, ainsi donc, si l'une, agile,
N'aplanit pas les chemins, l'autre s'arrête.
-----
Donc, à quoi bon tant et tant de substances,
En retors, en Alambics,
Si la matière est unique, unique le feu,
Unique est la matière, et en chaque lieu,
Les pauvres l'ont ainsi que les riches.
A tous inconnue et à tous innée,
Abjecte au vulgaire errant,
Qui la vend pour de la boue à vil prix,
Précieuse au philosophe, qui s'y connaît.
-----
Les esprits avisés cherchent,
Cette « maria Sol »( ?)
tant avilie,
Qu'en elle autant défie, qu'autant rassemble,
En elle sont enfermés, unis, Soleil et Lune,
Ni vulgaires ni morts,
En elle est enfermé le feu d'où ils ont la vie,
Elle donne l'eau ignée, la terre fixe, elle donne, enfin,
tout,
Ce dont a besoin un intellect instruit.
-----
Mais vous, sans observer qu'un seul compost,
suffit au philosophe,
Vous en prenez plus d'un en main Chimistes ignares,
Il cuit dans un seul vase aux rayons solaires,
Une vapeur qui pétrit.
Vous, vous avez exposé mille parts au feu ;
Ainsi pendant que Dieu a composé le tout du rien,
Vous finalement vous retournez en tout au primitif rien.
-----
Pas de gommes molles ou d'excréments durs,
Ni sang ni sperme humain,
Pas de raisins acerbes ou quintes essences herbeuses,
Ni eaux aiguës ou sels corrosifs,
Pas de vitriol romain,
Pas d'arides entailles (?), ou antimoines impurs,
Pas de soufre, pas de mercure,
Pas de métaux du vulgaire, n'emploie enfin,
Un artifice expert à la grande œuvre.
-----
Tant de mélanges, à quoi bon ! la haute science,
Restreint notre Magistère en une seule racine :
Celle ci, que déjà clairement je vous ai
montrée,
Peut-être plus que de licite,
Contient deux substances, qui ont une essence,
Substances, qui, en puissance,
Sont l'Argent et l'Or,
Qui viendront après en actes si nous égalisons
leur poids.
-----
Si en acte on rend égal en poids l'Argent et l'Or,
Le volatil se fixe en soufre auréolé,
Oh soufre lumineux, or animé,
En toi j'adore la vertu opérante du soleil allumé
!
Soufre tout trésor !
Fondement de l'art, où la nature,
Cuit l'Or & en élixir le mûrit.
|
|
|
D. 169
|
Quelle heure est-il quand le Philosophe commence
son travail ?
|
R.
|
Le point du jour, car il ne doit jamais se
relâcher de son activité.
|
D. 170
|
Quand se repose-t-il ?
|
R.
|
Lorsque l'œuvre est à sa
perfection.
|
D. 171
|
Quelle heure est-il à la fin de
l'ouvrage ?
|
R.
|
Midi plein ; c'est-à-dire, l'instant
où le soleil est dans sa plus grande force, & le
fils de cet astre en sa plus brillante splendeur.
|
D. 172
|
Quel est le mot de la magnésie ?
|
R.
|
Vous savez si je puis & dois
répondre à la question, je garde la parole.
|
D. 173
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Donnez-moi le mot de ralliement des Philosophes ?
|
R.
|
Commencez, je vous répondrai.
|
D. 174
|
Etes-vous apprenti Philosophe ?
|
R.
|
Mes amis & les sages me connaissent.
|
D. 175
|
Quel est l'âge d'un Philosophe ?
|
R.
|
Depuis l'instant de ses recherches,
jusqu'à celui de ses découvertes : il ne vieillit
point.
|
N. B. - Si tous les
catéchismes de Maçonnerie étaient
aussi instructifs que celui-là, & ceux des autres
grades de cette partie que j'espère communiquer un jour au
Public, s'il accueille cette ébauche ; il est
à croire que l'on s'appliquerait davantage à se
ressouvenir des questions de l'ordre ; mais leur
sécheresse fatigue la mémoire, perd le temps
& rebute l'esprit.
L'on a eu soin de mettre en
lettres italiques toutes les questions & réponses
qui sont absolument directes à la Maçonnerie
proprement dite, ou qui en émanent, pour la
facilité des intelligents en cette partie : attendu
que l'objet purement philosophique contenu en ce grade ou sublime
philosophie inconnue, peut être également utile
à ceux qui ne sont pas Maçons, y ayant beaucoup
de curieux & amateurs de la science, qui sans être
imbus des principes de l'Art Royal, s'appliquent aux recherches
curieuses de la nature : en effet, le sort d'une chose bonne, est de
pouvoir l'être généralement pour tout
le monde, sans que telle ou telle qualité prise d'une
société particulière puisse exclure de
sa participation. Le reproche que l'on a fait de tout temps
à la Maçonnerie étant de dire que,
puisque par son régime elle doit rendre les hommes
meilleurs, il est absurde que ses connaissances soient absolument
réservées à une poignée
d'êtres, qui par état sont tenus d'en faire un
mystère : l'objection cesse totalement, s'il est vrai que la
science des Maçons, & leur but positif soit la
philosophie hermétique, telle que l'on vient de la
détailler. Je ne cautionnerais pas cette
vérité, en supposant que c'en soit une, parce que
je me suis imposé la loi de ne présenter jamais
mon opinion particulière pour une règle de
décision, & qu'il convient à la modestie
de toute personne qui se mêle d'écrire sans
prétendre former de système, de laisser
à chacun la liberté des combinaisons, sauf
à fixer par des raisonnements solides, les
irrésolutions de ceux qui voudraient bien le consulter. Pour
mon goût personnel, j'aimerais assez que la chose des
Maçons fût effectivement la découverte
du grand œuvre : j'y trouve de grandes
probabilités, & il est constant qu'en anatomisant
plusieurs de ce que l'on appelle grands grades, en écartant
le mysticisme des uns, les entours fabuleux des autres, on les
tournerait aisément à la spéculation
physique, dont au fond ils semblent vouloir établir les
principes ; un seul exemple le prouve : les faux schismes de
Rose-Croix, traités avec l'appareil pieux, vague, lugubre
& brillant, dont on les surcharge en certaines loges, n'offrent
à l'esprit de celui que l'on initie, que l'action sainte,
des mystères révérés que
l'on peut avoir décrits en des livres que ce grade copie,
pour ainsi dire, & ce n'est plus à beaucoup
près le véritable Rose-Croix tel qu'il fut dans
sa très ancienne origine ; cependant à qui
voudrait le décomposer, en suivant exactement les
mêmes surfaces, sous des analogies philosophiques, y
trouverait infailliblement le grain fixe, si ce terme est permis, des
éléments de la science
d'Hermès ; & la signature même
des Maçons orgueilleux de ce grade, F. R. C. ne signifie
autre chose que Fraters Roris Cocti. Le grade du Phénix, que
quelques-uns apprécient beaucoup plus qu'il ne vaut, revient
entièrement à cette partie, le Tetragrammaton, le
Stibium, la Pentacule, sont des emblèmes précis :
de faux docteurs y ajoutent de très fausses recettes,
contenues en une manière de procédé
prescrit pour la perfection du Stibium ; ces erreurs ne trompent pas le
sage, c'est à lui à les rectifier : il est
toujours bien flatteur pour les Maçons de pouvoir aspirer
à cette qualité, & se parer d'un titre
qui fait honneur à l'esprit, annonce la pureté du
cœur, & rassemble les ouvriers intelligents, dont le
but est d'aider & d'éclairer l'humanité.

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