Obédience : NC Loge : NC Date : NC

Sur le Prologue de Jean
Essai
 
Mon frère d’où venez-vous ?
- De la loge de saint Jean Vénérable maître.

Mes  FF
\ nous avons tous en tête cette réplique du « catéchisme » de l’apprenti maçon.

Nous, Maçons, qui avons  choisi saint Jean-Baptiste comme patron : ...« parce qu’il a consacré sa vie à la tâche d’ouvrir les yeux de ses contemporains à la lumière qui brille dans les ténèbres, et qu’il est resté fidèle à cette mission jusqu’à sa mort. » (1) ….

 « Il y eut un homme envoyé de Dieu, son nom était Jean.
Celui-ci vint en témoignage, pour rendre hommage à la lumière,
afin que tous crussent par lui, non que celui-ci fut la lumière,
mais il avait à rendre témoignage de la lumière. » (Jn 1, 6-8)
Ainsi parle Jean dans son prologue, cette fois, vous l’avez bien compris, c’est de Jean l’évangéliste qu’il s’agit … Jean l’évangéliste, …  « l’initié » serait-on tenté de dire,  considéré comme « celui qui a reçu la lumière et l’enseignement du maître » .
Bien sur il me faudrait insister sur la complexité du symbolisme des deux Jean. De Jean-Baptiste, indissolublement lié à celui de Jean l’évangéliste. (..) car les deux Jean sont des points limites. Le Baptiste ferme l’ancienne loi et annonce la Révélation Chrétienne. L’Evangéliste ferme le livre du Monde avec l’Apocalypse et annonce le second avènement. (2). mais la n’est pas mon propos de ce soir , j’entrouvre ici tout simplement une autre porte pour la réflexion,.
Le thème de l’année me fait vous parler de ce  Prologue, le Prologue ! celui de l’Évangile de Jean, tout au moins du début de ce prologue (versets 1 à 5) si cher à nos cœurs et que la voix du F\ orateur nous rappelle à chaque ouverture de nos travaux.

En voici le texte… en latin…
« In principio erat Verbum, et Verbum erat apud Deum, et Deus erat Verbum. Hoc erat in principio apud Deum. Omnia per ipsum facta sunt, et sine ipso factum est nihil quod factum est. In ipso vita erat, et vita erat lux hominum. Et lux in tenebris lucet, et tenebræ eam non comprehenderunt »
(Biblia Sacra juxta Vulgate 1887)

Texte traduit à partir du Grec. Ce texte que nous connaissons, ou devrions connaître, tous par cœur, en français tout au moins bien entendu,  et qui évoque en nous le début de notre travail en loge ; l’ouverture des travaux mais aussi l’ouverture vers le Sacré : chemin vers le G\A\D\L\U\ ! Il est entendu que toutes les traductions diffèrent, suivant les traducteurs de ce prologue, je me suis attaché à en regarder quelques unes. Il s’agit d’un essai, essai de compréhension qui se veut ni de l’exégèse, ni un cours magistral de symbolisme (j’en serai bien incapable) il n’est que le fruit d’une réflexion isolée qui est mienne,  et surtout… surtout,  il laisse entier le champ de vos propres investigations ; peut être aura-t-il le mérite de vous amener sur un chemin, celui de la réflexion et de la méditation concernant ces quelques lignes se trouvant sous l’équerre et le compas dans nos ateliers.
In principio : dans le principe… au commencement…  en tête … les traductions diffèrent, on ne peut s’empêcher de penser au début de la Genèse «au commencement Dieu créa le ciel et la terre » (In principio créavit Deus cœlum et terra) (GN 1, 1). L’Evangéliste se réfère-t-il ici au début de la création ?

Qu’y avait-il au commencement ? rien ? si , il y avait Dieu… Dieu et sa Parole créatrice : le Logos !
Saint Augustin parle ainsi du Logos : « Dans le verbe de Dieu sont toutes les œuvres de Dieu, car tout ce que Dieu devait réaliser dans la création était déjà dans le Verbe, et n’auraient jamais été dans les choses si elle n’avaient été en lui. Tout ce qui a été fait était vie en lui ».
et alors … ici les choses se compliquent… enfin, se compliquent … oui et non. Comment traduire Logos ? est-ce le Verbe ? est-ce la Parole ?
Certains disent : « Ce n’est pas la Parole qui crée le monde, c’est le Verbe. La Parole est le moyen dont le Verbe se sert pour le travail de la création. Le Verbe est le premier élément que Dieu a mis en action ; la Parole est le moyen qui permet au Verbe de se manifester » (3) Alors ? …..  méditons mes FF\méditons…

Le texte original grec dit « En arché en o Logos » traduit en français par « Au commencement était le verbe » dérivé du latin verbum, mot qui rend logos, il faut donc dire « Au commencement était le Logos »  nous ne sommes, pour l’instant pas plus avancé. Pourtant le mot grec Logos correspond au davar hébreu (de la genèse) qui signifie Parole vivante, efficace.
Marc - Alain OUAKNIN pense que : « La phrase de Jean ne ferait que traduire – et sur de nouvelles bases, en lui accordant un sens nouveau -–une très ancienne tradition (celle de la genèse comme ci-dessus indiqué) en n’en réduisant l’étendue par l’assimilation du logos à la figure messianique de Jésus. Ainsi le prologue de Jean concernant la création du monde par la Parole utilise-t-il le terme de Logos qui désigne aussi la Loi dans « les dix commandements ».

Deux interprétations peuvent être avancées, la première : la version grecque ne tient pas compte des différences lexicales internes à la langue hébraïque, ce qui se vérifie dans la traduction grecque des Noms de Dieu, qui ne souligne pas les utilisations du Tétragramme ou de Elohîm de façon systématique. La seconde : Jean énonce un autre commencement, qui n’est plus une simple paraphrase de la genèse. (…) Alors ? et bien … méditons mes FF\méditons…
 
Les traducteurs hébraïques de Jean, de manière beaucoup plus tardive, au XIXème, confirment cette analyse. La phrase de Jean est rendue par « Béréchit haya davar », c’est à dire « Au commencement était le davar » (4)
Nous retrouvons donc ici la traduction déjà évoquée et qui appelle à traduire la phrase de Jean par « Au commencement était la Parole »
Alors ?  devons nous traduire la  Parole ou le Verbe ? La traduction « ad hoc »,  si je puis dire, des textes originaux veut que nous employions le mot

Parole
.
Un de nos FF\ le T\R\F\Jacques Noël PERES, qui fut V\M\ de la R\L\ de recherche « Villard de Honnecourt », un érudit, s’est déjà penché sur ce sujet et a traduit, un nouvelle fois, le Prologue. (5)
Il note, je cite :  « Il doit être clair à chacun qu’un texte, dans la langue originale où il a été rédigé, a une saveur, une couleur que l’on ne pourra jamais tout à fait rendre dans une traduction, pas davantage dans celle-ci que dans celle-là. Cela s’appelle le génie de la langue.(…) . »
Ce T\R\F\ traduit lui aussi le Logos par : la Parole. Il pense, à juste titre,  qu’il faut d’abord que nous nous demandions d’où vient ce titre : logos.

Il ajoute : « pour ma part (…) , je verrais la préhistoire de la notion johannique du logos enracinée dans le domaine du Judaïsme hellénistique. Là en effet, dès le IIème siècle, nous rencontrons déjà un logos hypostasié ( c’est à dire reprenant les deux nature, humaine et divine du Logos), par lequel Dieu se révèle. »
Il rappelle aussi que dans l’Apocalypse de Jean (Apoc 19, 13) « le Christ apparaît sous les traits d’un guerrier montant un cheval blanc, de la bouche duquel sort une épée, et dont le nom est « la Parole de Dieu ».
Quoiqu’il en soit la Parole était au commencement, on ne la créait pas ! elle était ! Et cette parole s’identifie à la sagesse de Dieu…  s’identifie à Dieu.
« toutes choses ont été faites par elle et rien de ce qui a été fait n’a été fait sans elle » « c’est en elle qu’était la vie, et la vie était la lumière des hommes »
(Bible protestante version Oswald)
 La Parole est ici assimilée à la vie, elle même assimilée à la lumière. Donc, selon la règle que deux quantités égales à une même troisième sont égales entre elles, on peut dire  que
la Parole = La vie = La Lumière.

La Parole, c’est aussi la Lumière. D’ailleurs c’est bien la première chose que Dieu crée « Que la lumière soit », pas la lumière des astres ! le soleil ne sera créé que le quatrième jour, mais la lumière primordiale, antérieure à toute autre création, substrat de tout ce qui existe et but de toute recherche initiatique. Cette lumière ( celle que connaissent les sages qui atteignent l’illumination) que nous recherchons mes FF\, alors si nous recherchons la lumière, recherchons-nous la Parole ? Si nous recherchons la Parole, recherchons-nous la Lumière ? méditons mes FF\méditons…. Cette parole qui chez les égyptiens avait une fonction fondamentale : elle ouvrait les portes. Cette Parole qui est aussi la Parole perdue, après la chute…..entre autre….. La Parole… base fondamentale de nos racines, du retour à la source….. Alors ? méditons mes FF\méditons encore.
 « Et la lumière luit dans les ténèbres et les ténèbres ne l’ont pas comprise»
(bible TOB)

Cette traduction à le mérite de coller au texte latin : « et tenebræ eam non comprehenderunt »
Si à notre rite le R\E\A\A\ le triangle divin , notre Delta lumineux, porte en son centre un œil, il en va autrement au R\E\R\ où l’on y rencontre, sur son pourtour, la célèbre phrase johannique.
Triangle du R\E\R\ qui est équilatéral et non isocèle, ce qui, dans la tradition , symbolise Dieu dont il est interdit de prononcer le nom, sur chaque côté du triangle sont donc inscrits les mots composant la phrase « et tenebræ eam non comprehenderunt » « et les ténèbres ne l’ont point comprise ». Rappelant par conséquent que le but de toute initiation est de quitter les ténèbres pour aller à la recherche de la lumière. La lumière du Logos…  celle qui ne se révèle pas toujours, celle que seuls les initiés peuvent percevoir. Preuve de notre devoir à persévérer dans notre quête du graal, notre recherche de la lumière, cette lumière des profondeurs de l’être qui ne peut être atteinte que par l’esprit transcendé,  chemin qui nous est montré lors de notre passage au cabinet de réflexion par la célèbre formule V.I.T.R.I.O.L. qui nous en fait entrevoir la lueur. méditons mes FF\méditons toujours.
La création est bien l’œuvre de la Parole et est aussi comme le dit si bien René Guénon « sa manifestation, son affirmation extérieure et c’est pourquoi le monde est comme un langage divin pour ceux qui savent le comprendre ; Cœli enarrant gloriam Déi*  (ps XIX, 2) *les cieux racontent l’histoire de Dieu » (6)

Rappelons enfin que ce prologue était lu, en secret,  par le prêtre , à la fin de la messe. Et j’ai lu,  je ne sais malheureusement plus dans quel ouvrage, je lis trop ou ne note pas assez… que ce prologue, hymne à la lumière nous viendrait en ligne directe de l’Ancienne Egypte, c’est pourquoi on pourrait dire, au risque de choquer, de surprendre, que ce texte n’est pas vraiment, réellement chrétien et qu’en le lisant avec obstination à la fin de chaque messe selon l’obligation qui lui était faite jusqu’à sa suppression par Vatican II, le prêtre se poserait comme héritier et continuateur des Grands Prêtres de cette prestigieuse contrée. Alors ? … Alors !…
Ne faut-il pas penser, après toutes ces invitations à la méditation, que la Tradition Primordiale, la Tradition Orale dans la langue originelle ne traduisait pas ce que d’aucuns ont traduits.
Cette langue originelle était-elle Parole ? ou était-elle Verbe ?  mes FF\ je vous laisse encore et toujours méditer  …mais n’oublions pas …

Cherchons et nous trouverons…
Si je vous ai beaucoup parlé de méditation ce soir, mes FF\, c’est que le Prologue de Jean nous y invite ; tout comme je vous invite à le lire, à le relire et à le relire encore. Je concluerai en citant un célèbre architecte du XVIème , Philibert Delorme :
« Dieu est le seul, le grand et l’admirable architecte
qui a ordonné et créé de sa seule Parole toute la machine du monde »
j’ai dit V\M\

B\ G\

Bibliographie
(1) BAYARD Jean-Pierre, Symbolisme maçonnique traditionnel, Tome 1, Les loges bleues, EDIMAF 1988 (p325)
(2) TOURNIAC Jean, Symbolisme maçonnique et tradition chrétienne, Dervy, 1992. (p 81)
(3) O.M. Ainhov, Œuvres complètes, éditions Prosveta, Tome IX , 1974. (p 15)
(4) OUAKNIN Marc Alain, Concerto pur quatre consonnes sans voyelles, Payot, 1998 (p 51)
(5) PERES Jacques Noël, Pour traduire le prologue johannique, in cahiers de Villard de Honnecourt N° 12, GNLF 1986. (p 169)
(6) GUENON René, Symboles de la science sacrée, Gallimard, 1994. (p17)

LES DIFFERENTES TRADUCTIONS « CHOISIES » DU DEBUT DU PROLOGUE DE SAINT JEAN

Jacques LEFEVRE
d'Etaples
1525
La Sainte Bible du Chanoine A.CRAMPON
1905
Bible de Louis
SEGOND

dite Bible à la Colombe
1910
La Bible
de Jérusalem
1973
La Bible
OSTY
1973
La Bible     A.CHOURAQUI
1974/1979
La Bible
T O B
1972(AT)/75(NT)
1987
La Bible
du Semeur
1992

Au commencement estoit la Parolle et la Parolle estoit avec Dieu : et la Parole estoit Dieu. Icelle estoit au commencement avec Dieu. Toutes choses ont este faictes par icelle : et sans icelle rien n’a este faict qui este fait. Et icelle estoit la vie et la vie estoit la lumière des hommes : et la lumière luyt es tenebres, et les tenebres ne lont point comprinse.

Au commencement était le verbe, et le verbe était en Dieu, et le verbe était Dieu.

Il était au commencement en Dieu.

Tout par lui a été fait, et sans lui n’a été fait rien de ce qui existe.

En lui était la vie, et la vie était la lumière des hommes.

Et la lumière luit dans les ténèbres, et les ténèbres ne l’ont point reçue.

Au commencement était la Parole, et la Parole était avec Dieu, et la Parole était Dieu.

Elle était au commencement avec Dieu.

Tout a été fait par elle, et rien de ce qui a été fait n’a été fait sans elle.

En elle était la vie, et la vie était la lumière des hommes.

La lumière brille dans les ténèbres, et les ténèbres ne l’ont pas accueillie.

Au commencement était le verbe, et le verbe était avec Dieu, et le verbe était Dieu.

Il était au
commencement avec Dieu.

Tout fut par lui , et sans lui rien ne fut.

Ce qui fut en lui était la vie, et la vie était la lumière des hommes.

Et la lumière luit dans les ténèbres, et les ténèbres ne l’ont pas saisie

Au commencement était le verbe, et le verbe était auprès de Dieu, et le verbe était Dieu.

Il était au commencement auprès de Dieu.

Par lui tout a paru, et sans lui rien n’a paru de ce qui est paru.

En lui était la vie, et la vie était la lumière des hommes ; et la lumière brille dans les ténèbres, et les ténèbres ne l’ont pas arrêtée.

1 Entête, Lui, le Logos et le Logos, lui, pour Elohîm, et le Logos, lui, Elohîm.

2 Lui entête pour Elohîm.

3 Tout devient par lui ; hors de lui, rien de ce qui advient ne devient.

4 En lui la vie - la vie la lumière des hommes.

5 La lumière luit dans la ténèbre, et la ténèbre ne l’a pas saisie.

Au commencement était le verbe , et le verbe était tourné vers Dieu , et le verbe était Dieu.

Il était au commencement tourné vers Dieu .

Tout fut par lui , et rien de ce qui fut ne fut sans lui.

En lui était la vie, et la vie était la lumière des hommes  ; et la lumière brille dans les ténèbres, et les ténèbres ne l’ont point comprise  .

Au commencement était celui qui est la Parole de Dieu.

Il était avec Dieu, il était lui-même Dieu.

Au commencement, il était avec Dieu.

Tout a été créé par lui ; rien de ce qui a été créé n’a été créé sans lui.

En lui résidait la vie, et cette vie était la lumière des hommes.

La lumière brille dans les ténèbres et les ténèbres ne l’ont pas étouffée.


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