Obédience : NC Loge : Aqua Laudae- Orient de Vichy 10/02/2003

 

 L'Air

A l’instant où je démarre ma lecture, quelque part dans le monde un nouveau né sort du ventre de sa mère. Dans quelques instants, il va pousser son premier cri, avaler avec sa première bouffée d'air, crier un bon coup et ainsi déclencher cette immuable habitude qui va lui permettre de rester en vie.

Il ne le sait pas encore, mais ce mécanisme qui vient de soumettre si violemment ses poumons à notre environnement gazeux, est le seul moyen donné à la plupart des êtres peuplant notre planète de vivre. Sans respiration, rien n'est possible, tout semble s'arrêter.

D'ailleurs, pour s'en convaincre, j'invite tous les frères qui le désirent à retenir dès à présent leur respiration le temps que je poursuive cette lecture. Je pense que d'ici peu, ils comprendront bien vite ce que je veux dire.

En effet, ce mouvement qui anime notre poitrine plusieurs fois par minute, de manière régulière, et auquel nous n'apportons plus la moindre attention, permet à notre corps de fonctionner. Par les échanges gazeux qui se produisent dans nos poumons, le sang transporte l'oxygène dont les cellules ont besoin pour accomplir leur tâche, mais aussi le carbone résiduel du travail de ces mêmes cellules afin qu'il soit acheminé au plus vite vers la sortie. Cette formidable chimie s'opère immuablement, que l'on soit confortablement assit à écouter la lecture d'un morceau d'architecture, ou que l'on soit en train de courir un 100 mètres aux jeux olympiques, seul change le rythme de la respiration et le volume d'air que nous ingérons à ces instants.

L'air est partout à la surface de notre planète. Enfin sauf sous les océans ou sa cohabitation avec l'élément liquide semble plus que délicate !

Son domaine s'étend du sol jusque très haut dans le ciel, à plus de 700 kms au-dessus de nos têtes, et constitue notre atmosphère. Cet énorme « coussin » transparent, constitué de nombreuses strates de densités différentes, nous protège des agressions venues de l'espace telles que les météorites mais surtout des rayonnements solaires et cosmiques. D'ailleurs cette protection est si efficace, qu'elle est bien difficile à traverser lorsque l'on revient d'exploration dans l'espace, l'actualité récente en s'en fait tristement l'écho.

L'air est incolore, mais pas toujours inodore ! Sa composition varie d'un endroit à un autre. Et l'atmosphère de nos villes en témoigne.

L'air est partout à la surface du globe, mais n'étant pas palpable, nous ne pouvons pas le toucher. Sa manifestation la plus spectaculaire et la plus « tactile » s'opère lorsqu'il se déplace plus ou moins rapidement. Selon le cas il peut être comme une caresser sur la joue, ou bien nous renverser sur le sol et détruire tout sur son passage !

L'air s'immisce partout, le moindre petit espace est conquis par lui. Il faut dès lors déployer d’impressionnants moyens mécaniques pour le chasser d'un lieu qu'il investit. A ce moment là, la pression qu'il exerce sur toute chose est alors visible, et sa détermination à regagner ses quartiers est sans limite, c'est ce que l'on appelle la pression.

L'air nous permet d'entendre ! Et oui, sans air, il nous serait bien difficile de percevoir la moindre vibration, et alors bien avant de m'écouter lire ce morceau d'architecture, il vous serait impossible d'entendre le son de ma voix.

Quelques définitions

Le Dictionnaire Larousse définit l'air comme un mélange gazeux constitué principalement d'azote et d'oxygène, qui forme notre atmosphère.

Plus précisément, l'air pur est constitué, en volume, de 21% d'oxygène et de 78% d'azote ; il renferme en outre de l'argon (environ 1%) et des traces d'autres gaz dit rares (néon, krypton, xénon, hélium).

Je vous ferais grâce des données techniques relatives aux températures d'ébullition de ces différents gaz permettant de les séparer afin de les isoler et de les stocker.

La masse volumique de l'air pur à 0°C et sous la pression normale est de 1293 kg/m3. La pression exercée par l'air est appelée pression atmosphérique. L'air ordinaire contient aussi, en proportions variables, de la vapeur d'eau, du gaz carbonique, des traces d'ozone, et tient en suspension des aérosols minéraux ou organiques (poussières, micro-organismes, etc.).

L'air peut être comprimé, c'est-à-dire que l'on réduit son volume en le comprimant fortement, afin d'utiliser l'énergie libérer lorsqu'il se détend.

L'air peut aussi être liquéfié par compressions et détentes successives, afin de l'utiliser dans l'industrie, notamment pour la trempe métallurgique, ou pour des besoins aéronautiques tels que les voyages dans l'espace.

D'autres définitions

Si l'on s'éloigne un peu des définitions purement physiques, l'air est utilisé dans la description d'un certain nombre d'expressions courantes de notre cadre de vie.

Par exemple, dire d'un endroit que l'on y respire « le grand air », « le bon air », ou bien encore lorsque l'on se promène dans la nature dire que « l'on s'aère », que « l'on prend l'air ».

Lorsqu'il s'agit de parler d'un vent léger, d'un souffle le soir, on parlera de « courant d'air ».

Dans un autre registre plus familier, l'on dit de quelqu'un qui à de l'audace, de l'impudence « qu'il ne manque pas d'air ». S'il s'agit de quelqu'un qui affiche sa supériorité on dira : « il prend ses grands airs ».

Lorsque l'on décrit quelqu'un de distrait, on dira qu'il est « tête en l'air ». Si des paroles sans fondement sont lancées, « ce sont des paroles en l'air ». La manière d'être, l'apparence : « avoir l'air comme ceci », « avoir l'air hautain ».

Présenter une certaine ressemblance, en parlant de personnes ou de choses : « avoir un air de famille ». Dans un registre proche, paraître c'est « avoir l'air ». Donner l'impression fausse d'être insignifiant, facile ou sans valeur : « N'avoir l'air de rien ».

Encore d'autres expressions courantes : on en parle, on évoque cela, on y fait souvent allusion, on dira « c'est dans l'air ».

Ce qui est d'actualité, qui détermine ou influence les opinions, les comportements : « c'est dans l'air (sous-entendu du temps) ». Une émission télévisée porte même ce non !

Mettre le désordre, c'est « mettre en l'air ».

Dans la musique, lorsque l'on parle d'une mélodie instrumentale : on parlera « un air de flûte ». Ou bien pour parler d'une pièce musicale chantée, une chanson : on parlera d'un « air d'opéra », d'un « air à boire ».

Pour positionner quelque chose ou quelqu'un dans l'espace se situant au-dessus de nos têtes, en haut, on dira qu'il est « en l'air ».

L'aviation, l'aéronautique et les transports aériens utilisent aussi ce mot pour décrire un corps (armée de l'air), un métier (hôtesse de l'air), une action appliquée à un avion, un aérostat (prendre l'air).

Considérations symboliques

Laissons maintenant ces considérations purement physiques. Attachons nous maintenant à l'aspect symbolique de l'air.

Dans le « dictionnaire des symboles de Jean Chevalier et Alain Gheerbrant », l'air est l'un des quatre éléments, avec la terre, l'eau et le feu, selon les cosmogonies traditionnelles. La cosmogonie étant le récit mythique de la formation de l'univers et, aussi, de l'émergence des sociétés, mais aussi la science de la formation des objets célestes (planètes, étoiles, galaxies, etc.).

Pour les Grecs, comme dans la plupart des traditions, les éléments sont au nombre de quatre : l'eau, l'air, le feu, la terre. Tous ces éléments ont leur correspondance dans la symbolique fondée sur l'analyse de l'imaginaire.

On trouve ainsi dans cet ouvrage, un certain nombre de définitions d'auteurs antiques ou contemporains concernant ces éléments, dont voici quelques extraits associés à l'air.

L'image de l'air est à la base de toute une psychologie ascensionnelle.

L'air imaginaire est l'hormone qui nous fait grandir psychiquement.

L'air est avec le feu un élément actif et mâle, tandis que la terre et l'eau sont considérées comme passives et femelles. Alors que ces deux derniers éléments sont matérialisant, l'air est un symbole de spiritualisation.

L'air est symboliquement associé au souffle, au vent. Il représente le monde subtil intermédiaire entre le ciel et la terre, celui de l'expansion, qu'emplit, disent les Chinois, le souffle (k'i), nécessaire à la subsistance des êtres. Vâyu, qui le représente dans la mythologie hindoue, est monté sur une gazelle et porte un étendard flottant au vent, qui pourrait s'identifier à un éventail. Vâyu est le souffle vital, le souffle cosmique, et s'identifie au Verbe, qui est lui-même souffle. Vâyu est un fil qui relie entre eux tous les mondes ; ce fil est aussi Atmâ, l'Esprit universel, qui est littéralement souffle.

L'air lorsqu'on l'associe au souffle a universellement le sens d'un principe de vie : seule l'extension du symbole varie d'une tradition à l'autre. Ainsi Ruah, l'Esprit de Dieu qui couve sur les eaux primordiales de la Genèse, est le Souffle. C'est aussi le sens premier d'Er-Ruh qui veut dire Esprit en langage musulman.

A un autre niveau de symbole, le souffle sortant des narines de Yahvé (ruah) signifie l'exercice de sa puissance créatrice ; par lui les eaux sont amoncelées ; comparé à un torrent, il en possède les vertus. Le souffle et la parole se prêtent une mutuelle assistance, l'un soutenant l'émission de l'autre. La ruah de Yahvé est l'haleine qui jaillit de sa bouche, créant et entretenant la vie. Lors de la création de l'homme, suivant le récit de la Genèse, Yahvé insuffle dans sa narine un souffle de vie et l'homme auparavant inerte est animé d'une âme vivante (nephesh). On retrouve, chez les Chi'ites d'Anatolie, le terme de nefés pour désigner les chants invocatoires. La déclaration de Job possède un sens identique quand il dit : Fait par le souffle (ruah) de Dieu, Vivifié par l'haleine de Shaddaï.

D'autre part, pour Saint Martin, l'air est un symbole sensible de la vie invisible, un mobile universel et un purificateur, ce qui correspond assez exactement à la fonction de Vâyu, dont il faut ajouter qu'il est lui-même considéré comme purificateur.

Dans l'ésotérisme ismaélien, l'air est le principe de la composition et de la fructification, l'intermédiaire entre le feu et l'eau, le premier lâm du Nom divin. Il correspond à la fonction du Tâli, l'Ame universelle, origine de la fructification du monde, de la perception des couleurs et des formes, ce qui nous ramène encore à la fonction du souffle.

L'air est le milieu propre de la lumière, de l'envol, du parfum, de la couleur, des vibrations interplanétaires ; il est la voie de communication entre la terre et le ciel. L'être aérien est libre comme l'air et, loin d'être évaporé, participe au contraire des propriétés subtiles et pures de l'air.
Enfin, lorsque le vent apparaît dans les rêves, il annonce qu'un événement important se trame ; un changement va surgir. Les énergies spirituelles sont symbolisées par une grande lumière et, ce que l'on sait moins, par le vent.

L'air dans la symbolique maçonnique

L'air fait également partie de la symbolique maçonnique. Des correspondances mettant en relation les quatre éléments et les principaux degrés de l'ascension initiatique sont établies.

Dans l'initiation maçonnique, le récipiendaire sort d'abord de la Terre. Il est ensuite, successivement, purifié par l'Air, par l'Eau et par le Feu. Il s'affranchit par palier de la Vie matérielle, de la Philosophie et de la Religion et parvient enfin à l'Initiation pure.

Dans le tome I de « La Franc-maçonnerie rendue intelligible à ses adeptes » consacré à l'apprenti, Oswald Wirth nous apprend que lors de la cérémonie d'initiation, et plus particulièrement lors du premier voyage, l'apprenti est confronté à l'élément air.

Dans le rituel, le Vénérable décrit au candidat le premier voyage qu'il vient d'accomplir comme suit : « Ce premier voyage est l'emblème de la vie humaine : le tumulte des passions, le choc des divers intérêts, les difficultés des entreprises, les obstacles que multiplient sur vos pas des concurrents empressés à vous rebuter, tout cela est figuré par le bruit et le fracas qui ont frappé vos oreilles, par l'inégalité de la route que vous avez parcourue ». Sans explication supplémentaire, il est bien difficile de reconnaître au premier coût d'œil la présence de l'air.

Les explications d'Oswald Wirth à propos de ce premier voyage sont très utiles. Ainsi il décrit précisément le parcours intellectuel de pensé du récipiendaire lors de son cheminement. « Le récipiendaire, partant de l'occident (le domaine des faits, la réalité objective, le monde sensible) se hasarde à travers les ténèbres de la région du nord. Il s'engage dans cette obscure forêt dépeinte par Dante et citée par Virgile comme cachant le rameau d'or qui procure à Enée l'accès des Enfers.

Ce rameau consacré à Proserpine, c'est la faculté d'induction qui porte l'esprit à généraliser les faits observés. Cette opération mentale peut conduire aux hypothèses les plus fausses. - La pensée humaine commence par tomber d'erreurs en erreurs. Ce sont autant de pièges et d'embûches dont l'intelligence doit parvenir à se dégager. - La lutte est longue et pénible. Elle conduit le Récipiendaire jusqu'à l'Orient (le domaine de l'abstraction, la réalité subjective, le monde intelligible). - Des notions rationnelles et synthétiques paraissent alors rendre compte des faits. Il en découle des déductions, c'est à dire un retour vers l'Occident (les phénomènes sensibles) par la route du midi.

Le chemin, pour revenir, n'est plus semé de ronces comme au départ. Mais le voyageur s'impose les plus dures fatigues pour gravir laborieusement la cime d'une montagne abrupte. A peine se félicite-t-il d'avoir atteint une hauteur qui domine de vastes régions, qu'il est soudainement assailli par un orage violent. La foudre gronde, le sol tremble et la grêle accable l'imprudent, qui est finalement entraîné par les tourbillons d'un vent furieux et précipité à travers l'espace jusqu'au lieu d'où il est parti. C'est la purification par l'Air des anciennes épreuves initiatiques. - Le souffle impétueux de l'opinion générale, fait effondrer l'échafaudage factice des théories   personnelles ».

En conclusion

Il y aurait encore beaucoup de chose à dire sur le sujet, mais chacun aura sans doute envie de faire la démarche personnelle de lire ou relire un certain nombre de passages sur le sujet pour compléter son information. Pour ma part, la rédaction de ce morceau d'architecture m'a permis de découvrir les nombreuses idées et symboles associés à l'air, et vous me permettrez de rester modeste sur les connaissances que j'ai pu acquérir tellement il a de matière sur le sujet. D'ailleurs, d'autres travaux compléteront certainement celui-ci.

Je retiendrais particulièrement que l'air indissociable de notre survie du fait qu'il nous permet de respirer, est emblématique de la libération par l'ascension, invisible à l'image du créateur, il est le chemin d'élévation vers l'Eternel.

J'ai dit vénérable maître.

D\ L\


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