Obédience : NC Site : http://bernard.doulet.free.fr 06/2002


L’Orient et l’Occident,
La Lumière et les Ténèbres
ou l’éloge du métissage

Je suis un peu gêné de vous présenter cette planche, écrite il y a près d’un an et qui me paraît aujourd’hui un peu décalée. Cependant, j’y trouve quelques vecteurs qui me paraissent encore adaptés au goût de mes réflexions actuelles et des pensées qui me traversent, comme cette idée que rien n’est tout blanc ou tout noir, ce que voudraient nous faire croire certains courants idéologiques. La volonté de tolérance,  de composition, le mélange, la mixité, le métissage restent pour moi des moteurs de progrès universel, à l’image de ce que nous donne à voir la nature des choses. Le tout blanc et le tout noir ne sont pas des entités mentales inconciliables, même si elles sont nécessaires à notre pensée logique pour situer des différences entre les choses, différences qui ne sont pas des différences de valeur mais plutôt des vécus spécifiques sous la forme desquels le monde nous apparaît.

Le principe sur lequel, je l’espère, ma planche ne transige pas, est celui de la tolérance, de l’acceptation des différences.
 
n   « Où se tient le vénérable Maître dans la Loge? »  « A l’Orient »
n    « Pourquoi ? »
« Comme le Soleil commence son cours à l’Orient et répand la lumière dans le monde, de même le V.M. se place à l’Orient pour mettre les frères à l’ouvrage et éclairer la loge de ses lumières »
n   «  Où se tiennent les deux surveillants ? »  « A l’occident »
n   « Pourquoi ? »
« Pour exécuter les ordres du V.M. et veiller sur tous les ouvriers »
n   «  Quand vous chercherez la vraie lumière, souvenez-vous que c’est à l’orient et seulement à l’orient que vous la trouverez »
Vous avez reconnu les phrases d’ouverture et de clôture des travaux maçonniques en Loge.
 
L’Orient est ici un lieu, un lieu symbolique, d’où surgit la vraie lumière. L’orient où se tient le grand maître n’est pas la lumière, mais le lieu d’où s’origine la vraie lumière, de même que l’œuf  n’est pas le poussin mais c’est de l’œuf que sort le poussin.
 
Les travaux en tenue débutent à midi plein, selon l’horloge solaire, ici symbolique, quand le soleil est au zénith. Il ne se trouve plus, à cet instant, à l’Orient mais à mi-course entre l’Orient et l’Occident. C’est l’instant symbolique (dimension temporelle) où la Lumière connaît sa plénitude, c’est la « lumière la plus pure », instant virtuel où la Lumière pénètre au plus profond des ténèbres pour les anéantir. C’est le moment unique et passager où la lumière a vaincu les ténèbres. C’est aussi le moment virtuel où toutes les âmes,  de l’Orient à l’Occident jouissent de la même pleine clarté, de la même purification de leur cœur. C’est aussi à ce moment là que le Vénérable Maître de la Loge, lequel se tient à l’orient, lieu où  le néophyte est appelé à chercher la vraie lumière, ordonne l’ouverture des travaux maçonniques de la Loge.
 
Au fur et à mesure de l’avancement des travaux, la lumière va se déplacer vers l’Occident, lieu des ténèbres. La tenue prendra fin à minuit plein, temps symbolique où la lumière n’éclaire plus les ténèbres. C’est donc la nuit la plus parfaite. 
 
L’espace-temps de la tenue va de midi plein à minuit plein, de la lumière la plus pure aux ténèbres les plus profondes. Les travaux de la Loge vont se dérouler sous un éclairage en perpétuel mouvement du fait de la progression des ténèbres, permettant à ceux-ci d’être perçus sous toutes les nuances de couleur, de forme, de chaleur etc, Ceci pourrait être imagé  en raccourci par l’éclipse totale du Soleil.
 
Le temps de la construction du temple de Salomon, du monde spirituel ?, correspond à ce lent acheminement  au cours duquel la lumière et les ténèbres sont mêlées selon des dosages variables et une progression au cours de laquelle la lumière s’affaiblit au profit des ténèbres.
 
Dès l’ouverture des travaux,  la Lumière quitte le Zénith, entre en éclipse, si vous me permettez la métaphore. C’est dire que la Lumière pure, pas plus que la nuit pure des ténèbres ne font  partie du temps consacré au travail en Loge. Peut-on en extrapoler l’hypothèse que la Connaissance n’est jamais connaissance des extrêmes, Lumière pure, Nuit Noire,  lesquels extrêmes resteraient opaques à la conscience, virtuels, seulement nécessaires à la logique binaire qui est celle de notre code langagier, mais connaissance en relation avec le mariage de la lumière et des ténèbres.
 
Dans cette hypothèse, ce qui permettrait l’accession à la conscience et à la connaissance de soi et du monde serait l’enchevêtrement nuancé et mouvant de la lumière et des ténèbres et par extension symbolique du blanc et du noir ( à référer au pavé symbolique), du Bien et du Mal.
 
Si la construction du temple maçonnique peut être assimilée à la lente élévation symbolique de chaque être humain et de la communauté humaine, cela serait rendu possible grâce à la collaboration des forces issues de la lumière, laquelle se trouve uniquement à l’Orient, là où de tient dans le Temple le V.M., qui symbolise la Sagesse, laquelle fonde le Temple, et des forces issues des ténèbres, de l’Occident,  où se tiennent les deux surveillants, dont l’un symbolise la beauté, qui orne le Temple et l’autre la Force qui soutient le Temple. C’est cette collaboration entre Sagesse, beauté et Force, selon tous les échelons qui vont de la lumière la plus pure, de l’Esprit, de l’Ame, aux ténèbres, chaos, matière brute,  qui permet l’élévation du temple. La Lumière sans ténèbres, les Ténèbres sans lumière sont des abstractions, dont la pureté symbolique ne saurait être l’objet d’une conscience. La conscience commence là où la lumière et les ténèbres se mêlent. La lumière et les ténèbres, le noir et le blanc du pavé mosaïque, le bien et le mal ne sont pas exclusifs l’un de l’autre. Le « chemin du milieu », le chemin de la vie ne prend forme et direction que grâce au mélange savamment dosé et évolutif du bien et du mal.
 
On pourrait évoquer à ce propos le mythe de la Caverne de Platon : ce que l’on appelle réalité ne sont pas les choses mêmes mais leur ombre. L’homme ne peut voir la réalité en face car il serait aveuglé par la lumière. De même, le monde et nous-mêmes n’apparaissent à notre conscience qu’à partir de l’instant où le soleil quitte le zénith et laisse advenir la part d’ombre de toute chose présente dans l’univers.
 
Mais pourquoi avoir choisi dans le rituel symbolique maçonnique en Loge pour symboliser l’espace-temps de la construction symbolique du Temple la progression des ténèbres sur la lumière, l’évolution temporelle de midi à minuit, et non pas le contraire de minuit à midi ?
 
Bernard DOULET

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