Obédience : NC | Loge : La Capitele - Orient d'Aubenas | 03/12/2015 |
Un certain passage Dans le rituel de l’ouverture des travaux, l’oratrice déclare, chapitre 1 du pacte social : « La franc-Maçonnerie est un Ordre initiatique traditionnel et une Alliance universelle fondée sur la Fraternité ». Lors de la réception de l’apprentie, le rituel indique : « C’est une profane, elle attend de nous d’être initiée à nos mystères et sa volonté est d’accepter les épreuves qui lui seront imposée ». Cette profane a les yeux bandés. Personne ne lui adresse la parole. La T\ V\ déclare alors : « faites la entrer ». Les portes s’ouvrent avec bruit. Il lui est demandé « baissez-vous Mme » et elle est conduite entre les 2 surveillantes, par les mains. Les portes se referment avec bruit : « voilà la profane ! » T\ V\ dit ensuite : « Mme, sachez-le, tout ici est symbole : tout ici a une ou même plusieurs significations cachées qu’il vous appartiendra de découvrir ». Différents termes ainsi utilisés dans ces quelques phrases attirent notre attention, en particulier ceux qui ont un lien entre eux : - Les yeux bandés,
mystères, symboles, significations cachées
à découvrir : œil/vision. Lors d’un voyage à CASABLANCA j’ai fait la connaissance de sœurs maçonnes qui avaient créé une loge dénommée « AYIN » ou عين . J’ai échangé des idées et observations au sujet du « mauvais œil », de la « main de Fatima » à 3 doigts et deux pouces avec un œil au centre de la paume. Alors j’ai recherché le lien entre ces symboles. Il faut rappeler que le propre du symbole est de donner une vision, des suggestions, plutôt qu'un concept. Certains symboles déterminent encore notre vie alors que leur signification lointaine s'est estompée, pour être parfois remplacée par une autre qui nous satisfait davantage. Les symboles parlent à l'inconscient par le moyen d'archétype, qui en permettent l'interprétation. Avec les symboles, on touche aux lointaines sources de l'humanité, en même temps qu'aux secrets de l'inconscient. عين ou AYIN : Notre profane a les yeux bandés. Œil, souvent représenté en idéogramme par un cercle « O » qui rappelle la lettre O qui, s’ouvrant, pourrait former la lettre G français ou Gamma du grec, pour certain la tête d’un chameau. En ouvrant encore plus cette lettre, nous obtenons « ع ». Cette profane n’a pas de vision. Le terme «عين », adopté par cette loge, signifie « œil », c’est-à-dire vision ou source. Non la source, le cours d’eau, non l’œil, l’organe, mais le passage de l’eau s’écoulant de la terre vers la lumière, la perception par la vision du fond du cerveau, les ténèbres vers la lumière. Cette lettre est « ع » qui se prononce AYIN en arabe, ע hébreux, ou ܥ en syriaque, ou ʿĒ en araméen. Tous ces alphabets, jusqu’à présent, émanent d’un même alphabet, l’alphabet phénicien. Il est plus aisé de se référer à la lettre « Ayin » plus qu’à œil ou source. Elle apporte la vision et la perspicacité pour sortir du conditionnement de nos passions, l’aptitude à percevoir toutes choses. Elle est le passage du domaine limité de l’invisible avec ses apparences trompeuses vers le visible qui est la révélation, la réflexion de l’âme. Il est dit que grâce à elle, nos idées fausses se brisent, et nos œillères tombent. Cet œil qui reçoit, est une source qui permet à la lumière du sacré de nous illuminer intérieurement, en nous transmettant son abondante énergie. Il est le secret de la source, puisqu’il transmet la vision allant des profondeurs vers la Lumière. Pour acquérir cette Lumière, nous devons accepter de descendre à la source de nous-même puis ensuite faire surgir notre vision vers le monde du visible, de la Connaissance. Cet œil serait alors un microcosme résumant la création, par lequel l'âme perçoit le monde matériel et s'y manifeste. Nous pouvons ajouter, selon la pensée d’Aristote : « la connaissance serait une croyance qui est vraie », que l’œil conduit à l’équation suivante : Connaissance= Vérité= Lumière. Cet œil, est l’œil de notre conscience nous amenant à lutter contre les démons de notre inconscient. C’est l’œil de Caïn, notre conflit psychologique contre nos démons internes. Nous retrouvons cet œil dans la main de Fatima. Cette main est la protection contre ce mauvais œil. Elle serait alors le symbole du pouvoir et de la force nous permettant de lutter contre nos conflits internes pour s’en extraire et atteindre la Lumière. Est-ce pour cela que l’œil est reproduit sur sa paume ? Il est à noter que la profane est guidée à l’aide des mains des maitresses expertes. C’est avec humilité et modestie que nous ferons ce travail sur nous-même et en nous même pour atteindre la source de Lumière. Si l’œil est une source dans le sens de la vision il est aussi une source dans le sens « source d’eau ». On pense à source de joie ou de tristesse, au fleuve STYX dans la mythologie gréco-romaine symbolisant le passage de la vie à la mort, aux fontaines marqueurs d’espace du sacré et du profane, source de vie jaillissant pour purifier, pour apporter la vie dans le désert. Combien de lieux de culte ont ce symbole de la source d’eau : Jérusalem, Ma’aloula, Lourdes, comme un salut du divin. On parle aussi de Font, c’est-à-dire de fontaine. Ce terme vient du latin fons qui désigne « fontaine » ou « source ». Or, si nous découvrons, en visitant la ville de Nîmes, les jardins de Fontaine, nous ne pouvons constater que ce terme n’est employé que dans l’expression « les fonts baptismaux ». Ici, il ne faut pas voir ce terme dans le sens de la naissance du chrétien, mais le symbolisme d’un passage d’un état ténébreux vers une initiation. C’est le baptême pour un passage, en l’espèce l’eau, que nous retrouvons dans les voyages de l’impétrante. L’œil, ou plutôt AYIN énonce le symbole d’un passage, d’une direction d’un lieu vers un autre, d’un état vers un autre, symbole de la recherche de la Lumière, de la Vie, que ce soit sous forme de vision ou d’eau. Initiation : Notre profane est à la porte du Temple. Elle est encore à l’étape de l’invisible, du sous terre, des ténèbres. Elle ne connait pas sa direction. Elle a été conduite par l’experte à la porte du temple, et sera guidée par les deux surveillantes qui devront t la prendre en charge dans le Temple. Elle attend devant la porte fermée. Il est déclaré devant elle qu’ « elle désire être initiée, aux mystères de la maçonnerie en acceptant les épreuves requises ». La porte va s’ouvrir avec grand bruit. Elle attend d’être introduite. Elle désire être initiée. Soit, mais sait-elle justement de quoi il s’agit ? Il est dit que la Franc-Maçonnerie est un Ordre initiatique. Il est toujours difficile de définir l’initiation. On ne peut que l’aborder à partir d’idées, de pensées et d’expériences. Le chemin initiatique pourrait être considéré comme une démarche pour provoquer en nous une modification radicale, fondamentale, de notre pensée et de notre être, style « passer des ténèbres à la Lumière ». Il nous conduit à devenir un nouvel être, un homme nouveau ou une femme nouvelle. Par un travail en nous et sur nous, nous devons perdre tous préjugés. Nous mourrons profanes et redevenons quelqu’un d’autre. Nous devons voir autrement, regarder autrement et apprendre pour cela. Nous vivons une modification radicale de notre être en profondeur et voyons notre vie changer. Cette mutation ou transformation nécessite un lieu et un temps séparés du monde, c’est pour cela que cela ne peut se faire que dans un lieu sacré symbolisé par le Temple maçonnique : parvis/Temple. L’initiation est fondée sur une volonté personnelle de la profane pour exécuter sur elle un travail personnel pour réaliser une œuvre à caractère social, avec l’ensemble des autres maçons. L’initiation est fondée sur l’effort, l’acceptation de soi comme étant imparfait, c’est l’humilité. Ce passage entre le parvis et le Temple, pour accéder à ce dernier est toujours soumis à des épreuves, comme le soulignera la T\ V\ à notre profane lorsqu’elle entrera dans le Temple. De toutes les époques de la civilisation, de tout temps, de toute société, cette étape a ses épreuves, appelées « Ordalie », « baptême » etc. Irène MAINGUY a repris une citation de GUERILLOT : « les voies initiatiques...sont difficiles et réclament des efforts incessants. Aucune ne confère de pouvoirs, de supériorité, de savoirs cachés mais toutes sont des voies d’humilité et d’accomplissement du devoir » qu’il faut distinguer des contre-initiations « ...elles utilisent aussi des rites, des symboles forgeant un pseudo-ésotérisme...mais ne laissent derrière elles que le sang, la sueur, et les larmes ». PASSAGE : La porte s’ouvre avec grand bruit. La profane se sent emporter sans maîtriser tout ce qu’elle ressent. Elle semble subir, objet et non plus acteur. Elle est happée par l’inconnu, comme dans un courant qui l’amène vers l’inconnu, le STYX ? Il est trop tard pour rebrousser chemin, l’action est en route. C’est alors qu’elle est amenée à franchir le passage entre le parvis et le Temple. En architecture ce passage est symbolisé par une porte. Une simple porte. Mais ce symbole est plus : c’est le fondement de l’initiation, une sorte de frontière passée avec une autorisation, un visa, un diplôme reçu. C’est le lieu d’accès marquant la limite entre l’enceinte du sacré et le monde du profane. C’est une obligation égalitaire quel que soit la qualité sociale de la profane. Mais cette porte ne saurait être assimilée aux fourches caudines, c’est-à-dire « Être obligé de passer par une défaitecuisante et humiliante ou subir des conditions humiliantes ». Bien au contraire. C’est une élévation qui va en découler, car sinon c’est anéantir le principe fondamental de la Maçonnerie. C’est une extraction volontaire vers le sacré. Le passage pour concrétiser une intention de changement d’état, actif, conscient, en vue d’un accomplissement de l’être et se trouver dans un lieu protecteur, porte fermée et garder par une sentinelle, la sœur Tuileuse. Dans le langage vulgaire, on utilise beaucoup de termes pour exprimer ce passage, avec son aspect volontaire de modestie et d’humilité puisque l’impétrante est encore profane vivant dans ses ténèbres et aspire aller vers la Connaissance, la Lumière, symbolisée par la T\ V\ au plateau à l’Orient, le « guide » en terme profane, assistée de deux autres lumières, les deux surveillantes qui l’a prendront en charge pour la poursuite de son chemin initiatique. C’est une extraction. On fait allusion au fœtus qui sort des ténèbres, de la matrice ou de l’eau pour aller vers la lumière. L’impétrant se baisse pour traverser ce passage. Elle ne se trouve pas dans une position humiliante, mais d’humilité. Elle se soumet volontairement au passage difficile du monde profane vers le monde sacré ; elle se courbe, subit cette épreuve volontairement, comme une plante sort de la terre et se redresse vers la Lumière. Elle est encore entravée par le monde des ténèbres. L’aspect de cette porte symbolise cet effort de passage décidé par l’impétrant qui devra travailler sur elle dès qu’elle quitte le parvis du Temple. Cet aspect de la porte symbolise « un début de prise de conscience de l’état d’ignorance dans lequel on est et de la nécessité d’un guide » qu’écrit Irène MAINGUY. En outre, on peut dire que si la profane franchit cette porte d’humilité, symbolisée par tous moyens telle qu’une porte basse, lorsqu’elle accède au Temple, elle se trouve à nouveau dans une autre porte, le Temple, celle qui la conduit à découvrir les autres moyens et épreuves pour poursuivre son travail qu’elle a commencé lorsqu’elle a quitté le parvis du temple pour y entrer. De ce fait, le symbole AYIN est par une simple lettre de l’alphabet le symbole de ce passage, d’un certain passage. Cette idée de porte/passage qui symbolise l’effort à faire se retrouve dans le « rocher de Sisyphe » qui a donné une expression de la langue courante pour caractériser une tâche ardue qu'il faut sans cesse reprendre. Ce mythe a ainsi inspiré l'ouvrage d'Albert Camus intitulé Le Mythe de Sisyphe. J’ai dit. M\ S\ L\ |
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