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La bible des Francs-Maçons

La franc Maçonnerie est essentiellement adogmatique, elle tolère toutes les croyances et toutes les religions ;le franc Maçon est libre de croire ou ne pas croire, aussi la présence de la bible ou plus généralement, du volume de la loi sacrée, le rôle  qu’elle joue ou ne joue pas, dans le lieu maçonnique en tant que lumière, ou que meuble, m'a conduit à rechercher l'origine de cette présence dans nos rituels.

C'est un problème relativement complexe, car à la présence de la bible dans l'atelier et au rôle qu'elle joue ou non, s'ajoute la particularité qu'elle partage avec le compagnonage, par toute une série de légendes parabibliques qui développent le récit pour en tirer une leçon symbolique ou morale ; enfin, l'extraordinaire  variété des mots correspondant à chaque grade, mots de passe, mots sacrés, dont bien des rites et tout particulièrement le rite Ecossais Ancien Accepté en ses trente trois degrés ne sont pas avares.

Je  serai sans doute incomplet,mais j'ai privilégié les rites que nous connaissons bien, que nous pratiquons régulièrement ou occasionnellement,, c'est à dire le rite Français, le rite écossais ancien accepté et le rite Ecossais Rectifié ;je me suis largement inspiré du travail du prof. Daniel Ligou, professeur à la faculté des sciences humaines de Bourgogne ;

Notons que le schibboleth de la régularité de la grande loge unie d'Angleterre, n'est pas la bible stricto senso mais le volume de la loi sacrée, c'est à dire tout livre de base à caractère religieux et la croyance dans le Grand Architecte et à sa volonté révélée ;

Effectivement, partout où la Bible n’est pas la nourriture quotidienne des Frères, elle s'estompe ou disparait, au profit du « livre de la constitution », en Belgique et en France, évolution qui n'est nullement incompatible avec la croyance au Grand Architecte ainsi que le montre l'histoire du Rite Français de 1787 à 1878 où on prêtait serment devant le Grand Architecte ainsi que  sur le livre de la loi.

Analysons d’abord notre premier point :la Bible, instrument en loge, sur laquelle on prête serment. Il n'est point besoin de faire preuve de vaste érudition pour constater que la Maçonnerie « opérative », celle des bâtisseurs, très liée au monde clérical au moins par la construction des cathédrales, était, comme d'aileurs l'ensemble des corps de métiers, des guildes d'artisans », des compagnies diverses d'inspiration chrétienne, catholique en Angleterre jusqu'à la réforme, anglicane ou réformée par la suite. En France,Italie, Espagne, ils sont restés fidèles à l'église Romaine  jusqu’à leur disparition naturelle ou leur suppression révolutionnaire.

Il est difficile d'affirmer que la Bible ait  figuré dans le matériel des loges opératives anglaises avant la réforme, au moins d’après ce que nous permettent de saisir les « old charges » . Par contre, nous savons qu'on y prêtait serment, ce qui n'a rien d'original, puisque le » métier juré » était un peu partout la règle. Le fait est que les premiers documents, le régius(1370) et le Cooke(1420) sont parfaitement silencieux. Aussi aucune hypothèse n'est à exclure : la Bible lorsqu’on pouvait s'en procurer une, avant le développement de l'imprimerie n'était pas si aisé. De toute façon, le serment avait un caractère religieux qu’il a conservé, sauf dans la Maçonnerie « sécularisée ».

Les documents plus récents, mais aussi postérieurs à la réforme, sont p)lus explicites et le serment sur la Bible est, le plus souvent, affirmé par le » grand Loge manuscrit » n°1(1573) et le « Manuscrit  d'Edimbourg »(1696). Je cite,On leur fait prendre la Bible et prêter serment et le postulant jure sur le livre saint par « Dieu et Saint Jean » On peut donc admettre que, depuis la réforme, le serment sur la Bible était devenu la règle, ce qui faisait dire à l'historien FrançaisA. Lantoine que c'était là un « landmark de contrebande huguenote »  Mot amusant,mais indiscutablement exagéré.Cette constatation ne doit pas nous faire perdre de vue la parfaite orthodoxie catholique d'abord, anglicane ensuite, des « Old Charges » .

Si la Maçonnerie était restée fidèle à cette orthodoxie, elle n'eut pu avoir de prétentions à l’universalisme. Et c'est d'ailleurs ce qui s’est régulièrement produit chaque fois que l'on a voulu rattacher plus strictement le rituel Maçonnique à une confession .Le rite suédois, d'essence luthérienne, n’a pas débordé de son pays d'origine. Le rite Ecossais Rectifié, de tonalité nettement chrétienne, a vu son expansion  limitée.

Par contre, le rite Ecossais Ancien Accepté, les rites agnostiques, et les rites anglo-saxons » déconfessionalisés » sont susceptibles d'un développement infini .c’est donc le grand mérite d'Anderson et des créateurs de la grande Loge de Londres d'avoir parfaitement compris le problème .Les constitutions de 1723 ont permis cet élargissement, bien dans la ligne d'une Angleterre déjà orientée vers l'extérieur.

Donc,en pays chrétien, la Bible était et est restée le volume de la loi sacrée, les témoignages du 18ème siècle sont à peu prés unanimes et les choses n’ont guère changées. En pays anglo-saxons, elle est la première « lumière symbolique », l'Equerre et le compas étant les deux autres. Au rite émulation actuel, la Bible doit être ouverte sur le plateau du Vénérable, orientée en tel sens que le dignitaire puisse la lire et recouverte par l’équerre et le compas. La page à laquelle le livre est ouvert n'est pas indiquée, mais il est de tradition-et de bon ton,   de l'ouvrir à l'Ancien testament lorsqu'on initie un israélite. Aux Etats Unis, la Bible  est généralement déposée sur un autel particulier au milieu du Temple.

Au REAA, la Bible est présente, ouverte pendant les travaux et placée sur l'autel des serments installée au pied des marches conduisant à l'Orient et qui est recouvert d'une étoffe bleue bordée de rouge, les couleurs de l'ordre. On l ‘ouvre à tout endroit ;, mais de préférence à Chroniques 2-5 et à 1 Rois 6-7 où il est question de la construction du Temple de Salomon.

En France, la Bible a connu des sorts différents. Les documents les plus anciens que nous possédons témoignent d'une grande religiosité, d'orientation quelque peu janséniste,et nous savons, par les textes d'origine policière, que la Bible était ouverte au premier chapitre de l’évangile de Jean. Tradition qui s'est parfaitement conservée au rite rectifié, d'inspiration nettement plus chrétienne. Mais, en pays catholique, la Bible n'est pas, comme en Angleterre, la nourriture spirituelle de la majorité des citoyens, d'autant mieux, que le concile de Trente en avait limité les possibilités de lecture pour les simples fidèles. Ainsi, tout en conservant une expression religieuse sous forme du Grand Architecte,qui ne sera remise en question qu'en 1877, la Maçonnerie française, dans son expression  majoritaire, la Grande Loge, puis le Grand Orient, vit disparaitre lentement le livre de « l’outillage des Loges » dés le milieu du siècle. Lorsque dans les textes d'unification du Rite Français de 1785-1786, le « Livre des Constitutions » prit place à côté de l'équerre et du compas, sur le plateau du Vénérable, il n'y eut aucune protestation et même les Anglais ne s 'en formalisèrent pas.

Sauf dans les rites totalement sécularisés,comme l'actuel rite français, les serments qui  accompagnent l'initiation et les augmentations de salaire, sont prétés sur le Volume de la Loi Sacrée. Ce qui, en 1738, irritait fort le pape Clément XII qui, dans la célèbre bulle d'excommunication « in Eminenti, parle du  serment strict prêté sur la sainte Bible. Il est bien évident que, pour le monde Anglo Saxon, un serment n'a de valeur que pour autant qu’il a une portée religieuse, attitude que l'on retrouve dans les tribunaux ou lors de l'inauguration d'un président américain.

Il n'y a pas eu de gros changement en trois siècle ; au rite écossais rectifié, qui a conservé quelque chose de la tradition chevaleresque de la maçonnerie française des lumières, parfaitement absente en pays anglo- Saxon,   le candidat pose sa main sur l'épée nue du Vénérable posée sur la Bible  ouverte au premier chapitre de saint Jean. La promesse est faite sur le » Saint évangile. Au rite Ecossais ancien accepté, le postulant place sa main droite sur les trois grandes lumières qui sont sur l'autel des serments, et sous l'invocation du Grand Architecte de l'Univers, le postulant jure solennellement sur les 3 grandes lumières de la F.M.

Le récit légendaire, c'est à dire les antiquités de l'ordre, s'est développé à travers les old charges jusqu'à Anderson qui lui a donné sa forme définitive ;Tout ce matériel, dans l'ensemble homogène, devait être mis en œuvre de façon rationnelle, au moment où la maçonnerie cessait d'être affaire de gens de métier pour devenir affaire de gentlemen qui connaissaient leur Bible et avaient quelque teinture d'humanisme. C'est Anderson qui se chargea de la tâche, Il connaissait les Ecritures, aussi le révérend a-t-il réalisé un récit cohérant, ne laissant aucune place aux légendes ; Les anachronismes disparaissent grâce à un cadre de dates précis et relativement exact.

Le pasteur voit nettement le flambeau passer de l'histoire biblique au monde mésopotamien et grec dont les architectes sont issus en droite ligne de « l’école de jérusalem », c'est à dire des élèves de Maître Hiram et dont les techniques passèrent ensuite à Rome et à l'occident ;, le Temple d'Hérode, le Nouveau testament sont totalement occultés. Le Christ est cependant mentionné comme Grand Architecte de l'église.

Le XVIII)me siècle verra s'introduire le Nouveau Testament, essentiellement sous la forme de la Rose Croix, où viennent interférer des éléments de mysticisme luthérien, du rite Ecossais rectifié qui s'affirme ouvertement maçonnerie chrétienne de quelques hauts grades de la maçonnerie anglo saxonne.

Il est permis de se demander pourquoi le Nouveau testament est si parfaitement absent dans la légende historique ancienne est très  réduit de nos jours ; il est vrai que le nouveau testament ne compte guère de « bâtisseurs « ni de textes donnant naissance à une tradition, une légende ou un rite.

Je terminerai en évoquant les légendes, c'est un caractère  qui permet  d'insérer dans la trame même du récit plus ou moins historique, tel qu’il est énoncé par les clercs,  des légendes para ou pseudo bibliques ; Le principe est simple : on prend un personnage mentionné dans la bible et on lui attribue toute une série d'aventures ; bien entendu, aucun frère n'a jamais vraiment cru que l'architecte Hiram avait été tué par trois mauvais compagnons, ou que l'architecte de la tour de Babel, saisi de remords, s'était retiré dans les brûmes du Brandebourg.

Anderson  suit la trame de l'histoire biblique et profane, mais ne mentionne nulle part ces légendes dont certaines sont très anciennes mais qui, jugeait sans doute Anderson, n'avaient  rien à faire dans un récit sérieux. A peine mentionne t’il l'historien  juif  josèphe, et on note seulement la mention de  la légende des deux piliers édifiés par le pieux Enoch.

Bien entendu je laisserai à l'écart tout ce qui est para maçonnique, qui n'a pas pu entrer dans l'organisation classique de l'ordre comme les légendes compagnonniques ou  celles de la maçonnerie du bois :

Cette planche m'a beaucoup appris, j’ai essayé de la condenser ; historiquement, j’ai suivi les références de Daniel LIGOU, mes connaissances des origines de la Maçonnerie étant encore assez succintes.FRATTINI Jean-Pierre

J’éspère avoir laissé assez de temps pour profiter de votre  culture maçonnique en la matière,et je profiterai de vos remarques avec bonheur ;


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