Obédience : NC | Loge : NC | 11/12/1996 |
La « Colonne Manquante » C'est un fait, une colonne manque. Ce détail, claque apprenti le remarque très tôt, dès la fin de son initiation, ceci d'autant plus que la « colonne manquante » est située au Nord-Est, à un endroit voisin de celui où le nouvel initié est invité à s'asseoir pour la première fois à côté de ses frères. Comment savons-nous qu'il manque une colonne ?... Simplement parce que le pavé mosaïque étant rectangulaire et garni à trois de ses sommets d'une colonne, notre esprit cartésien a besoin de compléter logiquement et voit, en imagination, au quatrième sommet, la colonne qui manque, ce qui est contraire à la raison en un lieu où tout devrait être perfection. Remarquons d'abord que chaque colonne, chacune des trois colonnes existantes, supporte une lumière, est ornée d'un chapiteau d'ordre grec différent et est désignée par un nom bien précis. Ceci conduit à penser que l'on pourrait aussi bien dire : la Lumière manquante, l'Ordre manquant, ou le Nom manquant. Mais notre sujet est « La Colonne Manquante >, aussi réfléchissons donc d'abord à cette colonne qui manque. Si les colonnes avaient été disposées autrement, aux trois sommets d'un triangle équilatéral par exemple, rien n'aurait manqué et l'édifice sur trois appuis pourrait être construit, être viable, comme la voûte en voiles minces de béton armé du Palais du CNIT à la Défense qui repose sur trois appuis inscrits dans un triangle équilatéral de 216 m de côté. Mais il faut se résigner ; Structurellement une colonne manque, et comme une loge est un véritable texte symbolique, cela doit avoir une signification. Cherchons ensemble. D'une manière globale, nous savons qu'une loge joue par rapport à nous le rôle symbolique du macrocosme. Ceci veut dire que ce que notre sensibilité perçoit d'une manière plus ou moins consciente dans ce résumé du monde qu'est une loge, nous pouvons en trouver la source. Constatons d'abord que nous nous trouvons devant une structure dissymétrique qui, psychologiquement, est perçue comme une anomalie. Cette anomalie, du fait qu'elle est située dans la partie centrale de la loge est fortement ressentie. Elle peut être vue comme un appel à faire quelque chose, à compléter,. à réparer, â construire, un appel certain à l'action, au mouvement. La colonne manquante est alors comme un bras levé ou un pied en avant, signe d'un mouvement en cours. Elle est, en ce sens, symbole d'une dynamique dont nous ignorons la signification. D'autre part, l'anomalie de la colonne manquante rompt l'harmonie d'un cycle. Elle constitue, elle marque un point de rupture sur le trajet circurnambulatoire des Frères. En effet, à ce coin du « pavé mosaïque » la signalisation manque. Que peut signifier ceci ? Cela signifie sans doute qu'un cycle n'est jamais totalement clos. Il y a toujours un point où quelque chose de non prévu peut se passer. Il y . a toujours, même dans les situations les plus désespérément mécanisées, une porte à ouvrir. Il y a toujours un défaut de balisage, un lieu où pour un instant l'homme perçoit à la fois sa solitude et la possibilité qu'il a, par un acte additionnel, de modifier le cours de son destin. Le lieu où manque la colonne serait alors ce lieu où l'homme prend conscience d'un instant de liberté, d'un instant d'égalité avec ce qui est en haut. Mais en présence de cette anomalie au centre de la loge, c'est peut-être aussi un sentiment d'imperfection qui sera fortement perçu. Imperfection du boiteux, marche sur trois colonnes au lieu de quatre, imperfection du borgne, imperfection qui correspond pour nous dans le meilleur des cas â l'imperfection du mortel. Par analogie la colonne manquante note alors, souligne, la conscience que nous avons de notre propre imperfection, de la blessure originelle que nous portons en nous et qui s'est précisée, concrétisée au fil des ans. C'est alors à la fois le symbole de ce qui nous manque et que nous cherchons. C'est le centre de notre problème, celui que nous avouons difficilement, même à nous mêmes, celui qui nous a mis sur la route, celui qui nous a forcé à prendre le chemin du retour, celui à cause duquel chacun de nous est ici... C'est le problème qui n'a pas encore trouvé de solution, puisque la colonne manque. La colonne manquante est alors l'origine, la cause première de la grande quête, celle qu'en d'autres lieux, en d'autres temps, en d'autre culture, on a appelé la Quête du Graal, celle où il faut partir seul et où la signalisation manque. Après l'approche rationnelle et l'approche psychique que nous venons de terminer, nous allons maintenant aborder l'approche spirituelle. A ce changement de niveau, il nous apparaît important de nous poser la question de savoir si la colonne manquante a existé dans le passé, si elle doit un jour exister dans l'avenir ou bien si elle existe, et que notre oeil imparfait ne la voit pas ? Cette question est importante car elle oriente la dynamique dont nous avons parlé précédemment. Si nous devons comprendre intuitivement que nous venons de passer de quatre colonnes à trois, que. jadis la quatrième colonne était devant nous, que nous l'avons laissée derrière nous, que notre chemin est tel que nous n'avons plus que trois colonnes à passer avant de rejoindre l'unité, nous sommes dans une dynamique d'involution, dans un processus d'intériorisation mystique. Nous nous rapprochons symboliquement de la colonne unique, de celle qui communique avec le ciel, de celle où tout devient immobilité. Inversement, si nous imaginons que dans l'avenir, nous devons construire la colonne manquante, nous sommes dans une dynamique d'évolution et nous nous éloignons de l'unité, nous poursuivons la création, nous multiplions notre présence dans le monde, nous sommes dans un processus d'extériorisation. Après la quatrième colonne il y aura sans doute bien d'autres colonnes à construire : une forêt de colonnes où nous nous enliserons dans la multiplicité, dans un panthéisme plus ou moins conscient. Il reste cependant 1a troisième hypothèse : la colonne manquante existe et nous ne la voyons pas. Notre recherche ou notre inquiétude devient alors un processus de valorisation de l'instant, d'intensification du maintenant. Intensification qui sera faite d'amour et qui sera capable de transformer, si la grâce nous aide, l'obscurité en lumière, le profane en sacré, l'absence en présence ineffable. C'est une montée perpendiculaire à l'axe spatio-temporel précédent. Cette poussée intensificatrice de l'instant peut également s'inverser négativement vers le bas en particulier sous forme d'angoisse. Nous retrouvons ainsi un schème cruciforme qui est une variante des thèmes guénonniens sur le symbolisme de la croix, thèmes qui ont été repris et développés considérablement par Raymond Abellio dans son livre sur la « structure absolue ». Ainsi toutes les méditations sur la "Colonne Manquante" s'inscrivent à des degrés divers dans l'une des trois catégories suivantes : - involution vers l'unité, - évolution vers la manifestation, - intensification positive ou négative de l'instant. Il faut remarquer cependant que l'intensification de l'instant est globalisante du couple involution-évolution. Elle cloue ce couple au centre de 1a croix. Ce clou marque un point particulier qui est notre conscience d'être. Point qui est en attente de la « Lumière ». Par contraste, la colonne manquante devient alors le symbole de l'obscurité, de notre ignorance, de notre solitude, de notre manifestation corporelle illusoire. Ici, il est peut-être temps de constater que dans les rituels il n'est pas question de la « colonne manquante » et qu'en dehors de quelques planches d'apprentis qui ne sont jamais commentées, il n'existe aucun document sur ce sujet. L'absence d'information crée toujours l'inquiétude. Mais l'atmosphère toujours bienveillante d'une loge, la profonde sympathie intellectuelle, la quête sincère que l'on pressent, nous engage à chercher, à puiser au fond de nous-mêmes et à confer à nos Frères un travail plus intime qu'en tout autre lieu nous garderions pour nous. Faute de références extérieures, nous avons donc été conduits, pour approfondir notre sujet, à nous servir des outils que la Tradition kabbaliste a mis à notre disposition, l'Arbre de Vie, le cube de l'espace, le Tarot, l'Hébreu. La technique pour ce genre d'investigation est la méditation. Elle consiste à se mettre en état de relaxation, à poser une question précise, à l'orienter et à attendre. Attendre comme un pêcheur à la ligne au bord de la rivière. Attendre le poisson-réponse et prendre aussitôt des notes. Des méditations faites, nous en avons retenu deux que nous avons réduites à leurs structures parce que notre temps est limité et aussi parce que nous pensons que la perception doit être plus intuitive que langagière. Première méditation Quel est le nom de la « Colonne manquante » ? Attachons-nous aux noms des trois colonnes visibles Les trois grands piliers qu'on nomme : Sagesse; Force et Beauté. La tradition a l'habitude de voir trois colonnes en filigrane derrière « l'Arbre de Vie » de la Kabbale Hébraïque. Nous rappelons que : La sagesse, Hochmah, qui est le nom de la deuxième Sephira se trouve en haut de la colonne de droite, celle qu'on nomme « Miséricorde » et qui se rapporte aux actions passées, pour lesquelles il faut beaucoup pardonner. La Force, Gebourah, qui est le nom de la cinquième Sephira est située sur la colonne de gauche, celle que l'on nomme « Rigueur » et qui se rapporte aux actions futures, pour lesquelles il faut beaucoup exiger. Enfin, la beauté, Tiphereth, qui est le nom de la sixième sephira, est situé sur la colonne du Centre, celle de l'équilibre et de l'instant ; instant de l'entrée dans le sacré, où tout est possible par amour. Nous ne trouvons là que trois colonnes; de même qu'il n'y a que trois ordres grecs d'architecture classique. La « Colonne Manquante » ne trouve donc pas sa place. I1 n'y a donc pas de solution suivant l'axe horizontal spatio-temporel dans lequel se déploient les trois colonnes visibles. La seule possibilité est alors dans l'intensification de l'instant, c'est à dire, comme nous l'avons dit, dans la montée ou 1a descente sur un axe perpendiculaire au précédent. Cette opération est globalisante de la dialectique qui accompagne les trois colonnes existantes. Elle est changement brusque de dimension au sens mathématique de ce terme. Cette opération caractérise la voie dite du « milieu ». Elle marque une discontinuité comportementale, un passage à ce que Henry Corbin appelle l'imaginal. Ainsi, ce qui globalise et intensifie les trois colonnes vers le bas c'est leur fondation, et plus bas encore la Terre, le Royaume, la dixième Sephira : Malkouth. Ce qui globalise et intensifie les trois colonnes vers le haut ce sont les trois Sephiroth Célestes et plus particulièrement celle du sommet, Kether : la Couronne. Ce qui manque à l'endroit de la colonne manquante pourrait donc être le Nom manquant qui serait double, semblable au sceau de Salomon un triangle vers le bas : le Royaume. Un triangle vers le haut : la Couronne. Tout ceci peut se dire d'une manière plus directe : Les pieds sur terre : le Royaume. La tête dans le ciel : la Couronne. Entre les deux, notre existence temporelle et illusoire, la Colonne manquante. A ce sujet la tradition chrétienne s'exprime ainsi : Apocalypse de Jean - Lettre à l'Eglise de Philadephie 3/11 « Je viens bientôt Tiens ferme ce que tu as, pour que nul ne te prenne ta couronne » Le vainqueur, j'en ferai une colonne dans le temple de mon Dieu, il n'en sortira jamais plus et j'inscrirai sur lui le nom de mon Dieu et le nom de la cité de mon Dieu, la Jérusalem nouvelle qui descend du ciel d'auprès de mon Dieu, et mon nom nouveau ». Deuxième méditation Quel est le sens donné à la Colonne Manquante par la direction Nord Est ? Imaginons un instant un parallélépipède rectangle dont les douze arêtes seraient constituées par les quatre bords du « Pavé mosaïque.», les quatre colonnes dont celle manquante et dont la face supérieure serait réalisée par le rectangle virtuel formé par les lignes joignant les trois lumières et la lumière manquante. Ce parallélépipède ou cube long est une réduction homothétique du volume occupé par la loge. Compte tenu de l'orientation de la loge la Colonne Manquante occupe l'arrête Nord Est. C'est l'arête, nous le verrons, qui matérialise selon les kabbalistes le début et la fin des cycles. Elle est le lieu où sont juxtaposés l'obscurité du séjour des apprentis au Nord et la lumière qui accompagne le Vénérable Maître à l'Est. La direction Nord Est est, comme nous le pressentirons plus loin, 1e lieu des rapports entre le Père et le Fils, entre le Vénérable Maître et l'apprenti. La lecture de ces rapports pourra se faire â tous les niveaux et dans toutes les situations. Elle signalera la discontinuité, le décalage de degré, parfois même l'incompréhension, voire l'opposition. Au sujet du cube long défini plus haut, certains enseignements traditionnels ont . reconnu un cube de l'espace orienté pour lequel, en particulier, une clef du Tarot est attribuée à chacune des douze arêtes. L'arête Nord Est, correspondant à la Colonne Manquante est occupée par la clef quatre du tarot qui est celle de l'Empereur. Remarquons que cette clef symbolise le début de plusieurs cycles. En particulier l'Empereur correspond au premier signe du zodiaque : le Bélier. Le Bélier rappellera certainement à chacun de nous le tablier blanc en peau d'agneau qu'il a reçu le jour de son initiation, précisément à un endroit situé au Nord Est de la loge. Mais si l'Empereur est en rapport avec l'agneau, il est aussi à son degré le plus élevé le symbole de la manifestation du Seigneur qui voit, qui ordonne, du Dieu de colère qui brûle les idoles, du Dieu de la première Alliance. Le Dieu qui demande à Abraham le sacrifice de son fils, le sacrifice de l'agneau. La Colonne Manquante, par son orientation, est donc bien celle du lieu du rapport du Père et du Fils, du Vénérable et de l'apprenti, de la Lumière et des Ténèbres. Par ailleurs, la clef quatre, l'Empereur, symbolise également la première étape du Grand Oeuvre Alchimique qui est appelée : là Calcination. Elle consiste à purifier l'âme par le feu, à purifier la psyché par la conscience. D'autre part, il faut savoir que la lettre hébraïque il est attribuée à la clef quatre. Elle signifie traditionnellement : la fenêtre. La fenêtre est un élément de la maison qui permet à la lumière de pénétrer â l'intérieur. C'est une trouée dans le mur, une partie du mur manquant qui permet de voir. Enfin, pour terminer, â la lettre Π est attribuée par la tradition kabbaliste, l'intelligence constituante : ''Saykel ma'amiyd" C'est l’intelligence qui permet de changer de degré, de changer d'âge, celle qui calcine le passé, celle qui crée de nouvelles structures, celle qui oriente et insuffle, celle qui prépare l'avenir. C'est l'intelligence qui fut donnée à Abraham. II est remarquable de constater, . en conclusion, que 1e mot « ma'amiyd » a pour racine un verbe qui signifie "s'élever" , se tenir droit, ferme, debout et que cette même racine donne le mot ` : "amoud" qui signifie colonne. L'intelligence constituante de 1a direction Nord Est de la Colonne Manquante est donc aussi l'intelligence qui permet de s'élever comme une colonne. C'est l'intelligence de la première Alliance. Celle qui conduisit, plus tard le peuple Hébreu dans le désert : Exode' 13121 « Le Seigneur lui-même marchait â leur tête: colonne de nuée le jour pour leur ouvrir la route, colonne de feu la nuit pour les éclairer, ils pouvaient ainsi marcher jour et nuit ». Puissions nous mes Frères avoir des yeux pour voir nous aussi cette colonne qui, pour l'instant manque encore. Troisième méditation Recherche du signifiant de la Colonne manquante à partir de sa place dans la procession descendante du quaternaire originel. Voici d'abord l'analyse succincte d'un texte de Qonyawi (13éme siècle) gendre et principal disciple d'Ibn Arabi. Ce texte décrit la création du monde. Pour ce mystique Soufi, la manifestation résulte de l'union, de la combinaison entre eux, de quatre noms divins essentiels, ceci sous la tutelle de la Miséricorde Divine. Au commencement apparaît une Vapeur Cosmique dénommée « Nuée Primordiale ». Le Respir miséricordieux sort de cette nuée. Il est le premier engendré, la première apparition ontologique. Animé par l'Impératif divin, il crée aussitôt les quatre premiers archétypes solitaires. Ces quatre archétypes constituent la substance des principes producteurs de formes. Ils sont désignés par les noms essentiels : - La volonté - La Capacité - La Connaissance - La Vie Le Nom « La Volonté » est l'agent de toutes les Unions entre les Noms qui engendrent ainsi les concepts du monde réel. « La Volonté » pénètre toutes les choses ; elle soutient l'orientation secrète de l'Impératif divin. Par des « Unions Nuptiales ». successives, de niveau en niveau, la procession du quaternaire originel descend progressivement dans la manifestation. Nous arrêtons ici ce résumé qui est le point de départ de notre méditation. Constatons d'abord que le quaternaire de Qonyawi est originel, il est la cause première de toute la manifestation. Il est ensuite générateur de toutes choses mais aussi de tous les quaternaires que nous verrons émerger à toutes les époques dans tous les milieux et qui se trouveront aussi, parfois, parfaitement explicités par les plus grands penseurs, par les traditions les plus diverses ; ou bien cachés, latents dans les formulations les plus inattendues, les plus inconscientes mais aussi toujours les plus signifiantes. Remarquons aussi que chaque fois qu'un quaternaire est identifié, il constitue un rappel du Respir du Miséricordieux. Nous y percevons la présence réconfortante du Seigneur. Par cette présence nous savons que Dieu veut, Dieu peut, Dieu sait, Dieu est. Enfin le quaternaire originel devient souvent le fondement d'une pensée, elle même originale. Ceci à l'insu de tous. La liste des vestiges de la procession descendante est longue. Citons, à titre d'exemples pour en percevoir l'ampleur : - Les 4 éléments d'Empédocle, - Les 4 causes premières d'Aristote. - Les 4 vivants du Char d'Ezékiel - Les 4 mondes de la Kabbale - Les 4 composants de la pulsion de Freud - La Tétralogie de gagner - Le quadriparti d'Heidegger - Les 4 discours de Lacan et enfin notre sujet - Les 4 colonnes de notre Temple dont l'une manque. Constatons d'abord que ce que nous avons dit et que nous allons dire ne peut devenir évident, certain, homogène que si nous pouvons passer du quaternaire originel à un autre, puis de celui-ci à un autre encore et ainsi de suite, par un glissement, un déplacement sémantique acceptable par notre conscience et notre raison. Les linguistes et les psychanalystes, en particulier pour l'interprétation des rêves, ont reconnu et décrit deux modes principaux de glissement symbolique du langage qui sont la métaphore et la métonymie. Avant de définir ce que sont ces deux modes remarquons que la psychanalyse est montante vers l'inconscient alors que notre démarche est descendante vers la manifestation. Une métaphore consiste à désigner quelque chose au* moyen du nom d'une autre chose. C'est une substitution signifiante. Ainsi le Nom essentiel « La Vie » peut être remplacé par le nom « Terre ». Ce transfert constitue une descente métaphorique de la vie dans le réel. En effet, la terre est le lieu où la vie se manifeste et s'épanouit. La métonymie est un processus de changement de dénomination où un objet est désigné par le nom d'un autre objet qui exprime une de ses qualités ou une dépendance de nature ou de fonction. Le nom « Terre » peut, selon ce procédé, être désigné par le nom « Beauté ». La terre est ainsi qualifiée par un de ses aspects qui se substitue à. Ici, nous ouvrons une parenthèse pour remarquer que dans notre rituel le symbole de la « Terre » reste attaché au « Cabinet de Réflexions » à l'extérieur du Temple. On pourrait donc parler de la terre séparée et, pourquoi pas, de la terre manquante ! Eh bien !... chose merveilleuse, la procession descendante du quaternaire originel la fait réapparaître à l'intérieur de la loge. Nous dirons symboliquement et d'une manière allusive : aussi belle et radieuse que jamais en la personne de la Colonne « Beauté », Pour que la suprématie du réseau du quaternaire originel se maintienne dans. sa descente à travers la manifestation, il faut que le glissement des signifiants soit cohérent sur les quatre points d'appui de sa structure. En particulier, il doit en être ainsi lorsqu'il s'agit de le rapprocher des quatre colonnes de notre Temple dont l'une manque. Nous avons ouvert la voie en examinant le cheminement du Nom essentiel « La Vie » qui correspond à la colonne « Beauté ». Continuons. Le Nom essentiel « La Capacité » transmet d'abord une partie de son sens au nom « Force ». C'est une métonymie. Avoir la capacité de faire, c'est en particulier avoir la force de faire. Le nom « Force » est remplacé ensuite par le nom « Air ». C'est une métaphore, la force s'exerce dans le mouvement, dans l'espace, dans .l'air. La colonne « Force » est ainsi confirmée dans sa dénomination. Le Nom essentiel « La Connaissance » descend vers le nom « Sagesse». C'est une métonymie. La sagesse est la partie de la connaissance qui est centrée sur le bien et l'harmonie. Le nom « Sagesse » est ensuite remplacée par le nom « Eau ». C'est une métaphore poétique. La sagesse doit être précieusement recueillie comme l'eau. Elle est symboliquement, comme l'eau, fluide et limpide. La colonne « Sagesse » de notre Temple fait donc bien partie, comme les deux précédentes, d'une famille de la procession descendante du quaternaire originel. Il nous reste à étudier la colonne manquante. Appuyons nous sur la même structure de déplacement des valeurs sémantiques. En suivant la cohérence de la topologie quadripartite, le Nom essentiel « La Volonté » arrive à l'endroit de la « Colonne manquante » et lui insuffle le signifiant qui est l'objet de notre recherche. Ce signifiant est lui même transmis au nom symbolique « Feu ». Que signifie tout ceci ? Dans le silence, une certitude s'impose : un saut sémantique important est nécessaire. Ici une absence doit signifier une présence. Cette présence est de nature ignée, flamboyante, éblouissante. Elle est là, interdite à nos yeux, étrangère à notre conscience, cachée dans l'au delà de sa nature originelle. A, ce point nous pensons qu'il faut transgresser l'interdit et affirmer La Colonne manquante est le symbole de la présence de la Volonté de Dieu dans notre loge. Le refuge habituel qu'est la notion d'ineffable nous permet d'arrêter ici notre méditation. Avant de conclure, remarquons que tous les transferts de signifiant, tous les déplacements de sens, toutes les substitutions de nom sont soutenus par l'expérience que nous faisons d'entendre au dedans de nous l'accord, l'approbation sans équivoque de la voix de celui que la psychanalyse appelle < l'Autre ». Pour nous, ces réceptions subjectives que nous entrevoyons en nous même dans l'instant de notre méditation, nous les identifions â des théophanies et nous remercions le Respir Divin d'en avoir permis la venue jusqu'à nous. Pour finir voici une citation de Jacques Lacan qui est une justification très concise et très réconfortante de notre travail. " Une structure quadripartite est depuis l'inconscient toujours exigible dans la construction d'une ordonnance subjective ". (Ecris page 774.) J\ M\ Bibliographie Qonyawi : Thèse de Stéphane Ruspoli 1978 « La clef du Monde Suprasensible » de Sadroddin Qonyawi né en 121 0, Anatolie. Empédocle: Les Présocratiques. La Pléiade.Gallimard. Aristote: La Métaphysique. livre A. Librairie philosophii.que.J.Vrin Ezékiel : I, La Vision de la Gloire. T.O3 Freud: La métapsychologie. Pulsions et destin des pulsions. FolioEssaisGallimard. Heidegger: La Chose, dans Essais et Conférences, page 194 Collection Tel Gallimard. Lacan: Le Séminaire. Livre XVII. L'envers de la Psychanalyse. Seuil. |
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