Obédience : NC | Loge : NC | Date : NC |
Structure et rituel L’Ordre avait été organisé par Weishaupt et ses amis en société secrète très rigoureusement hiérarchisée, autocratique et structurée en séries verticales de « cellules », pourrait-on dire, ou sous-groupements : les affiliés de grade inférieur obéissaient aux affiliés d’un rang plus élevé, eux-mêmes soumis à leurs supérieurs, ainsi jusqu’au sommet de la pyramide, constitué par le Grand Maître et les très hauts dignitaires, seuls détenteurs de l’intégralité des secrets. De plus, au niveau inférieur même, c’était de hauts gradés qui dirigeaient en réalité le travail, mais sans révéler leur qualité. L’Ordre constituait donc un exemple perfectionné de ce type d’organisation, bien connue à l’heure actuelle, composée de cellules et de réseaux clandestins superposés, où l’absence de contacts directs entre la hiérarchie la plus élevée et les militants de base entraîne un cloisonnement étanche, précieux en cas de divulgation ou d’espionnage. L’Allemagne se trouvait divisée en provinces baptisées de noms antiques : ainsi la Bavière était la Grèce. De même, les villes portaient le nom de villes de la Grèce ou de la latinité classiques : Munich était Athènes. Chaque membre devait adopter un nomen mysticum latin : Weishaupt, nous l’avons vu, avait pris celui de Spartacus. Et dans la correspondance intérieure entre membres ou chefs de l’Ordre, l’usage de ce pseudonyme était obligatoire. L’Ordo Illuminatorum comportait treize grades, répartis en deux catégories : l’Edifice Inférieur et l’Edifice Supérieur. L’Edifice Inférieur comprenait les grades de Novice, Minerval, Illuminé Mineur, Illuminé Majeur. L’Edifice Supérieur les grades d’Apprenti, Compagnon, Maître (ce sont donc les mêmes désignations que les trois grades corporatifs de la Maçonnerie), Ecuyer Ecossais, Chevalier Ecossais, Epopte, Prince, Mage-Philosophe, et enfin le grade suprême d’Homme-Roi. A l’inverse d’autres organisations, le recrutement de cette branche de l’Illuminisme était strictement masculin. En 1778, le juge Zwackh, un des bras droits de Weishaupt, avait avancé l’idée d’une communauté parallèle de Sœurs,réparties, selon leur comportement dans la vie profane, en deux classes : les « Vertueuses »qui auraient été retenues par d’austères idées du devoir domestique accompli et de la fidélité conjugale, et les « Affranchies » qu’on aurait séduites au contraire par les perspectives radieuses d’une émancipation complète dans le domaine social et moral. Il ne semble pas que cette proposition ait reçu un commencement d’application, du moins avant la dissolution de l’Ordre de Bavière. L’étude du rituel des divers grades des Illuminés serait du plus haut intérêt, et devrait être menée parallèlement à l’étude des degrés d’autres sociétés secrètes de la même époque. Pour organiser leurs grades, Weishaupt et ses amis avaient très certainement puisé à des sources initiatiques traditionnelles. Signalons qu’il existe aujourd’hui encore un Ordre des Illuminés, mixte lui, qui se réclame de Weishaupt, mais qui ne s’occupe plus du tout de problèmes politiques, se limitant uniquement à des recherches dans le domaine de la haute magie et de l’alchimie rosicrucienne : Aleister Crowley en fut un haut dignitaire. Son siège actuel se trouve à Stein, en Suisse alémanique, et il possède un musée privé où se trouvent des documents fort intéressants de la fin du XVIIIe siècle sur la Rose-Croix et la Maçonnerie. Il a réédité également un petit traité, non politique, de Weishaupt, sur la Lumière Intérieure et publie une revue mensuelle en langue allemande : Oriflamme. Le tout premier degré d’initiation des Illuminés de Bavière mettait fortement à l’épreuve l’imagination et le flegme du candidat. Après qu’il eût jeûné trois jours, celui-ci se trouvait amené, la nuit, dans un local souterrain. On remarquera que ce rituel, emprunté sans doute à des mystères antiques, est empreint d’un symbolisme initiatique très ancien : celui de l’homme profane totalement captif (ce que signifie le lien) de ses passions et de ses instincts animaux. L’ascèse initiatique avait précisément pour but de les discipliner et de les maîtriser. Le récipiendaire était interrogé par ses initiateurs masqués. Si ses réponses étaient jugées satisfaisantes, il prêtait serment sur la Bible. Le haut grade d’Epopte (ce nom est celui des Initiés au degré supérieur des Mystères d’Eleusis) comportait une épreuve symbolique destinée à vérifier si l’adepte avait, au cours des étapes précédentes, réussi à triompher de son égocentrisme. Dans le Temple brillamment illuminé et orné de tentures dorées, le Président lui offrait le choix entre deux catégories d’attributs qui symbolisaient respectivement le pouvoir temporel et le pouvoir spirituel. D’un côté un poignard, une couronne et un manteau royal. De l’autre, une tunique de lin et une ceinture rouge. Si le candidat choisissait les insignes du pouvoir, on en concluait qu’il était incapable de surmonter son ambition personnelle, et sa carrière dans la hiérarchie secrète s’arrêtait là. Dans le cas contraire, il était sacré Prêtre et communiait alors d’un breuvage composé de miel et de lait, souvenir aussi, sans doute, des mystères antiques. Il pouvait alors espérer accéder plus tard aux grades suprêmes. Voici quelle était l’impressionnante initiation, relatée par ET\ B\ Clavel dans l’Histoire pittoresque de la Franc Maçonnerie (Paris, 1844) du membre jugé digne d’être Régent : « On l’introduisait dans une salle tout de noir tapissée. Il ne voyait autour de lui que des flaques de sang, des poignards, des instruments de supplice. Au milieu de ces images horribles, il apercevait un squelette humain foulant aux pieds les attributs de la royauté. Son introducteur simulait l’effroi et l’entraînait loin du spectacle. D’autres assistants feignaient de le retenir. Mais, apercevant qu’il avait été élevé à l’école des Illuminés, que le Sceau de l’Ordre était gravé sur son cœur et sur son front, ils le laissaient passer dans une autre pièce. Là, on le soumettait à diverses cérémonies et à un interrogatoire serré. Enfin, s’il avait bien répondu, on le vêtait d’un équipement de Chevalier-Croisé ». Après son initiation, le Novice devait faire une confession détaillée et répondre à vingt-quatre questions. En voici deux : Numéro 9 : « Pouvez-vous aimer tous les membres de l’Ordre, ceux mêmes de vos ennemis qui pourraient s’y trouver ? » Numéro 11 : « Reconnaissez-vous à notre Ordre le droit de vie et de mort ? » Si le Novice faisait ses preuves, il pouvait devenir Minerval, second grade qui tirait son nom de Minerve, déesse de la Sagesse. Weishaupt jugeait ce second degré des Illuminés particulièrement important et précisait : « Dans cette classe seront pris ceux qui auront montré le plus d’aptitudes pour les mystères. Je veux, enfin, ici, que l’on travaille à la connaissance et à l’extirpation des préjugés. Chaque élève doit nous déclarer par exemple une fois par mois, quels sont ceux qu’il a découvert dans lui-même, quel est le dominant et à quel point il a réussi à s’en défaire ». Mais les dirigeants devaient se montrer diplomates. Weishaupt disait aussi : « On peut tout faire des hommes quand on sait tirer avantage de leurs penchants dominants ». J\ K\ |
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