GLNF Loge : Nicolas Dalayrac - Orient de La Réunion 01/02/2006


Le Rituel et le Silence


Il y a quelques semaines de cela, notre frère le Second Surveillant me demanda de préparer un travail pour aujourd’hui. Il me laissa le choix du sujet, puis, s’étant ravisé, choisi de m’en imposer un pour décider in fine de me laisser le choix du thème. Il me paru approprié de combiner le sujet que j’avais en tête et celui qui m’était « suggéré » … mon sujet d’aujourd’hui traite donc de l’utilité du Rituel et du Silence … Je vous laisse deviner celui des deux sujets qui me fut proposé – dans sa grande sagesse – par notre Second Surveillant au vu de l’un de mes défauts les plus flagrants …

Parmi les nombreuses interrogations que se pose aujourd’hui le fragile Apprenti que je suis sur ses premiers pas en F\ M\, le sujet du rituel est l’un de ceux qui m’a interpellé en premier. Si j’osais être iconoclaste, je dirais « un rituel ? … mais pourquoi faire ? ».  Qu’avais-je à faire de la répétition inchangée des mêmes mots et mêmes gestes, sans cesse reproduits ? En quoi ceci allait-il mettre mes qualités morales et mes capacités intellectuelles d’humain à l’épreuve ? Comment allais-je m’améliorer si je n’avais qu’à faire et refaire les mêmes gestes et dire et redire un texte appris par cœur ? Le coté Pavlovien de tout cela met donnait un peu froid dans le dos …

Une fois que je me fus posé la question, ma première réaction fut de me dire que quelque soit la réponse que je pouvais y apporter à ce jour, il me fallait accepter les règles d’un Ordre auquel j’avais fait serment de me soumettre et la Règle numéro 5 de celui-ci ne pouvait porter à aucune mauvaise interprétation :

« La franc-maçonnerie impose à tous ses membres la pratique exacte et scrupuleuse des rituels et du symbolisme, moyens d'accès à la connaissance par les voies spirituelles et initiatiques, qui lui sont propres »

La Règle numéro 8 n’en étant quant à elle pas moins claire : « Les Francs-Maçons s'assemblent dans des Loges, pour y travailler selon le rite, avec zèle et assiduité … »

Le suivi du rituel est donc à ce point important dans notre Ordre qu’il se traduit en pas moins de deux règles sur les douze.

Les dictionnaires me donnent pour « rituel » une série de définitions complexes - souvent basées sur des pratiques religieuses - mais la plus simple est « l’ensemble des règles que l’on suit », un document qui contient l’ordre prescrit des cérémonies en usage ; la compilation de pratiques réglées de caractère symbolique. Voici que la symbolique, fondement de mon chemin initiatique est remise au cœur de ma réflexion.

Notre rituel est traditionnel : il porte en lui une certaine dose de cérémonial, d’étiquette, de décorum et de solennité. Il engendre la retenue, il marque le respect : celui que l’on doit à ses frères et celui que l’on doit au caractère sacré de la démarche que l’on a entreprise.

On retrouve dans les définitions les notions de coutume, d’habituel, de machinal, de familier, d’usuel. Oui, un rituel construit des réflexes, formés par l’habitude obtenue par la répétition d’une mise en situation et de la réponse appropriée dans notre démarche.

Si donc, mon but ultime est de m’améliorer moralement autant que faire ce peut et que j’ai volontairement choisi les mystères de la F\ M\ pour y parvenir, notre rituel serait-il donc la voie appropriée vers ce but ?

Bien sûr que oui…. Notre rituel me rappelle les étapes antérieures de ma démarche spirituelle et initiatique ! Chaque étape, chaque jalon de mon chemin est une initiation à une nouvelle compréhension plus profonde, plus intime des symboles. Tout dans le rituel me pousse à la réflexion, me donne les moyens de m’imprégner de la signification de ces symboles que j’ai rencontrés auparavant et de l’interprétation que je peux en faire à mon niveau. Il me donne des points de repère et des bases pour consacrer la totalité de mon pouvoir de réflexion à la perception toujours plus profonde du symbolisme des étapes suivantes que j’aurai à franchir.

« Je ne sais ni lire, ni écrire, je ne sais qu’épeler, donnez moi la première lettre et je vous donnerai la suivante » … Mettez moi donc sur la voie et l’effort personnel que je ferai devra me faire accomplir le pas suivant sans trop de peine.

Rituel rime aussi avec solennité : de son suivi, les participants exercent une certaine retenue, les émotions restent contenues, les passions sont réfrénées. L’esprit est libéré, dégagé des considérations profanes qui obscurcissent le sens vrai des symbolismes.

Le rituel favorise la retenue et le silence et l’homme naturellement bavard qui avait déjà largement atteint le midi de son existence lorsqu’il est devenu l’Apprenti que je suis aujourd’hui, a du en faire preuve depuis son initiation, il y a près de deux ans. Ce n’est ni une contrainte, ni une difficulté insurmontable. Quelle position pourrait-elle être plus confortable que celle de pouvoir assister aux Travaux sans aucun risque … car émettre un avis, c’est aussi prendre le risque de se tromper ou de se faire contredire. Le silence me donne les moyens d’une réflexion en situation sur le rituel lui-même et de par l’observation de mes frères, me permets de me pénétrer lentement de la signification des symboles que je rencontre. Le silence m’aide à mieux en ressentir leur intime signification qui ne pourrait se traduire par des mots.

Pour ceux d’entre nous qui ont une foi religieuse, le silence est un dialogue d’amour avec Dieu, leur foi leur donnant un référentiel nécessaire dans leur quête. Pour moi qui n’ai pas ce référentiel, le silence est un dialogue intérieur. Je parle à mon double intérieur que le silence réveille en une schizophrénie qui m’amène parfois à douter de la santé de mon intellect…Si je ne dialogue pas directement avec le G.A.D.L.U, je prends finalement un chemin détourné.

J’attends avec beaucoup d’humilité le moment ou le F\ M\ accompli que j’aspire à devenir pourra aussi se forger par le débat constructif, la confrontation des idées. Loin de moi l’idée de vouloir m’exprimer, de me vouloir me mettre en valeur ou de flatter mon auditoire en cherchant une quelconque reconnaissance. Car sans ce référentiel, il me faut obligatoirement vérifier les conclusions que je tire de ma réflexion intérieure en les soumettant à l’analyse critique de ceux qui guident ma quête. Un jour donc, je devrai rompre ce silence car j’aurai besoin d’interagir avec mes frères par le dialogue. Je devrai vérifier les découvertes que j’aurai faites sur le chemin de la vérité, sur les mystères des nouvelles dimensions successives de la symbolique à chaque pas de ma démarche spirituelle. Un jour, j’œuvrerai en commun dans le dialogue avec mes frères à la construction du Temple. La parole est le verbe et le verbe est l’action. Je n’aurai crainte de parler car notre rituel me donnera à chaque pas les garde-fous nécessaires pour être en confiance.

Mes Frères, je sollicite votre indulgence pour ce texte bien imparfait. Merci de m’avoir écouté.

J’ai dit, Vénérable Maitre.

J\M\ C\


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