GLNF | Loge : NC | Date : NC |
De
l’Équerre au Compas
Le travail que vous m’avez demandé de préparer, et que j’ai l’honneur de pouvoir vous présenter ce matin, s’intitule « De l’Équerre au Compas ». En Franc-maçonnerie, tout est symbole. Cette assertion, que j’ai souvent entendue, maintes fois lue, ne reflète, peut-être, qu’une partie de la réalité. En effet, si le symbole facilite la communication, pousse à la réflexion ésotérique, réveille l’intuition et donne ainsi accès au mystère, il ne peut être qu’un intermédiaire entre le message, son contenu, la manière de le comprendre et de le traduire dans notre comportement, comme dans nos actes quotidiens. Dans une première partie, si vous me le permettez, je vais m’attacher, sans trop m’étendre, à vous présenter ces deux Outils que sont l’Équerre et le Compas, avec leur contenu symbolique. La seconde partie sera consacrée à leur lien avec le travail intérieur du Maçon, lequel doit déboucher, dans la mesure du possible, sur des actions concrètes, à la recherche du Bien dans le cadre de sa Loge, comme dans celui de sa famille et de sa vie socio-professionnelle. On y découvrira comment le Maçon, devenu Maître lors de la cérémonie d’Élévation, passe de l’Équerre au Compas. 1- L’Équerre et le Compas : contenu symbolique La Franc-Maçonnerie est issue des confréries de bâtisseurs. L’Équerre et le Compas sont les outils qui la symbolisent ; ils sont toujours associés. L’Apprenti, le Compagnon et le Maître maçon utilisent ces outils pour se construire eux-mêmes et tailler leur pierre, qui participera en union à la construction du Temple. L’Équerre L’Équerre, dans ses usages opératifs, vérifie les angles droits des pierres et des bâtiments. Elle est la référence immuable. Elle montre ce qui est droit, ce qui ne l’est pas. Elle permet de redresser ce qui ne l’est plus ou ce qui ne l’est pas encore. Elle est impartiale. Elle permet de vérifier si la direction ou la décision prise est juste. Elle est la base de toute notre démarche vers l’éveil. Parole droite, action droite, vie droite, effort droit, attention droite, pensée droite… L’Équerre est suspendue au cordon du Vénérable Maître de la Loge dont la volonté doit aller dans le sens des statuts de l’Ordre maçonnique, et de manière générale vers le Bien. Elle y symbolise la rectitude nécessaire à la transformation de la pierre brute en pierre cubique, censée créer de parfaits maçons, capables de participer à l’édification du Temple idéal. L’Équerre représente l’action de l’homme sur la matière, mais aussi l’action de l’homme sur lui-même. Donc, si l’on se réfère à la matière, l’Équerre apparaît comme passive, alors que le Compas, qui désigne l’esprit, semble actif. Le Compas Le Compas sert à tracer les cercles, mais aussi à prendre et à reporter des mesures. Outil du maître d'œuvre, le Compas est, sur les chantiers du Moyen-Âge, l'attribut de celui qui trace et contrôle. Le compas est vif ! Il a fallu s’entraîner à le manier. Si la sagesse n’est pas présente, il peut être dangereux, car son énergie est active. Il mesure toute chose. Il permet les comparaisons, les évaluations, les calculs. Le Compas est Divin. Le Livre des Proverbes (8.27) nous dit que Dieu, au commencement, « traça un cercle à la surface de l’abîme ». C’est pourquoi le Moyen-Âge représentait le Créateur sous l’aspect du Christ en majesté tenant à la main un Compas pour tracer l’orbe du monde. 2- L’Équerre et le Compas * Marcher dans les voies de la Sagesse L’initié, lorsqu’il a reçu la Lumière, prend contact avec l’Équerre et le Compas. Après avoir effectué les trois voyages et prononcé ses serments solennels d'engagement, de droiture et de discrétion, la pointe du Compas appuyée sur son cœur, le nouveau Frère est un homme, sinon nouveau, du moins aspirant à le devenir. Il vient d’apprendre, lors de sa première instruction, à rentrer dans le Temple les pieds formant un angle droit, s’engageant sur l'honneur à toujours agir selon le droit et le devoir. Face au Vénérable, l’Apprenti s’est mis à l’ordre, comme au garde-à-vous, son corps et ses membres formant alors une Équerre, solide et ferme, face à celle qui orne le Vénérable Maître. Avec le Volume de la Loi sacrée, l’Équerre et le Compas sont deux des trois Grandes Lumières de la Franc-Maçonnerie. Placés sur l’autel, sur le plateau devant le Vénérable Maître, ils s’imposent d’emblée à l’attention du nouveau Frère. Équerre et Compas sont indissociables. Seule la position du Compas par rapport à l’Équerre variera aux différents degrés, suivant que la matière domine l’esprit, et inversement. L'Équerre est un modèle, non seulement pour le Maçon individuel, mais aussi pour toute la Loge, car le travail que chaque Maçon fait sur lui-même n'est pas un travail solitaire, il s'intègre dans une œuvre commune. Rappelons d'ailleurs que c'est à la fois la rectitude des pierres prises une par une et celle de l'édifice entier qui se vérifient par l'Equerre. Quant au Compas, les deux aspects de son usage opératif sont, d'une part, de marquer les limites de l'édifice et de ses différentes parties et, d'autre part, d'en fixer les proportions. L’idée de limite a une importance particulière dans l’enseignement moral que la Maçonnerie tire du symbole du Compas. Le Compas symbolise ainsi les limites que le Maçon doit s'imposer à lui-même dans ses désirs et dans sa conduite. En tant qu'il sert à fixer les proportions des diverses parties de l'édifice, le Compas présente une signification symbolique apparentée à celle de l'Equerre, mais différente et complé-mentaire. Comme elle, il détermine le modèle sur lequel le Maçon doit régler son travail, mais à un niveau plus élevé. Le symbolisme opératif et moral de l'Équerre et du Compas rejoint leur symbolisme cosmique. L'édifice spirituel que construit la Franc-Maçonnerie a ainsi pour modèle l'édifice cosmique construit par le Grand Architecte de l'Univers. Si l'Équerre est, comme nous l’avons vu, l'instrument du Maître de la Loge, le Compas est celui de l'Architecte divin, qui a imposé à l'illimité une limite en traçant la sphère céleste à l'intérieur de laquelle se déploie le monde (cf. cité plus haut Proverbes 8.27). * De l’Équerre au Compas L’un des aspects importants de la cérémonie d'élévation - lorsque le Compagnon, accédant à la Chambre du Milieu, est élevé à la Maîtrise - est le passage de l'Équerre au Compas. Cela est clairement figuré sur le tableau de Loge au grade de Maître où, de façon exceptionnelle, les deux outils sont dissociés : on y voit une Équerre à l'occident, à la tête de la tombe et, à l'orient, un Compas, aux pieds de celle-ci. De la sorte, le récipiendaire passe littéralement de l’Équerre au Compas lorsqu'il fait ses trois pas par-dessus le cadavre d'Hiram, dont il va bientôt prendre la place, la tête du côté de l’Équerre, comme pour exprimer qu’il n’a pas encore tout à fait quitté la matière. C'est, du reste, ce que souligne l’instruction par la demande « Comment êtes-vous devenu Maître Maçon ? » et la réponse « En passant de l'Équerre au Compas sur la tombe de notre Respectable Maître Hiram ». Cela nous conduit à distinguer les deux aspects du symbolisme de l'Équerre et du Compas : l'aspect cosmique et l’aspect proprement maçonnique. Du point de vue cosmique d'abord, l'Équerre se rapporte à la terre, et le Compas au ciel. Le passage de l'Équerre au Compas est donc un passage de la terre au ciel, ou tout au moins de la dimension horizontale de l'univers à sa dimension verticale. Ajoutons à cela que l'occident est traditionnellement la région de la mort, alors que l'orient est celle de la lumière naissante. Ainsi, le symbolisme cosmique de l'Équerre et du Compas s'accorde parfaitement avec celui des points cardinaux et avec la signification spirituelle de l'élévation. Du point de vue proprement maçonnique, l’Équerre, marquée d'un caractère d'immanence, est l'instrument du Maître de la Loge, tandis que le Compas, marqué d'un caractère de transcendance, est celui du Grand Architecte de l'Univers lui-même. Le passage de l'Équerre au Compas signifie donc le passage d'une étape à une autre de l'initiation maçonnique. L'articulation entre ces deux étapes est vraiment essentielle. En fait, les Maçons que nous sommes ont sûrement perçu, au cours de leur progression dans les grades, que les deux premiers formaient un tout cohérent et complet, mais qu'avec le grade de Maître on accédait à quelque chose de différent. Cela se retrouve d'ailleurs dans les tableaux de Loge: le tableau est le même pour les deux premiers grades, à deux aménagements près, mais le tableau du troisième grade est vraiment un nouveau tableau. Ainsi, l'Équerre apparaît comme le résumé, la totalisation du contenu des deux premiers grades. Elle réunit en elle l'horizontalité du Niveau et la verticalité de la Perpendiculaire. C'est, du reste, ce que souligne l’instruction par la demande « Comment avez-vous été reçu Compagnon ? » et la réponse « En passant de la Perpendiculaire au Niveau », et ensuite « Par quel instrument avez-vous été éprouvé au 2ème degré ? », la réponse est « Par l’Équerre ». Tandis que le Maître, lui, dispose de nouveaux instruments, qui sont liés au tracé du plan des édifices, l’Équerre, et en particulier le Compas. C'est ce que l’on retrouve dans l’instruction par la demande « Par quels instruments avez-vous été éprouvé au 3ème degré ? » et la réponse « L’Équerre et le Compas », et ensuite « Sur quoi travaillent les Maîtres ? », la réponse est « La Planche à tracer ». Il apparaît donc que l'Équerre symbolise la réalisation d'un certain stade de l'initiation maçonnique, qui est acquis lorsque sont parfaitement intégrés les enseignements du grade de Compagnon. On comprend alors pourquoi elle est, pour le récipiendaire au grade de Maître, un point de départ. Le passage de l'Équerre au Compas le fait accéder à un autre stade, ou plan, différent et supérieur. Désormais, la place du Maître se situe entre l’Équerre et le Compas, emblèmes de la régularité et de la sagesse : le Maître ne doit jamais s’en écarter. Si le Maître, lors de son élévation, passe de l’Équerre au Compas, il ne doit pas ensuite rester au niveau du Compas seul et abandonner définitivement l’Équerre, mais il doit se situer dans une position centrale, où il opère en lui-même la réunion des deux. Et, pour illustrer mon propos, et conclure, je terminerai par la question suivante, issue de notre Rituel : « Si vous perdiez un Frère (Maître), où le retrouveriez-vous ? » en répondant : « Entre l’Équerre et le Compas ». J’ai dit, Vénérable Maître. J\M\ G\ |
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