Obédience : NC Loge : NC 09/2004


De l'équerre au compas


Le sujet qu'il m'est demandé de traiter ce jour a pour thème : « De l'équerre au compas ». Ce dernier nécessite donc de redéfinir rapidement ces deux symboles, mais c'est surtout la notion de passage, contenu dans l'expression DE l'équerre au compas qui a retenu mon attention.

A) Ces deux symboles sont toujours intimement mêlés, que ce soit au premier, deuxième ou troisième degré. Ils sont disposés sur le volume de la loi sacrée, et associés à ce dernier, ces trois symboles constituent les trois grandes lumières de la loge, située sur l'autel des serments.

Ils sont donc les témoins de tous nos serments, de plus de par leur position dans la loge, près de l' Orient ils traduisent bien importance que recouvrent ces symboles.

Si nous évoquons le symbolisme de ces 2 éléments que sont l'équerre et le compas nous aurons :

B) Tout d'abord en ce qui concerne l'équerre: Au-delà de sa fonction opérative, l'équerre à une dimension symbolique.

L'une des toutes premières est l'objet qu'elle symbolise le plus, à savoir la terre.
En effet de par sa fonction même, elle sert à l'élaboration du carré et à mesurer notre terre, qui avant d'être perçu comme une sphère était supposée être carrée et plate.
Dans de nombreuses traditions anciennes (chinoise) notre monde est figuré par deux équerres opposées formant un carré symbole très ancien de notre planète.

Elle détermine aussi en s'opposant à elle-même par son sommet les quatre points cardinaux, donc la maîtrise de l'espace terrestre, et par là-même le monde matériel.

Par extension donc, la terre désigne la « matière en général » par opposition et complémentarité à l'esprit qui lui est plus du domaine de l'immatériel.

Une autre de ses fonctions est aussi de représenter les valeurs de rectitude dans nos actes et nos pensées, nous obligeant à respecter une éthique d'équité, et les principes d'une loi morale représentée par le volume de la loi sacrée sur lequel elle repose.

Cependant cette morale se réfère plus et une « morale universelle » que l'on retrouve dans les messages que nous ont transmis les grands initiés et dont il semblerait que tout homme est porteur au plus profond de lui-même, puisque ce sont souvent les mêmes valeurs que met en exergue leur écrit.

L'équerre nous oblige donc à descendre en nous-mêmes, à travailler sur soi, et à rendre droits et juste tout ce qui peut nous aveugler, car chargée de préjugés, de peur ou d'égoïsme.

Comprendre les valeurs que recouvre l'équerre, se rattache donc bien au travail sur lui-même qui est celui de l'apprenti, il doit apprendre à se connaître et à se corriger pour atteindre cette rectitude de la pensée et lui permet de mieux intégrer les valeurs qui lui sont dispensées lors de son initiation.

Le travail ne s'arrête cependant pas là, en effet à quoi cela servirait-il de travailler sa pierre brute pour la rendre d'équerre ? Si ce faisant nous oublions que cette dernière doit s'intégrer dans l'édifice commun, et s'associer à celles de nos frères ! Nous passons ainsi d'une descente déterminant une verticalité reliant le spirituel au matériel à une reconnaissance des autres nous amenant à la notion d'égalité donc d'horizontalité.

C) Le compas: Dans sa composante symbolique, on retiendra d'abord qu'il sert à prendre la mesure de toute chose, il incarne donc en cela les vertus de tempérance, de ce qui est juste et raisonnable, donc de la primauté de la réflexion sur les passions et enfin de la maîtrise de soi.

Le compas, en permettant de construire de nombreuses figures de géométrie est devenu l'emblème de cette dernières, donc la base des sciences dites exactes et tout particulièrement de l'astronomie et de l'architecture devenant déjà ainsi l'outil de prédilection de l'architecte.

En permettant de tracer le cercle, l'une des formes les plus simples et plus parfaites que nous puissions concevoir, il figure aussi la perfection et par là-même la déité. Le cercle était d'ailleurs à l'origine perçue comme étant l'emblème même de la divinité. Il correspond entre autres à la coupe de l'oeuf primordial, et n'a ni début ni fin.

En tant qu'attributs de l'architecte, et symboles de la divinité, il symbolise tout naturellement : « le Grand architecte » celui qui mesure et par là-même borne l'univers.

Autant l'équerre peut représenter les valeurs matérielles et contrôle chaque composants ainsi que son adéquation avec les autres, autant le compas en permettant de tracer le plan, définit du premier coup d'oeil l'unité globale de l'ensemble. Il se rattache donc ainsi à la création de l'esprit et à la notion de divin.
Il symbolise donc entre autres la force de l'esprit et de l'intelligence. (Mais aussi la sagesse par sa mesure)

D) Ayant ainsi défini les principales valeurs de ces deux symboles, nous pouvons aborder maintenant la question : « De l'équerre au compas » Cette formulation évoque bien l'idée d'un passage lors de notre évolution maçonnique de l'une à l'autre. Cependant,et nous le verrons plus tard, Equerre et Compas restent indissociables.

Au fur et à mesure de notre parcours maçonnique, nous voyons aux différents degrés pratiqués dans nos loges bleues, l'équerre sur le compas, puis s'entrecroiser avec celui-ci, pour finir sous de ce dernier.

En se référant à leur symbolique propre, on voit donc bien qu'au grade d'apprenti la matière prime sur l'esprit, puis ce dernier commence à s'intégrer à la matière et finit enfin par l'animer. On pourrait par extension voir dans cette succession l'incarnation progressive de l'esprit dans la matière.

De la même façon, lors de son exaltation à la maîtrise, le Franc-maçon peut observer qu'à chaque extrémité du cercueil se trouvent respectivement à l'Occident l'Equerre, et qu'à Orient il y a le Compas. Sa marche l'amènera donc symboliquement à passer de l'équerre au compas, d'ailleurs dans l'instruction au troisième degré du REAA à la question « Comment êtes-vous devenu Maître Maçon » correspond la réponse « En passant de l'Equerre au Compas »

Il y a d'ailleurs un point qui m'a interpellé lors de mon travail sur cette planche, à savoir pourquoi l'équerre étai situées à la tête du cercueil, et le compas au pied de celui-ci. La première explication qui m'est venu a l'esprit est que : les pieds peuvent être symboliquement rattachés « au début ainsi d'ailleurs qu'a la fin » puisque tout commence dans la marche par un pied et se termine par l'autre. En ce cas nous aurions donc le compas symbole de l'esprit qui se situerait donc au début, et nous savons qu'au début était le verbe donc la pensée.

Une autre interprétation se referant a la marche du Maître peut se concevoir, en effet ce dernier enjambe le corps en putréfaction, en passant de la matière (l'équerre) à l'immatériel ( le compas), de manière à transcender la condition humaine,ce qui  est  indispensable à la progression personnelle. Il nous appartient de dépasser notre "mortalité" pour générer une évolution spirituelle.

 De plus lors de la cérémonie d'exaltation, le Très Vénérable Maître revient sur un point important de l'initiation en invitant le récipiendaire à méditer de nouveau sur la mort.
On lui avait précédemment demandé de tuer le vieil homme qui demeurait en lui en rectifiant ce qui devait l'être.
Dorénavant suite à cette mort « symbolique certes » on l'amène à une nouvelle naissance spirituelle qui n'est pas autre chose que la renonciation aux vices et aux passions liées à la matière symbolisée par l'Equerre, à une élévation morale ou « renaissance » aux valeurs de l'esprit symbolisé par le Compas où nous retrouvons les valeurs de l'amour et de la fraternité qui sont les nôtres.

E) Je voudrais maintenant revenir sur la place du Maître Maçon  par rapport à ces 2 symboles, en effet comme nous l'avons déjà pressenti, ils sont indissociables et dans l'instruction au troisième degré, on précise bien que : « Si un Maître était perdu ou le retrouverions-nous ? »      « Entre l'Equerre et le Compas »

Cela veut dire que s'il y a bien un passage lors de notre progression initiatique de l'équerre au compas, le Maître Maçon ne doit pas abandonner pour autant l'une pour l'autre. Il doit en effet se situer dans une position médiane ou « centrale » d'où il synthétise en lui la réunion de ces deux symboles.

Si l'Equerre renvoie au Compas comme la Matière renvoie à l'Esprit, l'une et l'autre sont
« indissociables ». Sans l'esprit la matière n'est qu'une masse inerte, et c'est l'Âme qui doit lui insuffler la vie, l'ordonner et la maîtriser.
Cependant l'esprit ne peut se penser qu'à partir de la matière car sans elle il s'évaderait dans l'irréel. Il en est de même du Maillet et du Ciseau, en effet, si ce dernier quitte la pierre, la force agissante du Marteau ne se transmet qu'au vide.

Nous retrouvons cette même limite dans l'ouverture que peut prendre le compas, elle ne saurait en Franc-maçonnerie au dire de certains auteurs (Dictionnaire des Symboles)dépasser 90°, car à ce moment-là il devient équerre, et l'on a une superposition totale entre ces deux symboles réalisant leur harmonie parfaite.
S'il venait à s'ouvrir davantage on comprend intuitivement que l'esprit déborderait de la matière, et par là-même il lui manquerait son indispensable complément.

F) En conclusion, j'ai essayé au travers de mon travail sur cette planche de souligner l'importance de la notion de chemin que sous-tend sa formulation, en effet au travers de cette dernière nous voyons que notre démarche maçonnique s'inscrit dans une véritable dynamique de la pensée et des symboles.

Ces symboles nous les découvrons certes au fur et à mesure de notre progression initiatique, mais nous n'arrêtons pas non plus de les redécouvrir en fonction de cette même évolution, un peu comme un livre de chevet auquel nous reviendrions régulièrement au fil du temps pour en affiner la lecture.
 
Puisque au fur et à mesure que s'élabore notre pensée, nous y revenons, affin d'y découvrir des valeurs que nous n'avions pas forcément perçus ou intégrer au premier abord. De même, nous intégrerons la dynamique et cette complémentarité existant entre ces mêmes valeurs et la démarche symbolique qui les relie entre elles. Comme nous l'avons vu certains symboles sont difficilement dissociables, et leur complémentarité en renforce et pondère la valeur.

On peut donc penser, qu'à force de travailler sur nos symboles et aussi bien sur notre rituel, notre esprit s'affine de plus en plus et que nous passons ainsi par diverses étapes se superposant les unes aux autres, et nous amenant progressivement d'une connaissance « première » des symboles par une démarche de connaissance et de compréhension plus spirituelle de ces derniers. Nous sommes ainsi amené a faire évoluer notre démarche, en passant de la descente en lui même de l'aprenti, a l'horizontalité du compagnon, a l'élévation du maître qui doit quand a lui remonter vers la lumière et développer sa spiritualité, après tout, nous travaillons bien a la gloire du G A D L U, et c'est vers lui que doit tendre notre démarche.

J'ai dit.

B\ F\

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