Aspects
initiatiques du livre « Les Fourmis »
de Bernard Werber
J’ai lu ce livre en 1994,
avant d’être initiée (printemps
95). Ce n’est qu’en lisant un autre livre
du même auteur, « les Thanataunotes »
que j’ai compris que l’auteur était F\
M\. Du coup, j’ai repensé à ce livre
étonnant dont je vais vous parler ce soir et je
l’ai trouvé encore plus intéressant.
J’ai été surprise quand j’ai
cherché des travaux similaires sur des livres de cet auteur
de ne rien trouver. J’ai écrit à
l’auteur directement en exposant mon propos mais sans
succès.
Alors j’ai décidé de faire cette
planche quand même, en me servant de ce que je sais de
l’auteur, de ce que j’ai trouvé dans ses
livres et sur son site web, et en essayant de
réfléchir un peu. Mon objectif est de partager
avec vous le plaisir que j’ai eu à lire cette
oeuvre, en espérant vous le communiquer et
peut-être vous apporter quelques sujets de
réflexion. Il y a peu d’endroits ou l’on
peut parler librement du contenu initiatique d’un livre et du
rôle qu’il peut jouer.
Je partagerai d’abord avec vous ma vision du rôle
d’un roman initiatique puis j’illustrerai mon
propos avec le livre « Les Fourmis
» et quelques mots sur son auteur.
Qu’est-ce qu’un roman initiatique ?
En général, le thème
et le contexte en sont appréciés des F\ M\ parce
que faisant partie de ce que j’appellerais nos mythes
fondateurs : l’Antiquité Egyptienne pour Christian
Jacques ou le Compagnonnage et la Maçonnerie
Opérative pour le père du « Pape
des Escargots ».
Mais on les distingue des romans plus classiques par 2 choses : tout
d’abord les petits indices laissés pour les
initiés dès la première page:
« il y avait 3 cailloux sur le chemin
»…etc. Puis on découvre la
portée philosophique qui se veut beaucoup plus ambitieuse
que la simple narration des faits qui constituent le récit.
Je me suis interrogée sur les motivations de ces auteurs.
S’agit-il d’un désir
d’être reconnus par leurs pairs ? Désir
de reconnaissance, donc. Et seulement par eux ? Désir
d’appartenance. Pourquoi ? Peut-on parler d’un
souci de discrétion sur leur appartenance
maçonnique ? Ou s’agit-il au contraire
d’un désir de présenter leur planche au
plus grand nombre ?
Probablement un sentiment aussi ambigu que le notre quand nous restons
très « discrètes » dans le
monde profane mais très heureuses en
général de reconnaître une soeur dans
une connaissance profane.
Bon, cela pourrait expliquer les indices laissés au fil des
pages.
Mais quel est le rôle de l’histoire dans
l’histoire ou plutôt de la philosophie dans
l’histoire ? S’il s’agit de recherches
symboliques ou historiques, pourquoi ne pas présenter
l’ouvrage comme tel ?
Je crois que c’est parce que ces auteurs
perçoivent leur livre comme un chef-d’oeuvre
d’architecture. Tout comme une cathédrale est
belle au premier coup d'oeil mais recèle des
trésors à découvrir si l’on
veut bien s’en donner la peine et si l’on
détient des clés.
Quand j’ai lu les « Thanatonautes
», j’étais Compagnonne. Et
persuadée que l’auteur avait écrit ce
livre peu après son augmentation de salaire. Aussi ai-je
été bien surprise de voir des indices de
Maître dans son premier livre : « Les
Fourmis », publié en 91. Ceci pour vous
dire combien on peut prendre plaisir à lire ces livres
quelque soit son niveau. Cela n’est finalement pas important.
Et nous, que recherchons-nous dans ces livres? Plus qu’un
beau roman, plus qu’un cours d’histoire: on cherche
à en savoir plus…on cherche à mieux
pénétrer le sens des symboles qui nous entourent,
peut-être aussi à s’évader un
peu de la rigueur de l’enseignement de nos Maîtres?
Car c’est bien l’aspect ludique de ces lectures qui
attire. Un jeu auquel chacune peut jouer à son niveau,
à son rythme, à son gré.
L’auteur
Bernard Werber est né en 1961 à
Toulouse. A l’âge de 7 ans il écrit sa
première nouvelle. Il effectue une scolarité
moyenne mais montre un esprit très curieux, pour des sujets
variés : de l’astronomie aux parfums, en passant
par l’Ile de Paque. Il créé le journal
du lycée à 17 ans.
La même année il commence à
écrire « Les Fourmis
». C’est en lisant « Dune
» de Frank Herbert qu’il découvre la
possibilité de construire un livre comme un jeu. Son
objectif n’est plus alors de raconter une histoire pour
« faire peur ou distraire »
mais pour stimuler autre chose.
Les études de droit ne le passionnent pas. Il entre
à l’Ecole de Journalisme de Paris en 82. Il
retravaille son manuscrit des Fourmis en le construisant comme une
cathédrale : tous les chapitres
s’intègrent dans les croisements du plan
d’une cathédrale, celle d’Amiens en
l’occurrence. Dans la première version, jamais
éditée, certaines phrases sont codées
et l’ensemble fait plus de 1200 pages…
De 1984 à 1990 il est journaliste scientifique au Nouvel
Observateur. Cela se finit par un conflit avec sa hiérarchie
: il est viré en 1990. Dans le livre « Le
père de nos Pères », sorti
en 94, il est d’ailleurs amusant de suivre les altercations
du héros avec son rédacteur en chef. Le nom du
journal dans le roman est « Le Guetteur Moderne
»…
Ce type de clé est couramment utilisé par
l’auteur : si on connaît la donnée de
référence, on comprend tout de suite. Sinon on ne
remarque rien de curieux.
En 92, il publie « Le jour des Fourmis
». Il est dit que la structure cachée de ce livre
est la préparation de la Pierre Philosophale. Le nom des
victimes en donnerait à l’envers les
ingrédients…
Mais ce n’est que dans la 3eme partie de cette
épopée sur les fourmis, « La
Révolution des fourmis »,
publiée en 96, que l’auteur prône
« une révolution qui ne fait pas couler
le sang mais qui utilise Internet pour que les idées soient
jugées sur leur valeur et non sur l’apparence de
celui qui les émets »…pour
le progrès de l’humanité, donc.
Mais revenons-en à nos Fourmis, tome 1.
Le livre
La couverture de l’édition de
poche montre une fourmi sur un labyrinthe, non à
l’intérieur comme un animal de laboratoire.
J’attends impatiemment que notre Soeur Nicole nous parle de
la symbolique du labyrinthe…
Le livre est fait de 3 récits parallèles :
L’histoire de quelques humains
L’histoire de quelques fourmis.
Des extraits d’une « Encyclopédie
du savoir relatif et absolu »
rédigée d’après le livre par
Edmond Wells, l’oncle du héros humain. Le
rôle de cette encyclopédie est de mettre les 2
autres récits en perspective. Par exemple, elle
rétablit l’ordre des choses en parlant de
l’imposante supériorité
numérique des fourmis et de leur présence sur
Terre des millions d’années avant les humains.
3 parties, pour ce type de livre, ça s’imposait.
Dès la première page, le héros,
Jonathan Wells, doit affronter sa phobie du noir pour visiter
l’appartement qui lui est légué :
« ils débouchèrent sur un
couloir sombre…ils s’enfoncèrent dans
les ténèbres, palpant les murs à grand
bruit » pour aboutir dans un vaste « sous-sol
de 200m2 qui n’ouvrait sur l’extérieur
que par des soupiraux, étroits et situés au raz
du plafond ».
De suite, on est ramenées à notre initiation. Et
si l’on avait encore un doute, Jonathan Wells explique en
page 2 qu’il a été viré de
l’entreprise de serrurerie dans laquelle il travaillait et
qu’il est sans le sous : voila bien un double abandon des
métaux ! Mais l’ouverture des serrures est son
métier et c’est pour cela qu’il va
s’employer à découvrir le testament
philosophique de son oncle.
Quand il est à nouveau obligé
d’affronter le noir, dans la cave cette fois, il explique
qu’il faut rechercher les épreuves pour pouvoir
progresser. Il n’y a pas de progrès dans
l’immobilisme du cocon douillet.
L’auteur fait à nouveau allusion à la
structure de notre Temple quand il parle de la Loge de la reine des
fourmis : « c’est une grande salle
construite selon les règles architecturales et
géométriques très précises
que les reines mères transmettent à leurs filles
d’antenne à antenne. La voûte principale
mesure 12 têtes de haut sur 36 de
diamètre… Des pilastres de ciments rares
soutiennent ce temple insecte… »
Il y a réellement de très nombreux indices
maçonniques que je ne vais pas tous
énumérer ici. Je vous laisse la joie de les
découvrir si vous ne l’avez pas
déjà fait.
Il y a les évidences : par exemple les ouvrières
et les soldates fourmi ont 3 ans. Il y a des anagrammes qui doivent
avoir une signification pour l’auteur: l’ami
d’enfance de Edmond Wells, l’oncle du
héro humain, s’appelle Jason Bragel, qui peut se
lire « Loge Jan Bars ». Je ne
sais pas si c’est le titre distinctif d’une loge.
Il y a aussi des anagrammes dont je n’ai toujours pas saisi
le sens. Mais tout cela relève de l’architecture
du livre, de sa forme comme le choix des pierres et leur arrangement
importent pour la construction d’une cathédrale.
Le sens
Mais pourquoi construire une cathédrale
avant tout ?
En d’autres termes, quel est le sens de la fable que nous
conte Bernard Werber ?
Il serait présomptueux de ma part de prétendre
avoir tout compris. Mais c’est bien là
l’intérêt du roman initiatique: je peux
vous dire ce que j’en ai retenu, ça ne
gâchera pas le plaisir que vous aurez à lire ou
relire ce livre car vous y trouverez d’autres
réponses à d’autres questions. Je crois
toutefois que nous nous retrouverons sur les grandes lignes:
Nous sommes petites et anecdotiques au vu de l’histoire du
monde. Telles les fourmis, notre monde se limite à ce que
nous en connaissons. Ca demande un gros effort que d’imaginer
faire partie d’un tout plus grand qui peut être
régit par des lois différentes.
L’idéal de Perfection est une notion complexe.
La taille ne compte pas, donc il ne faut pas baisser les bras devant
l’immensité de la tache: à chacune de
faire selon ses moyens. Ce qui compte, c’est d’agir
dans un but précis: la survie et la
prospérité de la fourmilière pour les
fourmis, le progrès de l’humanité pour
nous.
Car oeuvrer pour le progrès de
l‘humanité est une tache passionnante qui
mérite tous nos efforts et qui nous permet de nous
dépasser. Comme Jonathan Wells devient quelqu’un
d’autre par la volonté de surmonter
l’épreuve, les fourmis accèdent
à de nouveaux niveaux de conscience en explorant.
Mais il faut d’abord surmonter ses peurs et ses faiblesses
pour pouvoir progresser soi-même et participer à
ce fameux progrès de
l’humanité.
Voilà donc quelques-uns des messages que j’ai
entendus. Ils n’ont rien de nouveau au vu de notre travail
maçonnique, mais j’ai trouvé
intéressant de les entendre sous une forme
différente.
J’ai dit.
E\ D\
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