GLCS Loge : Tradition et Fraternité - Orient de Paris 13/03/2007

Au commencement était le verbe
 
Vénérable Maître et vous tous mes frères et soeurs en vos degrés et qualités, Au nom du GADLU et de l’humanité.
J’ai choisi de « plancher » sur le verset de Saint Jean :
« Au commencement était le Verbe ». Saint Jean, un des 12 Apôtres de Jésus a écrit le 4ème Evangile et le livre de l’Apocalypse.

Alors, comment ai-je travaillé ? Classique, j’ai réuni de la documentation, je l’ai étudiée, j’ai médité. Le sujet est vaste, il va de la naissance du monde aux nouvelles technologies de la communication.
Alors, j’ai fait le choix, intéressant je pense, de développer les thèmes suivants du sujet :
- Le Verbe et Dieu
- Le Verbe et l’Homme
- L’herméneutique ou l’art de la compréhension
- et en conclusion : Comment tendre vers une éthique du Verbe.

Je répète le plan : (répéter le plan).
« Au commencement était le Verbe, et le Verbe était en Dieu, et le Verbe était Dieu ».

Ce verset est le premier d’une suite de 18 du prologue de l’Evangile de Saint Jean.
Il est parallèle au 1er verset de la Genèse :
« Au commencement Dieu créa le ciel et la terre »
Dans la Genèse, le commencement, signifie le commencement temporel et physique du
Monde, de l’Univers.

Dans l’Evangile de Saint Jean, on entre dans une autre dimension : celle de l’Eternité, de l’Infini, celle de Dieu, le Monde avant le Monde, le Monde présent, le Monde futur.
Pour Saint Jean, le mot de Verbe, signifie la révélation de Dieu dans la personne du Christ.
Le Verbe étant la manifestation de Dieu dans tout ce qui est notre vie.
Le Verbe est le principe qui créé.
Le Verbe, est la manifestation du Monde, son expansion, le visible l’invisible, l’unité, l’harmonie par lesquels Dieu se manifeste dans le Monde physique.

Le Verbe, ou Dieu , s’est exprimé avant toute chose, il est à l’origine des êtres et des choses.
Toujours dans le registre des Evangiles, le Verbe c’est la parole du Père (le Père en tant que membre du mystère de la Trinité : le Père, le Fils et le saint Esprit).
Par le Verbe le Père a créé le Monde, par le verbe il lui conserve l’existence dans un
renouveau perpétuel.

On le voit, le Verbe est partout, il représente tout, il a une charge , une densité immense.
Sans compter que dans la tradition chrétienne, le Verbe est tenu pour être la Vérité.
Mais alors, si le Verbe est Dieu, qu’en est-il du Verbe et de l’Homme ?
Depuis le jour ou l’Homme à commencer à parler, les mots, la langue, les langues, le verbe est devenu le moyen par lequel l’homme a inventé le monde.
En donnant un nom, un sens, aux êtres, aux choses du Monde, l’homme a créé un langage.
Il a construit le monde, il a fait exister des réalités qui sans le Verbe, seraient ignorées.
L’homme s’est mis à penser.
Interrogeons nous sur la relation qu’il y a entre dire et penser.

En prenant appui sur le cerveau, le cœur et les sens, il se forme chez l’homme, un rapport verbal intérieur entre sa conscience et le monde.
Parler, c’est exprimer ce rapport verbal supporté par la voix, dans une langue.
Une fois que l’on parle, la parole s’entretient comme Verbe et comme voix.
Mais alors, quelles sont la justesse et la vérité des mots que l’on dit par rapport au champ de sa pensée ?
Quel sont les rapports entre le Verbe de Dieu et le Verbe de l’Homme ?
Certains mystères, certains phénomènes, on ne peut les approcher que par analogie.

Le mot « Dieu » est une pure intuition.
Dans notre esprit, « Dieu est celui qui voit et créé tout en un seul regard ».
Il n’y a que Dieu qui sait ce qu’il y avait avant le commencement.
Si l’on prétend qu’il n’y avait rien avant le commencement, ni Dieu, ni Monde ni Temps, alors on exclue le Verbe. C’est le néant dans le néant.
La parole humaine est potentielle avant d’être actualisée.
Elle procède d’une espèce de « fonds » (épeler) constitué par des éléments de notre mémoire.
Ensuite par un phénomène de questionnement et de réflexion, elle se transforme en mots, en mots présents, parce que le phénomène se reproduit et se poursuit.

Le mot disait Saint Thomas est comme un miroir dans lequel on voit la chose.
Le mot reflète la chose parfaitement dans sa forme et ensuite il induit une multitude de pensées, sur sa fonction par exemple.
Par rapport au Verbe de Dieu, la parole humaine demeure imparfaite, précisément, parce qu’elle a besoin d’une multiplicité de mots.
L’imperfection n’est pas dans les mots, mais dans la pensée, forcement récurrente, puisque, à la différence de l’esprit divin, notre intelligence n’est pas suffisamment présente à elle-même pour saisir ce qui est en un seul regard.
Le visible et surtout l’invisible, le monde caché.

La pensée humaine croit savoir, mais sait elle vraiment ?
A la différence du Verbe divin qui demeure éternel, nos pensés et nos mots restent de simples accidents de l’esprit.

Nos mots reflètent parfaitement, mais transitoirement et seulement transitoirement les choses.
Notre esprit, notre cerveau sont en effervescence permanente.
Nos pensées n’atteignent jamais le but vers lequel elles tendent, et c’est tant mieux. L’esprit est infini, il se renouvelle sans cesse et a la liberté de former des projets toujours nouveaux.

La multiplicité des mots dans notre pensée, recouvre sur le mode dialectique, un procès intellectuel unique, qui créé le concept.
Le concept facilite le langage.
En d’autres termes, la parole n’est pas le miroir de l’esprit, elle est dit Saint Thomas « comme la lumière dans laquelle la couleur devient visible ».
« La parole est comme la lumière dans laquelle la couleur devient visible ».

Quelle pensée magnifique, mêlant symbolisme et sciences.
Saint Thomas d’Aquin : (est né près de Naples, à Aquin en 1225- mort en 1274)
Catholique, il étudie la théologie et la philosophie. Pour lui, la philosophie doit demeurer la servante de la théologie.

Le Verbe, la parole, le mot, le langage.
Quelle est la relation entre la pensée, et le langage ? Entre dire et penser ?
Comment s’établit la compréhension ?
On ne peut développer cette question sans évoquer brièvement le thème de l’herméneutique philosophique, et l’un de ses maîtres : le philosophe Allemand Hans Georg Gadamer, mort en 2002 à l’age de 102 ans.

L’herméneutique est une discipline qui se définie traditionnellement comme l’art de comprendre, c'est-à-dire comme le savoir permettant de déchiffrer le sens ou d’interpréter un texte.
Les origines de l’herméneutique remontent au tout début de la philosophie.

Un petit peu d’histoire.
Pour Platon, l’herméneutique qualifie le travail interprétatif des poètes et des rhapsodes qui traduisent en mots ou expliquent le message des Dieux.
Aristote fera de l’herméneutique, la langue qui doit rendre en mots, la pensée des hommes.
Après Platon et Aristote, les Stoiciens penseront que les premiers hommes avaient un logos pur (parole, intelligence), un accès direct et véritable aux choses.

Ensuite et pour aller un peu plus vite, de la fin de l’Antiquité jusqu’au Moyen Age et au tout début de la modernité, l’herméneutique restera attachée ou fixée à l’exégèse (l’interprétation) des Ecritures.
Ici, les auteurs les plus importants se nomment : Philon d’Alexandrie, Origène, Augustin et Luther, le célèbre réformateur.

C’est avec Heiddegger que l’herméneutique connaîtra une nouvelle révolution : La compréhension n’est plus limitée aux textes, c’est l’affaire de toute existence humaine.
La compréhension n’est plus un outil dont l’homme dispose, mais la structure même de l’homme.
Gadamer se montrera moins radical qu’Heidegger.
D’après l’herméneutique de Gadamer développée dans « Vérité et Méthode » publié en 1960, la compréhension est l’attitude générale propre à l’existence humaine, mais cette attitude doit être fondée dans l’histoire et le langage.
Or, si toute compréhension repose sur notre usage du langage, Gadamer pourra alors conférer à l’herméneutique un fondement ontologique, c'est-à-dire une base, une preuve, dans le domaine de ce qui est, de ce qui existe, car c’est notre langage qui nomme les choses. Ce que nous devons voir ici.

Rhapsode : Artiste Grec (7ème siècle Av. J.C) qui allait de ville en ville, réciter des épopées, comme les oeuvres d’Homère.
Gadamer montrera pourquoi notre compréhension du monde repose en premier lieu sur le langage. Le langage joue le rôle de structure de compréhension.
Pour Gadamer, l’expérience effective de la pensée est précisément celle de la parole, puisqu’elle se déploie dans le champs de la langue. Cette expérience de la pensée, actualise sur le mode du dialogue, la structure à préalable qui est celle de la question et de la réponse.

D’où me parle-t-on ? Qu’est ce qui m’est dit ?
Se laisser atteindre par une telle question, tenter d’y répondre, c’est entrer dans le jeu partagé
de la pensée, c’est aussi cheminer en direction de la vérité.
L’intérêt de l’herméneutique est d’ouvrir la compréhension à toutes les oeuvres de l’homme, c'est-à-dire d’universaliser la compréhension (qui repose toujours sur un dialogue), à toutes les pratiques humaines puisque aucune n’échappe au langage.
L’herméneutique permet à l’homme de trouver un langage commun.

Quittons l’herméneutique et poursuivons sur le langage, les langues.
L’homme parle parce qu’il a des idées et que parler, c’est toujours peu ou prou dire l’idée que l’on a derrière la tête.
Etre debout et parler, toute la dignité de l’homme est résumée dans cette double attitude.
« Il ne convient pas que les bons se taisent » disait déjà le vieux poète Ennius.
L’homme parle, mais pour dire quoi ?
Des paroles sans doute.

« Le Verbe a pour origine le vrai » disait Saint Augustin.
L’homme parle pour dire la vérité.
Dès les premiers temps du monde, quand l’homme a commencé à s’organiser en sociétés, la langue à induit des imaginaires puissants, parce que la langue est le territoire le plus immédiat de la parole.
Or, la parole n’est pas qu’un simple moyen de communication, de constat ou de jugement.
Que l’on songe à la promesse, au serment, à la déclaration d’amour ou de guerre, la parole fait advenir quelque chose qui n’était pas avant elle et qui, tôt ou tard, porte un risque, une audace, une transgression bref, une éthique.
Cette éthique, déjà présente dans la parole des premiers jours, était ponctuée par l’enchantement du monde, souvenez vous : « Dieu vit que cela était bon ».

La valeur du Verbe écrit ou oral, contient des caractéristiques, qui le rendent apte à proclamer une vérité et à défendre des valeurs humanistes qui lui garantissent sa qualité éthique.
Le Verbe éthique doit être le reflet de la pensée.

Comme nous l’avons vu, le Verbe est chargé de faire la transition entre les deux modes de l’existence humaine : la matière et l’esprit.
Le Verbe relie l’action et l’idéologie qui la sous-tend.
L’action, permet à l’idéologie de s’élaborer et en contre partie, la pensée inspire les actes et vérifie qu’ils obéissent à ses principes.
Le Verbe est capable d’agir directement dans l’histoire des hommes.
Il influe sur les hommes et au delà sur les événements.

Le Verbe réconcilie idéal et réalité.

Le Verbe arrache l’homme à sa condition humaine, il transforme un destin subi en destin dominé, une fois doté d’un sens.
Aujourd’hui le Verbe, la Parole se retrouve dans l’écran, ce qui la rend à la fois plus ouverte,
plus rapide et plus universelle.

Le Verbe, la Parole parcours désormais le monde à la vitesse de la lumière, il nous reste à nous les hommes, la responsabilité de lui préserver une visée humaniste, en cherchant à fonder
nos actions sur les valeurs de liberté, de justice, de fraternité.
 
Rog\ Per\

Ennius Quintus : (239-189 Av. J.C). Poète latin, il introduisit la littérature grecque à Rome et fut un des fondateurs de la littérature latine.
Saint Augustin : (354-430) Ecrivain romain, né en Algérie, d’origine berbère.
Chrétien, il se consacre à l’étude de la théologie et de la philosophie.  

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