GSG Loge : Le D\ O\ - Orient de Port Gentil - Gabon 12/03/2010

   

Le Tapis de Loge

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La planche qui me vaut l’honneur  d’être devant vous ce midi a pour thème « le Tapis de loge au grade d’apprenti ».  Mais avant d’entrer dans le vif du sujet, permettez-moi de remplir  un devoir.

« La porte basse », thème de ma précédente planche, m’avait surtout appris que tout changement d’état ou de plan ne pouvait s’accomplir du seul fait de ma volonté ou de mon vouloir. Seul, il m’était impossible franchir la porte basse. Seul, il est illusoire voire dangereux de penser pouvoir parcourir sans incident la Voie initiatique.

C’est donc pénétré de cette morale que j’ai pensé qu’avant que je ne sois peut-être autorisé à franchir « une autre porte », qu’il faille que je m’acquitte du devoir de reconnaissance à l’endroit  de tous les frères de cette loge qui m’ont accueilli à bras ouvert et entouré de toute leur chaleur fraternelle.

Mes T.C.F, tous autant que vous êtes, je voudrais vous dédier  cette planche car si mon second surveillant a estimé que je méritais peut-être une augmentation de salaire, il n’en demeure pas moins vrai que chacun d’entre vous y a contribué à sa manière aussi modeste soit-elle. Que chacun d’entre vous en ses degrés et qualités, trouve ici l’expression de ma profonde gratitude.

Le Tapis ou tableau de loge est le rappel en dessins de tous les symboles et emblèmes nécessaires au travail maçonnique. Il est l’emblème de base en franc-maçonnerie. Historiquement, ce tapis symbolise le Temple qui jadis fut élevé à Jérusalem par le roi Salomon.

Il faut savoir que primitivement, tout local où se réunissaient les Frères maçons pouvait être transformé en Temple. Il suffisait de tracer à la craie, sur le sol, le "Tableau" symbolique du degré auquel l’Atelier ou la Loge travaillait. On effaçait ce "Tableau" après chaque tenue.
De nos jours, le Temple où se réunissent les maçons reproduit tous les symboles de ce "Tableau" qui est remplacé par une toile peinte placée au centre de la loge et qu’on déroule lors des  travaux.

Mes recherches hors du contexte maçonnique m’ont conduit tout naturellement vers la culture islamique dans laquelle j’ai pu relever quelques similitudes entre le tapis de loge maçonnique  et le tapis de prière musulman. En effet, tous deux ont une forme rectangulaire même si le premier n’a pas toujours eu historiquement cette forme, puis ils se déroulent et s’enroulent dans les mêmes sens, et  enfin, chacun d’eux porte des symboles immuables tels le triangle, les colonnes et principalement les trois lumières pour le premier; le croissant lunaire et surtout la Qibla pour le second. La Qibla qui est considérée par les musulmans comme le centre de la Terre ou le centre du Monde.

Pour dégager la substance ésotérique du tapis de loge, j’ai choisi de décrire ses éléments constitutifs qui lui donne  à la fois toute cette richesse symbolique et son corollaire de complexité.

En effet, contrairement à ce que d’aucuns pourraient considérer comme un assemblage hétérogène d'objets, le tapis de loge au 1er degré symbolique du REAA représente par la figuration du soleil, de la lune et des étoiles, l'Univers tout entier dans lequel l’apprenti demeure omniprésent. Car tout ce qui se trouve figuré dans le tableau le concerne avec la présence de la pierre brute et celle des outils tels le maillet, le ciseau, la règle à 24 divisions et le fil à plomb, dans la perspective de sa transformation en homme spirituel. L’apprenti  devient en quelque sorte la colonne vertébrale du tapis de loge.

Effectivement, le tapis de loge s'ouvre sur les trois marches pour rappeler d’abord à l’apprenti les trois voyages de son initiation qui représentent son premier contact avec le monde spirituel.

Elles symbolisent  également son âge et sa marche rythmée au cours de laquelle lui sont progressivement révélés les secrets de son grade. Enfin, chaque marche évoque un état, une étape à franchir ou un progrès à réaliser. C’est la raison pour laquelle,  la pierre brute, emblème de l'état d'imperfection qui est présentement le mien se trouve dans le temple sur le nadir, près de la première marche qui mène à l’Orient et du même côté que la colonne « BOAZ » comme le montre le tapis. Cette position n’est pas le fruit du hasard. Sa place me montre en tant qu’apprenti ce que je suis et vers quelle destination cheminer.

La première marche s’identifie au premier pas de l’apprenti. La seconde représente le binaire que je dois dépasser au prix de mes efforts pour me libérer des contingences matérielles et atteindre la troisième marche, symbole du ternaire.

Toutefois, en arrivant sur la troisième marche, je me retrouve en face d'une porte fermée et surmontée du Delta lumineux.

Ce Delta lumineux, comme un phare qui oriente les marins en haute mer, représente la Lumière en direction de laquelle je dois marcher, mais dont je ne perçois encore qu’une infime fraction de son rayonnement  sous le seuil de cette porte.

Cette porte fermée présage donc un nouvel obstacle à franchir, une autre épreuve à surmonter dans cette quête vers la Pleine Lumière. Elle annonce le passage vers un autre état d’être de l’initié. Enfin, elle convie l’apprenti à un voyage difficile dont il ne connaît ni la durée, ni l'aboutissement, ni les formes et surtout ni les changements qu'il aura à lui faire subir.

De part et d’autre de cette porte fermée, je remarque la présence de symboles qui ne concernent pas l'Apprenti. Il s'agit de la planche à tracer, de la pierre cubique à pointe, de l'ensemble équerre et compas et le niveau.

J’y ajouterai la deuxième colonne du temple qu'un frère de la colonne du nord ne peut connaître. Il m'est donc impossible de vous en parler. Mais, je sais que cette deuxième colonne et la mienne marquent les limites du monde profane.

Il en est de même pour la planche à tracer qui renferme la clef de l’alphabet maçonnique. Je sais qu'elle sert à y tracer les plans et les croquis concernant les travaux à faire sur le chantier du temple, mais mon temps n'étant pas venu et ne sachant par ailleurs ni lire ni écrire, sa signification réelle me reste étrangère.

Le symbolisme de l'équerre, bijou qui décore le sautoir du Vénérable Maître et celui du compas dépasse mon entendement mais ces 2 objets associés au Delta Lumineux me font penser aux trois grandes lumières de notre rite que sont la bible, l'équerre et le compas.

Le fil à plomb, signe distinctif du second surveillant, indique la direction qui va de la surface de la terre vers les profondeurs du nadir. Il est l'outil par lequel l’apprenti effectue sa descente en lui pour repérer ses rugosités et entamer sa purification. Le fil à plomb est au  temple ce que le vitriol est au cabinet de réflexion.

Quant à la pierre cubique à pointe, j'ignore tout de sa valeur ésotérique et symbolique. Je sais seulement que je dois tailler ma pierre brute en vue de la transformer en cette pierre cubique qui m'est en quelque sorte présentée comme une direction, un but, un exemple du travail à accomplir. En effet, muette comme l’apprenti, la pierre brute a besoin d’être taillée pour être expressive. En cela, le maillet et le ciseau restent incontournables. Ce sont les premiers outils qui m’ont été présentés tant que nouvel initié pour accomplir mon premier travail de franc-maçon.

Ils symbolisent respectivement la volonté agissante et le discernement de l’apprenti, sa force et son intelligence dans l’action. Interdit de verbe, l’apprenti retient ses pulsions, affine son sens de l’observation, améliore sa qualité d’écoute et ajuste son raisonnement afin d’utiliser au mieux ses fragiles connaissances.

S’agissant de la règle à 24 divisions, elle est l’outil de mesure par excellence de l’apprenti qui lui permet de vérifier si l’action conjuguée du maillet et du ciseau  sur la pierre brute progresse conformément au projet. Elle est idéale pour apprécier la justesse des proportions. Enfin, elle symbolise et enseigne la rigueur, la norme et la droiture.

Quant aux trois fenêtres, je pensais qu’elles étaient justes là pour assurer la ventilation et laisser filtrer la lumière naturelle à l'intérieur du temple, à l’instar de toute fenêtre dans une construction. Mais en regardant attentivement la manière dont elles étaient figurées sur le tableau de loge, j’ai vu sans que je ne sois capable de vous  l’expliquer moi-même, qu’elles étaient situées à l'orient, au midi et au sud-ouest. Toutefois, il m’a semblé que ces fenêtres pourraient avoir un lien avec le vénérable maître et ses 2 surveillants. 

La corde à nœuds qui entoure le tapis de loge est l’emblème de la fraternité qui unit tous les maçons et en fait une famille à la surface de la terre. Cette fraternité doit amener chacun d’entre nous à se tenir prêt à aider ou secourir son frère en tout lieu et en toute circonstance.

Cette corde porte également le nom de chaîne d'union et cette appelation me fait penser à ce moment privilégié où nos esprits ne faisant plus qu'un, nous nous tenons les mains à la fin de nos travaux, sans distinction de race, de religion ou de toute autre condition. La Loge et son tapis ne sont plus alors un lieu abstrait, mais une représentation bien réelle du monde.

Autre caractéristique de cette corde, son ouverture à ses deux extrémités. Elle m’indique que puisque l'Ordre m’a accueilli, j’ai le devoir en tant que maçon, en tant que fils de la veuve, de chercher partout, autour de moi, parmi les hommes ordinaires, celui qui aspire à l'initiation  avec un cœur sincère et une âme candide; celui qui servira avec bonheur la maçonnerie, le rite et la loge et de le faire entrer dans mon atelier. Le devoir d'un maçon est de faire des maçons. Il incombe à chacun de nous de toujours se tenir en état d'éveil pour pouvoir distinguer la plus petite lueur qui scintille chez tel ou tel profane. "La lumière luit dans les ténèbres" a dit Saint-Jean l'évangéliste. Il appartient à chacun d'entre nous de la reconnaître, de l'amener dans sa maison, c'est-à-dire dans le temple, pour la faire grandir, pour la vivifier, pour qu'elle irradie l'âme et le cœur du Cherchant et le fasse devenir celui qu'il doit être.

En jetant un dernier regard panoramique sur ce tapis de loge, je constate qu’il est placé au centre d’un espace sacré délimité par les trois piliers Sagesse, Force et Beauté. Cet espace sacré est visible par tous les frères quelle que soit leur position autour de lui et focalise toute leur attention lors des tenues. Le centre de cet espace sacré est l’axe du monde ou axe mundi (en latin) qui traverse le milieu du pavé mosaïque.  Ce pavé est la représentation symbolique du sol, de la terre ou du monde et la matérialisation du binaire.

Le tapis de loge en cet emplacement est donc au Centre du Monde. D’ailleurs, à l’intérieur du temple, ne sommes-nous pas entre l’Orient et l’Occident, le Septentrion et le Midi, le Nadir et le Zénith ? Cette position, mes T.C.F,  n’est-elle pas celle du centre du monde ? Ne sommes-nous pas en ces lieux sous le regard bienveillant du Grand Architecte de l’Univers que nous glorifions à chaque tenue? Que saurait-Il regarder si c’est n’est que ce monde qu’Il a Lui-même créé ?

C’est en initié digne de ce nom, me trouvant actuellement dans la dimension du ternaire, que la Lumière commence à m’apparaître. Puisse-t-elle m’éclairer d’avantage  pour me permettre d’appréhender dans le futur le symbolisme de la pierre cubique et de la colonne « J » !

Vénérable maître, dignitaires qui décorez l’orient et vous tous mes frères en degrés et qualités,

J’ai dit !

I\ K\


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