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Le grand architecte de l’univers,
un concept nécessaire

Introduction

Rarement ce symbole maçonnique a soulevé autant de controverse. Son implication supposée religieuse provoque chez des frères une réaction négative d’autant que les fondateurs de la Franc-Maçonnerie moderne n’ont rien fait pour éclaircir les choses.

Comment  concilier l’apparente contradiction des constitutions d’Anderson (1723) déclarant (article 1) concernant Dieu et la religion «  un maçon est obligé de par son engagement d’obéir à la loi morale et s’il comprend bien l’art il ne sera jamais un athée stupide ni un libertin irréligieux «  pour ajouter quelques lignes plus loin «  il a été considéré plus commode de les astreindre seulement à cette religion sur laquelle tous les hommes sont d’accord, laissant à chacun ses propres opinions, c’est à dire d’être des hommes de bien et loyaux ou des hommes d’honneur et de probité quelques soient les croyances religieuses qui aident à les distinguer.

Dans la déclaration des principes du convent de Lausanne (1875), un texte lu à tout  nouvel initié affirme que la Franc-Maçonnerie est donc ouverte aux hommes de toute nationalité, de toute race, de toute croyances. Elle accueille tout profane quelque soient les opinions politiques et en religion dont elle n’a pas a se préoccuper pourvu qu’il soit libre et de bonne mœurs »

Qu’est ce grand architecte de l’univers principe supérieur ou créateur qui possède presque toutes les caractéristiques du Dieu de la bible et que nous invoquons au cours de nos tenues, sans pour autant être jamais une religion, ni imposer la moindre croyance.

Dans le monde opératif il s’agissait de penser l’œuvre, dans le monde spéculatif, à partir de la réflexion sur l’univers ; Copernic, Galilée, Kepler, Bruno et Huygens, Descartes l’ont fait.

Au centre il y a le soleil,  le monde tourne, les planètes se déplacent suivant une loi précise.

Une infinité de monde dans un espace sans limite ; un principe et il est possible de trouver un mauvais esprit qui cherche à me tromper, ils vont clamer la contestation d’un dieu envahissant le champ de l’expérience.

Les guerres de religions et le bill of right anglais marque la déclaration des droits face à l’idéalisme religieux, ces savants s’attachent à l’observation de la nature. Les théories sortent de l’expérience grâce à Newton, et ces idées philosophiques pénètrent les loges anglaises, pour aboutir aux constitutions d’Anderson, sans doute écrite par Desaguliers, avec des obligations et des règlements.

Dieu est désincarné, il perd son réalisme, chacun est libre de pensée face au GADLU, les vertus humaines ont dépassé les ignorances bien que les anciennes constitutions et les écossais reconnaissent un Dieu Déité avec les naissances des anciens.

Une approche historique du principe créateur

Platon dans Timée décrète le passage du désordre à l’ordre dans l’harmonie, Aristote nous parle du premier moteur, être nécessaire et principe. Principe, ajoute-t-il, auquel sont suspendus le ciel et la nature. Nous sommes bien en compagnie d’un architecte divin il me semble.

Des clercs comme Scott Erigène, Albert le grand et Pierre Abélard ouvrent en néoplatoniciens le champ de l’esprit critique, Abélard invoquant la force principielle architecturale. Il y a interrogation sur l’essence divine et la substance de l’être caché  d’où les luttes entre la papauté et la Sorbonne.

Les confréries des bâtisseurs travaillent le grand œuvre dans le secret de leurs rites, mais à rencontrer des allusions au grand horloger, au grand constructeur, au grand géomètre, finalement l’influence des trois cultures majeures conduisent à valoriser le principe créateur.

Apres les loges militaires de Napoléon, l’effervescence libertaire après 1820 va s’accroître, c’est la révolution industrielle, l’interdépendance croît, la liberté philosophique et le bonheur collectif dépendent de la diversité des hommes et de leurs échanges malgré le déni de Hegel qui considère que cette liberté n’a amené que concurrence et conflit. Darwin apparaît,  l’homme ne descend pas de dieu mais du singe.

Claude Bernard affirme que l’homme est condamné à ne pouvoir rien connaître, la science dépasse la métaphysique, l’église n’est plus le guide de l’humanité, l’église se recentre avec Pie IX (dogme de l’immaculée conception, infaillibilité pontificale, les pèlerinages).

En 1848 la loge patronage des orphelins lance un rite en 3 degrés, puis des loges du GO renoncent au principe du GADLU au nom de la liberté de conscience, Auguste Comte développe la notion de religion de l’humanité contre une religion théologique.

Enfin, avec Adolphe Crémieux, 1875 maintient la devise Deus Meunque Jus et l’évocation du GADLU définit hors de toute acceptation religieuse, comme principe créateur, c’est une réponse visionnaire et stratégique respectueuse de la liberté de conscience et du droit de chacun de l’exercer durant les 33 degrés. Mais les suprêmes conseils anglo-saxons réaffirment en 1877 l’existence de Dieu et de son message révélé. Le GO réaffirme la liberté absolue et la solidarité humaine, et supprime la notion de Dieu.

La théorie quantique, la relativité ébranle les religions et le dieu rationnel après la première guerre mondiale, la recherche du bonheur individuel prime mais les plus grands savants sont partagés (Einstein…)

Pour les uns l’univers est intelligible, le hasard s’organise et du big bang à la théorie des cordes tout indique qu’une puissance inconnue, une ultime réalité peut apporter une réponse à la question du sens de l’univers, d’autant qu’ils s’opposent à la convergence foi et sacré, et qu’il y a des découvertes à accomplir dans plusieurs domaines et un déficit neuronal chez l’être humain, incapable de tout comprendre.

Le grand architecte de l’univers est le principe premier, indestructible et inaliénable du REAA ainsi que l’ont adopté les suprêmes conseils.

Principe créateur ou supérieur

L’homme primitif commence à établir des liens avec son environnement, il prend conscience de son existence, la fragilité face aux rapports avec la nature ; C’est un Homo religiosus qui pourrait précéder l’homo sapiens dans ses relations avec le sacré ; l’Homme devient le lieu de rencontre entre un univers immatériel et lui-même, sanctuaire puis dépositaire de la conscience de son essence, l’initié assure le relais entre chaque génération.

L’idée historique

Le concept « architecte de l’univers », très ancien, remonte aux premiers mythes cosmogoniques. Platon le cite dans Timée ; architecte, du grec arkhe kekton, désigne un rang supérieur, le commandement d’une part et le constructeur d’autre part.

La bible mentionne ce concept (genèse1.2 et lettre aux hébreux 11.10), puis dans la FM c’est la religion naturelle proclamation de la tolérance, article 1er des constitutions d’Anderson.

Le concept et le symbole

Le sacré est un élément de la conscience de l’Homo sapiens. Il faut lever les voiles de l’illusion pour révéler la face cachée d’un geste rituel, d’un objet. C’est comme cela que lorsque je vois un champignon extraordinaire, en plus d’un aspect scientifique, j’ai la révélation du sacré.

Comprendre l’autre, c’est d’abord se découvrir soi-même et sublimer le temps et l’espace.

Oswald Wirth synthétise bien le but de ce concept.

« N’érigeons pas le GADLU en un objet de croyance mais voyons-y le symbole le plus important de la maçonnerie afin de comprendre et de construire chacun pour soi le sanctuaire de nos considérations personnelles ». Ainsi ce principe créateur, sagesse, connaissance et amour, nous guide.

Un symbole universel

Le REAA affirme son déisme, il nous annonce tout au long de notre vie maçonnique à réfléchir sur le caractère de l’espace considéré comme étoffe d’où tout énergie.

L’homme se rapproche du logos sans tomber dans l’anthropomorphisme d’un dieu mathématique. C’est une vision d’ordre du monde entre l’harmonie de l’univers et l’idéal de notre conduite humaine. Il n’y a pas horloge sans horloger disait Voltaire.

L’ecossisme s’est adapté à la mécanique opérative, évitant le rejet banal et le piège de la confusion théiste.

Nous sommes bien dans une dynamique allant dans le sens de la création jamais achevée et toujours en cours d’un homme nouveau, l’initié.

La symbolique du GADLU n’était liée à aucune croyance, il exprime la foi du maçon dans la totale liberté de conscience, transcendant le chaos et mes conditions au voyage vers l’invisible.

Le GADLU n’est pas une personne divine, c’est un principe supérieur. Le maçon travaillant sur lui-même construit la fraternité spirituelle qui le lie à ses frères et ainsi il participe à la construction du temple des hommes. Le maçon devient homme et reste porteur de lumière et facteur de paix, de joie et d’amour.

L’évocation du GADLU rappelle aux francs-maçons qu’ils ne travaillent pas pour leur propre gloire mais qu’il utilise cette intelligence et ce cœur pour servir la dimension spirituelle de l’homme. Notre besoin d’unité profonde et servir les autres, comme moi au SPF, au service du bien, du beau, du juste s’élaborent grâce à nos rituels.

Au commencement était le logos

Le GADLU n’est pas présenté sous l’aspect de la foi, il n’est pas demandé au franc-maçon d’y croire, ni de débattre de son existence mais de croire a un principe créateur.

Malgré cela, cette planche est là pour traiter de ce concept, cet acte de pensée aboutissant à une représentation générale et abstraite selon le petit « Robert ».

On peut le rapprocher du postulat mathématique, un outil de travail sans pouvoir de le démontrer.

Kant pose l’existence de Dieu comme postulat, une vérité affinée en vertu d’une nécessité pratique et subjective à partir des exigences de la morale. Ce n’est pas loin du grand architecte de l’univers.

Le volume de la loi sacrée est ouvert au prologue de l’évangile de Jean, « Au commencement était le verbe et le verbe était avec Dieu et le verbe était Dieu. Il était au commencement avec Dieu, tout fut fait par lui et sans lui rien ne fut ; ce qui fut en lui était la vie et la vie était la lumière des hommes ».

 Il nous invite à réfléchir sur la notion philosophique du verbe, logos dont les sens sont multiples, le logos est au-delà du perceptible et le verbe créateur à la limite de notre connaissance, l’homme parle et raisonne.

Héraclite, loi de l’être, Socrate et Platon, raison organisatrice, le logos est finalement un principe créateur inconnu mais en harmonie avec l’intelligence humaine. Le début de la Chrétienté voit le logos se diviniser (Philon d’Alexandrie) et vient St Jean qui le définit comme la parole de dieu incarné en Jésus Christ.

La notion de Logos ne doit pas se scléroser dans la sacralisation d’un texte (Thora, Bible, Coran) mais dans l’idée que Dieu, inconnaissable, ne peut être compris des hommes que par des méditations.

Aux francs-maçons il n’est pas demandé de croire mais de travailler sur le concept du GADLU, d’en faire un outil de sa démarche, d’admettre que la connaissance de la totalité des choses ne nous est pas accessible, ce qui évite tout discours dogmatique, mais que nous pouvons réfléchir sur les manifestations de ce tout, les textes dit sacrées, l’univers matériel, l’homme, la vie. Le rite nous permet d’établir un lien entre l’ineffable et le monde.

Par son origine, le logos nous plonge aux sources du sacré, par son aspect rationnel, il est ce que nous, êtres humains avec une connaissance imparfaite, pouvons connaître de Dieu.

Le triangle, première figure construite de la géométrie l’évoque, c’est pour montrer que le GADLU travaille au niveau du monde matérialisé. Le franc-maçon n’est pas un mystique, mais un homme qui recherche l’incarnation de l’esprit dans la matière.

De la Kabbale au logos

La colonne B, mystique juive, se rapproche rationnellement de la spiritualité, Philon d’Alexandrie associait le devoir hébreu (le mot et la chose, l’abstrait et le concret) avec le logos grec qu’il plaçait en intermédiaire entre Dieu et la création.

L’arbre séphirothique décrit le monde où on vit purement matériel, le malkut à la divinité.

En suivant les sentiers de l’alphabet hébreu on rencontre les dix émanations divines ; la dernière Kheter, la couronne évoluant dans le monde d’Assalout (émanation), correspond au monde de l’idée pure, le monde du concept.

Et au-delà de Kether, il y a la limite de la connaissance humaine vers laquelle on marche sans l’atteindre, c’est Our (AOR) et au delà de laquelle il y a l’inconnaissable, le néant (Ein-Soft).

Le logos n’est donc pas maître, il nous renvoie au langage, l’homme articule sa pensée concrète et abstraite dans un langage, c’est un lien.

Dieu, Esotérique, et exotérique

La FM, réservée aux initiés, est ésotérique mais n’a pas le monopole de la démarche tourné vers l’intériorité. Les religions son exotériques, tournés vers l’humanité toute entière et justifiant des dogmes et des explications simples permettant une loi morale, toutefois elles possèdent en elles-mêmes une dimension ésotérique qui autorise une démarche individuelle.

Maître Eckart qualifie la Déité, le néant et le sur néant, c’est ressemblant avec l’Aim des Kabbalistes, la déité n’est Dieu que lorsqu’il y a des hommes, on utilise que des mots substitués (Dieu, Allah, Iahvé) pour parler de la déité ineffable.

Le rite REAA affirme au sujet du GADLU « comprenons bien que le principe suprême que nous traduisons par ce symbole est ineffable et que lui donner un nom c’est le rapetisser à la mesure humaine donc le profaner ».

Dieu n’est pas un objet, il est au dehors et totalement au-dedans de soi.

Nous inversons le sujet et l’objet, le but et le moyen au travers de nos croyances, rites, religions, dogmes ; l’écorce de nos connaissances ne doit être confondue avec dieu inconnaissable.

La raison, la spiritualité, leurs limites

Le REAA avec son GADLU, sa parole perdue est une philosophie spirituelle tournée vers l’action. Il y a parenté entre GADLU, logos et idée de Dieu.

Heidegger en raisonnant « pourquoi y a-t-il quelque chose plutôt que rien » reprend les idées de maître Eckart dans un langage non religieux. Lorsque la psychanalyse reparle de l’inconscient comme d’un univers inconnaissable dont on ne perçoit pas les manifestations, elle pose le problème de l’ineffable et du révélé.

Le GADLU nous pose des questions :
-                      Quelle est la place de l’homme dans l’univers ?
-                      Qu’est ce qu’on peut connaître ?
-                      Quel est notre espace de liberté et de détermination ?
-                      Qui sommes-nous, d’où venons-nous, ou allons-nous ?
-                      Qu’est ce qui fonde notre morale ?
La notion de GADLU n’affirme rien, ne ferme aucune piste et permet la recherche.

La fraternité

Le GADLU est le symbole le plus ouvert que je connaisse, c’est le symbole de la liberté de pensée.

Ce principe créateur, ce concept, ne le nomme pas, ne le glorifie pas en se l’appropriant et laisse chacun le soin d’y associer l’image qui lui correspond pour son confort spirituel. Je n’écris pas Dieu, l’inconcevable, l’ineffable, l’insaisissable, l’inconnaissable. Je ne  perds pas ma liberté au nom de quelques idées d’une autorité religieuse.

Au théiste de voir dans le GA le dieu révélé, au déiste le symbole du créateur hors de révélation et de tout dogme, au philosophe le symbole de l’intelligence suprême, à l’agnostique le grand organisateur des mystères ; à l’athée le symbole de la conscience collective ; au scientifique le symbole de la vie dans le respect des lois naturelles, à d’autres le principe d’organisation des forces naturelles qui réagissent l’univers.

Pour le maçon écossais il représente, dans une acceptation de liberté ouverte à tous les esprits, le principe créateur qui continue à organiser et à construire l’humanité dans un processus permanent d’harmonie. C’est la pierre angulaire de notre rite, la clef de voûte.

Le GADLU est l’outil de nos recherches, il est bien ineffable, et du monde, par la géométrie, le delta le symbolise ; il est aussi principe d’action qui permet de construire du visible. Cette double action est la base de la tolérance maçonnique qui se différencie de la tolérance profane.

Conclusion

Il faut savoir apprendre à se servir d’outils qui ne sont pas ceux qu’on pensait maîtriser. A la foi concept, symbole, logos le GADLU est fondamentalement ce qui fait de nous des hommes.

Alors athée, déiste, théiste, agnostique, croyant ou non, des mots substitués nous permettent de continuer l’œuvre grâce au GADLU car la parole véritable est inaccessible à l’esprit humain du profane et de l’initié.

Ce symbole nous laisse, comme tous les symboles, entièrement libre de l’interpréter entre notre âme et conscience puisque opposé au dogme ce symbole permet à chacun de concevoir ses propres convictions dans le respect des idéaux de chacun et en toute liberté.

Ce sont des hommes qui empêchent de nous faire penser, pas le G ADLU ; tous les intégristes, les fanatiques, extrémistes se disent détenteurs de vérité pour qu’ils s’approprient un dieu fait à leur image et se vouent à leur sale cause pour exécuter ceux qui ne croient pas en eux. Ils prennent dieu en otage pour endoctriner les ignorants et armer les fanatiques pour des visions hégémoniques.

Le maçon doit pouvoir décider par lui-même de ses opinions et assurer ses actes. Le symbole n’est pas une idole. Un symbole qui n’admettrait qu’une seule interprétation cesserait d’être symbole pour n’être qu’un emblème.

Le symbole est le point de rencontre de mes frères où on s’enrichit de la multitude des interprétations. Le chemin de la découverte de lui-même amène mon frère à se recentrer sur l’essentiel, Adelphe en esprit et frère en humanité.

La franc-maçonnerie nous embarque dans une quête spirituelle infinie, de fraternité, à la recherche d’un absolu. C’est une grande aventure de l’humanité.

C’est donc un concept indispensable et nécessaire.

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\ H\

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