Obédience : NC Loge : NC 29/01/2010

La Symbolique du Flamenco

Le Flamenco est d’inspiration populaire, tout un art d’expressions spontanées d’un peuple martyrisé. Un chant beau jusqu’ à l’angoisse… un chant grave, arraché il y a des centaines d’années de l’âme des gitans persécutés. Le Flamenco exprime toute une manière de ressentir la vie : depuis la naissance, la jeunesse, la séduction, l’amour, la maturité,  la prière  et la mort.

Les mains tourbillonnantes, appellent, au dessus des têtes, la grâce, la légèreté du vol de la Colombe, l’esprit du Tout Haut ; les pieds frappent le sol pour affirmer la révolte de ce peuple, mais aussi leur présence, ce qui nous renvoie à la verticalité entre le temporaire et l’éternel, le Haut et le bas.

L’histoire voudrait que ces coups de talons au sol servent d’alarme aux femmes pour prévenir leurs hommes de la présence des soldats de l’armée de Charles Quint des Flandres. Ces coups donnés au sol rappellent le bruit des bottes des Flamands, aux talons de bois et le cliquètement de leurs sabres frottant le sol,  suivant la cadence de leurs pas.

Dans ses expressions, la façon de se positionner, dans le mouvement des bras et des jambes, des voiles légers des robes font apparaître la grâce pure, le charme le plus violent, la passion, tentant de restituer toute une culture venue de l’Inde.

Peuples d’errants, c’est en 1438 pendant la domination islamique qui dura près de sept siècles (de 711 à 1492) que les gitans, originaires du Nord-Ouest du sous-continent indien, entreprirent  une migration vers l’Ouest. En prenant des routes différentes ils atteignent l’Espagne :
Les uns par l’Iran, la Grèce, la Turquie, la Bulgarie (les Tziganes),  la Roumanie (les Romanichels), la France.
Après ce périple, ils arrivèrent en Catalogne puis en Andalousie. Les autres traversèrent successivement l’Egypte et le Maghreb.

Dans cette Europe médiévale, leur apparition suscite la frayeur, la curiosité. Sont-ils chrétiens ? Toute la question était là ! Ils durent cohabiter avec des populations juives, arabes et chrétiennes. La tolérance culturelle pratiquée par les Maures ne résista pas à leur départ et des lois anti-gitans furent promulguées. Lois d’éradication et d’extermination ainsi que de déportation des gitans survivants vers la Castille et Asturies entre autres.

Leur accoutrement, comme leurs mœurs intriguent les  populations. Il s’agit de créatures étranges, des forains, des nomades, sans feu ni lieu, parlant une langue étrange incompréhensible, sans écriture.
 Vanniers, forgerons, marchands d’animaux, épaississent encore plus le mystère qui les entoure,  par la pratique de la voyance, la cartomancie, la chiromancie et l’astrologie.
 Ils proviendraient d’Egypte où ils  auraient été initiés aux mystères de la vie et aux redoutables pouvoirs d’Isis et d’Osiris. Il n’en faut pas plus pour que l’église les soupçonne de s’adonner à la Magie Noire, de commerce avec Satan.

La nuit, ils devaient s’élever au dessus du sol, dormir avec âmes et bagages dans les arbres,  faute de quoi,  ils pouvaient être exécutés,  finir en prison ou partir pour les galères du Roi.
Désormais ils seront traqués, chassés, emprisonnés et brûlés.

Dès lors, les Gitans abandonnent les villes et se réfugient dans les collines, ou les montagnes de l’Alpujarras. De 1502 à 1570, d’un bout à l’autre, l’Andalousie est à feu et à sang. Toute guerre connaît des trêves ; cependant, les Gitans réfugiés dans leurs maquis descendent la nuit rejoindre leurs femmes, pour repartir dans les montagnes avant l’aube. Traqués, pourchassés, ils courent de grottes en refuges, d’une sierra à l’autre.
Ils sont isolés du reste de la société et leurs créations artistiques se développent indépendamment.

En 1750, don Pedro-Pablo Abaraca y Bolea comte d’ARANDA, ministre libéral et Frère Franc-maçon, fait signer, au Roi d’Espagne Charles III, un décret qui autorise les Gitans à se fixer dans les banlieues des villes pour peu qu’ils respectent la propriété d’autrui, et n’attentent  pas aux bonnes mœurs.

L’Espagne tira un gros avantage musical de l’héritage culturel laissé par les Maures, et on peut encore entendre cet impact dans la musique flamenca avec les techniques enharmoniques, utilisant des intervalles plus petits que le demi-ton.

Les Gitans sont de merveilleux musiciens ; ils s’imprègnent des sonorités musulmanes, telles que  celles d’un musicien de génie, du 10ème siècle, appelé Ziryab ; il venait de Perse. Lors de ses passages en Egypte, Syrie et pays du Maghreb, il glana différentes sonorités avec lesquelles  il composa. Il est à  l’origine de la musique dite ‘arabo-andalouse’.
Les Gitans adaptèrent les instruments de l’Orient avec ceux du Nord de l’Europe. Ainsi ils créèrent une musique faite de technique de chant fondée sur une émission d’arrière gorge. C’est ainsi que naquit le FLAMENCO ; dans la joie la plus débridée ou la peine la plus terrible ; ce chant d’amour, de passion, laisse parfois passer l’ombre de la mort. La danse et le chant semblent empreint d’un profond mysticisme.

Ils s’inspirent aussi des chants liturgiques des mozarabes, ces chrétiens arabisés qui perpétuent la tradition d’un Grégorien byzantin, âpre et viril. Pour précision : par chrétiens arabisés, j’entends des chrétiens qui gardent leur religion mais vivent et adoptent les mœurs et coutumes arabes.
Enfin leur sensibilité est touchée par la musique de la Synagogue, par les berceuses, que les mères juives fredonnent le soir.

L’ensemble produit une atmosphère musicale unique,  les 3 traditions se mêlent de façon inextricable. Le dramatique juif, l’élégance maure et le mysticisme chrétien des Gitans. Cette fusion raconte  une histoire, un vécu tragique, la révolte, la prière, la nostalgie,  la joie,  la souffrance ;  le Flamenco sert d’exutoire pour évacuer ,exprimer toutes ces émotions.

Les Gitans ne savent pas déchiffrer une partition, ou un texte. Chez eux,  tout se transmet oralement, de Maître à Elève, ce qui favorise les innovations. Ils imprègnent leurs propres rythmes à tous ces chants et danses.

Bien plus tard, l’Art Flamenco, s’enrichit par l’écriture, la lecture ; des hommes et femmes vont tracer les premières partitions, écrire les premiers les textes.

Pour fêter le retour à une vie plus libre, les familles se rassemblent, la nuit, autour d’un feu, pour sceller toute sorte d’évènements : mariages, récits, baptêmes, communions sont inséparables des chants, musiques et danses. Dans cette paix précaire, un ancien « gratte » doucement les cordes d’une guitare.
Tous se taisent, dans l’attente. On croirait des spectres. Pas un son ne sort des lèvres scellées par des années de traque et d’embuscades.
 Tout à coup quelques mots, on jette un encouragement « muy bueno » «  venga hombre, ole »… et là pour reprendre courage on tente le seul remède, celui qui délivre les mémoires de ce qui ronge les âmes : le Chant « el cante », le Piétinement des souliers « el zapateado », et démarre la frappe des mains « las palmas ».
 Peut- être en cet instant le DUENDE, le DJINM des musulmans, cet esprit erre, la passion démarre, les femmes tournent, les hommes les provoquent, un cri terrible déchirant « aieyyiaieyy » surgit, la fête « fiesta » commence. Les jupes volent, les tailles se cambrent, les mains et les bras tournent, appellent, la nuit sera belle, longue, et l’amour généreux.

En un bref instant tout doit être dit, jeté plutôt. Cela relève de l’évidence « si señor, asi se canta el cante jondo » littéralement « le chant profond », celui du fond de la gorge. (Ou des entrailles)
Pour en arriver à ces rares couplets, combien de tortures, combien de morts, et quelle puissance de désespoir ?

Avec le temps, le FLAMENCO désigne un art de plus en plus éloigné de ses sources. Aujourd’hui, grâce à un renouveau politique, le FLAMENCO, peut-être vu et entendu, de Madrid à Barcelone, comme à Séville. Peut-être même dans un club d’un grand hôtel international. Tout dépend par qui il sera interprété, écouté, regardé, dans le SILENCE le plus total, mais avec l’attrait et la compréhension du hasard que les Andalous appellent destin, il n’est pas exclu que les chanteurs ou les danseurs aient un problème affectif ou un enfant malade ou tout simplement de la nostalgie ou bu trop de vin. Sentiront-ils la présence de vrais amateurs : un seul critère le SILENCE pour laisser le « DUENDE » venir pour voir du grand FLAMENCO. Le « Cante » se reconnaît, en effet, au Silence qui le précède et le suit. Comme en amour on en ressent le surgissement dans un frisson, de l’angoisse dans un sentiment de plaisir. Aussi, n’y a-t-il rien de plus grotesque qu’une horde de touristes qui se mêlent aux « palmas » ou à la danse ?
Même quand il s’agit d’un spectacle, le « tablao » reste une liturgie.
N’officient, que les INITIES. Cela reste une affaire de « Casta ».

La passion de vivre exalté dans le « Cante sourd » d’un malheur immémorial. Le chant profond de la gorge, célèbre la ruine d’un passé de martyrs et la revanche, aujourd’hui, d’une certaine civilisation qui se reconnaît depuis 1936.
 Cette haute et ancienne civilisation, dans son chant et ses danses, célèbre et rappelle le malheur des opprimés, des vaincus, leur désespoir et leur ténacité à constamment renaître.

Pourquoi ai je fait ce travail ? Qui n’est pas maçonnique ! Et pourtant….

Voilà que nous rentrons dans une nouvelle année et nos folies sont toujours dans la configuration de l’intolérance moyenâgeuse, dans toutes ses formes les plus abjectes, par la violence verbale, intellectuelle et/ou physique. Et aussi par notre propre crainte de la différence de l’autre, tout comme celle de perdre notre travail, nos acquis, notre bien être…
De quelle manière, nous, Francs-maçons, pouvons-nous faire face à cette déstabilisation mondiale ?
 Et bien commençons par notre façon d’être, nos actes, et aussi par notre activité symbolique.
 N’oublions pas que nous avons comme devise et batterie : LIBERTE, EGALITE, FRATERNITE. Cette devise représente le ternaire : pensée, parole, action ; elle correspond au Compas, à l’Equerre et à la Règle.
Nous sommes tous différents dans nos choix de vie, et nos idées. Notre but initial, est le bien être de l’HUMANITÉ, de combattre l’obscurantisme, la haine, la violence, le fanatisme et mettre l’Homme à sa juste place dans cette société qui s’écarte de l’Humain.
Chacun à notre place, à notre office selon nos possibilités personnelles et sous la condition d’être honnête envers nous-mêmes. Dans cette lutte quotidienne nous avons la Pensée par le Compas, la Parole par l’Equerre et l’Action par la Règle.

Permettez moi pour finir de citer CONFUCIUS qui nous dit :
« Dans les affaires du monde, l’homme de bien n’a pas une attitude rigide de refus ou d’acceptation. Le JUSTE est sa REGLE. »

J’ai dit Vénérable Maître.

Florence F\

Le duende est un mot espagnol intraduisible en langue française. Il témoigne de l'indicible rencontré dans des moments de grâce de l'art.

Abu Al-Hassan Ali ben Nafi, dit aussi Ziriab (ou bien Zyriab ou Ziryab), né dans un village kurde de Mossoul en 789 et mort à Cordoue en 857, est un poète et musicien kurde[1].Il fut l'un des principaux fondateurs de la musique arabo-andalouse au IXe siècle. Il introduisit le oud (luth arabe) en Andalousie après lui avoir ajouté une cinquième corde et en développant le jeu au plectre. C'est ce luth qui s'est ensuite répandu dans le reste de l'Europe. La chanson de Roland fut sans doute jouée sur un luth de ce type. Ziryab fut non seulement un musicien extraordinaire, mais aussi un grand lettré, un astronome et un géographe. À son arrivée à Cordoue, il créa une école de musique, premier conservatoire d'Europe ouvert à tous, financé par la cassette du Calife Abd al-Rahman II

Alpujarras : Dans les textes anciens, la région est souvent appelée alpujarras, nom dérivé du terme arabe al Busherat (al-bugscharra), traduisible par "la Terre de l'herbe" ou la "Terre des pâturages". Les Alpujarras sont une région montagneuse du sud de l'Espagne, partagée entre les province andalouses de Grenade et d'Almería. Elles se situent sur les flancs sud de la Sierra Nevada.


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