Obédience : NC Loge : NC 04/1997

 

V I T R I O L ou la recherche de la pierre philosophale

Je vais, ce soir, vous parler un tant soit peu de V I T R I O L, ce mot de sept lettres, à la fois formule chimique et alchimique.

Pour le Chimiste, le vitriol est un acide gras, un acide sulfurique concentré très corrosif qui, au gré des transformations qu'il opère, vire au blanc, bleu ou vert ; il devient alors sulfate de zinc, sulfate de cuivre ou sulfate ferreux.

Pour l'Alchimiste, le vitriol est le secret quintessentiel de sa philosophie ; en même temps qu'il le cache, il fait connaître ce secret et la substance sacrée qu'il cherche à transmuter. VITRIOL ou Vritriolum est donc, pour lui, le mot que recouvre l'avertissement latin : « Visita Interiora Terrae, Rectificandoque, Invenies Occultum Lapidum Veram Medicinam » qui se traduit littéralement par : « Visite, Entre à l'intérieur de la Terre et en rectifiant, trouve (rencontre, reconnais, obtiens) la pierre mystique, la pierre occulte, la pierre philosophale qui est la Vraie Médecine ».

Cette formule occulte se rapporte, pour l’Alchimiste, à la Lumière que l'on ne peut trouver que dans l'Obscurité, à l'éveil de la conscience qui ne peut se faire qu'en sondant les profondeurs du cœur ; il s'agit en l'occurrence d'un physique et d'une métaphysique.

Pourquoi VITRIOL en Franc-Maç\

Institution essentiellement philosophique et philanthropique, la F\ M\ est l'héritière privilégiée de tous les courants philosophiques recherchant la perfection. Elle est, de surcroît, très hermétique en ce qui concerne son enseignement. Vous comprenez donc, mes SS\, que la formule alchimique VITRIOL tienne une place très importante dans l'enseignement maçonnique au point qu'elle est communiquée au Néophyte dès la première épreuve de son initiation, l'épreuve de la Terre.

En effet, en prélude aux épreuves d'initiation qu'elle va subir, la Néophyte séjourne quelques temps dans ce réduit aux décors lugubres à moitié éclairé qu'est le Cabinet de Réflexion, où il lui est demandé de méditer sur les objets et autres inscriptions qui y sont, puis de rédiger un testament philosophique.

Au gré de son instruction, elle découvre, à la longue, que cette première épreuve a une signification très profonde : c'est la mort, symbolique certes, de la pierre brute qu'elle était avant sa naissance maç\, mais surtout l'essentiel même de ce qu'elle est venue chercher en F\ M\ : se connaître elle-même d'abord pour, ensuite, connaître l'Univers tout entier et œuvrer à son amélioration et son perfectionnement tant intellectuel que moral.

C'est pourquoi cette formule lui est donnée tout de suite qui lui sert de sésame : VITRIOL.

VITRIOL chimique qui, par son effet corrosif, met à nu les imperfections et les transforme en sulfates utiles.

VITRIOL alchimique qui définit clairement le travail à faire : « Sonde les profondeurs de ton intérieur et, en procédant aux rectifications, aux corrections nécessaires au fur et à mesure de ton avancée, tu y découvriras le trésor qui y est profondément enfoui ».

Ainsi donc, mes chères SS\, le VITRIOL n'est rien d'autre qu'une invite à la recherche de ce trésor qui habite nos corps et qui « est éternel, indestructible, illimité » (selon La Bhagavad Gîta).

Quel est-il donc ce trésor enfoui au-dedans de chaque homme ?

Nous savons qu'au plan physiologique, durant toute une vie, le corps humain, depuis les substances molles du cerveau jusqu'aux parties les plus dures de la charpente osseuse, se régénère sans cesse ; mais que, malgré ces continuels changements auxquels est soumis son enveloppe matérielle, l'homme conserve toutes ses facultés, toutes ses puissances intellectuelles et morales. C'est cette force conservatrice qu'il nous faut découvrir, cette force qui, indestructible, centralise en son sein en connectant les unes aux autres toutes les facultés du corps humain en un accord parfaitement synchronisé des différentes parties du corps ; cette unité centrale (pour emprunter au langage informatique de notre époque) n'est rien d'autre que notre conscience qui est, à la fois, l'essence même de la vie et le haut foyer de l'intelligence dont les diverses composantes constituent notre corps psychique.

C'est à la découverte de ce corps, reflet de notre personnalité, que nous convie cette formule chimique et alchimique : VITRIOL ; nous nous devons donc de le sonder dans ses moindres recoins et en découvrir la substantifique moelle pour pouvoir nous connaître réellement et nous réaliser pleinement, réaliser notre vrai Moi Intérieur, et parvenir alors à la perfection qui nous ferait contribuer à l'évolution de l'humanité. Et si l'on dit que l'homme a été créé à l'image et à la ressemblance de son Créateur, il a donc en lui une déité qui est le lien entre lui et l'univers.

Pourquoi ce trésor est-il enfoui en dedans de chaque être humain ?

Par son corps fait du limon de la terre, l'homme est matière donc à l'image du monde qui l'entoure ; mais par son âme qui est souffle de vie et esprit, son être intérieur, il est à l'image et à la ressemblance divines. Ces deux corps qui constituent l'homme étaient, à l'origine des temps, confondus. Mais le démon déchu veillait, qui a tenté et trompé, Adam et Eve et les a poussés à commettre le péché originel qui, depuis, a jeté le trouble dans l'esprit de chaque homme en créant une sorte de barrière entre son corps et son esprit, et qui lui a fait perdre sa divinité absolue ; du moins lui est-elle cachée par son Créateur ; et depuis donc il recherche sans cesse sa mémoire primordiale, divinité cachée en dedans de lui-même.

Cette vieille légende hindoue, que je vous livre in extenso, est très édifiante à ce sujet :

« Il y eut un temps où tous les hommes étaient des dieux. Mais ils abusèrent tellement de leur divinité que Brahma, le maître des dieux, décida de leur ôter le pouvoir divin et de le cacher à un endroit où il leur serait impossible de le retrouver. Le grand problème fut donc de lui trouver une cachette.

Lorsque les dieux mineurs furent convoqués à un conseil pour résoudre ce problème, ils proposèrent ceci : « Enterrons la divinité de l'homme dans la terre ». Mais Brahma répondit : « Non, cela ne suffit pas, car l'homme creusera et la trouvera ».

Alors les dieux répliquèrent : « Dans ce cas, jetons la divinité dans le plus profond des océans ».

Mais Brahama répondit à nouveau : « Non, tôt ou tard, l'homme explorera les profondeurs de tous les océans, et il est certain qu'un jour il la trouvera et la remontera à la surface ».

Alors les dieux mineurs conclurent : « Nous ne savons pas où la cacher, car il ne semble pas exister sur terre ou dans la mer d'endroit que l'homme ne puisse jamais atteindre un jour ».

Alors Brahma dit : « Voici ce que nous ferons de la divinité de l'homme : nous la cacherons au plus profond de lui-même, car c'est le seul endroit où il ne pensera jamais à chercher ».

Depuis ce temps-là, conclut la légende, l'homme a fait le tour de la terre, il a exploré, escaladé, plongé et creusé, à la recherche de quelque chose qui se trouve en lui ».

Alors, mes SS\, tels des alchimistes chevronnés, recherchons avidement ce pouvoir divin de la légende caché en dedans de chacune d'entre nous, la Pierre Philosophale qui n'est autre que le Moi Intérieur, notre conscience profonde, l'étincelle de divine intelligence introduite dans l'être vivant avec le premier souffle de vie.

Comment espérer y parvenir ?

A la lumière de cette légende hindoue, nous nous rendons compte que depuis l'avènement de l'humanité adamique, l'homme s'acharne, quelque soit son origine, son milieu, à retrouver sa divinité perdue. Grâce à sa perfectibilité, tous les espoirs lui sont permis, sinon d'atteindre l'état de pureté originelle, du moins de s'en approcher le plus possible. Le Sage ne conseille-t-il pas ceci : « Pose spontanément ta conscience sur ce que tu accomplis ; tu réveilleras alors ce qui est déjà en toi et tu te rapprocheras de plus en plus de ta profondeur d'âme ».

St Bernard dans le Sermon sur le Cantique des Cantiques ne dit-il pas également que « l'homme intérieur en nous se rénove de jour en jour, et se refaçonne en esprit à l'image de son créateur : il devient un jour né du jour, une lumière issue de la lumière... », comme Osiris, l'Egyptien, qui d'homme devint dieu par le processus alchimiste.

A tout cheminement initiatique, cette phrase que nous ont légué les Anciens est essentielle : « Connais-toi toi-même et tu connaîtras l'univers et les dieux ». En effet, comment percer les mystères de l'univers si l'on ne commence pas par se découvrir soi-même d'abord ?

Ne dit-on pas que « toutes les forces de l'univers existent à l'intérieur de l'homme et que lorsque l'homme se sera complètement maîtrisé, il aura maîtrisé l'univers ». Et aussi que « si l'homme savait se recueillir et s'étudier, s'il écartait de son âme toute l'ombre qu'y accumulent les passions ; si, déchirant le voile épais dont les préjugés, l'ignorance, le sophisme (1) l'ont enveloppés, il descendait au fond de sa conscience et de sa raison, il y trouverait le principe d'une vie intérieure tout opposée à la vie du dehors et qui est : la conscience divine ». (Léon Denis)

Pour recouvrer sa nature céleste, l'homme doit se connaître, non pas tel qu'il désire être, mais tel qu'il est véritablement. Il doit donc, non pas chercher au-dehors, c'est-à-dire à l'extérieur de sa forme de matière, mais entrer en lui-même, pénétrer cet être intérieur, en sonder les méandres pour découvrir le trésor qui y est caché et qui est fait à l'image et à la ressemblance de Dieu. Le travail est ardu.

Pour y parvenir, toutes les religions et tous les courants philosophiques, ésotériques et hermétiques recommandent deux méthodes essentielles :

il faut cultiver, d’abord et avant tout, cette vertu qui est nécessaire pour nous ouvrir les portes de la connaissance : l’HUMILITE ; l'humilité qui est l'état d'esprit, l'attitude, le comportement de quelqu'un de modeste qui, d'une part, se considère sans indulgence et, d'autre part, est porté à rabaisser ses propres mérites. C’est, en effet, en étant humble que l’on peut, en toute franchise et honnêteté, se regarder et se voir tel que l’on est réellement et non comme l’on croit être ;

il faut ensuite se « VITRIOLER », c'est-à-dire « sonder sans relâche les profondeurs de son être pour mettre à nu ses imperfections et les rectifier, les corriger » ; pour ce faire, elles prônent le recueillement, la méditation, l'isolement, le carême, qui facilitent cette pénétration, cette descente en profondeur qui vous met face à face avec votre conscience dont vous ne pouvez vous cachez. S'en suivent alors les satisfactions, les remords, regrets, résolutions, etc...

L'Africain, pour sa part, dans sa quête de la pierre philosophale, puise ses enseignements dans la tradition ancestrale et les rites, plus spécialement les rites initiatiques et divinatoires.

En Franc-Maçonnerie, l’initiation nous amène à « mourir aux préjugés du vulgaire afin de renaître à une vie nouvelle ». Ainsi Initiées, nous sommes avant tout des alchimistes en puissance qui devrons travailler le métal pour le transmuter en matière sacrée ; le plan à suivre nous est clairement défini par la formule alchimiste VITRIOL : « Sonde les profondeurs de ton intérieur et, en procédant aux rectifications, aux corrections nécessaires au fur et à mesure de ton avancée, tu y découvriras le trésor qui y est profondément enfoui ». C’est une invitation à descendre à l’intérieur de soi-même, au plus profond de soi, au-dessous du niveau de la terre, dans nos propres enfers, c’est-à-dire dans notre SUBCONSCIENT afin de l’apurer.

La référence à cet acide décapant nous indique donc que nous devons « purger » notre subconscient (1er degré) afin de prendre conscience de notre réalité essentielle (2ème degré) et aboutir alors au réveil de notre surconscient (3ème degré).

Les conditions favorables pour nous conduire à la découverte de la pierre philosophale cachée sont d’abord le silence et l'intériorité. C'est en effet dans le silence que l'homme oublie ce qui est autour de lui, tout ce qui est au plan matériel et qui est simplement à lui, pour revenir à lui-même, en lui-même, ce retour en soi-même restant la condition essentielle pour un cheminement initiatique réussi. La méditation silencieuse étant une conversation avec soi-même, les idées mûrissent mieux dans le secret de la pensée. N’est-il pas dit que « le Sage pense beaucoup mais parle peu ».

Ainsi, le silence qui nous est imposée sur la colonne du Nord est la discipline intellectuelle propre à mener à l'introspection nécessaire pour « sonder franchement les profondeurs de notre intérieur » et à la sagesse indispensable pour « procéder humblement aux rectifications, aux corrections nécessaires, et enfin découvrir le trésor qui y est profondément enfoui ».

Tout étant symbole en F\ M\, tout : symboles, emblèmes, outils et nombres sont autant d'intermédiaires soumis à notre intelligence, dont la réalité opérante réveille, vivifie l'énergie et la lumière enfouies en nos cœurs et qui doivent nous faire recouvrer notre déité perdue. Les tabliers couvrant le plexus solaire nous y aident beaucoup car, symboliquement, ils nous isolent de l'agitation désordonnée de nos sens et de l'excitation de notre corps et nous permettent de travailler efficacement et en toute quiétude dans nos carrières, à l'amélioration matérielle et morale, au perfectionnement intellectuel et social de l'humanité pour une véritable liberté de pensées et d'actions pour chacun et pour tous ; et la Franc-Maçonne plus que tout autre, parce qu'elle est avant tout femme et mère, donc bâtisseuse de l'humanité, doit prendre conscience de ce qu'elle est réellement en faisant connaissance avec son moi profond.

Le chantier est donc vaste et l'ouvrage ne manque pas non plus.

Et parce qu'elle confère à la F\ Maçonne la réelle maîtrise d'elle-même, la prise de conscience de soi constitue le rôle essentiel de l'initiation maçonnique. Il faut que l'Initiée parvienne à juger objectivement et à agir efficacement pour que son action soit féconde dans le monde profane. C'est pourquoi l'enseignement de la F\ M\ est tout entier axé sur la connaissance de soi avant tout ; parce que « ce qui habite les corps est éternel, indestructible, illimité... » (la Bhagavad Gîta). Et retrouver le contact avec « cela » qui habite le corps, c'est cela l'essentiel.

Conclusion

Symboliquement, c'est la pierre que les Bâtisseurs ont rejetée et qui, profondément cachée, doit maintenant être découverte et rétablie comme base du nouvel édifice. C'est le Grand Oeuvre auquel nous, FF\ MM\, nous nous destinons en véritables alchimistes ; tout se transformant et toutes les choses de la nature s'efforçant vers la perfection, il nous faut donc, chacune, tailler notre Pierre Brute de façon à la rendre parfaite Pierre Angulaire qui puisse s'insérer dans le Temple que nous édifions à la Gloire du GADLU qui nous a créés à son image et à sa ressemblance. Et il est temps pour l'humanité que nous nous rétablissions dans cette vérité d'avoir été effectivement créés à l'image et à la ressemblance de notre Créateur.

Etant chacun et chacune les temples du G\ A\ D\ L'U\, c'est pour retrouver ce plan supérieur de notre spiritualité que nous forme la Franc-Maçonnerie, pour devenir de véritables artisans et collaborateurs du G\ A\ D\ L'U\ et former avec lui les mondes, en diriger les évolutions, veiller au progrès des humanités et à l'accomplissement des lois éternelles.

J'ai dit !

Y\ A\

Note :
(1) 1. Sophisme : faux raisonnement.


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