GODF | Loge : Fraternité Guyanaise - Orient de Cayenne | 06/06/2013 |
Des limites la tolérance Le concept de tolérance fit son apparition dans la pensée occidentale au XVIIème siècle dans le Traité théologico-politique de Spinoza. Ce livre, qui était la première critique rationnelle de la Bible, proposait une nouvelle éthique. En combinant les théories sur la démocratie et la tolérance, on parvint à la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen et à la démocratie libérale. Ironiquement, la démocratie libérale, en encourageant le pluralisme, n'a fait qu'accentuer les tendances à l'égoïsme car le pluralisme, allant de pair avec l'individualisme et l'hétérogénéité ; ces conflits d'intérêts amènent souvent l'intolérance, qui n'est ensuite contenue que par le pouvoir. On se doit donc de réfléchir afin de déterminer quelles doivent être les limites qu'il faut imposer à la tolérance pour la préserver de ses ennemis et assurer sa survie, ainsi que celle de la démocratie. Car on se retrouve maintenant dans une situation qui semble paradoxale : la tolérance permet l'apparition de l'intolérance et pour lutter contre cette intolérance on doit être intolérant ! Dans son sens le plus général, la tolérance, du latin « tolerare » (supporter), désigne la capacité à accepter ce que l'on désapprouve, c'est-à-dire ce que l'on devrait normalement refuser. Au sens moral, la tolérance est la vertu qui porte à accepter ce que l'on n'accepterait pas spontanément, par exemple lorsque cela va à l'encontre de ses propres convictions. C'est aussi la vertu qui porte à se montrer vigilant, tant envers l'intolérance qu'envers l'intolérable. Selon John Locke, auteur de référence pour cette théorie, la tolérance signifie « cesser de combattre ce qu'on ne peut changer ». Il s'agit principalement de réaction face à un comportement que l'on juge mauvais, mais que l'on accepte parce qu'on ne peut faire autrement. C'est donc à partir d'une glorification de la souffrance que s'établit une conception éthique de la tolérance. Toute liberté ou tout droit implique nécessairement, pour s'exercer complètement, un devoir de tolérance. Le respect de l'individu et de ses idées apparaît dans le droit à partir de 1948 et de la fameuse déclaration universelle des droits de l'homme, déjà citée plus haut. Pour nous, FF\ MM\, la tolérance fait partie des 3 vertus maçonniques, avec la bienfaisance et la solidarité. Il va de soi que nulle tolérance ne peut exister sans un minimum d'humilité. Il ne s'agit pas de compassion, mais bien de tolérance. Il ne s'agit pas d'aller en empathie vers l'autre, mais bien d'abaisser son propre seuil d'acceptation pour admettre acteset/ou paroles de l'autre : « la tolérance est un exercice et une conquête sur soi ». La tolérance pour la défense d'un idéal de liberté, est parfaitement illustrée par une célèbre citation attribuée de façon erronée à Voltaire : « je ne suis pas d'accord avec ce que vous dites, mais je me battrai jusqu'au bout pour que vous puissiez le dire ». A l'inverse et en miroir, le Marquis de Sade disait aussi : « la tolérance est la vertu des faibles ». La solution pour que la tolérance triomphe est donc de mettre l'accent sur ce qui nous unit plus que sur ce qui nous sépare. « L'esprit de tolérance est l'art d'être heureux en compagnie des autres » ; mais il arrive parfois que rien n'unisse les membres de certains groupes. La tolérance est généralement considérée comme une vertu, car elle tend à éviter les conflits. Ainsi Kofi Annan disait-il que « La tolérance est une vertu qui rend la paix possible ». Cependant, on considère généralement qu'il n'y a pas de tolérance sans agression, c'est-à-dire qu'on ne peut être tolérant que face à ce qui nous dérange mais qu'on accepte par respect de l'individu (c'est l'humanisme) ou pour la défense d'un idéal de liberté (c'est le libéralisme). Gandhi disait : « Je n'aime pas le mot tolérance, mais je n'en trouve pas de meilleur ». Se pose alors la question des limites de la tolérance. Dans notre société, toute activité humaine doit comporter des limites. La tolérance est bordée, limitée par le respect de chacun et la liberté de tous ; mais aussi d'autres limites que sont le respect de l'intégrité physique, le bon sens, les valeurs morales liées à l'éducation et la vie en société, l'éthique, la norme édictée par la société, et, par la loi. Le fait de tolérer est le fait de ne pas interdire, de ne pas exiger ; ce qui sous-entend que celui qui tolère pourrait réprimer. Mais qui tolère et qui a le droit de réprimer ? L'État. A l'aide du droit, l'Etat s'oblige à tolérer. On voit donc l'évidente nécessité de mettre des limites à la tolérance afin de la protéger ! Les mentalités évoluant plus vite que les lois sur bien des sujets, il existe un décalage entre la morale sociale et les lois civiques. Ainsi, lorsqu'une norme est établie : sera-t-elle respectée ou est-ce la ligne à repousser sans cesse ? Georges Clemenceau disait « Toute tolérance devient à la longue un droit acquis ». Dans nos sociétés contemporaines, le philosophe américain John Rawls établit que la tolérance est une vertu nécessaire à une société juste. Par contre, il établit qu'une société tolérante a le droit, et le devoir, de se protéger, et que ceci impose une limite à la tolérance : une société n'a aucune obligation de tolérer des actes ou des membres qui se sont voués à son extermination. Il faut donc se fixer une limite à la tolérance aveugle. Le manque d'horizon, l'absence de critères sur lesquels on pourrait se baser pour juger de l'opportunité de tolérer est néfaste pour la société. Une tolérance sans limite facilite l'apparition de l'intolérance, puisque celle-ci étant tolérée comme tout le reste, elle se développe comme un cancer. Plus il y a d'intolérance, plus il y a de gens qui deviennent intolérants afin de la combattre ! Nous revenons donc encore une fois au même dilemme : afin de combattre l'intolérance, l'Etat se doit d'être intolérant, ou du moins de fixer des limites à sa tolérance. La préservation de la tolérance exige que l'on ne respecte pas intégralement l'idéal d'égalité; alors il faut se rapprocher le plus possible de l'idéal, c'est à dire tolérer jusqu'à un degré au-delà duquel la tolérance et la démocratie se mettraient elles-mêmes en danger de disparition. Il faut aussi que ces limites soient raisonnables : l'Etat ne peut abuser du pouvoir qu'il détient car en éliminant ainsi l'intolérance, il risquerait d'éliminer aussi la tolérance. Le principe de réciprocité, de « réflexivité » comme disait Voltaire, est très important car il serait contradictoire de tolérer un comportement ou un individu intolérant qui brimerait autrui. On doit se doter de moyens pour se défendre contre l'intolérance, qui, elle-même, se protège souvent en dénonçant l'intolérance dont elle est victime... Malheureusement, cet argument est trop souvent entendu. Il s'appuie sur le fait que la tolérance est une des principales valeurs de la démocratie libérale. Ce dogme enchaîne bien souvent la démocratie à une exigence qui ne fait que lui nuire en aidant ses ennemis... Il est maintenant évident que la réflexivité est un moyen nécessaire pour préserver la tolérance et la démocratie. La tolérance, comme toute vertu, doit avoir des limites permettant une organisation sociale équilibrée, mais surtout ne laissant aucune place à la montée des extrémismes et des fanatismes de tous bords. Pour autant, il est admis que l'excès en tout, nuit ; alors il en va de même pour cette notion tellement fondamentale qu'est la tolérance. Les limites de la tolérance, stables et en même temps mouvantes, fixées par des individus composant notre société, ces limites sont aussi indispensables que l'organisation elle-même. Toute société a des règles de fonctionnement et les limites de la tolérance en font partie. Il appartient à chacun de connaître les siennes et celles des groupes sociaux dans lesquels il évolue. Il faut se souvenir que Jésus lui-même disait déjà : que celui qui n'a jamais péché lui jette la 1ère pierre. Nous, FF\ MM\, constituons à la fois un rempart contre les excès de ceux qui voudraient prôner une tolérance sans limite, et aussi un creuset lumineux, formidable, authentique et contemporain des limites à fixer à la tolérance dans la société. Nos esprits, libres, ne sont-ils pas justement enviés, persécutés, copiés pour cette faculté exceptionnelle d'e fixer au mieux ces limites à une de nos valeurs fondamentales ? J'ai dit V\ M\ |
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