GLNF Loge : Kether Date : NC


Les trois grandes lumières


Au-dessous du plateau du vénérable, au pied des trois marches conduisant à l'orient, est un petit autel, appelé “autel des serments”, sur lequel sont placées les Trois Grandes Lumières : le Volume de la Loi Sacrée, I'Equerre et le Compas.

On y prête serment, elles sont installées à l’ouverture et retirées à la fermeture des travaux.

Ces trois grandes lumières ne sont pas à confondre avec les autres lumières de la loge:
- les trois petites lumières que sont le soleil, la lune et le V.M.. qui représentent, entre autres, la Raison (divine), l’imagination et la conscience.
- les trois lumières des piliers Sagesse, Force et Beauté.

Equerre, compas et VLS. Deux outils, un livre.
La FM spéculative que nous pratiquons est un ordre initiatique hérité des confréries de bâtisseurs du moyen-âge. Elle utilise le symbolisme comme méthode pédagogique pour amener l’initié à percevoir ce que les mots ne permettent pas d’exprimer.
Trouver au centre du chantier deux outils de bâtisseurs n’a donc rien d’étonnant. La présence du VLS est plus surprenante. Nous y reviendrons après un voyage au cœur de la symbolique de l’équerre et du compas.

Equerre et compas ont chacun des aspects symboliques divers et multiples.
Nous nous attachons ici à une partie seulement de ce symbolisme, celle qui est la plus importante dans la relation Equerre/compas/VLS.

L’ Equerre
L’équerre est suspendue au coup du VM. Elle est donc un symbole central de la FM.
Son sens le plus évident est celui de la rectitude.

Comment se font les signes des Maçons ?
Par équerre, niveau et perpendiculaire.

Expliquez cette réponse.
Comme ces instruments sont indispensables pour faire des constructions solides et durables, ils me rappellent les règles que je dois suivre dans ma conduite : I'équerre, pour la rectitude; le niveau et la perpendiculaire pour la justice envers mes semblables.

Tant sur le plan moral que dans sa quête spirituelle, le maçon doit se transformer pour se « mettre à l’équerre ». Cette attitude de chaque instant demandant rigueur, vigilance, maîtrise de soi, est la condition indispensable sans laquelle le chaos prendrait le pas sur l’ordre. (Nous sommes là, rappelons-le, dans une approche initiatique et non militaire).

Le signe d’ordre -qui sépare, par une équerre de la main, le siège de la pensée (tête) du domaine des pulsions instinctives (ventre)- rappelle évidemment cet aspect structurant du symbolisme de l’équerre.

Dans une approche moins morale, posée sur l’autel des serments, constituant une des trois grandes lumières, l’équerre prend des aspects plus ésotériques.
Elle est, par analogie, associée au symbole du carré et du chiffre 4.
Le carré est un symbole universel de la matière et par extension du corps, du réel. Sur le plan cosmogonique, le carré symbolise l’univers créé, la manifestation, par opposition à l’incréé.
Dans les vitraux des églises gothiques, tout ce qui a forme carré sera associé au monde créé, à l’homme.

Pour le maçon, l’équerre représente, par cet aspect, la matérialité.

Le Compas
Autre outil opératif présent sur l’autel des serments, le compas constitue un symbole complémentaire de l’équerre.
Il sert sur le chantier à tracer des cercles et à reporter des mesures.
Il est dynamique là où l’équerre est statique. C’est un symbole de construction, de création.

Alors que l’équerre était associée au carré, le compas est, par analogie, associé au cercle.
Sur le plan cosmogonique, le cercle est un symbole de l’incréé, du non manifesté, de l’unité du Principe.
Il renvoie à la perfection, au transcendant et au monde spirituel.
Dans les vitraux des églises, tout ce qui a forme circulaire sera associé au monde divin et à l’élévation de l’esprit.

Pour le maçon, le compas symbolise la spiritualité. Il représente l’esprit et son pouvoir sur la matière.

Equerre et compas

Equerre et compas forment donc un couple symbolique associé au carré et au cercle, au monde manifesté et au non manifesté, à la terre et au ciel, à la matérialité et à la spiritualité.

Cet aspect est central dans la symbolique maçonnique et dans celle des trois grandes lumières. Il nous renvoie directement au rôle initiatique des premiers degrés du rite écossais qui demande avant tout aux frères de passer de la matière à l’esprit. L’équerre et le compas, posés devant nous, nous l’indiquent sans équivoque. Le maître maçon est celui qui a harmonisé en lui la matérialité et la spiritualité. Il est entre l’équerre et le compas.

Le rituel d’apprenti nous dit que le maçon vient en loge pour « vaincre ses passions, soumettre sa volonté et faire de nouveaux progrès dans la maçonnerie ». Il s’agit bien là en projet d’une prise de pouvoir des forces de l’esprit sur celles de la matière, de la raison sur les passions.

Mais évitons de confondre cet objectif hautement spirituel avec une morale sociale ou religieuse. Passer de la matière à l’esprit ne veut pas dire faire vœu de chasteté ni vivre en Hermite ou comme des Mormons, dépouillé de toute forme de plaisir ni de confort.

L’équerre ne remplace pas le compas, elle prend progressivement le pouvoir sur lui, comme nos aspirations spirituelles prennent au fil de nos travaux le pouvoir sur nos besoins matériels.

Ce que la maçonnerie demande à l’initié, c’est de se transformer pour devenir capable de comprendre les grandes lois qui régissent l’univers, la nature et l’homme. La démarche initiatique a pour effet d’ouvrir de nouveaux plans de conscience. Grâce à ce « principe conscient illuminé », le maçon pourra progressivement arriver à identifier les forces qui l’habite, à reprendre le pouvoir sur lui même et à devenir cet homme libre qui se cache en lui.
C’est cette réconciliation consciente entre la nature et ces lois immuables et notre pouvoir réel sur notre destinée qui définit les conditions de notre liberté.

Nous vivons dans un cadre, le monde manifesté et ses lois, sur lequel nous n’avons aucun pouvoir. Mais dans ce cadre, nous avons notre liberté et notre responsabilité, nos choix chargés du sens qu’on leur donne. Libre dans un cadre rigide.

Mais libre de quoi ? Si nous ne comprenons pas notre condition, aveugles, nous nous cognons aux bords du cadre et cela peut faire mal. De quelle liberté s’agit-il ?

L’équerre et le compas nous apportent des éléments de réponses. Notre condition est matérielle, mais notre liberté est spirituelle. Nous appartenons par essence à la manifestation, soumis à la dualité qui est la première loi naturelle à laquelle la maçonnerie demande à l’apprenti de réfléchir. Mais la force de l’esprit peut nous permettre de vivre autrement cette dualité, d’établir une autre relation avec la matière, moins dépendante, moins exclusive. (passer du binaire au ternaire comme on le dit souvent).  La matière, notre condition, comme un moyen et non comme une finalité. L’homme est au centre et le champs des connaissances, que son esprit peut embrasser, est infini. Dans le cadre rigide qu’est sa condition incarnée, l’évolution spirituelle lui offre le champs de tous les possibles.

Comment le maçon peut-il s’y prendre pour réaliser un objectif apparemment aussi ambitieux ?
L’initiation maçonnique est une voie qui a pour but la construction du temple universel, et à travers elle, la construction de l’homme initié. L’équerre et le compas sont les outils symbolique de cette construction, mais où est le plan de l’édifice. Quel est le plan de la maçonnerie ? Sur quelles bases devons-nous tenter de comprendre la création et le sens de la vie ? Comment aller à la recherche de la connaissance ?

Les trois grandes lumières portent en elles des éléments de réponses à ces questions. L’équerre et le compas sont des outils de la construction, le VLS est le plan de l’édifice. Il est, pour nous, le livre de la parole du GADLU, le livre de la connaissance, universel.

Mais comment définir plus précisément le VLS ?  Est-il la bible ? Est-il par là exclusif  des nombreux autres livres ?

Ces questions que chaque maçon s’est posé ou se pose encore ont été au cœur d’interminables débats au cours de l’histoire de la maçonnerie. Des réponses officielles ont été apportées, souvent provisoirement.

Au cours des débats, certains ont proposé d’adopter un livre blanc, d’autres un recueil d’extraits de tous les livres sacrés de toutes les traditions… mais la bible est restée.
En 1938, le GO a fait une rupture franche avec les autres obédiences adoptant les constitutions d’Anderson pour prêter les serments.

A la GLNF, nous travaillons ALGDGADLU et le VLS est la bible.

Il me semble pour ma part indispensable, pour dépasser des querelles de chapelles dangereuses, de différencier deux niveaux de réponses : un niveau officiel et collectif, un niveau initiatique et individuel.

Sur le plan officiel, la présence de la bible comme VLS est un héritage. Comme le disent les principes fondamentaux, « La franc-maçonnerie est issue des fraternités opératives du Moyen-Age. Ses rituels sont fondés sur le symbolisme de la construction. »
Ces communautés construisaient exclusivement des églises, livres de pierres imprégnés des écrits bibliques. Il est sur ce point logique que la bible soit présente.

D’autre part, depuis ses origines spéculatives,  la maçonnerie anglo-saxonne gère l’organisation de la maçonnerie mondiale. La régularité, par exemple, est donnée par la grande loge d’angleterre. Or la bible est un livre fondateur de la société anglo-saxonne. Tous les serments sont prêtés sur la bible en Angleterre comme aux Etats-Unis. Il serait anormal pour eux que la bible ne soit pas au cœur de la maçonnerie de Tradition.

Mais la présence de la bible comme VLS pose encore parfois de sérieux problèmes.
En premier lieu, elle peut apparaître en contradiction avec l’article 6 de la règle en 12 points qui nous dit : « La Franc-Maçonnerie impose à tous ses Membres le respect des opinions et croyances de chacun. Elle leur interdit en son sein toute discussion ou controverse, politique ou religieuse … ».
Nous ne devons parler ni de politique, ni de religion. La bible ne peut donc pas être présentée  comme un livre religieux.

La croyance au GADLU est d’autre part exprimée dans les principes fondamentaux comme la « foi en une puissance suprême ». Mais jamais ce Dieu n’a été nommé ni défini.  La croyance est libre. Chacun avance avec son flot de certitudes, d’intuitions ou de doutes sur la réalité intime de cette « puissance suprême ».

La FM n’est pas une religion, en ce sens qu’elle est a-dogmatique. Le maçon est à la recherche de la connaissance, mais rien ne vient imposer le sens de la recherche ni définir la connaissance. Le maçon est un homme libre qui est initié par l’atelier et qui s’initie lui-même, sur le modèle de la maïeutique socratique. Dans son cheminement, au cours, entre autres, des 33 degrés du REAA, l’initié traverse différents courants de la Tradition (avec un grand T). Parfois judaïque ou kabbalistique, parfois christique, parfois alchimique…
Nous sommes dans le courant de La Tradition, non d’une tradition.

Quand nous demandons à un profane de prêter serment sur la bible en tant que VLS, nous devons donc bien avoir conscience que ce livre est un héritage historique, mais qu’il ne peut en aucun cas être présenté comme le livre d’une religion. Notre devoir, à nous, hommes libres, est de dépasser ce paradoxe apparent.
Paradoxe qui disparaît d’ailleurs aussitôt dès lors que l’on se place dans une approche initiatique et non plus dogmatique.

En effet, pour la Grande Loge Unie d’Angleterre, le VLS signifie la « volonté révélée » du GADLU.

Le GADLU n’étant pas défini, le livre ne peut pas l’être totalement non plus. Il est la « volonté révélée » du GADLU en tant que puissance suprême. Il n’est donc pas pris comme un livre appartenant à une communauté, mais comme une des multiples formes de cette volonté suprême. Le Coran et tous les autres livres sacrés contiennent eux aussi, chacun à la manière de la civilisation dont ils sont issus, une expression de cette volonté révélée.

Pour nous qui travaillons ALGDGADLU, le VLS est bien la « volonté révélée » du GADLU.
Sa relation avec l’équerre et le compas devient évidente :
Nous avions défini l’équerre et le compas comme les outils symboliques de la construction du temple et de l’homme, et le VLS est bien le plan de cette construction.

Le VLS, expression de la volonté du GADLU, est la Parole, l’expression de notre devoir d’aller toujours plus loin dans notre recherche de la connaissance.

Le maçon doit percer le sens des trois grandes lumières. Elles contiennent le sens de notre démarche.

Les trois grandes lumières sont le symbole d’une alliance entre l’homme et le divin.  Le GADLU met l’homme, enfermé dans sa condition, en face de son devoir de rechercher la connaissance. La construction du temple universel est le symbole de cette recherche. Cette démarche qui est la notre n’est possible dans un premier temps qu’en passant de la matérialité à la spiritualité.

J’ai dit.

E\ G\

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