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La Fraternité

Sensation d’appartenance : Pourquoi est-ce important de savoir distinguer dans nos rapports leur nature fraternelle ? Nous pouvons fraterniser sans nous en rendre compte. Les hommes peuvent-ils pratiquer la fraternité sans l’avoir apprise, comme les oiseaux chantent harmonieusement sans connaître le solfège ? Où est-ce alors un idéal relationnel qui demande un long cheminement ? Dans le passage qui concerne le, « êtes-vous franc-maçon ? », la réponse est « mes frères me reconnaissent pour tel ». Ce qui suppose que la fraternité est chargée de contrôler l’appartenance à la franc-maçonnerie. Un membre non fraternel ne peut pas être franc-maçon. La fraternité serait une condition de base. Est-ce qu’on naît frère ou on le devient-on à force d’en manquer ? Si c’est une devise républicaine « liberté, égalité, fraternité » pourquoi notre constitution des droits de l’homme ne fait mention que de la liberté et de l’égalité mais pas de la fraternité ? Serait-elle un devoir et non un droit ? Est-ce une pratique de groupe, une façon d’être individuelle et particulière qui ne concerne que chacun de nous ?

Les grands initiés semblent être des frères pour tout le monde, ce qui tendrait à penser que le travail qu’ils ont fait sur eux les rend frères à nos yeux. Celui qui a travaillé sur lui et qui s’expose aux autres exprime une nature de vie différente de celle qu’on a l’habitude d’entendre, on sent en lui qu’il a franchit une barrière, un rideau que d’autres n’avaient jamais imaginé dépasser, il ouvre la voie, il dit avec des mots ce que nous sentons intérieurement. Mais nous qui ressentons cet homme comme un frère aîné sommes-nous des frères à ses yeux ? A priori, celui qui est en avance est tolérant envers ceux qui sont sur le chemin. Les différents niveaux de connaissance n’empêchent pas un sentiment fraternel tout azimut, mais pour ce qui est de la pratique verbale fraternelle, il semble qu’elle soit plus efficace quand elle regroupe des frères par niveaux homogènes.

Nos actions sont reconnues pour fraternelles essentiellement par la parole exprimée, mais la parole peut véhiculer des messages très contradictoires. Personnellement je trouve plus d’écho en moi quand un frère témoigne d’une expérience personnelle, quand il traduit ce qu’il vit lui-même, « ça vibre » et je sens que mon écoute devient parabolique. Parole et parabole sont de même origine latine. Son expression s’impressionne en moi et dessine mon cheminement en même temps que le sien, et dans ce cas je trouve que les allées de son labyrinthe ressemblent aux miennes, je les parcoure en même temps. Ce ne sont que des mots pourtant, mais comme tout est affaire de sensation, d’intuition…je trouve que mon écoute devient fraternelle quand l’intimité de l’orateur est égale à celle de mon écoute. Si l’intimité est de même niveau des deux cotés l’allégorie a lieu. Allégorie est de même racine que parabole et parole. Mais j’accorde que rester intime en parlant est plus difficile qu’en écoutant.

Sens pratique de l’échange fraternel :
Un aspect assez flou de la fraternité, est contenu dans l’idée que tous les hommes sont bons et qu’ils sont nos frères par déduction. Sans doute, tous les hommes sont-ils bons, ils ont un fond qui est bon. Mais en surface ? Ne sculptent-ils pas la partie apparente de leur personne comme un iceberg ? Juste la partie qu’on voit, ça suffit. Si on leur demande gravement « es-tu heureux ? », ils sentent que c’est la partie immergée de leur iceberg qui est concernée et la plus part se referment. N’a t’on pas souvent le réflexe de protéger nos acquisitions sans remettre en cause nos choix ? Comme si on misait à la roulette sans vouloir regarder où est tombée la bille pour garder son rêve intact.

Ca me rappelle la passion admirative : « J’aime une personne dont l’apparence me plait, toute la manifestation de sa voix jusqu’aux attitudes qu’elle dégage m’attirent », mais si j’entre dans la relation avec elle je trouverai le pendant des qualités qui m’ont attiré. Par exemple, la personne joyeuse est dépressive, l’amoureuse est instable, la généreuse est matérialiste. Si je n’aime pas les dépressives, les instables et les matérialistes, il me reste a vivre tout de même cette rencontre mais je suis devant deux attitudes possibles, la profane et la fraternelle. Soit réagir et protéger mon rêve, le garder pour réalité et rejeter la personne qui m’intéressait en me disant « elle m’a déçue ». Soit je peux m’accorder une ignorance en tirant la leçon sans accuser l’autre qui n’est en rien responsable de l’espoir que j’avais projeté sur elle, je peux modifier mon lien avec elle en le transformant en relation fraternelle. La tolérance ne commence t’elle pas au moment ou on accueil l’autre avec toutes ces contradictions ?

Si on va jusqu’au bout d’une expérience de relation humaine, la première impression devrait naturellement s’émietter au fur et à mesure que la réalité se construit. Ce passage est douloureux car on doit renoncer à la première impression qu’on prend souvent pour argent comptant, celle à laquelle on tient tant parfois et qui est notre jugement arbitraire, subjectif et inconscient. Pourquoi tiens t’on tant à cette première impression ? Qu’évoque t’elle en nous ? Si elle n’existait pas tous les rapports humains ne seraient fraternels. Est-ce que c’est mon impression qui me tourmente inutilement ou l’expression de mon interlocuteur qui me provoque volontairement ? Je dirais que celui qui gesticule et parade le plus est celui qui empêche la relation d’être à être. Quelqu’un qui veut vous aider alors qu’on sent sa puissante volonté d’avoir raison, c’est évident que la démonstration de cette personne n’a aucun effet positif sur nous. Il s’exclut de la fraternité par la peur. J’ai déjà ressenti cette peur en m’installant dans une assemblée recueillit et silencieuse. Je voulais être partout sauf là où j’étais. Mon corps m’encombrait au point de me sentir prisonnier, je me sentais repoussé alors qu’ils m’accueillaient. En fait, je me sentais étranger au sens de leur démarche. Ils n’avaient pas exprimé leurs intentions. Être vrai c’est donc une clef importante pour être frère mais elle ne suffit pas pour pratiquer la fraternité. Exprimer ses intentions c’est montrer patte blanche. Sinon, c’est commencer une partie de cache-cache avec les mots, à qui démasquera l’autre.

Effet miroir, l’origine :
Vous rappelez-vous votre nounours favoris ? Mon premier rapport fraternel fut basé sur l’aspect enfantin de ce premier jeu. Vous êtes-vous autorisé à parler à ce nounours quand vous étiez petit ? Ou à une poupée, un personnage physique qui est pur et sans parole. Moi je lui parlais dans un instant secret, à couvert des parents dans ma chambre fermée, je lui parlais, je lui posais des questions sur sa vie et je lui racontais toutes mes journées, les impressions qui me pesaient le plus. L’enchaînement de la parole était magique. Je racontais ma vie comme un roman autobiographique et lui écoutait ce cheminement avec beaucoup d’humanité. L’enfant en mal de confidences découvrait le principe du miroir. Si mon premier frère n’avait ni chair ni os, on peut imaginer que maintenant que j’ai grandit, je cherche à m’appuyer sur un autre homme dans le même but. Est-il gênant de concevoir que cet aspect entre dans le mécanisme de la fraternité ?

Vous partagerez avec moi que la qualité d’une écoute détermine la qualité d’un discourt. S’il a pour objet de découvrir ses intimes réflexions, l’homme choisira quelqu’un qu’il aime, en qui sa confiance est sûre, un frère. N’a t’il pas plutôt besoin de silence que d’avis extérieurs ? Le seul discourt d’un homme qui se parle à lui-même lui suffit pour trouver ses propres réponses. D’ailleurs, utilise t’on le principe des questions réponses ici même ? La révélation ne se vérifie que si celui qui tient le miroir ne se détourne pas de son rôle. Si vous vous confiez à quel qu’un qui ne supporte pas le rôle du miroir, il y a de fortes chances qu’il vous coupe l’herbe sous le pied pour reprendre la parole. Savoir pratiquer ces deux fonctions me paraît important pour garantir la fraternité, l’une est de savoir se poser en tant que miroir, et l’autre de savoir s’exposer en toute nudité. Avez-vous remarqué également que le cheminement d’un discourt diffère suivant le frère à qui on s’adresse ? Ce qui veut dire que l’écoute n’est pas passive mais extrêmement active et puissante d’une part, et qu’elle n’est jamais stéréotypée. L’écoute est une expression à par entière pour moi. Si nous pouvions agrandir la force de nos silences nous reflèterions encore plus la force de nos questions.

Père et mère invisibles :
Pour être réellement pratiquée la fraternité nécessite que celui qui en use soit libre. Libre de quoi ou de qui ? Libéré de tout jugement qui ne serait pas de lui, libéré de réflexes conditionnés, libéré de l’autorité parentale, de toute représentation du pouvoir humain qui romprait la fraternité maçonnique. Sa pérennité n’est-elle pas assurée par le dépassement de tout dogme ? Exister par les actions et interactions que provoquent des liens fraternels suppose que nos chaînes soient rompues, que le bateau ait levé l’ancre, que l’avion ait décollé. Dans l’ordre des choses nos parents de sang sont morts ou vont mourir. Un jour passé ou futur, on se rend compte qu’on est seul au monde. Meurt en nous la toute puissance parentale et tous les comportements conditionnés par sa relation avec eux deviennent inutiles. Mais s’en dégage t’on réellement ? Est-il possible de regarder ses parents comme des hommes et femmes ordinaires, de les comprendre depuis notre maturité relative, de pardonner si nécessaire, de reconnaître ce que nous leur devons, le bon et le moins bon ? Si c’est la direction que nous prenons notre parenté à l’humanité prend racine au fur et à mesure que flétrissent nos conditionnements d’enfants. Car le sens littéral du mot fraternité nous conduit à envisager l’existence de parents communs. S’agit-il des forces inconnues qui nous ont fait naître et nous feront mourir, ces forces d’une autre nature, insoumise aux lois humaines ? Le principe d’écouter et de comprendre ces lois de l’univers afin de partager nos découvertes s’appelle la fraternité.

Fraternité et société :
Tout va bien dans le monde. Tout n’est question que mesure, et le bonheur n’est pas mesurable matériellement. Les puissants sont-ils plus heureux que les moins puissants ? Pour celui qui souhaite dépasser cette hiérarchie, le peut-il et comment fera t’il ? On peut constituer en nous une personnalité pour le monde concret qui nous fait vivre et établir d’autres bases qui nourriront notre individu. La société est immense mais elle peut devenir étroite à mesure qu’on ouvre les yeux, la responsabilité est à chacun de choisir où il sera authentique, où il exercera son développement et comment. La réponse peut se trouver dans l’amitié. Mais quel genre de salaire reçoit-on en amitié ? Quelles différences faites-vous avec la fraternité ? Elle stabilise chacun dans le besoin qu’il a d’exister comme il est. Et il y est reconnu.

Chaque caractère se complète et forme une mosaïque équilibrée. Elle lie le beau parleur et le timide, le timide qui est aussi créatif est ami avec le rationnel, le rationnel qui est sportif est ami avec le chétif. Chaque moitié de personnalité fusionne avec sa correspondance pour former un être parfait. Mais individuellement, chaque être peut-il y évoluer ? Les associations par complémentarité sont des liens de pouvoir au même titre que les relations de couple ou les liens familiaux, l’amitié ne rend pas libre. Si vous changez votre attitude les autres perdent leurs repères. Le timide doit rester timide, le rigolo doit rester rigolo. A l’inverse ceux qui se ressemblent se repoussent, il y a concurrence. L’amitié n’est pas émancipatrice par la notion de fidélité qu’elle impose à chacun envers son caractère propre. Elle supporte mal l’évolution de chacun et préfère une apparence constante. La fraternité, elle, s’appuie sur l’espoir que nous devons progresser, elle conduit à nous rendre meilleurs en rejetant les aspérités que l’amitié reconnaît.

La fraternité taille sa pierre :
Si le franc-maçon veut un monde meilleur, comment sa fraternité peut-elle évoluer pour atteindre ce but ? Il semble que nous souhaitions progresser nous-même afin de dégager invisiblement de façon fine, une sorte d’harmonie a travers les mots et les pensées que nous partageons avec les personnes extérieures. C’est à dire que nous serions égoïstes, au sens noble, au sens ou nous chercherions à progresser nous-même pour nos propres besoins, et qu’en même temps nous dégagerions autour de nous les biens faits de nos découvertes. Ne devons-nous pas admettre qu’il y a une forme d’élévation sur le chemin que nous devons emprunter ? Nous sommes bien opérationnels, depuis l’art de construire jusqu’à l’art de se construire l’enchaînement m’a parut confus, aussi ais-je retrouvé un maillon délaissé par le sens vulgaire qu’il évoque. C’est le mot « spéculatif » qui ajoute une valeur essentielle à notre démarche. Spéculatif veut dire qu’on utilise un miroir pour voir ce qui est caché dans l’ombre. Le spéculum est un miroir médical pour regarder l’intérieur du corps humain. Le franc-maçon serait un chercheur ayant le goût des mystères et capable de dénicher la confusion dans l’ombre des idées toutes faites, il désintégrerait l’ignorance par l’élimination de ses propres crédulités, pourrait perdre ses rêves devant ses frères sans jamais se sentir humilié, il oserait partager ce qu’il ne sait pas en s’exposant à chaque prise de parole.

A mon sens, la démarche fraternelle prospère dans l’effacement des attentes individuelles comme des intentions dogmatiques. Elle permet à chacun de trouver sa place et non de s’apporter des réponses. Car qui sait à l’avance quel enseignement lui sera profitable ? Même celui qui croît se connaître devrait se défier de ses attentes qui le détournent des merveilles du présent.
Aussi j’aimerais rappeler une maxime pour les navigateurs que nous sommes :
« Il vaut mieux savoir ou on est sans savoir ou on va, que de savoir ou on va sans savoir ou on est ».

J’ai dit


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