Obédience : NC | Loge : NC | 03/10/2012 |
Pavé mosaïque La construction du Sacré est la résultante de deux forces, la Matière et l’Esprit. Cette dualité est la condition même de la vie, et notre démarche initiatique implique que nous percevions ces deux polarités avant de s’en détacher de prendre quelque hauteur et de s’élever vers l’Unité dont elles procèdent forcément. Le pavé mosaïque de notre temple n’en est-il pas l’illustration ? Comme chacun peut le voir, il s’agit d’un pavement de dalles carrées, blanches et noires, s’alternant régulièrement, situé au centre du temple, de 9 carrés de largeur sur 12 de longueur, et autour duquel la circulation en loge se fait, de midi à minuit. Entouré par les trois colonnettes portant les trois étoiles, il définit un espace où nous ne poserons pas les pieds, un espace sacré donc. Un pavé c’est à l’origine un assemblage de pierres cubiques, servant de sol, dans les édifices privés, les temples, les édifices publics. Les routes pavées sont un autre exemple, et la tradition ne s’est pas perdue puisque l’on pave encore les centres de certaines villes, en particulier pour en faire des espaces piétonniers. Dans le monde méditerranéen antique ce type de pavement était courant. Il consistait à unir des tesselles carrées de même dimension, formant une mosaïque. Les plus anciennes mosaïques ont été découvertes à Gordion, en Phrygie, en Asie Mineure, aujourd’hui la Turquie. Il s’agit d’un sol blanc, noir, rouge…datant du VIIIème siècle avant l’Ere vulgaire. L’opus tesselatum des romains était une technique qui consistait à faire un pavement constitué de tesselles carrées ou alors d’abacules, petits cubes de terre cuite ou de grès, mais il existait aussi des pavé mosaïques formés de débris de tesselles. L’art de la mosaïque atteint son apogée sous l’Empire Romain d’Orient, Nous en retrouvons les traces à Ravenne, dans le nord de l’Italie, l’une des cités fameuses de cet empire, mais la mosaïque est alors un art de la décoration. Il est intéressant de constater également que l’on se servait à l’époque d’une tesselle coupée en deux comme signe de reconnaissance entre deux membres d’une même communauté…un signe ! On n’appelait pas encore ce pavement « mosaïque ». Pourquoi l’a-t-appelé ainsi ? Deux hypothèses. Dans la première, mosaïque viendrait du grec muséïon, le lieu où vivent les muses. Les muses conférant l’inspiration artistique, c’est bien connu, elles présidèrent à la construction du pavé mosaïque. Je vous livre cela avec un sourire, bien sûr, en constatant que les muses étaient trois au départ, filles du Ciel et de la Terre, et se nommaient Mélétè (méditation), Mnémè (mémoire) et Aoidè (chant). Puis elles furent 5, puis 7 puis 9…curieuse cette suite de nombres… Et neuf parce que le fruit des amours de Zeus avec sa jeune tante Mnémosyne, celle qui ramène la mémoire, mais qui avait oublié que Zeus était son neveu. C’est vrai qu’Osiris a bien épousé sa sœur ! Les dieux peuvent tout se permettre… De Trois, le nombre symbole par excellence des maçons, nous sommes passés au 9, le même nombre que nos officiers de loge. Mais aussi le nombre de carreaux ou abacules qui composent la largeur de notre pavé mosaïque. Et en passant par le 5 et le 7 en plus, ces nombres mystérieux dévoilés lors de l’ouverture par le premier surveillant. Le fait que cet espace, une fois installées les trois étoiles, Sagesse, Force et Beauté, devienne le centre de nos déplacements et soit inviolable, pourrait nous laisser penser qu’il est sacré, et que son origine pourrait se trouver dans la tradition biblique, compte tenu de l’épithète mosaïque, qui vient de Moïse. Quelles allusions à un pavé trouve-t-on dans l’ancien testament ? Un passage de la Bible évoque le parvis intérieur du temple de Jérusalem où Ezéchiel est transporté en songe et où Dieu lui commande d’écrire les lois pour que son peuple les observe. Divers dallages sont évoqués dans la Bible, seul l’un d’entre eux pourrait ressembler à notre pavé mosaïque, celui qui est évoqué dans le livre d’Esther, dans le passage du festin d’Assuerus, roi de Suze. Il ornait le palais royal et il était constitué de porphyre, de nacre, de marbre blanc, de marbre noir. Cette description présente une analogie avec les carrés blancs et noirs de notre pavé mosaïque, qui n’est pas pour autant une réplique exacte d’un pavé biblique. Le Pavé Mosaïque trouverait alors son sens dans la Loi, et se rattacherait à la révélation faite à Moïse sur le Mont Sinaï. Lors de sa rencontre avec l’Eternel, Moïse se trouva devant deux énormes colonnes de feu qui étaient les manifestations d’YHVE. L’une de flammes blanches et l’autre de flammes noires. Et ces flammes gravaient les tables de la loi, l’enseignement des secrets. Le feu blanc correspondant à la parole écrite, exotérique et le feu noir correspondant à la parole ésotérique qui ne se grave pas. Le blanc du Pavé mosaïque se rapporterait alors au blanc mystique des lois écrites, et le noir relèverait des mystères et de la Vérité que nous recherchons au delà du visible ? En outre, l’un des mérites de Moïse ne fut-il pas aussi d’unir les douze tribus d’Israël, il a rassemblé ce qui était divisé, il a montré que l’on pouvait surmonter ses divisions, dépasser les oppositions. Et nous avons 12 carreaux qui ornent la longueur de notre pavé mosaïque et qui nous incitent à toujours chercher la voie de la sagesse et la conciliation. Le Pavé mosaïque est donc un élément construit du temple. Ce n’est pas n’importe quel sol, c’est un espace construite et dont la fonction est bien de soutenir quelque chose et participer de la démarche initiatique. Espace sacré, que nos pas ne peuvent souiller, espace construit et espace message ? La présence des trois colonnettes nous inciterait bien à penser que c’est un mandala, vers lequel nos regards vont, car c’est le centre même de la loge, centre de la chaîne d’union et centre du cercle sacré que nous formons autour. Composé de dalles noires et blanches alternées régulièrement, le pavé mosaïque pourrait évoquer une situation apparemment conflictuelle, entre le bien et le mal, les ténèbres et la lumière, le jour et la nuit. Ce serait alors l’expression d’un monde dualiste, manichéiste. Mais ceci ne peut convenir à notre monde initiatique, non dualiste. Le blanc et le noir ne sont que les éléments du UN, et le Pavé Mosaïque est un symbole d’union, pas un symbole d’opposition. C’est un signe d’union, pas un signe de division et dans cette acception, il se rattache à la famille des signes d’union, avec la corde à lacs d’amour et la chaîne d’union. Une approche symbolique du noir et du blanc pourrait probablement éclairer notre réflexion. Pour le monde profane, le noir évoque la mort, l’angoisse, la dépression. On le voit dans l’expression broyer du noir, et aux vêtements de deuil portés. Pourtant, c’est du noir que jaillit la lumière, le jour est enfant de la nuit. C’est la couleur de la science secrète, de l’ésotérisme, de la révélation et des mystères qui nous sont donnés ou qui se révèlent lorsque nous sommes au septentrion. Les premiers pas de l’apprenti vers la lumière se font dans les ténèbres puis le premier quartier de lune éclaire un peu plus notre chemin de cherchant. Le noir ne s’oppose pas au blanc, il est son complément. Sans le blanc il n’y aurait pas de noir, et inversement, sans la mort il n’y aurait pas de vie, rien ne s’oppose, tout s’interpénètre, à l’infini, et pour les siècles des siècles. Le blanc est le symbole de la pureté, de ce qui n’est pas souillé, sali. Notre tablier d’apprenti n’en est-il pas l’une des manifestations ? Le blanc est également l’emblème de monde visible, apparent et annonce la création, la naissance, la renaissance ou régénération. C’est pour cela qu’il est la couleur de l’apprenti. Le pavé mosaïque est blanc et noir, blanc comme l’illumination intérieure, et noir, la lumière de ce qui est secret et révélé. C’est pourquoi il constitue l’espace sacré autour duquel nous évoluons et progressons vers la vérité. Le pavé mosaïque pourrait être également le yin et le yang. L’opposition apparente du noir et du blanc n’est en fait que complémentarité, les deux sortes de carrés étant enchevêtrés, solidaires, pour former un symbole finalement uniforme. Tout comme le yin et le yang s’interpénètrent et tout comme la Lumière luit dans les Ténèbres. Ces contraires sont générateurs d’énergie. L’Energie est unique, et son mouvement est assuré par deux polarités différentes, le noir et le blanc, le yin et le yang, la matière et l’Esprit comme je le disais en introduction. Est-ce pour autant l’affirmation que le principe créateur reste binaire ? Hermès, voyant que la lutte entre le serpent noir et le serpent blanc menait au chaos, planta entre eux sa baguette et les deux serpents s’enroulèrent et l’ordre s’installa. Mais cet ordre n’en reste pas moins composé de deux oppositions reliées par la baguette, comme le joint de ciment lie les tesselles du pavé. Ainsi nous pouvons affirmer que pour revenir à l’unité, nous sommes obligés de passer au ternaire… Le lien entre le UN et le DEUX est le TROIS, qui est en réalité UN. Il ne nous est d’ailleurs pas interdit de voir le joint entre les dalles du pavé de couleur rouge. Dans ce cas, nous retrouverions l’opération alchimique, de l’œuvre au noir à l’œuvre au blanc, puis à l’œuvre au rouge, et ce pavé serait le symbole de notre propre passage de la di-fusion à la fusion. Une autre caractéristique du pavé mosaïque est d’être un carré long, pour reprendre un terme qui désigne la loge dans notre rituel d’instruction au 1er degré. Ce carré long rappelle les temples anciens, sa longueur allant de l’orient à l’occident, et sa largeur du midi au septentrion. Mais c’est, contrairement à la loge, son zénith qui reste à édifier symboliquement, c’est justement l’objectif de notre construction : édifier à partir de ce pavé de pierre blanches et noires notre temple intérieur. Le blanc et le noir étant l’énergie qui, dans un mouvement ascensionnel parvient à une forme nouvelle en trois dimensions, le cube, représentation de l’être accompli. Les dimensions de ce carré long sont particulières, 9 tesselles en largeur, 12 dans la largeur, et nous pourrions donc constater que le 9 symbolique c’est 3 au cube, et que nous revenons inexorablement au ternaire, qui est le nombre de la création. 1 et 1 font 3, comme notre triade symbolique, Osiris, Isis, Horus, le Principe Masculin, le principe féminin et le Crée, notre marche de l’apprenti élevée au cube transcende et spiritualise notre matérialité, comme les arcanes de la gnose, ces trois outils disposés sur le naos, qui nous conduisent sur le chemin de la Vérité et de la Lumière jusqu’à la porte d’Orient. Le nombre de tesselles ou de carrés est de 108. 1+0=1 1+8=9, et encore ce nombre 9 sur lequel il faudra bien se pencher un jour. 54 carré blancs et 54 noirs, 5 et font 9, 9 et 9 font 18, et 18=9. Ce 9 n vient avec triop d’insistance pour ne pas être un message, une indication, une voie à suivre. Nous pourrions aussi voir, dans ce pavé mosaïque, une échelle, avec des degrés à franchir. Une échelle descendante, ascendante, et latérale, les divers axes symbolisant nos engagements et nos choix de comportements maçonniques. Descendre à la recherche du Soi, empreinter l’échelle verticale qui mène au divin, aller dans les quatre directions des vertus cardinales que je n’hésite pas à vous rappeler : la Justice, la Tempérance, la Prudence et la Force ? Le pavé mosaïque est le centre primordial, socle primordial d’où s’élève l’esprit à la cour de la cérémonie, dans un espace qui s’élève du nadir au zénith, entre les colonnes portant les étoiles, le feu divin, le feu créateur et purificateur qu’initie le V\ M\ et qui porte le Naos, les arcanes de la gnose et le feu éternel. Ce pavé est aussi à mon sens un symbole d’humilité qui rappelle à chacun que nous sommes une dualité dont nous tentons de faire un ternaire créateur et spiritualisant. Pas une fausse humilité, mais une humilité fraternelle, une humilité bien concrète. Le terme d’humilité ne fait-il pas penser à l’humus du sol nourrissant l’esprit qui s’élève. Et puis n’y a-t-il pas enfin dans ce pavé mosaïque la Fraternité ? Tous ces carrés représentant les frères de ce monde. Le pavé mosaïque symbole d’union entre les F\ F\ et les H\ H\ plus généralement. Symbole de fraternité qui n’est pas seulement amitié et convivialité autour d’un bon repas, ni amour humaniste de bon aloi, politiquement correct, mais qui ne se retrouve dans aucun de nos actes. Si ce pavé pouvait nous dire que nous sommes aussi des acteurs du monde qui nous entoure et que les différences exprimées par le blanc et le noir sont l’expression de ce que disait Saint Exupéry, « si tu es différent de moi mon frère, loin de me léser tu m’enrichis ». Je ne peux que regretter que certains ne voient pas que nos différences se complètent et que la loge est forte lorsque chacun apporte la pierre de ses propres compétences sans pour autant avoir dans l’idée que l’on peut en retirer un quelconque honneur ou un beau cordon. Et moi dans ce pavé mosaïque ? Ne suis pas à la fois le yin et le yang, principe féminin et principe masculin, ombre et lumière, noir et blanc. Ma quête de moi même et la construction de mon temple n’est elle pas résumée dans ce symbole fort, avec les étapes à franchir, du septentrion au midi, de l’orient à l’occident, et de l’occident à l’Orient…éternel, pour parvenir à la symbiose du Blanc et du Noir, à la sérénité et la sagesse ineffable… Faisons en sorte que notre parcours soit fait d’humilité vraie, de captation des énergies contraires pour créer l’ascensionnel chemin vers la Lumière et la Vérité. Oui, ce pavé mosaïque est un mandala. Cette figure géométrique bouddhique exprimant la relation mystique entre le monde physique et le monde divin. J’ai dit, V\ M\ M\ R\ |
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