Obédience : NC | Loge : NC | Date : NC |
Le Pavé Mosaïque Lorsque - apprenti naissant - je suis venu pour la
première fois m'asseoir sur la colonne du nord, encore
tremblant de cette bousculade d'émotions et le cerveau en
ébullition, mes yeux se sont promenés de gauche
à droite et de bas en haut, scrutant chaque visage,
s'accrochant à chaque élément du
décor. Pourtant ce n'est qu'à la tenue suivante,
je pense, que j'ai vraiment remarqué le pavé
mosaïque. Le pavé mosaïque est un
carré long qui, posé à même
le sol au centre du temple, évoque la pierre tombale d'une
sépulture. Un tombeau dont l'épitaphe serait ce
damier noir et blanc. J'ai insiste sur le fait que le pavé
mosaïque est un carré long car c'est avec lui et
grâce au nombre d'or que l'on parvient à dessiner
une spirale dextre qui se retrouve partout, des mégalithes
aux cathédrales, en passant par les coquillages et notre
oreille interne. Mais cette spirale va bien plus loin encore et devient
cosmique avec le voyage de notre planète qui
décrit une gigantesque hélice d'une largeur de
299 millions de kilomètres et d'un pas de 625 millions de
kilomètres qui représente le chemin parcouru par
le soleil en 365 jours 1/4. La courte inscription qui figure sur les pierres
tombales et qu'on appelle épitaphe, est un
résumé, un indice
révélateur de l'identité, voire du
caractère de celui qui occupe le tombeau. Parfois cette
épitaphe est un message qu'il faut décrypter. L'épitaphe nous parle bien de ces contraires
qui reposent dans le tombeau mais en y regardant d'un peu plus
près, on s'aperçoit que le noir et le blanc sont
en quantité égale, qu'ils sont au même
niveau. Le pavé mosaïque nous rappelle qu'il faut mourir à l'ancienne vie pour renaître un peu plus près de la lumière, qu'il faut savoir réconcilier en soi les opposés afin de réaliser l'harmonie qui libérera l'énergie nécessaire à cette élévation par la voie du milieu. Il symbolise aussi l'acceptation et la reconnaissance de nos frères tels qu'ils sont, avec leurs différences et leurs particularités car nous sommes, nous aussi, sur nos colonnes respectives autant de carreaux noirs et blancs, et ce n'est pas un hasard sans doute si c'est autour du pavé mosaïque que nous réalisons ce moment précieux de la chaîne d'Union, où nous sentons naître et circuler en nous un courant d'amour et d'harmonie. Ce que personnellement je pense avoir compris du pavé mosaïque pourrait se résumer en deux mots : horizontalité - verticalité, en deux outils, le niveau et le fil à plomb. Avant de construire un édifice, d'ériger des murs, il est nécessaire, sous peine d'effondrement, de réaliser le terrassement, d'installer des fondations qui soient parfaitement de niveau. De la même façon je crois que le pavé mosaïque nous enseigne que pour construire notre propre édifice, pour nous élever nous-même, il nous faut avant tout résoudre le problème de nos propres fondations. Comment pourrais-je m'élever si j'en suis encore à me débattre entre bien et mal, entre noir et blanc sans comprendre qu'ils ne font qu'un ? Ces conflits intérieurs nous condamnent à l'horizontalité et nous nous retrouvons dans la situation de l'albatros de Baudelaire que des ailes de géant empêchent de marcher. Cet Albatros sans doute, avant d'être le jouet des hommes d'équipage, regardait-il hautain, le monde avec mépris, heureux d'être si haut. Mais pouvait-il apprécier à sa juste valeur cet avantage de pouvoir voler ? Je pense que, après avoir tant fourni de vains efforts à tenter de marcher, lorsqu'il peut enfin reprendre les airs se souvenant de l'utilité de ses ailes, le nouvel albatros ayant un regard neuf sur le monde, mesure tout à fait cette chance qu'il a de voler et l'apprécie d'autant plus. Ces deux Albatros me font penser aux deux types de labyrinthes qu'on trouve parfois dans certaines cathédrales. Il y a des labyrinthes, comme à Chartres, qui emmènent le voyageur sur un parcours aux circonvolutions initiatiques, sur une voie unique et sinueuse déjà tracée par d'autres. Mais, comme à Reims, il y a des labyrinthes où l'on se perd, où le voyageur est celui qui devient. Il y emprunte des voies qui sont des impasses puis rebrousse chemin avant d'explorer d'autres voies. Dans ces labyrinthes, la traversée est aventureuse, le but se définit en cours de route et j'y trouve une grande ressemblance avec le pavé mosaïque et le cheminement de l'apprenti. Pour conclure, je dirai qu'au commencement nous sommes pressés par notre notion du temps nécessairement liée à l'idée de notre fin prochaine. Nous sommes les jouets du dualisme, les jouets de nos passions, coincés entre nos désirs et nos aversions. Puis le jour où nous acceptons l'idée de mourir, de visiter les profondeurs de la Terre, pour peu que nous sachions nous éclairer à cette petite lueur intérieure, nous découvrons un joyau, une pierre brute. Alors, naissant une autre fois, notre notion du temps s'élargit. Nous travaillons à dégrossir la pierre et apprenons aux rythmes de nos travaux à réaliser la paix intérieure. Nous apprenons à ne plus disséquer, peser, évaluer, cataloguer les bons et les mauvais côtés de notre semblable, nous apprenons à déceler, reconnaître et à aimer cette flamme qui brûle en lui comme en chacun de nous. Lorsque cette nouvelle perception du temps nous libère enfin du binaire, nous parvenons à équilibrer les contraires et de cet équilibre naît une force qui nous guide vers la Lumière comme des voyageurs sur le chemin du retour... J'ai dit. L\ C\ |
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