GLG Loge : Saint Jean de l’Estuaire - Orient de Libreville Date : NC

Le Pavé Mosaïque
Après un silence bénéfique au Septentrion, j’ai l’honneur et le plaisir de plancher sur le PAVE MOSAÏQUE.
Ce Symbole est un dallage formé de carreaux alternativement blancs et noirs inclus entre les Trois Piliers ou Colonnettes (Sagesse, Force et Beauté).
La circulation dans le Temple se fait autour de cet espace en évitant d’y marcher.
Les travaux de l’Atelier débutent lorsque la Pavé Mosaïque est recouvert du Tableau de Loge au Grade d’Apprenti.

En premier lieu et en observant le Pavé Mosaïque, on constate que l’alternance des couleurs symbolise l’Univers sous forme de binômes déclinables à l’infini : noir et blanc, ombre et lumière, masculin et féminin, connaissance et ignorance, joies et peines, esprit et matière, etc.

Le Pavé Mosaïque nous invite à appréhender que la dualité est inhérente à toute Vie en ce que l’Homme ne peut juger des choses et choisir ses actes qu’à partir de lui-même, il lui est difficile d’envisager la dualité autrement qu’à travers le prisme de l’antagonisme entre ce qui est bon ou mauvais pour lui.

Notre cadre de référence nous prédispose à ce point de vue, le noir est associé à des notions de deuil, de malfaisance ; dans le langage courant , on parle d’une « période noire », d’une « âme noire ».

Le blanc évoque la pureté : « être blanc comme neige », c’est n’avoir rien à se reprocher.

Mais est ce bien de ce qui précède dont nous parle le symbole ?

Comment comprendre que le blanc et le noir symbolisent respectivement la lumière et les ténèbres alors même qu’on frappe à la porte du Temple parce que l’on est « dans les ténèbres » et que l’on « désire la lumière » ?

De même, si nous réalisons la Chaîne d’Union autour du Pavé mosaïque, c’est qu’il devient le lieu qui nous unifie malgré nos états d’âme.

L’important n’est ni le blanc ni le noir du Pavé Mosaïque mais le ciment qui les fusionne.

Quelque soit son éclat un Pavé ne sera jamais qu’un élément isolé qui au mieux engendrera un sentiment de beauté fugace.

Une œuvre ne peut s’inscrire dans la durée que si le ciment invisible qui la compose est inaltérable, le ciment est hélas invisible mais c’est bien l’élément primordial.

Sans ce ciment discret qui soude les différences, il n’y a pas de beauté intemporelle et pas d’œuvre qui résiste au temps.

La face du Pavé qui s’offre à la vue est lisse et polie mais chaque pierre qui le compose n’a-t-elle pas à l’opposé une surface peu attrayante, rugueuse et irrégulière sur laquelle le ciment vient s’accrocher. Ces rugosités ne sont-elles pas nécessaires à la solidité de l’œuvre ? Et inversement, ce Pavé n’est-il pas d’autant plus lisse que la face opposée est rugueuse.

Notre évolution n’est-elle pas plus belle si nous la construisons en lissant nos côtés les plus rugueux ?

J’ai la faiblesse de penser que mes rugosités actuelles, mes imperfections ne sont pas des boulets mais au contraire des points d’ancrage, des point de départ pour se construire, pour un renouveau.

En effet, en arrivant au Temple, le Pavé mosaïque m’est apparu facile à interpréter, mais mon regard est évolutif sur les mystères de ce dallage bicolore et même pluridimensionnel.

A propos de l’alternance du blanc et du noir, il est aisé de n’y voir que la commode opposition du bien et du mal : le noir c’est le mal, le blanc c’est le bien.

A priori, il s’agit d’un antagonisme d’ordre moral, ce fut là mon premier regard sur le Pavé Mosaïque ; comme le parcours du Maçon me paraissait simple à cet instant !

Au fil du Tenues, observant inlassablement ce symbole, d’autres évidences m’apparurent, d’autres interrogations me vinrent à l’esprit ;

Le blanc est le bien et le bien c’est moi ; le noir c’est le mal et surtout les autres.

Quelques Tenues de plus me permirent de remarquer que le passage du blanc au noir est instantané ; il n’y a pas de zone grise, pas de zone de confusion, pas de zone tampon.

En une fraction de temps et d’espace, il est donc possible de passer du bien au mal et inversement.

Du coup, le Pavé Mosaïque m’effraie ; en y recherchant mon chemin, je vais fatalement basculer dans le noir. Dois-je rester immobile et renoncer à ma quête ?

Non, le salut n’est certainement pas dans l’immobilisme, Joseph CASTELLI indique (dans son ouvrage « Dictionnaire maçonnique des mots usuels maçonniques français ») qu’au REAA, le Pavé mosaïque est un carrelage de 63 carreaux blancs et noirs dont la totalité forme un rectangle (carré long) de 9 carreaux sur 7 (7*9 = 63) (6+3 = 9). Le chiffre 9 est le nombre de mois nécessaire à l’achèvement de la création de l’être humain, il est également le dernier de la série des chiffres et annonce à la fois une fin et un recommencement, il est enfin le nombre des Offices de notre REAA hormis le Vénéralat qui est en réalité autre chose qu’un Office parce que c’est de lui qu’émanent tous les Offices.

Le Pavé Mosaïque est donc composé de 63 cases alternativement blanches et noires, mais pour obtenir ce carré long parfait, il y a obligatoirement 32 cases d’une couleur 31 d’une autre ; cela nous donne une case de plus d’une couleur et c’est le blanc.

Mais alors : l’égalité est donc une chimère en Maçonnerie, pourquoi donc un emblème qui suggère l’inégalité, un symbole qui crée des dominants et des dominés, qui porte l’intolérance ; est-ce une erreur, une imperfection dans son choix ?

Ce Pavé asymétrique, n’est ce pas un symbole de dynamisme, d’engagement nous appelant à trancher, à prendre position. Et surtout ne nous montre t-il pas qu’il faut une couleur prépondérante. Et si le blanc était l’Esprit et le noir la Matière : « Au commencement était le verbe et le verbe était auprès de Dieu et le verbe était Dieu. Il était au commencement auprès de Dieu. Par lui tout a paru et sans lui rien n’a paru de ce qui est apparu. En lui était la vie et la vie était la lumière des hommes ; et la lumière brille dans les ténèbres et les ténèbres ne l’ont pas saisie. Il y eut un homme envoyé de Dieu, son nom était jean. Il vint en témoignage pour témoigner au sujet de la lumière, afin que tous par lui fussent amenés à la foi. Celui-là n’était pas la lumière. C’était la lumière, la véritable, qui illumine tout homme en venant dans ce monde ».

A cet instant de ma vie maçonnique, j’ai commencé à appréhender la puissance du symbolisme. Contrairement l’hermétisme des mots, le symbole est une porte ouverte ; et chaque porte en ouvre une nouvelle, car finalement ce Pavé qui me suggère une fois la confrontation stérile, qui me parait tantôt rassembleur ne change jamais. C’est donc mon regard qui change.

Pour la première fois, je perçois le symbole comme une borne, un repère sur le chemin de l’évolution personnelle.

Et si nous entrouvrions une autre porte, celle du déplacement vertical !

Finalement ne pourrions-nous pas contempler le Pavé Mosaïque en perspective ? Pour différencier ces dalles de couleur ne dois-je pas m’en extirper ?

De cette vue panoramique, j’ai commencé à entrevoir la ligne fine et rectiligne qui en côtoyant le blanc et le noir permettait de cheminer sans dévier. Mais cette ligne n’est-elle pas virtuelle ?

Est-il possible d’avancer sur le chemin de la vie sans s’imprégner alternativement du blanc et du noir ? le doute et l’errance ne sont-ils pas les engrais de l’accomplissement personnel, de la maturation.

Et si cette ligne existe, doit-elle être empruntée ? N’est-il pas lâche à ne jamais être ni blanc ni noir, l’évolution personnelle serait-elle incompatible avec un engagement ferme ?

Si je veux avancer, je dois inévitablement fouler le blanc et le noir. Quel blanc dois-je fouler et dans quel noir dois-je m’enfoncer pour avancer coûte que coûte ?

Dans ces instants de doute, il me vint à l’esprit que le mélange des différences crée l’harmonie tout en préservant les identités. Le blanc nous apparaîtrait t’il si blanc s’il n’était pas entouré de noir, comment différencier un pavé blanc dans un dallage blanc ? Et si la différence était tout simplement une nécessité.

Du blanc éclatant et du noir brillant, c’est idyllique de voir une harmonie naître de deux extrêmes qui s’unissent tout en restant eux-mêmes.

A ce stade du cheminement, il y a lieu de relever qu’en  nous évertuant à chercher les défauts, les imperfections chez notre voisin, nous devenons aveugles et oublions qu’il existe au plus profond de lui une lumière qui est beauté et bonté. C’est cette lumière qu’il faut s’attacher à trouver dans chaque être. Le noir nous guide vers le blanc ; dans le pire, peut se cacher un peu de bien.

La Pavé Mosaïque est alors la reconnaissance de l’autre, tel qu’il est, avec ses différences et ses particularités. C’est cet « autre » si différent de nous, avec ses noirs et ses blancs qui va pouvoir prolonger le Pavé mosaïque et s’intégrer dans la Chaîne d’Union.

Ainsi peut-on dire que le Pavé Mosaïque invite l’homme à chercher le troisième terme : il ne s’agit plus ici de s’appuyer sur des données de la conscience individuelle dualiste, mais de la perception du Principe Supérieur qui a organisé le Monde et la Vie en partant de la Sagesse, de la Force et de la Beauté, et que nous désignons sous le vocable GRAND ARCHITECTE DE L’UNIVERS.

J’ai dit.

R\ K\


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