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Le pavé mosaïque
 

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Au milieu du temple, face à l’orient, il est placé sur le sol un carré constitué de cases blanches et noires.

Ceci formant un damier tel un jeu d’échec. Quel est ‘il ? Que représente-il ? Sûrement pas un jeu. Sa place a de l’importance, il est au carrefour de l’orient et de l’occident, du midi et du septentrion.

Il est placé au cœur du temple, au cœur de la maçonnerie universelle, au cœur de l’humanité. Il représente le centre de toute chose. Quasiment invisible, pendant les travaux, les frères ayant tous le regard porté vers l’orient, il pourrait donner l’impression d’être accessoire. Et pourtant, il est présent, il est probablement le
symbole le plus présent pendant les travaux.

Tel qu’il est placé, il forme un triangle entre le soleil représentant la lumière, le blanc ; la lune représentant les ténèbres, le noir. Le pavé mosaïque se trouvant sur la pointe du triangle.
L’ensemble forme ainsi le cône inversé, la base spirituelle pointé vers la terre, symbolisé par le compat. Tel orienté sur le tapis de loge ci dessus.

Dans de nombreuses cultures, le blanc et le noir
s’affrontent. Le yin et le yang, le bien contre le mal. Pour beaucoup, il pourrait être le symbole ultime du manichéisme. Pour un franc maçon, il en est l’inverse. Pour le comprendre, il faut l’observer. En premier lieu visuellement, en second lieu, intellectuellement, et enfin j’imagine qu’il est possible à un certain stade d’en avoir une vision spirituelle.

A première vue, notre symbole représente une dualité éprouvée par d’autres philosophies orientales comme occidentales.

Observons un peu ce symbole équivalent que sont le yin et le yang. Principe du taï ch’i. Tout le monde connaît bien sa représentation :
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Un disque séparé par un S : une partie blanche et une partie noire, chacun comportant un cercle en son sein de sa couleur contraire. Il représente toutes les dualités de notre univers : le positif et le négatif, le masculin et le féminin, pair impair, l’eau et le feu, bien d’autres encore. Les deux symboles, maçonnique et chinoise, peuvent figurer toutes les dualités existantes.

Chaque partie n’existe que si l’autre existe, et est ainsi indissociables l’un de l’autre.

Toujours dans le taïch’i, l’ensemble engendre 5 éléments : la terre, l’eau, le feu, le métal et le bois. Le tout associé en un cycle constructif en forme de cercle.
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Le bois nourrit le feu, les cendres du feu nourrissent la terre, on extrait le métal de la terre, l’eau se condense sur le métal et le bois pousse grâce à l’eau. Et ainsi de suite, en boucle permanente. Mais l’association peut avoir de part sa dualité logique un cycle destructif :
Le feu fait fondre le métal, le métal coupe le bois, le bois pourrit dans la terre, la terre pourrit l’eau et l’eau éteint le feu. La construction s’alterne avec la destruction, les éléments étant en perpétuel changement.
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Il existe d’autres pensées sur la dualité, tel le manichéisme. La pensée populaire propose une définition simpliste de ce qui était une religion : l’opposition du bien contre le mal, base de la littérature de masse.

Cette religion gnostique opposait bien la lumière aux ténèbres, mais le mythe de Mani propose une compréhension de l’univers en trois périodes : l’antérieur où les ténèbres et la lumière sont bien séparés. L’actuelle où suite à une attaque des ténèbres sur la lumière, les ténèbres gagnent et créent le monde et la matière.

Enfin, Dieu envoie le christ sur terre pour vaincre la matière et ainsi libérer la lumière de la matière. On pourrait se demander ce que l’homme devient dans ce cycle destructeur de la matière. Partir au paradis des religieux, libérés du corps et de la matière ?

Chez nous, le récipiendaire lors de son initiation sort de la terre et aperçoit la lumière, est-ce le même symbole ?

Probablement. Nous nous trouvons dans les ténèbres et voulons découvrir la lumière. Symboliquement se transcender de notre condition humaine vers la spiritualité, l’esprit commandant au corps et à la matière et non l’inverse. Tel que nous l’enseigne l’étoile flamboyante.

Pourtant, tous les jours nous voyons la lutte du bien contre le mal. Thème de prédilection des fictions anglo-saxonne, voir de leur politique tant extérieure qu’intérieure.

Admettons que le symbole du damier impose le bien dans les cases blanches, le mal dans les noires. Aujourd’hui, ce sont les bases de l’éducation morale liée au christianisme, qui dirigent le mode de pensée occidental.

Le principe est clair et sans équivoque. Car si la religion ne domine pas les politiques de la vieille Europe, elle est omniprésente dans l’esprit des gens ainsi que les politiciens.

Cependant, nous admettons qu’il existe une ligne indéfinissable entre les cases blanches et les noires. L’homme tel un funambule flirte assez souvent avec cette ligne, vacillant entre la morale acquise, et la réminiscence de pulsions anciennes.

Observons le symbole, observons-le différemment.

Il m’arrive en loge de parcourir le temple du regard pendant les travaux. Je reste assidu au vénérable maître, ainsi qu’à l’orateur, certes, mais j’aime à observer également les symboles.

Plus souvent ceux de l’orient, la lumière y jaillissant. Mais observons notre pavé mosaïque. Au bout d’un petit moment il apparaît une illusion d’optique, et les carrés deviennent des cubes, le damier apparaît en trois dimensions.

J’y vois un autre symbole. Mon imagination visuelle me conforte dans l’idée que le bien et le mal peuvent évoluer dans l’espace ainsi que dans le temps. Leur définition sera différente en fonction des lieux : d’un pays à un autre, il y a des différences morales, et pas uniquement liées à la religion. Le temps et les circonstances bouleversent également l’ordre des couleurs.

Pour le démontrer, je vais risquer de définir certains thèmes :
Tuer son voisin pour lui voler sa femme ; case noire.
Tuer son voisin pour lui voler sa terre, mais au champ d’honneur : case blanche.
Dans certaines religions, si le voisin est un infidèle : case paradis.
Le travail : la franc maçonnerie considère le travail comme un des devoirs de l’homme. Case blanche
La famille : Le franc maçon a pour devoir, en toute circonstance, d’aider, d’éclairer, de protéger son frère. Même au péril de sa vie : case blanche.
Honorer la république, son pays, sa patrie : case blanche.
Travail, famille, patrie : tien, un triptyque. Case blanche ? Non bien sur, case noire.

Ici, le lieu, l’époque et la pensée hermétique font bouger le damier et changent les couleurs de place. L’histoire et les luttes de pouvoir influent sur les codes moraux, elles peuvent imposer de mauvaises associations quand elles sont restrictives. Notre triptyque maçonnique Liberté Egalité Fraternité est corroboré par un quatrième élément, la solidarité. Complément indispensable compte tenu de la direction humaniste prise par notre ordre. Mais également pour démontrer que même le sacré ne doit pas être figé, mais près à évoluer.

Maintenant revenons à la dualité, inversons la pensée et ouvrons là avec provocation. Dans la lutte du bien contre le mal il y a toujours deux camps. L’autre est l’adversaire et forcément le mal. Voir le malin.

Satan en hébreu veut dire adversaire. Lors de la genèse, le serpent pousse Eve dans le mal. Il est l’aiguillon, l’instigateur, voire pourquoi pas le levier de la connaissance. Car comme chacun sait, le fruit défendu provient de l’arbre de la connaissance. La connaissance sur une case noire ?

Toujours est-il que pour bien stigmatiser notre animal, représenté comme un dieu païen de la fertilité, on lui a donné de multiples noms affreux, tel Lucifer.

En grecque, porteur de lumière.

Là encore la religion de la vielle Europe place la fertilité, la lumière de la connaissance sur des cases noires.

Et pourtant, elle associe le symbole de lumière à la recherche de vérité spirituelle, mais cela en marge de la quête de la connaissance qui doit être révélée. Après la mort bien sur, mais nullement cherchée.
Pourtant, le religieux s’est adapté à son époque, et a bougé sensiblement son damier, il est devenu moins hermétique.

Le Siècle des lumières et la révolution n’y sont pas étrangers. Mais laissez-leur à nouveau le pouvoir, et vous verrez qu’ils remettront vite les cases en place.

Il ne faut tout de même pas oublier les bases des protagonistes, les religions chrétiennes sont des religions de mort qui ont remplacé des religions de vie, le paganisme. Satan, l’adversaire.
Il a été opposé à notre animalité, à notre terre de souffrance, de travail. Un paradis d’oisiveté, d’amour béat et d’intellect réminiscent. « Heureux les pauvres en esprit, car le royaume des cieux est à eux » (Matthieu).

Le damier a été modelé par instrumentalisation de la morale. Plaçant les couleurs de manière dogmatique et irréversible.

Aujourd’hui notre morale repose sur ces bases.

Bien évidemment, il ne faut pas opposer un dogme par un autre, qui lui passera symboliquement au noir, en refusant les textes religieux en bloc.

J’ai lu la bible et le Nouveau Testament, il est vrai, il y a fort longtemps. Depuis, si je ne crois plus en aucun dieu, je suis sensible aux écritures humanistes de certaines évangiles et au code moral du livre ancien. Il ne faut pas oublier que nos frères des loges écossaises considèrent Jean l’évangéliste comme le premier franc- maçon, et portent serment sur ses écritures.

Longtemps j’ai cherché à savoir si ce symbole était au grade d’apprenti ou de compagnon.

Dans tous les cas symbolisant la dualité, nous n’étions toujours pas en maçonnerie. Il fallait un troisième élément : la ligne qui sépare les cases, l’ambivalence que l’on retrouve dans de nombreux outils maçonnique faisait le troisième élément, l’age des apprentis.
Mais en l’étudiant dans un environnement d’espace et de temps nous arrivons au chiffre cinq, donc à l’age des compagnons. A mon niveau d’initiation je n’ai pas encore trouvée plus loin, mais peut-être est-il possible de pousser plus en avant la recherche et arriver au chiffre des maîtres sept ...
Tous compte fais ce symbole n’a que l’age que l’on lui donne. Il progresse à mesure que progresse l’initier.

Le pavé mosaïque tel que je le vois est un symbole vivant, et le franc maçon à la quête de vérités (au pluriel) se doit de ne pas jouer les funambules sur une ligne dont la couleur importe peu.

Une grande partie de notre travail est l’étude de la morale, et pour y parvenir il ne faut pas sauter de case blanche en case blanche, mais douter que les vérités se trouvent sur ces cases.
En observant le symbole du yin et du yang, plus avant, on remarque que le bien se trouve au sein du mal par la présence du petit rond blanc dans la case noire, et inversement. Les deux sont liés et inséparables.

Aussi il faut explorer les cases noires, donc s’y aventurer avec autant de circonspection. Evoluant avec le pas du compagnon, s’aventurant et rectifiant, l’étoile flamboyante nous guidant dans notre chemin.

En considérant le damier en multiples dimensions, nous pouvons étudier les vérités des cases locales ou extérieurs à notre culture d’origine, explorer le passer, juger le présent.

Ainsi imaginer et préparer l’avenir. Notre travail ainsi défini devient évidemment infini, car l’homme évolue, ainsi que la morale et les définitions du bien comme du mal. C’est pourquoi la notion de positif et de négatif de la pensée orientale me semble plus approprié à nos travaux.

Le franc-maçon est imprégné de ces symboles .En effet il est important de rappeler que notre vêtement a également un sens symbolique. Ce vêtement doit être noir, associé avec les gants et le tablier blanc (celui des maîtres est décoré, mais il est blanc).Ainsi, notre parure rappelle les couleurs blanches et noires. Les templiers arboraient un étendard de combat consistant en deux blocs un blanc, l’autre noir. Symbolisant qu’ils avaient quitté le péché le noir, le blanc représentant le déplacement des ténèbres vers la lumière.

Nous franc-maçon arborons notre étendard de combat sur nous-mêmes, signifiant de par notre habit que nous sommes en loge à la recherche des vérités de notre monde.

Dans les loges anglaise, nul frère n’est accepté s’il n’est pas vêtue d’un costume noir, chemise blanche et cravate noire. J’ai pu remarquer en visitant d’autres ateliers du Grand Orient, même au rite français, des frères portant chasuble noire pour recouvrir leurs habits profanes et ainsi respecter la tradition en sortant du « boulot ». Je pense qu’il est important d’honorer le symbole qui imprègne le plus le franc- maçon.

Pour finir, je préciserai que le pavé est le fondement du temple, là où sont posées les trois colonnes symboliques de la franc-maçonnerie.

Là où cheminent les frères, sans toutefois être le symbole le plus évident.

Mais sans fondement solide, aucune construction ne peut tenir durablement. Il est ainsi indispensable à tous nos travaux. Pour progresser, il faut douter de l’existant, et le damier est présent dans le temple et sur nous même pour nous rappeler qu’aucune vérité n’est acquise.
Vénérable maître, vénérable maître d’honneur, et vous tous mes frères en vos grades et qualités.

J’ai dit

P\ C\

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