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Le Miroir


Le prêtre qui a célébré mon mariage m’avait dit, pour justifier l’existence de Dieu, que "ce n'est pas le reflet qui fait le soleil". Allusion à l’impossible hasard qui aurait présidé l’harmonie dont fait preuve la nature. La nature n'est que le reflet de l'au-delà. Et qui dit reflet, dit support de réflexion, donc dit miroir.


Un miroir réfléchit, permet la réflexion… Oui, sur tous les plans. Physique (le corps), psychologique [F1] (l’esprit) et spirituel (l'âme). C'est ce que je vais essayer de développer ci-après. En conclusion, je vous livrerai ce que ce travail sur le miroir m'a apporté.

Le miroir physique

Le miroir existe-t-il dans la nature ? Un plan d’eau calme permet bien de renvoyer une image. Mais seul l'homme utilise ce miroir en lui reconnaissant cette propriété. Pourquoi ? Nous y reviendrons.
Commençons par analyser le miroir dans sa fonction de base. Il renvoie l'image symétrique d'une face de la réalité. Qu'il soit placé d'un côté ou de l'autre du sujet, la moitié au moins de la représentation nous manque. Mais dans tous les cas, le miroir est partiel.

Paradoxalement plusieurs miroirs, placés de façon adéquate, créent un univers apparemment infini, et qui l'est dans sa fonction de permettre la constitution d'une "cohérence[CS2] ". Même une partie des scientifiques le pense, dans l'élaboration d'une théorie expliquant que la taille réelle de l'univers n'est en réalité qu'une partie de ce que l'on voit, le reste n'étant que l'image renvoyée par une forme de miroir volumique à 12 faces (un espace de Poincaré plus exactement).
Ainsi le miroir, pour incomplet qu’il soit, peut-il constituer un élément fondamental pour la compréhension de l’homme et de l'univers.

Le miroir psychologique

Le miroir est ensuite devenu un thème en psychologie, pour décrire un domaine ou une étape de la vie, comme le fait le psychanalyste Jacques LACAN. Il considère que "le stade du miroir (vers 18 mois[CS3] ) correspond à la première étape décisive de la structuration du sujet (…) lorsque l'enfant identifie sa propre image dans un miroir". C'est l'âge d’ailleurs de nos premiers souvenirs. On se retrouve avec 30 ans de moins (peut-être davantage pour certains d'entre nous) lorsqu'on voit un enfant se mirer, se faire des grimaces, se voir exister dans un environnement qu'il connaît.

Ainsi l'homme se sert-il d'abord du miroir pour se voir comme les autres le voit, dans un souci esthétique essentiellement. Et dans le but d’améliorer cette apparence.
Puis le miroir lui sert à construire et à vérifier ce qu'il a envie de représenter, pour s'identifier aux sociétés auxquelles il veut appartenir, par une coupe de cheveux, une barbe… une boucle d'oreille… une cravate noire…

Mais le miroir symbolise avant tout l’analyse de soi, l’examen de sa conscience.
Il devient un moyen de se connaître. L’objet miroir bien sûr, pour l’aspect physique. Mais outre l'objet miroir, somme toute limité, de nombreuses autres formes de miroir s'offrent continuellement à nous. Les enfants par exemple, en particulier ceux que Dieu nous a prêtés. Quelle meilleure représentation caricaturale de ses propres attitudes que celles de nos enfants ?
Le regard des gens que nous côtoyons en est un autre. Respect, mépris, crainte, joie… à notre égard, que d'émotions que nous détectons chez ceux qui nous entourent, que nous trions en fonction du sujet, de la pertinence, du mode de fonctionnement de l'interlocuteur et que nous interprétons. Ils nous donnent de nombreuses indications sur notre façon d'être, et sur la qualité du rayonnement que nous voulons produire.

Il serait certainement souhaitable de chercher ce que nous sommes réellement, sans la subjectivité du regard des autres. Mais de quels moyens disposons-nous pour valider nos convictions, si ce n'est le regard des autres ? Il s'agit peut-être d'une attitude frileuse. Mais le risque est grand de se construire un système décalé par rapport à la réalité, s'il est construit dans l'isolement de sa seule conscience.

Le miroir de l’initié (ou spirituel) 

Le miroir devient alors spirituel, et peu à peu nous écorche, nous permet de nous voir à l'intérieur. Je ne crois pas avoir vu mon visage dans le cabinet de réflexion, et ce n'est pas faute d'avoir regardé le miroir. Que suis-je ? Qui suis-je ? Qu'est ce que je veux être ? Comment y parvenir ? On se dit qu'on existe peut-être vraiment, qu'on a, ou plutôt qu'on est une conscience, une âme.

Le miroir, même peu présent dans notre rituel (voir pas du tout dans d'autres) est pourtant un outil essentiel pour les francs-maçons. Un de nos premiers objectifs n'est-il pas d'apprendre à se connaître soi-même ? Et comme le Créateur est en chacun de nous, le miroir nous aidera peut-être à trouver Dieu. Visita Interiora Terrae, Rectificandoque Invenies Occultum Lapidem.

Toutefois, le miroir présente un danger. La mythologie grecque nous laisse entrevoir ses limites. Narcisse ne s'est-il pas miré dans l'eau de la fontaine au point d'en mourir ? Ce miroir ne doit en aucun cas être une finalité en soi, ni un objet de satisfaction, ni un chemin vers l'égotisme. Il doit rester ce qu'il a toujours été : un outil destiné à servir un objectif plus large.
Quel objectif ? Rayonner ? Progresser dans la sagesse ? Améliorer l'humanité ? Se rapprocher de Dieu ? J'ai tout sauf des certitudes.
Mais le lien entre le miroir et la mort n’apparaît pas seulement dans le mythe de Narcisse. On le retrouve de façon plus contemporaine dans l’expression "passer de l'autre côté du miroir", cette métaphore désignant la mort. Qu'y a-t-il de l'autre côté du miroir ? S'agit-il de la porte vers une 5ème dimension ? Le mot "passage" suppose qu'il y a quelque chose après la mort. Mais cela correspond, semble-t-il à la croyance de chacun d'entre nous. Qu'est ce que le miroir a à voir la dedans ? On dit que l'on se retrouve en face de sa conscience au moment de la mort. Le miroir est-il simplement l'image de notre conscience ? Cela peut signifier qu'au moment de la mort, nous devenons une conscience, une âme, uniquement. Bon, il semble établi que notre enveloppe corporelle ne nous accompagne pas dans l'au-delà. Mais est-ce cela que signifie ce passage de l'autre côté du miroir ? En considérant que nous possédons en nous la Pierre Cachée, que Dieu est en chacun de nous, que la Vérité est à notre portée, et si l'on considère que le miroir est un outil pour voir en nous, ce passage de l'autre côté du miroir peut signifier que la mort (cette ultime initiation) va nous apporter la Lumière, va nous permettre de trouver cette Pierre Cachée, va nous permettre de rejoindre Dieu, de nous joindre à Dieu.

Finalement, dans le noir, un miroir n'apporte rien. S'il est par contre utilisé dans la lumière, il peut être porteur d'une grande richesse. Divers éclairages le rendront fertile. Celui de la Franc-Maçonnerie lui donne un sens profond, dès le premier jour lorsqu'il nous permet de découvrir notre pire ennemi, nous même. Cet ennemi qu'on ne soupçonne pas toujours, et qu'il faut pourtant garder à l'œil, continuellement. Car ses passions sont puissantes, ses vertus fragiles et sa volonté naturellement orientée vers tout sauf le devoir. Alors le miroir devient un outil essentiel dans notre devoir de vertu, dans notre travail d'adhésion à cette morale qui se veut universelle.
Ce miroir qui peut nous aider à discerner le Bien du Mal, cet objectif personnel que je souhaite, lui aussi, universel. Mais ceci est un autre débat.


Pour conclure je reprendrais l'exemple des enfants :
De même que les enfants ont une compréhension de notre réalité qui nous semble simpliste, décalée, quelques fois erronée mais toujours incomplète, de même le miroir symbolise ce que nous devons admettre dans notre quête : notre vision humaine, nos capacités ne nous permettrons jamais d’atteindre la Vérité. Tout au plus pouvons-nous tenter de nous en approcher, à petits pas. Et pourtant, comme les enfants, nous avons tous les éléments sous les yeux. Alors autant se servir du miroir qui s'offre à nous, sous toutes ses formes pour voir les choses sous différents angles, selon qu’on l’oriente pour avoir l’esprit en ligne de mire, ou l’Amour, ou tant d’autres voies. Et cela peut nous permettre de découvrir les éléments constants, essentiels,… universels (Uni versus, orienté vers l'un) ?
Et puis ce miroir, cette conscience, toujours difficile à garder propre, est capable d'apporter la sérénité nécessaire au cherchant. Cette sérénité à laquelle fait allusion Paulo Coelho, lorsqu'il écrit "De même qu'il est impossible à un homme de voir son visage dans les eaux troubles, il lui est impossible de chercher Dieu si sa quête rend son esprit anxieux (…)"

J’ai dit.

C\ Si\

Psychologie : Analyse des sentiments, des états de conscience (Dictionnaire Hachette)
Cohérence : système complet et autonome. (Définition perso)
Age à vérifier

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