Obédience : NC Loge : NC 11/11/2008

La Symbolique du Miroir
 en Franc-Maçonnerie

Je dois avant tout vous dire, mes très chers F et S, qu’au moment où j’ai proposé cette planche à notre Vénérable Maître, je ne m’attendais pas au travail personnel qui m’attendait et aux découvertes que j’allais faire.

L’idée de ce travail a pour origine une discussion entretenue voilà quelques mois au cours d’un repas avec un ami et  Frère apprenti d’un autre atelier.

Ce Frère, qui venait d’être initié, me faisait part de son questionnement quant au passage suivant de notre rituel d’initiation, dont nous nous souvenons tous :
Après avoir reçu la Lumière, me dit t’il, il m’a été demandé d’observer les Frères présents dans l’assemblée.
Il m’a été ensuite dit : Vous avez peut être des ennemis.

Si vous en rencontriez dans cette assemblée, ou parmi les francs-maçons, seriez vous disposé à leur tendre la main et à oublier le passé ?
J’ai bien sûr dit oui, me dit t’il, eu égard à la démarche que j’avais engagée.
Puis, soudainement, j’ai entendu :

« Ce n’est pas toujours devant soi qu’on rencontre des ennemis.
Les plus à craindre se trouvent souvent derrière soi.
Veuillez vous retourner. »

Je me suis donc retourné, je me suis vu dans un miroir, et j’ai été stupéfait.  
Ce passage du rituel m’a ébranlé, m’a t-il expliqué.

Nous en avons longuement discuté, puis nous sommes séparés, raisons professionnelles obligent, mettant ainsi un terme à notre passionnante discussion.
C’est à partir de ce jour, que j’ai décidé de me pencher plus avant sur la symbolique du miroir en Franc maçonnerie, ce sujet y étant peu traité.

Je vous dirai d’emblée, le sujet étant très vaste, que j’ai choisi de laisser de côté le pauvre NARCISSE, et la méchante reine du conte de BLANCHE NEIGE devenue folle de rage quand  son miroir lui a appris qu’il y avait quelqu’un de plus beau qu’elle dans son royaume.  

Ces mythes ou contes sont merveilleusement chargés de sens et de « conte-nant » initiatique, mais j’ai voulu cette planche plus personnelle.

Je me suis donc replongée dans mes souvenirs de toute jeune initiée, en repensant aux interrogations de mon ami et Frère.
J’ai laissé aller mon imagination et mes élucubrations intellectuelles, et c’est de tout cela dont j’avais envie de vous parler ce midi.

A l’audition de la phrase du rituel rappelée plus haut, j’avais bien sûr compris que lors de mon initiation, on ne m’avait pas présenté un miroir pour vérifier si mon maquillage avait coulé derrière ce bandeau trop sévèrement plaqué sur mes yeux depuis un bon moment, ou si j’étais décoiffée.

Il était évident pour moi, que l’on ne m’invitait pas à voir ma tête mais mon moi profond.
Ce miroir présenté allait m’inviter à une introspection profonde quant à mes façons de penser, de faire et d’agir.

J’avoue qu’à ce stade là, déjà, ce miroir me semblait décourageant, dans la mesure où l’on veut bien l’utiliser avec le plus d’objectivité possible.
Mais bien franchement, quel être humain peut procéder à une introspection sans être dérangé ?

Aller à la découverte de ses propres zones d’ombre, à la reconnaissance de ce que l’on aurait du faire mais que l’on n’a pas fait, bref, aller droit à ses manquements, ne flatte pas notre ego de pauvres humains que nous sommes.
Car à ce stade là, d’apprenti jeune initié, c’est bien à ce travail d’observation et d’authenticité sur soi même, que nous invite la Franc maçonnerie.     

Certes, un miroir a plusieurs facettes, et l’on peut présenter à soi-même, celle qui nous fait plaisir.

Mais nous avons tous compris que le chemin de la clarté maçonnique nous contraint à tenir droit devant ces yeux ce miroir, avec rigueur et réalisme, pour mirer la face cachée de notre être, et non celle qui nous flatte.
Heureusement, si la Franc maçonnerie nous astreint à ce travail ardu sur soi-même, elle ne nous laisse pas seul.

Elle nous propose ses outils, que nous connaissons tous, pour nous permettre de progresser plus aisément, pour faire que cette zone d’ombre ténébreuse, devienne au fil du temps, plus lumineuse.

Mais ces outils nous sont donnés avec parcimonie, selon nos grades, et au fur et à mesure de notre élévation spirituelle.

Ils sont très précieux.
Ils sont cadeaux.
Et les choses précieuses et les cadeaux doivent se mériter, en maçonnerie comme ailleurs et certainement même, à y réfléchir, plus en maçonnerie qu’ailleurs. 

Mais revenons à notre miroir, et tentons d’avancer.
Car Il faut bien avouer qu’il vient un moment, où l’introspection sur nous me^me, seul face à notre miroir, nous lasse.
Il vient un temps où l’on a envie de passer à autre chose, d’avancer voir ailleurs ce qu’il peut y avoir.
Alors,  pourquoi ne pas imaginer qu’il existerait d’autres miroirs que celui de sa propre image ?
Si alors devant moi, se trouvait un miroir plus grand que le précédent, où serait reflété le visage des autres, de l’autre ?

Ce nouveau miroir symbolique, fruit de ma pure imagination, pourrait me permettre de voir des gens que j’aime, et d’autres que j’apprécie moins.

Je pourrais choisir de ne regarder que les personnes qui me ressemblent, et celles qui ne me contrarient pas.
Mais si c’était  les autres qu’il fallait que j’observe, ceux qui me dérangent ?
Ou bien même, même dans les gens que j’aime beaucoup, si je devais m’attarder sur ce qui me gêne en eux ?

A ce stade là, ce deuxième miroir appelle à une autre dimension, celle de l’ouverture de nos sens : apprendre à écouter, à voir, à entendre.
Et ce, avec objectivité et réalisme : apprendre à tout voir, tout écouter et tout entendre.

Nous sommes toujours dans l’apprentissage en Franc maçonnerie.
Le miroir est un reflet.
Je crois connaître mon reflet à l’usage du 1° miroir symbolique.
Mais je n’en ai qu’une vision encore très limitée : la mienne.
Le reflet de l’image de l’autre me paraît être un très bon outil pour compléter ma 1° image.

Si l’on veut se donner la peine de rabattre son ego, ce qui n’est pas chose aisée, on ne mettra pas longtemps à remarquer que la partie de l’autre qui nous dérange, renvoie à une partie de nous-même que nous ne voulons pas voir consciemment ou inconsciemment.

Réfléchissons ensemble.
Pourquoi  suis- je en colère devant telle action de l’autre ?
Pourquoi telle chose m’énerve, voire m’insupporte quand l’autre parle ?
Pourquoi l’autre agit ainsi, et non pas comme moi, je le ferais ?
On pourrait continuer la liste de ces interrogations bien longtemps.
             
Si on prend soin à réfléchir à tout cela, et si l’on essaie de comprendre bien sûr,  on se rendra compte que le reflet de l’autre renvoie à la face ennemie de soi-même que nous renvoyait déjà le 1° miroir.
Et ce de façon plus profonde.
Ce reflet nous ouvre à une nouvelle conscience de nous-mêmes.
Libre ensuite à chacun de nous, de polir ou non la face de son miroir ou de ses deux miroirs. 

Je pense, mais ceci reste très personnel, qu'à partir du moment où notre conscience s’est éveillée, il n’y a plus de choix, en tout cas pour les maçons que nous sommes.
Le chemin spirituel étant ouvert, la marche à reculons me semble difficile.
Nous avons en mains, trop d’outils qui nous empêchent de nous écarter définitivement du chemin.
On peut choisir une pause sur ce chemin maçonnique d’éveil : oui, s’asseoir un moment, parfois cela peut être très bénéfique.
Mais restera au fond de nous, un outil maçonnique bien personnel à chacun,  qui nous forcera à nous relever pour mieux repartir : Pour l’un, ce sera une phrase du rituel qui lui revient, pour l’autre, le fil à plomb, que sais-je.

Le miroir est un outil magique mais impitoyable :
 - Magique, car il répond à bon nombre de nos questions.
 - Impitoyable, car il nous en pose tant d’autres : Le miroir qui nous reflète notre visage, nos gestes, et nos pensées, connaît t’il notre véritable personnalité à travers l’évolution de notre aspect physique ?

Sait t’il qui nous sommes ?
Peut t’il nous le révéler ?
D’ou tient t’il son pouvoir inquisiteur ?
Quelles sont les limites de sa puissance ?
Traduit t’il une réalité exacte ?

Avec le miroir, le questionnement sur le CONNAIS TOI TOI-MÊME, n’est jamais résolue.
Mais il est symbole d’entre les symboles.
Le miroir est partout, en nous, et hors de nous.
Il permet de tout voir.
De voir devant, et de voir derrière, de voir en haut et en bas.

Pensez un peu, mes sœurs au moment où votre coiffeur vous présente le miroir derrière votre tête pour voir si vous la coiffure à l’arrière vous convient ?
Pensons au dentiste qui utilise son miroir pour soigner la face arrière de nos dents.
Il y a des exemples à l’infini. 

Au-delà du miroir de l’initié, et du second miroir, il y a un miroir encore plus immense : le miroir du monde et de l’univers.
Pour traiter du reflet que celui ci nous renvoie, il faudrait faire des planches et des planches.

Un jour, mon imagination m’a dit :
Arrête de réfléchir, arrête tes questionnements.
Tu as une solution bien simple pour ne plus penser : tourne ton miroir, et son autre face te renverra une face très belle et flatteuse de toi-même.
J’ai écouté mon imagination.
J’ai tourné mon miroir, et j’ai vu un reflet de moi-même complètement déformé.
Vous connaissez tous ces miroirs que l’on trouve dans les fêtes foraines, ces miroirs déformants, absolument hideux.
Je me suis vue, moi, là, sans voix et horrifiée.

Il est vrai qu’un miroir a plusieurs faces.
Mais pour nous maçons, je pense que nous ne devons en utiliser qu’une.
Celle qui nous renvoie la vérité, bien que la vérité soit toujours relative.

Mais n’est ce pas cette vérité que nous cherchons ?

Continuons à avancer en observant avec réalisme et logique, car l’image du miroir symbolique ne peut être figée : Tout est en éternelle mouvance dans l’univers, l’être humain évolue au fur et à mesure de son avancement spirituel. 

Pour finir, mes F et S, je me suis laissée encore à m on imagination, bien qu’elle me trahisse quelque fois comme vous venez de le constater.
Je me suis mise à rêver que nous étions tous ici,  chacun, une facette d’un grand miroir.
Bien sur, à l’état brut, encore avec des parties mal polis et obscurcis par la  poussière de notre ignorance.
J’ai donc décidé de réunir toutes les parties du miroir, les unes avec les autres, avec un lien, comme une chaîne voyez-vous.
Savez vous alors ce que j’ai vu ?
Un  kaléidoscope reflétant une image flou, de nos différences.

Travaillons et espérons ensemble, mes F et S, à ce que mon kaléidoscope imaginaire reflète un jour notre idéal maçonnique, d’acceptation et de tolérance, afin que nous soit renvoyée la lumière maçonnique que nous recherchons. 

Pour terminer, et bien que je n’ai pas de penchant prononcé pour la poésie, j’ai extrait d’un poème d’une jeune fille de 20 ans, des phrases que je trouvais très belles et  tout à fait adéquates à notre sujet.

Elles sont les suivantes :               
«  Comme le reflet d’un objet précieux,
Transparent et indicible comme l’âme,
Profond comme la pensée,

Le miroir ressemble à un véritable jardin secret.
Pur comme un diamant aux éclats impénétrables,
L’ETRE reste son appât, lorsqu’il s’y mire.
Du clair obscur de nos sentiments au minois rosé d’un petit enfant,
Aucun détail ne lui échappe.
Nul ne saurait tricher puisqu’il devient le spectre de nos pensées.
Le miroir se promène dans notre réalité.
Il devine tout, et parfois, il nous dérange.

S’immiscent dans notre intimité, ou s’infiltrant dans un songe éveillé,
Il souligne telle ou telle attitude, Allant du désespoir à l’espoir,
De l’amertume à la rancœur d’un soir.
Bien que le reflet de nos visages reste éphémère, insaisissable,
Nul ne pourrait se substituer à cet œil de cyclope. »

J’Ai Dit

F\ C\

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