GLDF | Loge : Compagnon Ecossais - Orient de Paris | 25/03/2009 |
Le
Miroir
Comment parler du miroir sans plonger dans l’introspection, tout en abordant le côté exotérique (relatif au monde profane) et surtout le côté ésotérique (relatif aux initiés). Interrogeons nous sur la définition du miroir et son origine. Si l’on se réfère à la définition du dictionnaire « le Robert », le miroir est un objet constitué d’une surface polie, qui sert à réfléchir la lumière, à refléter l’image d’une personne ou d’une chose. L’étymologie du mot miroir est riche de sens, elle nous vient du latin : - Miror : s’étonner, être surpris de, voir avec étonnement, - Mirâri : voir avec admiration, admirer - Miratus : être épris de, se passionner pour, rechercher. Nous remarquons alors que ce que l’on nomme ici « miroir » n’est pas l’objet en tant que tel mais plutôt l’émotion qu’il suscite. Le sensationnel prédomine sur le matériel. Mais replongeons-nous dans notre passé pour comprendre l’origine et l’apparition du miroir. Pour l’histoire, originellement, l’homme eu le besoin et l’envie de découvrir son image, de se regarder, n’ayant pour seul moyen, à cette époque que la surface de l’eau. Ce qui incarnait le miroir. Cependant cette vision du reflet n’était que partielle, parce-que floue et indistincte. Puis, les techniques évoluèrent, les Hébreux inventèrent le miroir en laiton et par la suite les Egyptiens, les Grecs et les Romains utilisèrent des miroirs en métal poli, soit de bronze, soit d’argent. Comment aborder le thème du miroir sur le plan exotérique sans faire référence à la salle des glaces du château de Versailles. Le miroir a pour particularité de dédoubler tout ce qui lui fait face, sans aucune limite. En effet, deux miroirs se faisant front démultiplient l’espace et donnent alors l’impression de l’infini, comme une porte double ouverte dans un mur… Ne sommes-nous pas invités à sortir du monde fini, éphémère, totalement illusoire pour nous projeter dans un monde imaginaire ? Pour un « Profane », l’utilité d’un miroir est, avant tout, de transmettre une image fidèle, mais inversée, de son aspect physique. Quoi de plus naturel que de s’y regarder. Le miroir permet de se voir tel que l’on est, mais toujours sous un seul et même angle et d’y mirer ses qualités et ses défauts physiques. Souvent associé à la vérité, comme, par exemple, le miroir magique dans « Blanche Neige et les sept nains », qui révèle à la reine du royaume, belle-mère de Blanche Neige, que sa belle-fille la détrône désormais en beauté. La vanité et la jalousie conduisent de la belle-mère à tuer Blanche Neige. Le miroir peut donc demeurer ténébreux et ainsi, au lieu de nous élever spirituellement, il peut faire régresser en nous laissant plonger dans l’obscurité profane Ainsi, référons-nous au miroir aux alouettes, piège séduisant qui fascine et qui trompe, car l’image précaire que reflète ce miroir n’est qu’une parure. Au travers de ce miroir, l’illusion engendre la sensation d’exister qui, tel un rêve capricieux, ne procure qu’un plaisir imaginaire car il suffit de fermer les yeux pour que s’éteigne l’apparence trompeuse. Il est la parfaite référence de l’ego, si bien retranscrit dans le mythe de Narcisse, jeune homme qui, surprenant son reflet dans l’eau d’une source en tombe amoureux. Absorbé par la contemplation de son visage, il se laissera mourir de mélancolie, se désespérant de ne jamais pouvoir attraper sa propre image. Narcisse aurait pu vivre vieux à condition qu’il ne se regarde pas, il se tuera parce qu’il s’aime. Dans cet exemple, le miroir pour satisfaire l’ego présente des effets pervers de vanité et d’orgueil. Le miroir nourrit les contes, les légendes, les doutes, les superstitions, le réel et l’imaginaire. Dans la croyance populaire, briser un miroir est un présage de mort ou de sept années de malheur. Une autre croyance veut, que dans un miroir, on voit son double. Si le miroir casse, le double aussi... Sinistre prédiction… Une coutume paysanne, au siècle dernier, voulait qu'on voilât les miroirs de la maison où se trouvait un mort parce que le miroir aurait le pouvoir de retenir les âmes. Dans les temps anciens, le miroir est un objet d’observation issu du mot latin « spéculum », qui a donné le mot « spéculation », et le verbe spéculer, qui signifie : le fait d’observer le ciel et les mouvements des étoiles, à l’aide d’un miroir. Une légende raconte que Pythagore aurait possédé un miroir magique dans lequel il emprisonnait la lune afin d’y lire l’avenir comme le faisaient les sorcières de Thessalie. Nous avons ainsi mis en valeur que quelque soit le miroir et l’utilisation qui en est faite, celui-ci renvoie l’image de l’apparence physique, mais en aucune manière le reflet de l’âme. Ce reflet de l’âme, relève du monde ésotérique, occulte, monde accessible aux initiés. Le perfectionnement de soi-même est le principe « obligatoire » pour tous les hommes. En tant qu’initié, en quête de lumière et de vérité, le maçon apprend que « pour juger ou simplement voir les autres, il faut soi-même être un miroir pur », afin de garder, face à ce dernier, une vision claire et nette, c'est-à-dire ce devoir de vigilance et de persévérance, qui nous est suggéré au premier jour de notre renaissance. Curieusement dans notre rituel, le miroir n’est utilisé que de façon très discrète. Il nous est présenté, une première fois dans un espace de transition encore profane, représenté par le CDR. Là, en ce lieu chargé de symbole, éclairé d’une bougie, la présence du miroir transmet un reflet mal discerné. L’endroit sinistre est ténébreux. Nous qui étions venus chercher la lumière nous nous retrouvons dans l’obscurité. Ce n’est qu’au terme de l’initiation, à peine après avoir reçu la lumière que, pour la seconde fois, nous retrouverons le miroir, lorsqu’ il nous sera demandé de nous retourner afin d’y reconnaître notre pire ennemi. Et là, surprise, cet ennemi que l’on pense découvrir ou à qui l’on pense à ce moment, est symbolisé par notre propre image, cet ennemi n’est autre que nous même. Ce face à face avec notre reflet a pour but de nous exhorter à nous souvenir que nous n’aurons de pire ennemi que nous-mêmes, et de nous poser cette question : « L’homme, est-il pour lui-même le meilleur de ses amis ou l’ennemi le plus à craindre ? » L’ami est souvent celui que l’on pense connaitre le mieux ; l’ennemi par contre celui que l’on connait le moins. Thomas Hobbes, penseur du 16ème siècle disait que « L’homme est un loup pour l’homme ». L’épreuve du miroir nous invite à s’affronter soi-même, à regarder au-delà des apparences. A cette étape du chemin initiatique, ce sera la dernière fois, que nous verrons notre image en tant que profane. A cet instant marquant, ayant quitté le monde des faux semblants, le miroir devient, de fait, l’outil incontournable de la vie initiatique, tant pour l’apprenti, le compagnon que pour le Maître. Dorénavant, nous nous regardons différemment dans le miroir, car c’est ce à quoi nous y engage notre enseignement par les symboles, qui est de dépasser le visible pour l’invisible, le paraître pour l’être. On se rend bien compte que le miroir occupe une position stratégique parmi les moyens de se connaitre, il permet de poser en face de soi un autre soi même et en se regardant dedans, aller à la découverte de notre être véritable. Il est le parfait symbole de la connaissance de soi, car si nous possédons en nous les germes de notre perfection la plus complète, nous possédons aussi les armes de notre propre destruction. Ce qui nous conduit au mot « V.I.T.R.I.O.L » qui prend alors toute son importance et il est indissociable du fameux précepte « connais-toi toi-même et tu connaîtras l’univers et les dieux » de Socrate, dont le sens porte sur le dédoublement du regard intérieur, évoqué sous la forme du miroir qui permet à l’œil ou à l’âme de se voir tout en se regardant. Le miroir est l’objet par excellence de l’introspection. Faire son autocritique, en bousculant son esprit par son auto-analyse, réfléchir à ce que nous sommes et qui nous sommes, à nos qualités et à nos défauts, à notre façon de voir le monde qui nous entoure. Invitation à la réflexion et à la méditation, après ces interrogations fondamentales sur la recherche du soi, il n’est donc pas étonnant que le miroir devienne le support d’un anagogisme extrêmement riche dans l’ordre de la connaissance. Lire dans le miroir de nos pensées, afin que « je » ne sois plus un autre et qu’il tende ainsi vers la perfection. Laosi, fondateur présumé du taôisme disait : « Qui connait les autres est avisé, qui se connait lui-même est éclairé » Pour conclure je dirais que la première propriété du miroir est de refléter la vérité et la sincérité de l’individu qui s’y observe ; par conséquent celle de son cœur et de sa conscience. Le miroir n’a pas, pour seule fonction, de refléter une image, il reflète le regard et le regard est le contenu de l’âme. C’est au travers du regard de l’autre que nous existons et au travers de l’autre qu’existe d’autres vérités. La Maçonnerie est un miroir qui nous réunit avec nos ressemblances et nos différences, nos facultés, nos faiblesses. J’ose croire que nous aspirons tous, au même idéal, celui d’œuvrer en commun au perfectionnement intellectuel, moral et spirituel de l’humanité, pour la Liberté, l’Egalité et la Fraternité. Je terminerais par cette phrase : « Le miroir existe parce que la lumière existe. A quoi servirait un miroir dans l'obscurité. Au plus nous avançons vers la Lumière et au plus le miroir grandit... » J’ai dit B\ C\ |
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