Obédience : NC | Loge : Mediterranée - Orient de NICE | 08/09/2014 |
Voyage au centre de la terre Lorsque le moment fut venu de réfléchir à mon premier travail, VITRIOL me semblait adapté, j’allais chercher à développer ce qui éveillait ma sensibilité de géologue : terre, pierre ! Ayant frôlé la mort durant mon parcours d’apprentie, cet évènement a renforcée l’idée, que ce sujet était mien. Je venais de vivre une seconde naissance comme ce voyage au centre de la terre permet de mourir à la vie passée. Dans mon titre la tentation était trop forte de faire référence à Jules Verne et de ramener cela à nos différents voyages car je note que cet auteur par ses écrits les a tous évoqués : La Terre, l’Air, l’Eau et le Feu. On me demande de laisser mes métaux avant le grand départ, sans ma boussole de géologue je n’ai plus de repère dans l’espace… Délestée de ce qui me retient sur terre à mon quotidien, mon esprit peut s’élever et changer de perspective. Lorsque je fus introduite dans le cabinet de réflexion je me suis interrogée sur ce contact de premier abord sinistre, avec la maçonnerie et j’ai été profondément marquée. Je pouvais voir, à la faveur d’une flamme vacillante mais vivante, un crâne, du sel, du soufre, du mercure, une faux et un sablier, un coq sur une bannière où se trouve écrit vigilance et persévérance, du pain et de l’eau et surtout le mot VITRIOL (visita interiora terrae rectificando invenies occultum lapidem) qui signifie visite l’intérieur de la terre en rectifiant tu trouveras la pierre cachée. Même si sur le moment je n’ai pas tout compris, j’allais m’apercevoir que le cabinet de réflexion est comme une caverne alchimique où se déroule un rite de purification, une matrice dans laquelle je devais renaître purifiée. Durant de nombreuses années j’ai travaillé au cœur de la Caune de l’Arago à Tautavel. J’ai cherché à connaitre le mode de vie de cet homo-Erectus vieux de 450 000 ans. Au cours de cette recherche, un instant restera gravé dans ma mémoire : une fin de journée ou ayant oublié un outil de fouille, je suis remontée le chercher 300 mètres plus haut dans la montagne. Seule dans cette grotte et le cœur battant par l’effort de l’ascension, protégée de l’habituel brouhaha vocal de toute l’équipe de fouilleurs, j’avais le sentiment de me trouver au commencement de la vie, des hommes vivant dans la terre au sein de cavernes initiatiques qui devinrent ainsi les premiers temples. Je vivais une sorte d’archéologie spirituelle. Dans le cabinet de réflexion, je me suis aussi trouvée dans un lieu couvert, cachée de tout regard et éclairée seulement par une bougie. Je suis dans une caverne. Ce lieu petit et oppressant provoque en moi un choc psychologique. Les premiers hommes ne se cachaient ils pas dans une caverne et non sous un arbre ? J’ai envie ici de tenter de rassembler ce que mon parcours de géologue profane m’a permis d’observer avec certains symboles : Au sein des grottes que j’ai explorées j’ai vu l’image du temps faussement immobilisé au travers des stalactites et des stalagmites dont la réunion des gouttes chargées de calcaire prend la forme d’un sablier, ce qui est en bas rejoint ce qui est en haut et inversement. En spéléologie on parle d’aven, il s’agit d’une cavité dont l'accès s'ouvre dans le sol et qui présente la forme d'un puits vertical, ce qui la rend difficilement accessible. Le puits est ici l’intérieur de la terre où se trouve la pierre cachée. D’autres grottes m’ont permis de découvrir l’existence de formes de vie originelles fossiles et aveugles. Alors cette image me ramène au cabinet de réflexion et son côté sombre, la vie se crée dans le noir telle la graine en terre ou l’ovule fécondé dans la cavité utérine. D’un point de vue symbolique la terre est féminine, gestative et représente le sein d’où est issue la vie. Le cabinet de réflexion est un puits du fond duquel nous apercevons en levant la tête, ce minuscule point lumineux qui sera le but de notre quête, et qui grandira de plus en plus au fil de notre ascension initiatique. La symbolique de la caverne est double : élévation de l'âme ou descente aux enfers. Elle représente à la fois la voûte du ciel et la porte du royaume des ténèbres et des esprits. Dans la caverne, le temps n'existe pas, il n'y a ni hier, ni demain car le jour et la nuit y sont semblables. Elle est le centre du Monde. Lorsque la stalactite rejoint la stalagmite, elle forme le Pilier du monde, qui relie le ciel et la terre et moi qui n’y voyait qu’un sablier ! Entrer dans une caverne c'est faire un retour à l'origine. La caverne est un lieu de passage de la terre vers le ciel. La mort profane permet la « descente aux enfers » qui est un voyage souterrain auquel la caverne donne accès. La Caverne est un symbole universel, c'est un espace sacré, un lieu central, réceptacle d’énergie tellurique où s’effectue une transformation, Mort, Renaissance, Initiation. C'est aussi un lieu de Passage, une Porte d'élévation de l'âme. De quelle terre parle-t-on ? D’un point de vue symbolique, par opposition au ciel, la Terre est considérée comme féminine et matricielle mais ce dernier terme par jeu de langage m’évoque le mariage entre terre et ciel. Cet endroit sombre et froid invite à l’introspection, je vais devoir apprendre à descendre dans les profondeurs de mon âme. Voilà un programme très chargé qui va occuper ma vie maçonnique, j’ai visité l’intérieur de la terre dans le cabinet de réflexion, je dois poursuivre en me rectifiant jusqu’à découvrir la pierre cachée. Visite ce terme évoque pour moi un mouvement, un regard approfondi et curieux et même en position assise immobile j’ai fait mon premier voyage, j’ai vécu ma première épreuve. La terre que certains pensent stables sous nos pieds est en fait en perpétuel mouvement avec sa rotation, ses tremblements, ses éruptions. La grotte, la caverne tous ces termes utilisés pour représenter le cabinet de réflexion sont les portes vers le centre de la terre, au plus profond de moi-même ou je vais trouver progressivement le noyau central en travaillant la pierre brute que je suis et en laissant le temps au temps. La terre faite de poussières stellaires est fécondée par le ciel mais n’oublions pas que la terre féconde le ciel si nous humains savons être sages et respectueux. Par l'étymologie, « Homme », tout comme « Humus », signifie « terre » et humus et humilité ont la même racine. La lecture des ouvrages de Pierre Rabhi m’a permis d’élargir ma vision de la Terre, du rôle sacré de l’humus et de son lien indissoluble avec les autres règnes de la Création. L’auteur aime à nous rappeler que « Humus, Humidité, Humanité et Humilité » ont la même racine. Voilà bien une raison à l'humilité nécessaire de l'homme qui doit, de son humus se nourrir de la terre. C'est-à-dire qu'il lui faut suffisamment d'humilité pour lire les signes dans la terre, cet élément qui avec l’eau, l’air, la chaleur est le bien le plus précieux que nous ayons pour vivre. Au sein du cabinet de réflexion, telle une graine au sein de la terre, nous sommes enfouies protégées de la lumière et nous allons germer prêts à éclore aux travers de nos futurs actes d’initiées participants à l’édification du temple. Henri Tort-Nouges dans l’Idée maçonnique a dit : « Ainsi l’initiation veut amener l’homme de la terre au ciel, des ténèbres dont nous sommes prisonniers à la lumière, de l’inconscience à la conscience, du monde sensible au monde intelligible, du monde de la nature à celui de l’esprit, de la servitude à la liberté ». On m’a demandé d’écrire mon testament, oui je devais mourir à ma vie profane pour renaître plus vertueuse. J’étais prisonnière de ma vie antérieure et à présent je vais donner un autre sens à ma vie, je devais descendre pour ensuite m’élever. La Terre est l'un des quatre éléments de la vision du monde alchimique et devant moi se trouvent certains symboles qui se rejoignent dans ma pensée. Vigilance et Persévérance : Ces deux mots placés sous le coq en forme de bannière m’ont indiqué que je devais être attentive aux divers symboles mais que seule une patiente persévérance me permettra une compréhension intelligente. La faux, bien entendu rappelle pour moi la mort mais également la moisson de cette terre gestatrice que nous ensemençons et entretenons. Le sablier m’évoque la fuite du temps mais également en le retournant il nous conduit à l'idée du renversement du temps et du retour aux origines et également au passage du haut vers le bas. Sel, Soufre et Mercure : Le sel est un des premiers éléments que j’ai pu voir dans le cabinet de réflexion. Il me semblait banal et étonnant d’évidence car pensais-je la vie sous toutes ses formes est issue du milieu marin et le sel est indispensable à la vie. Je suis tentée de faire le lien avec le fait qu'il peut se dissoudre et cristalliser à nouveau. Une nouvelle cristallisation offre une nouvelle existence à l’élément qui se trouve purifié. Le sel, une fois dissout, ne se recristallise pas tel qu’il était, ses impuretés demeurent au fond de l’eau. Une nouvelle cristallisation offre une nouvelle existence à l’élément qui se trouve purifié. Oswald Wirth (la franc-maçonnerie rendue intelligible à ses adeptes T1 – l’Apprenti) s’appuie sur les principes alchimiques qui sont pour lui la clé de l’apprentissage. La symbolique qu’il décrit propose trois éléments : l’élément positif, l’élément négatif et l’élément neutre. Celle-ci. précise que toute chose créée contient ces trois principes qui concentrent les énergies : Le corps auquel serait associé le principe neutre, le sel ; l’âme symbolisée par le souffre et l’énergie créatrice, l’Esprit à laquelle est attribuée le Mercure. Le sel représente la réunion avec le souffre et le mercure, en leur permettant d’atteindre un point d’équilibre. L'ambivalence des symboles, notamment en ce qui concerne le sel et le soufre, avec l'aspect positif, tourné vers la vie, la lumière, le bien et l'aspect négatif, tourné vers la mort, la destruction, l'irréel, possède en soi une signification : aucune chose n'est bonne ou mauvaise en soi. Enfin le pain et l'eau constituent la nourriture de l'ermite qui s’isole souvent dans une grotte, ou celle du prisonnier dans son cachot. Ils symbolisent les nourritures du corps et de l’esprit, matérielles et spirituelles. La nourriture du corps est indispensable à la vie mais ne doit pas en être le but ou la finalité. L’eau est indispensable à la vie, le pain fait de froment symbolise la force morale et la nourriture spirituelle. la présence de l'eau rappelle que la récolte du blé n'est possible que si l'eau féconde la terre. L'idée de complémentarité est donc soulignée dans le symbole du pain car il existe grâce à l'eau, au feu et à l'homme qui a su s'en servir. Je vous ai parlé de cavernes, de grottes, à présent je dois descendre au centre de la terre pour un travail de rectification personnel mais également afin de mieux m’intégrer auprès de vous toutes mes sœurs dans le corps de la Loge. J’aimerais pouvoir retourner au sein du cabinet de réflexion et si ce n’est physiquement au moins prendre le temps, le plus souvent possible, de me ressourcer, de descendre en moi afin de m’améliorer. Je vais mener le mieux possible mon travail de spéléologue avec patience et discernement. Je ne suis pas rentrée par hasard dans ce cabinet, et je crois d'ailleurs que je n’en sortirais jamais, c'est le point de départ de mon chemin maçonnique mais non une étape accomplie. Etre meilleure premier pas pour mieux aider les autres. L’idée qui germe en moi, qui est de toute évidence présomptueuse mais vers laquelle je vais tendre modestement est d’approcher au mieux le ciel vertueux de mon vivant ; La vie m’a donné à nouveau cette chance et je m’accorde le droit de la saisir. Mon travail sur la pierre brute a commencé. Je pense qu’il va me demander du temps, de l’humilité, de la persévérance et de la patience car il sera de mon point de vue toujours inachevé. Lorsque mon métier ou mes loisirs m’amèneront à visiter une grotte, une caverne, je penserais quel extraordinaire cabinet de réflexion ! Il est à la fois fin et commencement. Fin d'un errements profane et commencement d'une quête de la connaissance. Je ne peux terminer ce premier travail sans penser à mon frère Louis Falcucci, aujourd’hui décédé, qui m’avait écrit en m’offrant un livre : « A 3 ans le chemin à parcourir peut sembler long, le travail trop important. Mais il n’est pas de pierre qui ne puisse être taillée. Il suffit de prendre le temps, d’être persévérante et d’écouter son cœur ». Merci à mes SS secondes surveillantes qui m’ont accompagnée et qui par la découverte du fil à plomb m’ont enseigné l’axe de la connaissance de soi du fond vers le sommet. J'ai dit T\ V\ P\ L\ |
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