GODF | Loge : NC | 19/10/2009 |
Le Temple
intérieur La notion de « Temple intérieur » est pour moi indissociable de la station prolongée dans l’obscurité et la chaleur lourde du cabinet de réflexion, confronté à des objets dont la symbolique m’échappait, à des sentences inscrites à la craie par un doigt invisible pointé sur moi et qui m’interpellait, à ce mot V.I.T.R.I.O.L. qui se gravait dans ma mémoire. Visita Intériora Terrae Rectificando Invenies Occultum Lapidem qui se traduit par:”visite l’intérieur de la terre et en rectifiant, c’est à dire en inspectant l’intérieur de ta nature, en redressant tes défauts et en épurant le superflu, ayant appris à maîtriser tes vices et tes passions, persévérant dans ton cheminement, tu pourras aller trouver la pierre philosophale, avec laquelle tu bâtiras ton Temple intérieur. » L’évocation du « Temple intérieur » fait référence dans le langage maçonnique à la construction du temple du roi Salomon, ce roi en quête éternelle de la perfection. Il a mis toute sa sagesse et sa motivation dans l’édification de ce temple mirifique, réalisation par excellence de toute sa vie. » Ce Temple est un Symbole pour les Francs-Maçons et rien de plus, mais un symbole d’une ampleur magnifique : celui du Temple idéal à jamais inachevé, dont chaque Maçon est une Pierre, le Temple de la Paix profonde vers laquelle tendent tous les Maçons sincères qui se désintéressent de l’agitation du monde profane » dit Jules BOUCHER. Cette recherche de la perfection qu’est la construction du temple appliquée à l’homme est devenue un point central de la symbolique maçonnique, en ce sens qu’il n’est pas demandé au maçon de construire un édifice architectural réel mais plutôt d’entreprendre un travail de reconstruction de soi, de son intelligence et de son psychisme. Il est plus difficile à un homme de se surpasser, de lutter contre ses démons et ses imperfections profondes que de bâtir un véritable ouvrage architectural. Les francs-maçons ne sont pas les seuls à œuvrer pour lutter contre leur nature « pécheresse » afin d’essayer de devenir meilleurs : ils se sont appropriés l’enseignement des religions monothéistes qui ont pour but de conduire l’homme au Paradis, au Nirvana…Mais la perfection n’est pas de ce monde… L’histoire de l’Humanité montre que seuls des rapports de force ont existé entre les hommes, heureusement atténués et pondérés par les règles de la vie en société transmises par l’éducation et par les lois rédigées par un législateur, mais la fable du pot de terre et du pot de fer de Jean de la Fontaine continuera encore longtemps à être enseignée dans les écoles et les plus forts l’emporteront toujours sur les plus faibles et ceci dans tous les domaines de la vie. L’égalité entre les hommes sera toujours un leurre, certains nés intelligents et physiquement forts tandis que d’autres psychiquement faibles et handicapés. Seule la mort dans ses conséquences mettra toujours à égalité un roi et un indigent… Lors de mon initiation, j’ai reçu pour mission de construire mon temple intérieur grâce au travail sur moi entrepris avec l’aide de mes Frères sous la direction du 2ème surveillant ; ainsi ai-je appris à identifier mes propres imperfections, à les reconnaître comme telles, à trouver les moyens adaptés pour y remédier, tous ces efforts consentis représentant la perpétuelle construction de mon temple intérieur. Déjà dans l’Antiquité, Socrate stigmatisait le « connais-toi toi-même », cette inscription que j’ai eu le privilège de lire sur le temple de la Pythie à Delphes et qui avait pour but non pas d’encourager à une connaissance psychologique de soi mais plutôt à remémorer aux hommes qu’ils ne sont que des mortels et à les inviter à prendre conscience de leurs limites . En réalité cette devise laisse entendre que l’homme ne se connaît pas vraiment, elle nous invite donc à entreprendre une descente dans les profondeurs de notre intériorité pour trouver l’essence de notre être. Ainsi donc, par l’introspection, nous pouvons accéder à une certaine connaissance de nos sentiments, de nos qualités et de nos défauts, de nos motivations et de nos convictions. Mais combien il est difficile de reconnaître et d’accepter ses défauts, ses faiblesses et ses erreurs de jugement, surtout lorsqu’il s’agit de soi-même et »on voit plus facilement la paille qui est dans l’œil de l’autre que la poutre qui est dans le nôtre », plus prompts que nous sommes à condamner les autres auxquels nous sommes pourtant si semblables. Nul ne doit ignorer son ego, traduction de nos instincts profonds et de nos pulsions qui nous poussent en permanence à nous affirmer, à nous imposer aux autres, créant un éternel rapport de forces et exprimant un désir de domination. Comme tout homme j’éprouve un véritable besoin d’être connu, reconnu, aimé, respecté, apprécié, à défaut de quoi la frustration ou le désespoir pourront être à l’origine de comportements excessifs de ma part. Le franc-maçon ne doit pas ignorer son ego mais par contre il doit canaliser ses pulsions et ses réactions passionnelles, travailler sur son moi profond, ce que certains profanes ne peuvent faire, ne contrôlant plus leur existence et allant encombrer les cabinets des psychiâtres et psychologues. Le besoin d’amour et de contact avec les autres nous fait masquer nos faiblesses et notre vulnérabilité pour ne pas paraître tels que nous sommes alors que la vraie force est d’accepter nos faiblesses, sachant que les autres ne sont pas différents de nous et que les apparences sont toujours trompeuses. Nous sommes tous des êtres humains, marqués dès notre naissance par tous les défauts liés à notre nature d’êtres humains. C’est pourquoi nous devons devenir plus tolérants, moins orgueilleux, hypocrites, dissimulateurs, apprendre à écouter les autres et nous enrichir de ce qu’ils nous offrent, apprendre à aimer et à partager, apprendre à nous détacher du matériel et du clinquant. L’ambition, le pouvoir, la gloire et les honneurs sont les buts de ceux qui n’ont guère de richesse intérieure. Nous préférons essayer de changer les autres plutôt que nous-même. La reconnaissance de nos propres défauts est une belle preuve de notre volonté de nous améliorer. Après le retour de la descente dans les profondeurs de moi-même dans le cabinet de réflexion et après avoir reçu la Lumière lors de mon Initiation, j’ai débuté un long travail de recherche et d’apprentissage de la connaissance de moi dans le but d’éradiquer mes travers les plus profonds et d’approcher non sans difficulté l’objectif final : la voie de la sagesse. Dans cette quête, j’ai compris que le franc-maçon n’est jamais seul, entouré qu’il est par ses frères qui le soutiennent par leur savoir et leur amour, qui lui enseignent le maniement des outils symboliques destinés à son œuvre de transformation de soi. L’interprétation des symboles est une chose très subjective, facilitée par l’enseignement des 1er et 2ème Surveillants et par les travaux partagés en tenue. La difficulté de l’apprentissage symbolique justifie un enseignement rigoureux basé sur la répétition - illustrée dans le rituel de la loge -, dans le partage des idées, dans le respect de la parole de l’autre, dans l’enrichissement commun que tous les frères tirent des travaux présentés. Toutefois, on peut être franc-maçon et ne rien faire au niveau de son Temple intérieur par manque de conviction quant à l’utilité de ce travail personnel. L’expérience m’a montré qu’il arrive que des frères pêchent encore par des attitudes excessives, des débordements et des travers non maîtrisés, nuisant ainsi parfois à l’harmonie de leur atelier…J’ai appris à pondérer si ce n’est à éviter les jugements sur mes frères, j’ai pris conscience que tout franc-maçon, quel que soit son parcours initiatique, quelle que soit sa vie profane, doit toujours chercher à être honnête avec lui-même, travailler en permanence sa pierre brute afin de ne pas être un profane habillé en franc-maçon, mais un vrai franc-maçon que l’on peut reconnaître dans la vie profane à son comportement, sa façon de s’exprimer, ses qualités d’écoute, son ouverture d’esprit. Un franc-maçon ne redevient pas un profane en quittant l’enceinte du temple, son action et sa réflexion se poursuivent au-delà. Mon Temple intérieur rayonne alors sur l’extérieur et mes frères me reconnaissent ainsi comme l’un d’entre eux. Engagé en politique depuis de nombreuses années, j’ai cru longtemps que je ne parviendrais pas à rendre compatible un long travail sur moi-même dans le cadre d’une activité maçonnique assidue et des responsabilités électives très contraignantes en matière de disponibilité. Quel ne fut pas mon soulagement quand j’ai pris connaissance de l’Article 1er de la Constitution du GODF: » la FM se veut le point de rencontre (réunir ce qui est épars) de gens de toutes origines qui oeuvrent en commun à la recherche et à la compréhension des problèmes du monde et qui privilégient ce qui est bon pour l’homme. »J’ai souvent entendu dire et certains pensent que la franc-maçonnerie est un bon tremplin pour la vie politique et l’abordent en tant que tel parce que l’on peut y nouer des alliances, des réseaux d’influence et y faire des rencontres utiles comme dans les clubs service… Je peux affirmer ici que telle n’a pas été ma démarche, convaincu que si un « vrai » franc-maçon s’engage dans la vie politique, s’il a véritablement travaillé sur son Temple intérieur, alors on peut espérer de son action qu’elle soit utile et efficace pour tous. Les exemples historiques sont légion, ils ont pour une bonne part constitué la trame de mon premier morceau d’architecture dont j’ai souhaité que le sujet soit : « Engagement politique et idéaux maçonniques » Comme l’a écrit Albert Camus dans « le mythe de Sisyphe » à propos de l’action politique : « il n’y a qu’une action utile, celle qui referait les hommes et la terre »… Comme l’a également écrit Jean Mourgue, « l’initiation maçonnique apporte précisément à ceux qui ont le privilège – et c’est un privilège politique – d’en bénéficier, l’ouverture sur un ensemble de valeurs et l’approche d’un certain nombre de données fondamentales qui lui permettront, s’ils les méditent suffisamment, d’éclairer et de justifier leur action dans la cité » J’ai acquis la conviction que l’engagement politique est rempli de dangers car le pouvoir change les hommes, le pouvoir éloigne les hommes les uns des autres. Le Frère Montesquieu ne disait-il pas dans son ouvrage « De l’esprit des lois » : »C’est une expérience éternelle que tout homme qui a du pouvoir est porté à en abuser . Celui qui parle au nom des autres peut s’assourdir du bruit de sa propre voix et ne plus laisser d’écoute disponible, créant chez les autres frustration, distance, méfiance, tout le contraire du lien que cet engagement avait pour objectif de créer. L’homme public est souvent sourd de lui-même, épris de l’habitude de lui-même, ce qui fait que le son de sa propre voix l’engage dans une surdité définitive à l’égard de l’autre ». L’Histoire nous montre que certains hommes politiques ont fait de longues carrières, certains ont accompli de grandes choses et ont œuvré au progrès et à la paix tandis que d’autres n’ont su que se servir et apporter bien peu de choses en contrepartie. En guise de conclusion, je retiendrai ce qu’écrit dans son ouvrage « ce que je crois » Jean Guehenno : « je n’aime de tout moi-même que les hommes qui ne se plaisent jamais tout à fait et qui sont toujours tentés par quelque perfection...rien n’est plus beau au monde que ce travail de soi sur soi » Le travail que je dois accomplir sur moi-même est comparable à celui que doit faire sur lui-même le sujet justiciable d’une psychanalyse, travail jamais achevé mais pas inutile : pour évoluer, avancer et s’améliorer, il faut que je le veuille et que je sois capable de me remettre en question, ce qui n’est pas une tâche aisée dans un monde qui a tourné le dos à toutes les philosophies, religions et idéaux positifs. Mais je ne suis pas seul dans cette œuvre longue et souvent difficile, uni que je suis à mes frères dans ce « travail de soi sur soi » car sans les autres, nous ne sommes rien et l’autre, c’est chacun de nous et chacun de nous est une pierre de l’édifice de notre groupe.Au sein de notre Atelier et chacun dans sa vie profane, nous oeuvrons ensemble à l’édification d’un édifice commun et simultanément à l’édification de notre temple intérieur. J’ai dit. D\ G\ |
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