Le Voyage

Vénérable Maître et vous tous mes frères, je vais donc ce soir tenter de vous parler du Voyage. L’homme le définit dans son dictionnaire comme un  parcours qui fait passer d’un lieu à un autre, d’un point de départ à un point d’arrivée … Ce parcours  peut être physique ou mental ou même souvent les deux à la fois, il peut être également purement « symbolique ».

Mais comment comprendre cette notion de voyage si on ne parle pas quelque peu du Voyageur…

Qui est donc ce Voyageur qui nous intéresse ce soir, sinon tout simplement nous-mêmes, vous et moi, nous qui sommes assis là, à l’intérieur de ce temple, mais également tous nos frères et sœurs, disséminés ça et là, mais également, tous les êtres qui avancent sur le chemin de leur Vie en  ce monde d’en bas qui pourrait n’être finalement qu’une étape dans ce grand Voyage qu’il nous est donné de vivre en tant que fils de l’Univers.

Je vous propose donc de suivre quelque peu notre voyageur, cet être humain ordinaire qui tant bien que mal, trop souvent, subit le Voyage tumultueux qu’est sa Vie … Faisons comme s’il était nous-mêmes … Et souvenons - nous, tous autant que nous sommes ce soir, partons un peu comme en voyage, allons un peu nous balader au fond de nous mêmes, au fond de nos souvenirs, au fond de notre cœur …

Déjà tout petit, on nous parle comme ça, tu ne peux pas décider, on est là pour ça, c’est l’heure de se coucher, mets ton pyjama. Et puis on grandit mais ça ne change pas, tu cries fort la Vie, on te dit tais-toi, tu es trop jeune pour ci, tu es trop vieux pour ça, tu n’es qu’un apprenti, obéis aux lois. On nous parle de Dieu, de Jésus et Judas, du plus haut des cieux ils veillent sur toi mais  ferme les yeux surtout quand tu vois la misère s’approcher un peu trop près de toi, tu seras un homme mon fils, tu seras, un bel uniforme tu auras, obéis aux ordres, on sera fier de toi, tes envies de mordre, tu les oublieras. On se met des masques pour ne pas étouffer dans le vent des bourrasques de nos destinés et tous nos fantasmes on les met de côté, comme des ectoplasmes on erre à jamais. On nous dit Liberté, fraternité, on nous fait même croire en l’égalité, ainsi tous ensemble, on tourne dans le même sens, il faut suivre l’exemple, ne pas faire offense, il faut rester dans le rond, le rond des décideurs et cela semble être sans rémission. Pour beaucoup de ces voyageurs ordinaires de la Vie, cela reste en effet sans rémission mais pour  d’autres de ces voyageurs dans l‘ Eternité, peut être plus réceptifs à la Sagesse, à la Force, à la Beauté de ce Monde, pour ceux-là, pour nous-mêmes, à trop tourner, à trop se faire violence, renaissent du passé nos rêves d’enfance, on se souvient qu’un jour on était nous-mêmes, qu’on vivait d’Amour comme dans les poèmes. On se souvient de nos livres d’images où l’on rêvait page après page, on était bien plus courageux, on partait pour de lointains voyages vers des pays, des paysages, à travers des mondes fabuleux. On se souvient qu’on était des enfants innocents, au sourire franc, au cœur vaillant, ce que l’on voulait, c’était tout simplement vivre heureux. Pour avancer on suivait le vent, qui nous menait, avec du temps, sur le chemin des bienheureux.

Alors on se dit que c’est bien dommage, tout ce temps perdu dans cet engrenage, alors on se dit qu’est venu le temps de vivre une Vie loin des faux-semblants.

Qu’on soit noir ou blanc, rouge, jaune ou vert, on est tous frères sur cette terre, acceptons donc d’ouvrir les yeux , acceptons de voir, au delà du rond des décideurs, la  Lumière qui  nous appelle … N’est-ce  pas pour cela que nous sommes là ce soir, n’est-ce pas parce qu’un jour, au détour d’un méandre du chemin de nos vies respectives, nous avons voulu répondre à cet appel, à cette Lumière merveilleuse qui nous montre depuis le cap à suivre tel un phare qui ramène à bon port le voyageur au long court égaré.

Je pense qu’au plus profond de chaque être humain, de chacun de ces Voyageurs de l’Eternité, il y a une soif de Vérité, de Lumière mais l’homme ordinaire d’aujourd’hui n’est plus, bien souvent, qu’un animal intellectuel, tiraillé par son Ego et des désirs contradictoires, ballotté comme une coquille de noix sur l’Océan de sa Vie . De nos jours, l’homme est considéré en fonction de la quantité de biens qu’il possède ou selon le bagage de connaissances intellectuelles qu’il a intégré. De ce fait, l’homme navigue entre son savoir et ses avoirs et ce règne de   l’Avoir, justement, fait oublier petit à petit à l’Homme qu’il se doit aussi d’Etre. Les religions monothéistes, en éloignant de plus en plus le Dieu unique qu’elles prêchent de sa création, en le rendant de plus en plus inaccessible  à l’Homme, ont oublié cette phrase du fondateur de la civilisation égyptienne, Hermès Trismégiste qui énonçait au Monde des Hommes: « Ce qui est en haut est comme ce qui est en bas », ainsi, l’homme a oublié que le Divin est omniprésent et que chaque manifestation de la Nature qui nous entoure est une manifestation de ce Dieu unique. En oubliant cela, l’écart entre Dieu et l’homme se creuse de plus en plus et le voyage de l’homme en se monde ne tient plus compte de ce qu’il y a en haut et devient un mouvement perpétuel vers le bas, c’est une chute dans les ténèbres de la matière, le point de  départ de son voyage est sa naissance sur cette terre et le point d’arrivée est sa mort et durant ce parcours, il subit le règne de la Matière et oublie qu’il est lui même une créature divine et le Voyage devient une lutte contre le temps et le but de ce voyage n’est plus que de jouir au maximum des bienfaits matériels de cette Terre . Et maintenant que l’homme, à force de vouloir avoir et posséder encore et toujours plus, à force de ne s’intéresser qu’à son Ego, à force d’oublier ce qui le relie aux autres humains mais également à toute autre manifestation de la création jusqu’à l’ UNIVERS tout entier, à force de marcher comme un aveugle, privé de cette Lumière divine, cette étincelle qui fait qu’un homme est un Homme véritable, l’humanité, pour la première fois de son existence en ce bas monde, a la possibilité de se détruire totalement en quelques instants .

Nous sommes donc plus que jamais face à l’ « être ou ne pas être » de Shakespeare, et d’ailleurs, la question ne se pose même plus … Si l’Homme ne se décide pas à être un Homme véritable, s’il continue à se contenter d’errer en ce monde sans chercher au plus profond de lui le but réel de son voyage sur cette terre, il court à l’autodestruction.

Et lorsque le Voyageur de la Vie que nous sommes se souvient que « ce qui est en haut est comme ce qui est en bas », il comprend mieux cette phrase qui nous dit: « Homme, connais-toi toi même, et tu connaîtras l’Univers et les Dieux ». Il comprend que pour continuer son voyage, il doit larguer ses chaînes et toutes ses amarres, il doit se libérer des dogmes et des vérités toutes faites, sortir de ses labyrinthes et de ses impasses. Il doit mourir en tant qu’homme ordinaire pour renaître en tant qu’Homme véritable, il doit bien sûr continuer son voyage terrestre afin d’accomplir sa mission en ce monde et pour cela, il doit accomplir le Grand Œuvre de l’Alchimie, notre Art Royal, c’est à dire se réaliser en tant qu’Homme véritable en donnant pour base à son Voyage, l’accomplissement d’une quête, partir à la découverte de lui-même.

Et c’est ainsi qu’en franc-maçonnerie, après avoir écrit notre testament philosophique, après avoir laissé derrière nous nos Avoirs et nos excédents de bagages intellectuels, l’Initiation nous apporte la Lumière et les outils nécessaires à l’accomplissement de cette Quête. Et comme Ulysse, qui bien avant nous fit ce beau Voyage, nous sommes heureux, heureux de ne plus être ballottés comme des coquilles de noix dans le tumulte des océans de nos vies, heureux d’entrevoir enfin le chemin, heureux car portés par la Lumière qui éclaire ce chemin, ce chemin des bienheureux, ce chemin unique qui nous mènera, avec du temps, à la connaissance initiatique, celle qui ne s’acquiert pas au travers des livres de classe mais dans une étude profonde de soi, celle qui se traduit par le langage du cœur, celle qui fait à nouveau briller en nous l’étincelle divine du début des temps .

Et pendant que nos pas laisseront des traces indélébiles sur cette Terre, pendant que nos paroles apporteront leurs rimes au doux poème infini de la danse de la Vie, les yeux levés vers le ciel, nous laisserons notre esprit s’abreuver encore et toujours aux sources intarissables de cette connaissance universelle de ce qui fait la Force, la Sagesse et la beauté de ce Monde. Et notre Voyage sur le chemin de cette connaissance nous ménera patiemment à la recherche de l’Harmonie et de la Beauté en toute chose, à la découverte de nous même et de l’Univers, à l’Amour et à la Sagesse, à l’expérience mystique et intime de celui que nous nommons le Grand Architecte de l’Univers.

Depuis la nuit des temps, l’Humanité est en marche pour un Voyage vers une véritable découverte d’elle-même et c’est la Lumière initiatique, en éclairant le chemin qui mène à la connaissance universelle, qui révèle à l’Homme la route de l’accomplissement de son Destin.

J’ai dit …

F\ J\