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La chaîne d'union


La toute première fois que nous appréhendons réellement la réalité de la Chaîne d’union, au-delà de lectures ou de confidences, est -tout au moins pour tous ceux qui sont nés au Rite Ecossais Ancien et Accepté- le moment où, toujours plongé dans le noir,  deux mains enserrent chacune des nôtres alors qu’une voix, déjà familière, précise :
« V M, le néophyte est dans la Chaîne d’union et il prie qu’on lui accorde la Lumière ».

La suite de la cérémonie et notamment la recommandation du V M  participe déjà de la découverte du sens de la Chaîne d’union :
« Vous le voyez, Néophyte, l’aspect de cette assemblée a bien changé. Plus d’épées menaçantes tournées contre vous ! Vous n’apercevez que des Frères formant une Chaîne d’union, qui symbolise l’union de tous les Francs-maçons répandus sur la surface de la terre. Regardez et, si vous apercevez quelque ennemi parmi nous, exécutez votre promesse. »

Cette demande de main tendue en oubli du passé, formulée au milieu de Frères, accueillants, au sein du Temple, dévoilé, en compagnie du Parrain, celui par qui tout a commencé, replace le récipiendaire devant ses engagements. 
En effet même s’il a pu recevoir la Lumière, ce, après bien des épreuves, des exhortations, des recommandations, et avant le  Serment qui parachèvera son parcours de néophyte en lui permettant d’intégrer la communauté des Frères, il  pressent, à ce moment là, que son entrée en Franc-Maçonnerie n’aura de sens que dans le respect des autres et dans le respect de soi-même.
C’est pourquoi le V M précise également tout de suite après :
« Nos mains vous unissent à nous et à l’Autel de la Vérité ! Leur serrement vous annonce que nous ne vous abandonnerons pas, aussi longtemps que la Vérité, la Justice, la Discrétion et l’Amour fraternel vous resteront sacrés. »

Ainsi, ensemble, tous unis dans une même quête, nous parcourons, chacun à notre rythme ce chemin qui doit nous mener à devenir un autre nous-même.
En cela nous choisissons de participer, et par-là même nous bénéficions de la solidarité maçonnique. Ce qui est rassurant, bien évidemment ;  le fait de savoir que des Frères nous gardent de l’erreur  et du découragement en toute fraternité est très rassérénant.
Mais également exigeant !
Car nous aussi, devons participer à cette obligation. Ce qui nous impose de nous adapter à la vie collective au sens d’intégration au groupe formé par TOUS les Frères en étroite interdépendance avec eux…
Le nouvel Apprenti, pourra d’ailleurs aller plus avant dans cette réflexion en parcourant l’« Instruction au premier degré » sur cette perspective.

Pour mémoire quelques exemples parmi bien d’autres :
- « La Franc-Maçonnerie est une alliance universelle d’hommes éclairés, groupés pour travailler en commun au perfectionnement intellectuel et moral de l’humanité. » ;

 - « Un Franc-Maçon se reconnaît à sa façon d’agir, toujours équitable et franche (Signes) ; à son langage loyal et sincère (Mots) ; et à la sollicitude fraternelle qu’il manifeste pour tous ceux à qui il est rattaché par des liens de solidarité (Attouchement) ».

Un Franc-Maçon ne peut donc être admis dans cette Chaîne d’union que s’il n’est, d’abord sincère avec ses idées, donc avec sa conscience, ni en communion d’esprit et d’actes avec ses Frères, ses autres semblables.
Belle image  que ce message !
Et quel sujet d’introspection !
Cependant, ce même Apprenti va revivre à la fin de sa cérémonie de réception une autre Chaîne d’union alors très différente dans sa forme.

Aiguisant sa curiosité il lira dans le rituel, « Mémento du premier degré » que la Chaîne d’union peut être exécutée de deux manières :
En « chaîne courte » s’il s’agit d’un Secret( bras croisé sur la poitrine, le bras droit au-dessus) ; en « chaîne longue »  (les bras ouverts) dans tous les autres cas.
Et dès lors s’interrogera-t-il sur ces deux aspects de cette Chaîne d’union. Et sur leurs significations.

Tout d’abord quelle est donc signification de cette transmission d’un Secret?
Le Secret, dans le domaine de l’ésotérisme a eu, autrefois, une fonction de préservation des connaissances. Aujourd’hui, la discrétion reste certes de rigueur ; mais, paradoxalement, également pour des raisons plus communicantes.
Les vrais secrets initiatiques sont du domaine intérieur, car difficilement communicables. Chacun est face à lui-même, en correspondance avec ce qui est sa révélation personnelle. Nous touchons ici du doigt  aux relations du Symbolisme avec le  raisonnement intuitif. Faisant appel au cheminement intérieur, en fonction du degré de la connaissance assimilée, le Secret se dévoile de découvertes en découvertes. Ainsi, l’adepte de cette quête, par la recherche, l’intuition, la réflexion, la méditation et la persévérance se prépare à apprendre en commun ce qui ne peut être dit.
Cette connaissance-fusion, au-delà du Secret « rituellique » de fermeture de la loge, est le véritable Secret en question.

Ensuite quelles valeurs symboliques peut-on accorder aux différentes composantes des Chaînes longues et courtes ?
Il convient avant tout de préciser ce qui leur est commun et ce qui les différencie.
Dans les deux cas, les Frères se rassemblent autour du Tableau de Loge et des colonnettes en se tenant par les mains, dégantées, pour former un cercle.
Dans la Chaîne dite longue les Frères ne croisent pas les bras, mais les étendent, un peu comme dans une ronde.
Dans celle dite courte ils croisent les bras sur la poitrine, le droit au-dessus du gauche. La main gauche est ouverte, paume vers le haut, pour recevoir ; la droite est fermée, paume vers le bas, pour transmettre... En effet au sens traditionnel la main droite possède un sens actif et est assimilée à l’avenir ; alors que la main gauche, passive est associée au passé.

Par contre, dans les deux façons, les Frères observent le plus profond silence. Seul le V M, qui est le point de départ de la Chaîne et celui d’aboutissement, prend la parole. Ce particularisme du Silence à une profonde signification.

Dans la tradition occidentale, le silence est l’outil de l’apprentissage. Faire silence, c’est écouter ; c’est ce rendre disponible à la parole de l’autre.
Mais c’est aussi se rendre sensible à ce qui se passe au-delà du langage. La personnalité profane est reléguée au second plan. Elle se tait pour faire place à l’émergence de l’esprit qui permet seul l’accès au sacré mais aussi au Secret. Ce, dans une écoute qui est attention.

Dans la tradition orientale, le silence est d’abord celui du mental, hors de la pensée discursive et logique. Dans le silence le méditant va tenter de réduire les fluctuations de l’intellect. Ainsi le silence en soi est vecteur de disponibilité pour que s’exprime le Soi, ici et maintenant.
Nous voyons ici que les deux traditions peuvent, et selon moi, doivent, étant complémentaires, trouver un écho parmi les Frères formant la Chaîne.

Examinons maintenant ce que l’on peut envisager dans la position des Frères réunis en cercle autour du Tapis de Loge et des colonnettes.
A ce sujet, il convient d’aborder le pendant de la chaîne d’union qu’est la Houppe dentelée.

Décor des Loges écossaises, cette corde entoure celles-ci dans leurs parties supérieures en passant par l’Orient et se termine par les houppes effilochées aux deux colonnes ; elle est également représentée sur le Tapis de Loge dont  elle fait le tour depuis la colonne du Nord jusqu’à la colonne du midi en passant également par l’Orient. Elle comporte alors un certain nombre de nœuds - appelés également lacs d’amour- et renferme emblèmes et symboles.

Le terme Chaîne d’union est d’ailleurs utilisé par GUENON -Symbole de la science sacrée- dans cet unique sens. Il y voit, entre autre, la signification symbolique du « cadre du cosmos » entourant tout édifice sacré, en pendant du cordeau - outils ayant servit à le tracer. Il insiste également sur le nombre de nœuds, qui selon lui devraient être au nombre de douze, eu égard aux signes du Zodiaque, et enfin précise le caractère symbolique d’encadrement de la Chaîne d’union destinée à relier ou à unir. Ce en correspondance avec les labyrinthes, les nœuds et par extension avec liens, les fils ou autres axes (cf. la Chaîne des mondes).

Je ne me bornerai, pour ma part qu’à esquisser quelques éléments de réflexion.

Ainsi la Houppe dentelée est-elle ouverte au contraire de la Chaîne d’union. Elle permet ainsi l’accès au Temple et aux Mystères. Elle entoure effectivement emblèmes et symboles tout en les séparant du monde extérieur.
Elle désigne, en quelque sorte la différence extrême entre les choses cachées et les choses profanes.

Dans son ornementation nous trouvons les symboles du lien, de la tresse,  du cadre, de la spirale… Que les Frères de cet Atelier, bien plus expérimentés que moi pourront aisément expliquer.

Je m’arrêterai par contre sur le terme même de chaîne. Qui  constitue le symbole des liens et des relations entre le Ciel et la Terre -cf. PLATON qui fait allusion à la corde lumineuse, la Chaîne d’or, enchaînant l’Univers ; d’une façon plus générale elle exprime la même chose  entre deux êtres. Ainsi dans le sens socio psychologique, elle marque l’évolution personnelle par rapport aux autres. Or, à mon sens, rien n’est plus difficile du point de vue psychique que de sentir l’indispensable lien social, non pas comme une forme d’imposition une chaîne lourde et imposée, voire munie d’un boulet-, mais comme une adhésion spontanée et régénératrice parce qu’enrichissante. Ceci plus encore dans le monde du sacré que dans le monde du profane…

Un mot des nœuds ou lacs d’amour, formés de cette même corde non fermée et non coupée en forme de huit couché. Ou comme le précisait un auteur non cité : « ces nœuds en forme d’enchevêtrements formés par le tracé d’une ligne continue disposée en une figure circulaire ».

Le nœud est bien évidemment en rapport symbolique avec le double concept du lien et de la délivrance. Il a des sens bien différents selon les lieux, les religions ou les civilisations… 
Les nœuds ouverts de la Chaîne d’union -Houppe dentelée-, lesquels ressemblent étrangement à la position adoptée au niveau des bras lors de la Chaîne courte,  semble vouloir préciser, à mon sens,  l’attachement volontaire et non contraignant à un Principe, et en même temps un recentrage sur soi et sur le Principe. C’est le lien qui nous relie à cette obligation que nous avons délibérément souhaitée. C’est également d’une certaine manière le symbole unificateur, celui de la reconstruction, car ayons présent à l’esprit que ces nœuds, ces liens ouverts, délimitent l’espace sacré.

Dans les différentes formes de la Chaîne, les Frères ont les mains dégantées. Or les gants blancs des Maçons signifient  principalement que par leurs blancheurs leurs  mains sont vierges de toutes souillures. Par ailleurs il est expressément  indiqué dans le rituel que la tenue obligatoire comporte le port de ces mêmes gants blancs. Dès lors pourquoi se dégantent-ils lors de la Chaîne ?
Il est communément admis que placer ses mains dans celles d’autrui, c’est remettre sa liberté ou plutôt s’en désister en lui la confiant. C’est en quelque sorte faire abstraction de son affirmation de pouvoir. La main est en effet un symbole de Pouvoir ; citons en les quelques représentations : la main de Dieu ; le sceptre ; l’imposition des mains…
Or, le but de la Chaîne d’union est de créer à un moment particulier un égrégore selon la dénomination ésotérique.
C’est un moment exaltant d’émotion. Un instant où les Frères s’unissent en fraternité.

Qui ne saurait donc être compatible avec le port d’une quelconque protection destinée à éviter tout contact avec l’impur !

D’ailleurs comment en effet un Frère pourrait-il être impur ?

Par ailleurs, il se développe durant la Chaîne d’union un magnétisme très fort. Une sorte de courant énergétique, provoqué par la formation de cet égrégore, réceptacle et transmetteur d’énergies. Dont les mains sont le vecteur. Elles transmettent l’énergie, la force que l’un à en plus à l’autre.
Ainsi, unis par elles dans la Chaîne, nous retrouvons-nous ensemble  pour partager  une communion de pensée et de convictions. Lesquelles se traduisent par un élan chaleureux vers l’autre, envers les autres. Ceci permet aux Frères de se placer au-dessus de ce qui divise. Et, dans l’absolu, de renoncer à l’intérêt individuel au profit d’une valeur ressentie comme supérieure.
Et ainsi, pratiquer une véritable fraternité.
Voilà en quoi la Chaîne d’union est créatrice et réceptive. Elle rassemble nos différences, nos énergies éparses et elle permet d’accomplir en nous  l’harmonie du conscient et de l’inconscient.
Rassemblés en un et en l’Un, le regard focalisé vers le Centre, vers le point originel, vers le fil à plomb c’est à dire vers la croisée des chemins d’expansion de la Loge, de l’Orient à l’Occident, du Midi au Septentrion, du Zénith au Nadir, c’est à mon sens le moment le plus fort de la Tenue.
Car chaque maillon de la Chaîne, chaque Frère, chaque pierre vivante, en reconstituant le Temple symbolique, participe à cette métamorphose de l’être et des êtres.
La Chaîne véritable « génératrice » dont le courant produit -les ondes produites par la pensée de tous- irradie bien au-delà du temple ainsi que ces extraits de paroles de clôture l’indiquent :

« Cette Chaîne nous lie dans le temps comme dans l’espace. Elle nous vient du passé et tend vers l’avenir. Par elle, nous sommes rattachés à la lignée de nos ancêtres ; par elle doivent s’unir les Francs-Maçons de tous les Rites, de toutes les Races, de tous les Pays ».

Cette Chaîne représente bien le symbole de fraternité et d’union de tous les Maçons.

Vous l’aurez compris, mes F, dans ce travail, j’ai surtout voulu exprimer des sensations plutôt que tenter de prouver.

Car pour moi cette Chaîne d’union touche plus du domaine du ressenti que du domaine de l’expliqué.

Aussi, je pense que les FF, exprimerons  maintenant leur vision de ce moment unique.

F\ P\  


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